Jurisprudence : CA Orléans, 11-05-2015, n° 14/01392, Confirmation



COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE CIVILE
GROSSES + EXPÉDITIONS le 11/05/2015
la SCP LAVAL - LUEGER
la SCP DESPLANQUES DEVAUCHELLE
ARRÊT du 11 MAI 2015 N° - N° RG 14/01392
DÉCISION ENTREPRISE Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 01 Avril 2014

PARTIES EN CAUSE
APPELANTE - Timbre fiscal dématérialisé N° 1265 1407 6754 7990
SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE DE PRODUCTION D'HLM d'Indre et Loire exerçant sous la marque MAISON D'EN FRANCE agissant en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

TOURS
Mme Nathalie ..., présente à l'audience,
représentée par Me Françoise LUEGER de la SCP LAVAL-LUEGER, avocat postulant au barreau d'ORLÉANS, assistée de Me Abed BENDJADOR de la SCP BENDJADOR B & A, avocat plaidant inscrit au barreau de TOURS,
D'UNE PART
INTIMÉS - Timbre fiscal dématérialisé N° 1265 1484 0518 1132
Monsieur Jean Pierre Z
né le ..... à PARIS (75015)

BALLAN MIRE
Madame Nicole ZY épouse ZY
née le ..... à PARIS (75018)
17 bis rue des Carnaux
37510 BALLAN MIRE
représentés par M e Valérie DESPLANQUES, dela SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE, avocat postulant au barreau d'ORLÉANS, assistée de Me Cécile BADENIER de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIÉS, avocat plaidant inscrit au barreau de TOURS,
D'AUTRE PART
· DÉCLARATION D'APPEL en date du 16 AVRIL 2014
· ORDONNANCE DE CLÔTURE du 02 FÉVRIER 2015.

COMPOSITION DE LA COUR
des débats
· Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre,
· Madame Laurence FAIVRE, Conseiller.
Lors du délibéré
Monsieur Michel Louis BLANC, Président de Chambre,
Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller.
Madame Laurence FAIVRE, Conseiller,
Greffier
· Mme Evelyne PEIGNE, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS
A l'audience publique du 23 FÉVRIER 2015, à laquelle ont été entendus Madame Laurence FAIVRE, Conseiller, en son rapport ont entendus les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application des articles 907 et 786 du code de procédure civile ;
ARRÊT
Prononcé le 11 MAI 2015 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Sur le rappel des faits et de la procédure
Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY ont acquis le 3 septembre 1998, une maison située à Ballan-Mire (37), construite par la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire avec l'assistance de sous-traitants.
La réception des travaux a eu lieu le 22 juillet 1994, avec des réserves sans rapport avec le présent litige.
En raison de l'apparition de fissures déclarées en 2004, à la SMABTP, assureur dommages-ouvrage, une expertise amiable a eu lieu qui a conclu à l'absence de désordre portant atteinte à la solidité de l'ouvrage.
A la suite de l'aggravation des fissures en 2009 et du rapport d'un expert amiable qui a conclu que les fissures témoignaient d'une fragilité des structures, Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY ont saisi le juge des référés, d'une demande d'expertise à laquelle il a été fait droit le 28 juillet 2009 qui a désigné Monsieur Serge .... Monsieur ... a déposé son rapport le 22 novembre 2009.

