Jurisprudence : CA Bordeaux, 30-03-2015, n° 14/4923

CA Bordeaux, 30-03-2015, n° 14/4923

A6902NED

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CA Bordeaux, 30-03-2015, n° 14/4923. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/23876413-ca-bordeaux-30032015-n-144923
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Abstract

La créance du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le fonds de garantie), subrogé dans les droits des victimes, conserve sa nature, à savoir une créance résultant d'une infraction pénale et constitue bien, au sens de l'article L. 333-1, 2°, du Code de la consommation, une réparation pécuniaire allouée aux victimes dans le cadre d'une condamnation pénale, laquelle est exclue par la loi du champ de la procédure de surendettement.



COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 30 mars 2015
(Rédacteur Madame Béatrice ..., Conseiller,)
N° de rôle 14/4923
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS CVG 795290044/100329170002 -
c/
Madame Catherine Z
Monsieur Bernard Y
Madame Céline Y
U.D.A.F. DE LA CHARENTE
BNP PARIBAS cpte 00000231047 92
C.A.F. de la CHARENTE FSL ÉNERGIE
G.D.F. SUEZ 15106656985808
Société SEMEA 185039 115351
SIP ANGOULEME VILLE TH 2012
TRÉSORERIE OFFICE PUBLIC HLM OPAC 6134
Nature de la décision SURENDETTEMENT
Notifié par LRAR le
Grosse délivrée le
aux avocats
Décision déférée à la Cour jugement rendu le 29 juillet 2014 (RG 11-14-180) le Tribunal d'Instance d'ANGOULEME suivant déclaration d'appel du 07 août 2014

APPELANTE
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, demeurant VINCENNES CEDEX,
régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception,
non comparant,
Représenté par Maître Guillaume ROSSI, avocat au barreau de LYON, substitué par Maître Pierre FONROUGE, avocat au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉS
Madame Catherine Z, de nationalité Française, demeurant ANGOULEME,
Monsieur Bernard Y, de nationalité Française, demeurant VOULGEZAC,
Madame Céline Y, de nationalité Française, demeurant VOULGEZAC,
U.D.A.F. DE LA CHARENTE prise en la personne de son représentant légal domicilié ANGOULEME CEDEX,
BNP PARIBAS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social LYON CÉDEX 03,
C.A.F. de la CHARENTE - Caisse d'Allocations Familiales - prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social ANGOULEME CEDEX,
G.D.F. SUEZ prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social WASQUEHAL CEDEX,
Société SEMEA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social Bernard ANGOULEME CEDEX,
SIP ANGOULEME VILLE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social SOYAUX,
TRÉSORERIE OFFICE PUBLIC HLM prise en la personne de son représentant légal domicilié ANGOULEME CEDEX,
régulièrement convoqué(e)s par lettre recommandée avec accusé de réception,
non comparants,

COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 février 2015 en audience publique, devant Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les observations de la seule partie représentée
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de Madame Henriette FILHOUSE, Présidente,

Monsieur Bernard ORS, Conseiller,
Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats Sylvie HAYET
ARRÊT
- réputé contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
***
OBJET DU LITIGE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par jugement du tribunal pour enfants d'Angoulême en date du 24 novembre 2009, Monsieur Joacquim Z a été déclaré coupable notamment de vol par effraction commis au préjudice de Monsieur Bruno ... et de Monsieur et Madame ... ...
Madame Catherine Z a été déclarée civilement responsable de son fils mineur Joacquim, et condamnée solidairement avec lui à payer à Monsieur ... la somme de 3.400 euros à titre de dommages et intérêts et 450 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale et à Monsieur et Madame ... la somme de 1.000 euros en réparation de leur préjudice moral, soit la somme totale de 4.850 euros.
Monsieur Bruno ... et Monsieur et Madame ... ... ont saisi le SERVICE D'AIDE AU RECOUVREMENT AUX VICTIMES D'INFRACTIONS (SARVI) du FONDS DE GARANTIE attestant n'avoir rien perçu de la part de Madame Catherine Z
Le FONDS DE GARANTIE a versé des provisions aux victimes.
Le 24 décembre 2012, Madame Catherine Z a saisi la Commission de Surendettement des Particuliers de la Charente en vue de voir traiter sa situation de surendettement.
Le 14 janvier 2013, la Commission a déclaré sa demande recevable et l'a orientée vers une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
Par jugement rendu le 12 décembre 2013, le Tribunal d'Instance d'Angoulême, saisi d'un recours formé par le bailleur de Madame Catherine Z, a rejeté ses demandes.
Le 17 janvier 2014, la Commission a émis à nouveau une recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
Cette décision a été notifiée au FONDS DE GARANTIE le 21 janvier 2014.
Par courrier du 24 janvier 2014, le FONDS DE GARANTIE a formé un recours à l'encontre de cette recommandation rappelant que sa créance relève de la catégorie des réparations pécuniaires allouées aux victimes dans le cadre d'une condamnation pénale et est exclue de toute remise, rééchelonnement ou effacement conformément aux dispositions de l'article L.333-1 du Code de la consommation.
Le bailleur Monsieur QY a également formé recours contre la recommandation de la Commission.

