Jurisprudence : Cass. crim., 23-06-2015, n° 14-84.553, F-D, Rejet

Cass. crim., 23-06-2015, n° 14-84.553, F-D, Rejet

A9866NLY

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Cass. crim., 23-06-2015, n° 14-84.553, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/24971769-cass-crim-23062015-n-1484553-fd-rejet
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N° V 14-84.553 F D N° 2866
SC2 23 JUIN 2015
REJET
M. GUÉRIN président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par - M. Z Z,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 4e chambre, en date du 20 mai 2014, qui, pour harcèlement moral, l'a condamné à 3 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 mai 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle BÉNABENT et JÉHANNIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;
Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-33-2 du code pénal, 6, § 1, et 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire du code de procédure pénale ensemble les articles 427, 591 et 593 du même code, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. Z coupable de faits de harcèlement moral et en conséquence condamné ce dernier à une peine de 3 000 euros d'amende correctionnelle ainsi qu'à payer à M. ... ... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que selon l'article 222-33-2 du code pénal, constitue le délit de harcèlement moral le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il sera encore rappelé que l'employeur est tenu, au visa des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail à l'égard de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre des mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés ; qu'il lui est interdit dans l'exercice de son pouvoir de direction de prendre des mesures ayant pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés ; qu'appelée à connaître d'une prévention de harcèlement moral au regard des éléments invoqués par un salarié, la juridiction correctionnelle doit apprécier les faits dans leur ensemble et qu'en se prononçant sur chacun des éléments invoqués par M. ... ... qu'elle a estimé pas établis sans toutefois les apprécier dans leur ensemble, le tribunal correctionnel a méconnu la loi ; que si dans ses conclusions écrites, l'avocat du prévenu allègue que la succession d'arrêts de travail de la partie civile fondés sur des certificats médicaux versés par celle-ci aux débats qui relèvent un état anxiodépressif au regard des propres déclarations de cette dernière à son médecin traitant, ne sauraient démontrer en l'absence de tout document médical sérieux, une altération de la santé physique ou mentale, il convient également de rappeler que la simple possibilité d'une dégradation des conditions de travail de la victime suffit à consommer le délit de harcèlement moral ; qu'en l'espèce, il sera rappelé que par contrat de travail écrit en date du 5 février 2007, M. ... ... a été engagé par le laboratoire Créations Dentaires, sis à Villefranche-sur-Saône (69), représenté par son gérant M. Z, en qualité d'employé en prothèse dentaire, échelon 1 ; que le contrat de travail prévoyait que M. ... travaillait pendant les heures d'ouverture, du lundi au vendredi, entre 8 heures 30 et 17 heures 30, à concurrence de 35 heures hebdomadaires ; qu'en sa qualité d'employé en prothèse dentaire, M. ... devait concevoir et réaliser les travaux de préparation (plâtre, porte empreinte, cires, petites réparations), ainsi que les livraisons de travaux et ce, sous le contrôle de son employeur ; que dans les semaines qui suivaient son embauche et sans modifier le contrat de travail de son salarié, M. Z devait notifier à M. ... ... qu'il devait désormais commencer son travail dès 7h40 (ce que M. Z reconnaît lors de sa comparution devant la Cour) ; qu'il devait par ailleurs lui rappeler dans un écrit du 9 octobre 2009 que ses horaires habituels de travail étaient 7h50 - 12h30 et 13h30-15h50 ; qu'estimant travailler 40 minutes de plus par jour par rapport à l'horaire prévu, M. ... ... avait réclamé à son employeur par courrier du 24 septembre 2009, le règlement d'heures supplémentaires pour les périodes des mois