Sur assignation formée le 27 juin 2012 à la requête de Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY, le Tribunal de grande instance de Tours a, par jugement du 1er avril 2014, notamment
Dit que l'action introduite par assignation du 17 juin 2012 n'est pas prescrite ;
Dit que la responsabilité contractuelle pour faute dolosive de la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire est engagée ;
Condamné la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire à payer à Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY les sommes de
123 634,51 euros ;
46 320,04 euros au titre des travaux annexes ;
22 153 euros au titre de la rémunération du maître d'oeuvre ; 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance.
La société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire a formé, le 16 avril 2014, un appel général à l'égard de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées le 30 janvier 2015, la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire demande de voir
Infirmer le jugement entrepris ;
Débouter Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY de toutes leurs demandes ;
Les condamner à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens de 1ère instance et d'appel et les frais d'expertise judiciaire.
À l'appui de sa demande, la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire fait valoir qu'elle avait confié la mission de gros-oeuvre à un sous-traitant ; que la pose des chaînages et raidisseurs d'angle avait été prévue dans le marché, facturée et payée ; qu'il n'est pas établi qu'elle aurait laissé le chantier sans la moindre surveillance, en parfaite connaissance des risques que cela aurait pu induire et aurait ensuite, par fraude ou par dissimulation, caché cet état de fait ; elle ajoute que le manque d'armature a immédiatement été caché, une fois la chape coulée et les poteaux d'angle montés, elle ne pouvait donc le détecter.
Par dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2015, Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY concluent à voir
Confirmer le jugement de première instance ;
Condamner la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire à leur verser les sommes suivantes
175 851,51 euros HT au titre des travaux de reprise ;
23 677,71 euros HT au titre de la rémunération du maître d'oeuvre ;
Dire que ces sommes seront indexées et assujetties au montant de la TVA applicable au jour du paiement ;
Condamner la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire à leur verser les sommes suivantes
15 000 euros au titre de la provision sur le préjudice de jouissance ;
5 000 euros au titre du préjudice moral ;
3992,73 euros au titre des travaux d'embellissement des pièces de l'étage ;
5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens et les frais d'expertise judiciaire.
A l'appui de leur demande, Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY font valoir que la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire ne pouvait ignorer l'absence de ferraillage de la construction dans la mesure où elle avait le contrôle et la surveillance du chantier et connaissait donc le risque de nature à entraîner un désordre tel que celui qui est survenu, qu'en outre au vu des compte-rendus de chantier produits par la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire, le premier date du 11 janvier 1994 alors que l'avancement de la construction est à l'élévation du premier étage, cela démontre l'absence de suivi du chantier durant la réalisation du gros-oeuvre et notamment des fondations.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 février 2015.