Par jugement en date du 29 juillet 2014 le tribunal d'instance d'Angoulême a
- Déclaré recevables les recours formés par Monsieur Bernard QY et par le FONDS DE GARANTIE à l'encontre de la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire prise le 17 janvier 2014 par la Commission de Surendettement des Particuliers de La Charente à l'égard de Madame Catherine Z ;
- Rejeté ces recours sauf en ce qui concerne la fixation de la créance de Monsieur Bernard QY ;
- Dit que Madame Catherine Z est de bonne foi dans son endettement ;
- Fixé la créance de Monsieur Bernard QY à l'égard de Madame Catherine Z à la somme de 9.276,66 euros ;
- Donné force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire prise le 17 janvier 2014 à l'égard de Madame Z

Le FONDS DE GARANTIE a interjeté appel de cette décision par déclaration du 12 août 2014.
Dans ses dernières conclusions déposées le 22 janvier 2015, soutenues à l'audience du 16 février 2015, le FONDS DE GARANTIE demande à la cour de réformer le jugement déféré et dire que la procédure de surendettement ouverte au bénéfice de Madame Z ne lui est pas opposable, exclure en conséquence sa créance des mesures recommandées par la Commission.
Il fait valoir qu'ayant versé des provisions aux victimes de Madame Z, il se trouve légalement subrogé dans leurs droits et peut prétendre recouvrer cette somme selon les dispositions de l'article 706-11 du code de procédure pénale. Il ajoute qu'en vertu de l'article L.422-7 du code des assurances, il dispose d'un mandat conféré par les victimes pour recouvrer les sommes supérieures à celles versées par ses soins, pour une somme totale de 4.850 euros que ces sommes sont majorées de 30% en application de l'article L422-9 du code des assurances ce qui porte sa créance à la somme totale de 5.905 euros. Il admet le principe de recevabilité de la demande de procédure de surendettement de Madame Z mais soutient que cette procédure ne lui est pas opposable et ce en application de l'article L333-1 du code de la consommation, la dette de cette dernière à son égard ayant pour origine une condamnation pénale, il est subrogé dans les droits de la victime pour les sommes qu'il a versées et dispose au surplus d'un mandat légal.
Madame Z n'a pas comparu à l'audience et ne s'y est pas faite représenter. De même aucun des autres créanciers régulièrement convoqués n'a comparu ni a été représenté.
L'arrêt sera réputé contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appel du Fonds de Garantie ne porte que l'inopposabilité à son égard de la mesure de rétablissement personnel bénéficiant à Madame Z dont il ne conteste pas le bien fondé.
En vertu de l'article L.332-5 alinéa 2 du code de la consommation, " Le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendu exécutoire par le juge du tribunal d'instance entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, arrêtées à la date de l'ordonnance conférant force exécutoire à la recommandation, à l'exception des dettes visées à l'article L. 333-1, de celles mentionnées à l'article L. 333-1-2 (...)."
L'article L.333-1 du code de la consommation prévoit que sauf accord du créancier, sont exclues de toute remise, de tout rééchelonnement ou effacement les réparations pécuniaires allouées aux victimes dans le cadre d'une condamnation pénale.
L'article 706-11 alinéa 1 et 4 du code de procédure pénale dispose que
" Le fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge des dites personnes. (...) Lorsque l'auteur de l'infraction a fait l'objet d'une obligation d'indemnisation de la victime dans le cadre d'une peine de sanction-réparation, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'une décision d'aménagement de peine ou de libération conditionnelle et que la victime a été indemnisée par le fonds, soit en application du présent titre, soit du titre XIV bis, cette obligation doit alors être exécutée au bénéfice du fonds de garantie dans l'exercice de son recours subrogatoire et de son mandat de recouvrement au profit de la victime. "