de juin et de septembre 2009, rappelant à son employeur qu'il lui imposait des heures lorsqu'il y avait beaucoup de travail et lui demandait de quitter son poste avant la fin de son horaire habituel ; qu'à compter du même mois de septembre 2009, les relations de travail allaient se dégrader entre l'employeur et son salarié, ponctuées par l'échange d'une quinzaine de correspondances entre les deux hommes, deux dépôts de plaintes de M. ... ... auprès des services de police ainsi que la saisine également par ce dernier de l'inspection du travail de Villefranche-sur-Saône, outre huit arrêts de travail du salarié de février 2010 et enfin le 26 juin 2010, le licenciement du salarié pour inaptitude physique ; que dans un courrier du 28 janvier 2010, M. ... ... avait sollicité de son employeur le paiement de 380 heures 50 supplémentaires non payées ; que le salarié devait saisir le conseil des prud'hommes de Villefranche-sur-Saône en demandant notamment la nullité de son licenciement, outre la condamnation de son ex-employeur d'avoir à payer
- la somme de 17 226,00 euros à titre de dommages-intérêts,
- le doublement de son indemnité de licenciement soit 1 034,88 euros, - le règlement de son indemnité de préavis de 1 871,00 euros,
- ainsi que des rappels d'heures supplémentaires à concurrence de 4 413,00 euros ; que néanmoins, le juge départiteur devait, compte tenu de la procédure pénale, décider le 11 mai 2012 de surseoir à statuer jusqu'au terme de l'instance pénale ; qu'en ce qui concerne les faits de harcèlement moral reprochés à M. Z, la Cour observe tout d'abord, que les témoignages de Mmes ... ..., ... ..., ... ..., attestent outre de la mauvaise ambiance de travail régnant dans l'entreprise, mais surtout des agissements répétés de l'employeur ayant pour finalité la dégradation des conditions de travail de M. ... ... susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que Mme ... ..., salariée déclarée inapte à son poste de travail, déclarait aux services de police le 2 décembre 2010 "il y avait une mauvaise ambiance au travail. Cette mauvaise ambiance était provoquée par le patron. Ça a commencé à s'aggraver lorsque le patron s'est mis en conflit avec un des employés Uros...Je trouve que le patron était mauvais pour tout le monde, mais c'est vrai que c'était surtout le cas pour Uros, pour qui les reproches du patron étaient quotidiens..." ; que sur question des enquêteurs, le témoin répondait "M. ... était le plus visé" ; que sur question concernant la mise à l'écart "on ne pouvait plus parler avec lui (M. ...), car on était tout le temps surveillés, soit par le patron, soit par Mme .... Donc c'est vrai qu'il était un peu mis à l'écart" ; que sur question, le témoin répond "le patron était vraiment méchant" ; que de même Mme ... ..., lors de son audition du 3 janvier 2011 par les service de police, précisait sur question des enquêteurs "oui, il y a eu des accrochages et M. Z a le don d'écraser les gens, de les rabaisser, tout est bon pour rabaisser quelqu'un" ; que sur question "M. ... était constamment rabaissé par M. Z. Il l'a poussé à bout jusqu'à la dépression. Tout est bon pour faire remarquer à M. ... qu'il était le larbin" ; que Mme ... ..., démissionnaire de la société, entendue le 6 décembre 2010 par les services de police devait préciser à cette occasion "Fred (... ...) voulait se faire payer les heures supplémentaires. Mon patron n'était pas d'accord et après, il n'a pas arrêté de l'embêter", en rappelant le double contrôle dont il faisait l'objet concernant les livraisons qu'il assurait ; "il avait des mots durs. Un jour il a demandé à M. ... de nettoyer des fientes sur la carrosserie. Mon patron a dit qu'il n'était pas capable de nettoyer des fientes. Pendant une période, il se faisait engueuler régulièrement par le patron...On sentait qu'on avait pas le droit de parler à Fred, le patron nous regardait un peu méchamment si on discutait avec M. ......En fait dès qu'il veut qu'une personne parte, M. Z pousse l'autre à la faute et du jour au lendemain le travail que fait cet employé ne va plus. Ce sont des reproches incessants" ; que ces témoignages multiples et concordants, rapportent