Sur ce
Sur le bien-fondé des demandes
En application de l'article 2224 du code civil issu de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il est constant que le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, est, sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l'égard du maître d'ouvrage, de sa faute dolosive.
En l'espèce, au vu des pièces communiquées par Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY
Attestation notariale de vente de l'immeuble litigieux à Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY le 3 septembre 1998 ;
Rapport d'expertise amiable du Cabinet ECLC en date du 24 avril 2009 qui mentionne des fissures situées de manière générale dans les angles du bâtiment et précise qu'il n'a pu être détecté, par instrument magnétique, d'armatures aux angles de la construction ;
Procès-verbal de constat dressé par l'huissier de justice le 22 juin 2009 décrivant chacune des lézardes et fissures et situant leur emplacement ;
Rapport de l'expert judiciaire qui conclut, après les recherches qu'il a effectuées en présence des parties et de leur conseil, que " les désordres proviennent essentiellement du manque de ferraillage dans la structure du bâtiment " ;
Il ressort que les lézardes et les fissures qui partent principalement des angles du bâtiment, ont pour cause l'insuffisance de ferraillage dans la structure du bâtiment.
La société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire fait valoir dans ses conclusions que les sondages de l'expert judiciaire étaient insuffisants. Ce moyen ne saurait cependant être retenu alors qu'elle n'a fait aucune observation au cours des opérations d'expertise et qu'à la lecture du rapport d'expertise, il s'avère que l'expert judiciaire a examiné tous les poteaux d'angle et que sur sept d'entre-eux, seuls trois contiennent un ferraillage et que dans l'examen d'un chaînage horizontal et d'une semelle de fondation, pris au hasard, aucun ferraillage n'a été décelé par l'expert judiciaire.
Ces constatations qui confirment celles de l'expert amiable, permettent d'établir la réalité du désordre affectant l'immeuble appartenant aujourd'hui à Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY.
La société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire qui a été chargée de la construction de l'immeuble litigieux par le maître d'ouvrage et qui a mandaté un sous-traitant pour la réalisation du gros-œuvre, était tenue de veiller à la bonne exécution des travaux par son sous-traitant.
Dès lors, compte tenu de sa mission, la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire ne peut limiter celle-ci à celle d'un maître d'oeuvre et par conséquent, ne peut alléguer pour sa défense, qu'elle effectuait hebdomadairement une visite de chantier à l'instar d'un maître d'oeuvre alors qu'elle avait donné mandat à une entreprise d'effectuer à sa place, le travail que lui avait confié le maître d'ouvrage.
D'ailleurs, les procès-verbaux de chantier qu'elle communique aux débats, mettent aussi en exergue l'insuffisance de surveillance exercée par la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire, puisqu'il s'avère qu'ils ne commencent à être établis qu'à partir du 11 janvier 1994 alors que le chantier est avancé au stade de la réalisation du rez-de chaussée, ce qui implique que les fondations sont terminées et qu'en outre, même à ce stade, aucun d'entre-eux ne mentionne les modalités d'exécution des travaux,
Ainsi la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire en n'ayant pas pris les précautions élémentaires pour surveiller la totalité de l'exécution des travaux de gros-oeuvre qu'elle a sous-traités, a commis de manière délibérée, une faute dolosive, de nature à engager sa responsabilité contractuelle, nonobstant la forclusion décennale.
Le point de départ du délai de cinq ans pour mettre en oeuvre sa responsabilité contractuelle pour faute dolosive doit être fixé au 24 avril 2009, date à laquelle le désordre est révélé à Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY dans son origine et son ampleur.
L'action au fond qu'ils ont engagée le 27 juin 2012, n'est donc pas prescrite.
Le jugement entrepris sera confirmé concernant la faute dolosive de la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire et le fait que l'action en responsabilité n'est pas prescrite.
Le désordre lié à l'insuffisance de structure, étant imputable à la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire, celle-ci doit le réparer.
Au vu du rapport d'expertise judiciaire et des devis communiqués aux débats par Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY, il est établi que le montant des réparations s'élève à
175 81,51 euros au titre de la reprise des désordres ;
En raison de leur importance, il est nécessaire que Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY soient assistés d'un maître d'oeuvre, que l'indemnité de ce chef s'élève à 23 677,71 euros ;
Ces deux indemnités seront réévaluées en fonction de l'évolution de l'indice BT01entre le 22 novembre 2011 et la date de prononcé du présent arrêt et seront augmentées du taux de TVA en vigueur à la date de facturation des travaux.
Le jugement entrepris sera réformé concernant le montant de l'indemnité de chacun de ces postes de préjudices.
En revanche, le jugement entrepris qui a fait une exacte appréciation des faits de la cause, sera confirmé concernant le montant de l'indemnité du préjudice de jouissance et le rejet de la demande au titre du préjudice moral.
Au vu du rapport d'expertise judiciaire, la demande au titre des travaux d'embellissement du premier étage n'est pas établie et sera rejetée.
En l'absence d'autre contestation, le jugement entrepris sera confirmé pour le surplus. Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les circonstances de fait et les solutions adoptées en appel justifient qu'il soit fait droit à la demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile et que la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire soit condamnée à payer à Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY la somme que l'équité commande de fixer à
4 000 euros.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire sera condamnée aux dépens de l'appel.
Il sera ajouté à la suite des demandes formées en appel, qu'elle supportera aussi la charge du coût des honoraires de l'expert judiciaire.

PAR CES MOTIFS
STATUANT publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
RÉFORME le jugement entrepris
CONDAMNE la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire à payer à Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY les sommes de
175 851,51 euros au titre de la reprise des désordres ;
23 677,71 euros au titre des honoraires du maître d'oeuvre ;
DIT que ces deux indemnités seront réévaluées en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 22 novembre 2011 et la date de prononcé du présent arrêt et qu'elles seront augmentées du taux de TVA en vigueur à la date de facturation des travaux ;
REJETTE toutes demandes plus amples ou contraires ; CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;
CONDAMNE la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire à payer à Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire à payer le coût des honoraires de l'expert judiciaire ;
CONDAMNE la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire aux dépens de l'appel ;
DIT qu'il pourra être fait application par la SCP Desplanques Devauchelle, avocat de Monsieur et Madame Z Z et ZY ZY, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, pour leur recouvrement.
Arrêt signé par Madame Laurence ..., Conseiller, pour le Président de Chambre empêché et Madame Evelyne ..., greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ, LE CONSEILLER

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