Le montant de la créance du Fonds de Garantie n'est pas discuté, il s'élève à la somme totale des condamnations pécuniaires résultant de la décision du tribunal pour enfants précitée, soit la somme de 4.850 euros pour laquelle il bénéficie de la subrogation légale pour les sommes déjà versées aux victimes à titre de provision et d'un mandat de recouvrement pour le surplus conformément aux dispositions de l'article L.422-7 du Code des assurances. Cette somme est majorée de 30 % en application des dispositions de l'article L.422-9 du Code des assurances, soit la somme totale de 5.905 euros.
Le FONDS DE GARANTIE-SARVI n'est pas un assureur et ne peut y être assimilé dans la mesure où il dispose d'une qualité qui lui est propre, intervenant au titre de la solidarité nationale avec la mission d'améliorer, dans l'intérêt des victimes l'exécution des décisions de justice et de substituer à l'auteur de l'infraction défaillant dans l'exécution des condamnations pécuniaires réparatrices des préjudices causés.
Il résulte des textes précités qu'en vertu du mécanisme de la subrogation légale, le FONDS DE GARANTIE-SARVI est en droit de se prévaloir, à concurrence du montant de la provision qu'il a versé aux victimes, en l'espèce à Monsieur ... et à Monsieur et Madame ..., du titre exécutoire établi au nom de celles-ci, et que d'autre part, en vertu du mandat légal qui lui est conféré, il est fondé à exercer leurs droits et donc à se prévaloir du titre exécutoire dont disposent les victimes et de la qualité de créancier au lieu et place de celles-ci et ce pour la totalité de la créance de réparation.
Le FONDS DE GARANTIE est subrogé non seulement de la créance elle-même, mais également de tous les accessoires qui y sont attachés, sûretés, actions en justice, droits et privilèges conférés par la loi, tant en raison de la nature de la créance qu'en considération de la situation personnelle du créancier initial, sauf lorsqu'un texte l'exclu expressément.
La subrogation a donc pour effet de transférer au subrogé la créance primitive du subrogeant avec ses caractères propres, ni la subrogation, ni le mandat ne changent la nature pénale de la créance initiale.
Dès lors, la créance du FONDS DE GARANTIE, subrogé dans les droits des victimes, conserve sa nature à savoir, une créance résultant d'une infraction pénale et constitue bien au sens de l'article L333-1 2° du code de la consommation une
réparation pécuniaire allouée aux victimes dans le cadre d'une condamnation pénale, laquelle est exclue par la loi, du champ de la procédure de surendettement et plus particulièrement du rétablissement personnel.
Il y a lieu dès lors d'infirmer le jugement de ce chef.
Il sera confirmé pour le surplus dans toutes ses autres dispositions qui ne sont plus contestées en appel par les créanciers.
Les dépens seront laissés à la charge du Trésor Public.

PAR CES MOTIFS
la cour
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la créance du FONDS DE GARANTIE peut faire l'objet de mesures de remise, rééchelonnement ou effacement,
Statuant à nouveau sur ce chef,
- Dit que la créance du FONDS DE GARANTIE est exclue des mesures recommandées par la Commission de Surendettement des Particuliers de La Charente au bénéfice de Madame Catherine Z,
- Confirme pour le surplus dans toutes ses autres dispositions, le jugement déféré - Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Le présent arrêt a été signé par Henriette Filhouse, Présidente, et par Sylvie ..., greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président S. Hayet .... Filhouse

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