les reproches quotidiens adressés par l'employeur à son salarié (lenteur, manque d'efficacité dans le travail, départ de l'entreprise sans avoir terminé le travail, incapacité à accomplir le travail demandé) non dans un but pédagogique ce qui rentre dans le rôle de direction de l'employeur mais avec le seul souci de faire souffrir le salarié, l'avilir et le rabaisser, altérer sa santé physique ou mentale en l'amenant à la dépression et à son départ volontaire de l'entreprise ; que le témoignage de ... ..., qui manifestement a pris le parti de son employeur, n'apparaît pas fiable et objectif et ne saurait être pris en considération ; qu'il résulte également des éléments d'information recueillis dans un premier rapport de l'inspection du travail du 13 avril 2010 - que tous les salariés à l'exception de M. ... ... avaient reçu des chèques cadeaux en fin d'année 2009, l'employeur restant incapable de préciser en quoi ce dernier avait démérité pour ne pas recevoir la moindre gratification, se contentant d'indiquer que le salarié n'avait rien reçu en raison de son comportement et non de son travail ;
- que les heures supplémentaire étaient réglées aux autres salariés, sauf à M. ... ..., ce dernier n'ayant pas la possibilité d'en effectuer suite aux entretiens avec son employeur les 1er et 2 mars 2010, au cours desquels il lui avait été précisé "de ne pas faire d'heures supplémentaires, de terminer les tâches qu'il avait à faire sans laisser de travail en plan" ; - que les salariés avaient été témoins des altercations entre MM. ... ... et ... ; - que M. Z avait réuni le personnel - sauf M. ... - les 19 et 20 avril 2010 en leur lisant un texte relatif à l'obligation de loyauté dans le contrat de travail, ce qui visait clairement l'attitude de M. ..., considérée par son employeur comme étant déloyale ; qu'au cours de ce premier rapport, M. Z avait pourtant déclaré au contrôleur du travail venu dans son entreprise que M. ... ... lui donnait toute satisfaction quant à la qualité du travail qu'il effectuait ; que ces agissements répétés de l'employeur, visaient à nouveau à atteindre le salarié dans ses droits et sa dignité, le faire rejeter par l'ensemble de ses collègues de travail, et étaient par ailleurs destinés à lui faire perdre pied en l'affectant particulièrement tant moralement sur ses capacités de travail voire personnelles, pour notamment lui faire quitter l'entreprise de son propre chef et éviter à M. Z une procédure de licenciement fort coûteuse ; que dans un second rapport du 25 mai 2010, le contrôleur du travail de Villefranche-sur-Saône relatait l'utilisation par l'employeur d'un GPS traceur dans le véhicule utilisé par M. ..., alors que ce dernier était déjà tenu de remplir des fiches de livraison ; que selon l'article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que l'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée de travail, n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen ; que cette utilisation d'un GPS qui constituait un second mode de contrôle tatillon mais également désormais illicite de l'activité du salarié, avait de surcroît pour finalité non pas de renseigner l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction mais d'apporter une nouvelle atteinte à ses droits de salarié et à sa dignité, de nature à relativiser la confiance qui pouvait être placée en sa personne et à le déstabiliser dans l'accomplissement de ses tâches quotidiennes, tout en renforçant la pression psychologique de l'employeur sur son salarié, notamment dans la volonté de lui faire connaître un stress permanent au travail ; qu'enfin, les agissements multiples de l'employeur consistant en une dégradation des conditions de travail du salarié sont encore caractérisés par les événements suivants - l'envoi d'un courrier en date du 28 septembre 2009, sous-entendant qu'il venait ivre au travail, en écrivant notamment "je profite de cette mise au point pour vous rappeler qu'il est interdit de venir au travail sous influence de l'alcool et je vous avertis que dorénavant vous ne serez plus accepté au laboratoire dans cet état", alors que l'intéressé ne s'est présenté qu'une seule fois sur son lieu de travail fatigué en 2008 à la suite de sa participation à la fête des conscrits ; étant précisé que l'employeur trouvait utile de rappeler cet état de fatigue dans un nouveau courrier qu'il adressait à son salarié le 19 octobre 2009 ; - l'ordre donné le 30 mars 2010 par M. Z au personnel de laisser la porte du vestiaire ouverte pendant que le compresseur était en marche ; qu'il sera rappelé à ce stade de l'exposé que le vestiaire est attenant au local de travail de M. ... ; que comme le bruit en résultant lui donnait des maux de tête, le salarié en avait informé son employeur qui avait laissé néanmoins la porte ouverte ; que sur le fait d'avoir ordonné de laisser la porte du vestiaire ouverte le 30 mars 2010, pièce dans laquelle se trouvait le compresseur et attenante au local de travail de M. ..., l'employeur expliquait avoir donné cet ordre afin que le compresseur ne "chauffe pas" ; qu'il affirmait que le niveau sonore du compresseur n'était que de 68 décibels, comme indiqué sur la notice de cet équipement de travail ; que devant la cour, il précisait que M. ... ... qui était depuis 2007 dans l'entreprise ne s'était jusqu'alors pas plaint du bruit du compresseur ; - la remise le 31 mars 2010, par M. Z à tous les salariés leur payes, à l'exception de celle de M. ... ..., auquel il était proposé d'attendre le lendemain pour recevoir sa paye ; que lorsque celui-ci réclamait en fin de journée son salaire du mois de mars, M. Z indiquait au contrôleur du travail que les autres salariés avaient reçu leurs salaires le matin même et qu'il avait seulement signé le soir le chèque destiné à M. ... ... pour lui remettre sans rien dire ; - la substitution le 12 avril 2010 aux boules quiès dont bénéficiait M. ... ... d'un casque antibruit assez imposant ; qu'avait par ailleurs été déposé sur le poste de travail du salarié "un masque à gaz" ; que le 14 avril 2010, une forte odeur se dégageait des fours ; qu'utilisant à cette occasion le masque de protection mis à sa disposition par son employeur, il avait constaté que le masque n'était pas adapté car il l'empêchait de porter ses lunettes de vue ; qu'avisé de la situation, M. Z, ce dernier lui avait répondu que "ce masque était dans les normes" ; qu'alors qu'il lui était rappelé que le casque anti-bruit et un masque fournis à M. ... n'étaient pas compatibles avec le port de lunettes de vue, il s'insurgeait "comment faisait-il avant pour travailler alors qu'il avait ses lunettes sur son front ?" ; - la convocation de M. ... ... le vendredi 16 avril 2010 par M. Z pour un entretien individuel en présence de Mme ... ..., salariée de l'entreprise ; que M. Z lui avait adressé lors de cet entretien les mêmes reproches concernant sa lenteur dans le travail ; que Mademoiselle ... avait décidé de ne pas assister à cet entretien, ne s'estimant pas concernée et avait sollicité de l'employeur une entrevue avec l'ensemble du personnel afin d'améliorer les relations de travail ; - la réunion les 19 et 20 avril 2010 par M. Z de tout le personnel à l'exception de M. ... ... afin d'obtenir des attestations relatives à l'altercation du 16 avril 2010 entre le salarié et son employeur mais également sur les horaires décalés de M. ... ; que comme les salariés étaient réticents à établir de telles attestations, M. Z les avaient réunis le lendemain à la même fin, leur lisant à cette occasion un texte rédigé dans les termes suivants "tout contrat de travail donne naissance à une obligation de loyauté réciproque entre l'employeur et le salarié. Pour le salarié, cette obligation consiste de façon générale à ne pas nuire à la société employeur, et ce tant à l'intérieur (ce qui équivaut à savoir "tenir sa langue") qu'à l'extérieur de l'entreprise. Notons que cette obligation est loin de n'être que formelle, comme le prouve sa sanction. En effet, la violation de cette obligation peut être une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire constitutive d'une faute grave ou lourde pouvant justifier le départ immédiat du salarié de l'entreprise sans préavis ni indemnités" ; - le reproche adressé le mardi 20 avril 2010 par M. Z à M. ... ... d'avoir été trop rapide lors de sa tournée de livraison ; - l'instruction adressée le vendredi 23 avril 2010 par M. Z à M. ... ... de nettoyer les fientes d'oiseaux se trouvant sur le véhicule de livraison ; qu'alors habituellement, M. ... ... recevait de M. Z un jeton de lavage, il lui avait été demandé pour l'occasion d'enlever les fientes à l'aide d'essuie-tout et un peu d'eau ; qu'il avait refusé d'effectuer cette tâche qu'il avait ressentie comme vexatoire ; qu'à la suite de l'inexécution de ce nettoyage, son employeur lui avait adressé un avertissement écrit (M. Z confirmant cet avertissement lors de sa comparution devant la Cour) ; - les nouveaux reproches adressés les 26, 27, 28 et 29 avril 2010 par M. Z à M. ... ... [de] ne pas aller assez vite dans l'exécution de ses tâches ; que comme il assurait qu'il faisait "son maximum", il disait s'être vu répondre par son employeur que "s'il n'était pas content, il n'avait qu'à aller porter plainte contre lui" ; que les nouveaux agissements de M. Z ne sauraient pas plus s'inscrire dans le pouvoir de direction de l'employeur mais dans la volonté de ce dernier de dégrader les conditions de travail de son salarié en portant atteinte aux droits et à la dignité de ce dernier [celui-ci étant réprimandé le 16 avril 2010 par l'employeur devant l'une de ses collègues, se voyant commander une tâche avilissante (nettoyage dans les conditions les plus précaires de fiente d'oiseau sur un véhicule) alors qu'il recevait un jeton de lavage auparavant pour nettoyer le véhicule, recevant par ailleurs pour l'exécution de son contrat de travail un matériel inadapté, ou encore devant subir le bruit d'un compresseur sous le prétexte que l'appareil ne devait pas chauffer, enfin la volonté de l'employeur de le livrer au jugement de ses collègues] ; que ces agissements avaient également pour finalité d'altérer la santé physique ou mentale du salarié ou encore de compromettre son avenir professionnel, notamment en le faisant craquer pour le voir quitter rapidement l'entreprise ; que sur ce point, et sans d'ailleurs qu'il y ait lieu de rechercher si les agissements répétés du salarié (sic.) ont effectivement altéré la santé physique ou mentale du salarié, la simple possibilité d'une dégradation des conditions de travail de la victime suffisant à consommer le délit, force est de constater que M. Z a manifestement réalisé ses objectifs, puisque M. ... ... a été déclaré inapte à tous postes dans l'entreprise, que le salarié a subi 8 arrêts de travail, se voyant prescrire un traitement antidépresseur jusqu'en octobre 2011 et le médecin traitant (le docteur ...) précisant que ces arrêts étaient en lien direct avec les conditions de travail de M. ... ..., le docteur énonçant notamment "il n'y a aucun doute pour moi, le tableau clinique est bien lié aux évènements et n'est pas antérieur à ces derniers" ; que la Cour constate par ailleurs que l'employeur qui déclarera au contrôleur du travail que M. ... ... lui donnait satisfaction quant à la qualité des tâches qu'il effectuait, n'a jamais fait contrôler la pertinence des arrêts maladie de son salarié ; que d'ailleurs, la CPAM du Rhône n'a pas plus estimé nécessaire de faire procéder à un tel contrôle ; que de surcroît, si l'avocat du prévenu allègue que la partie civile suivait au moment des faits un sevrage tabagique à travers un traitement à base de champix (attestation de ... ..., beau-frère de M. Z), aucun élément ne vient confirmer la réalité de ce sevrage tabagique et au surplus, ainsi qu'il vient de l'être rappelé précédemment, la simple possibilité d'une dégradation des conditions de travail du salarié suffit à consommer le délit de harcèlement moral ; qu'en définitive M. Z par ses agissements répétés et multiples listés ci-dessus a outrepassé les limites de l'exercice de son pouvoir de direction et a compromis l'avenir professionnel de son salarié M. ... ... ; qu'aucun élément probant ne vient annihiler la prévention initiale ; que sont donc réunis les éléments constitutifs du délit de harcèlement moral pour lequel M. Z a été relaxé ; que le jugement déféré sera réformé et le prévenu M. Z déclaré coupable des faits de harcèlement moral qui lui sont reprochés ;
"1o) alors que tout prévenu est présumé innocent et que la charge de la preuve de son éventuelle culpabilité incombe à la partie poursuivante ; qu'en affirmant, pour entrer en voie de condamnation, qu'or aucun élément probant ne vient annihiler la prévention initiale ", la cour d'appel, qui a ainsi fait peser sur M. Z la charge de la preuve de son innocence, a violé les textes visés au moyen ;
"2o) alors, subsidiairement, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement dans des conditions qui ne la désavantagent pas par rapport à la partie adverse ; que l'exigence d'un procès équitable impose que soit pris en considération l'ensemble des éléments de preuve à charge comme à décharge ; qu'en affirmant, pour écarter le témoignage de Mme ... ... produit par M. Z, que celui-ci n'apparaissait pas fiable et objectif dès lors qu'il prenait manifestement le parti de ce dernier, la cour d'appel, qui a refusé de prendre en considération des éléments de preuve produits par le prévenu au seul motif qu'ils lui étaient favorables, a méconnu les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"3o) alors que le délit de harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail de l'employé, c'est-à-dire une dégradation susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que les agissements relevant de l'exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur ne peuvent constituer le délit de harcèlement moral ; qu'en affirmant, pour entrer en voie de condamnation, que M. ... avait fait l'objet de critiques concernant sa façon de travailler eu égard à sa lenteur dans l'accomplissement de ses tâches, que M. Z avait pris l'initiative, au vu et au su des salariés, de mettre en place un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée de travail et encore qu'il avait substitué un casque anti-bruit aux boules quiès utilisées par M. ... ..., cependant que ces agissements relevaient de l'exercice normal des pouvoirs de direction d'un employeur responsable d'un cabinet de prothèses dentaires, tenu de faire assurer par les personnes placées sous ses ordres la bonne marche de son entreprise, ainsi que de veiller à l'assiduité de son personnel et au respect des consignes de sécurité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"4o) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; qu'en affirmant, pour entrer en voie de condamnation, que M. ... s'était vu remettre un casque anti-bruit inadapté à l'exécution de son contrat de travail dès lors qu'il n'était pas compatible avec le port de lunettes de vue, sans indiquer ni l'origine, ni la nature des pièces sur lesquelles elle s'était fondée pour retenir l'existence d'une telle incompatibilité, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision et violé les textes susvisés ;
"5o) alors que le délit de harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail de l'employé, c'est-à-dire une dégradation susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en affirmant, pour entrer en voie de condamnation, que M. ... ne s'était pas vu remettre un chèque-cadeau en fin d'année 2009 et qu'il avait reçu son chèque de salaire du mois de mars 2010 en fin de journée et non en matinée, la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur des circonstances insusceptibles de caractériser une dégradation des conditions de travail de M. ..., a statué par des motifs impropres à justifier la condamnation retenue et violé les textes susvisés ;
"6o) alors qu'en se fondant, pour entrer en voie de condamnation, sur le non-paiement des heures supplémentaires prétendument effectuées par M. ..., quand un litige concernant ce paiement faisait l'objet d'une instance pendante devant la juridiction prud'homale, exclusivement compétente en la matière, la cour d'appel, qui a préjugé une question ne relevant pas de sa compétence, a commis un excès de pouvoir violant, une nouvelle fois, les textes susvisés" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit de harcèlement moral dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois juin deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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