Jurisprudence : Cass. civ. 2, 26-03-2015, n° 14-13.902, F-D, Rejet

Cass. civ. 2, 26-03-2015, n° 14-13.902, F-D, Rejet

A6694NEN

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2015:C200506

Identifiant Legifrance : JURITEXT000030410893

Référence

Cass. civ. 2, 26-03-2015, n° 14-13.902, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/23834534-cass-civ-2-26032015-n-1413902-fd-rejet
Copier


CIV. 2 CH.B
COUR DE CASSATION
Audience publique du 26 mars 2015
Rejet
Mme FLISE, président
Arrêt no 506 F-D
Pourvoi no A 14-13.902
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. Z Z, domicilié Marseille,
contre l'ordonnance rendue le 14 janvier 2014 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans le litige l'opposant à M. Y Y, domicilié La Ciotat,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 19 février 2015, où étaient présentes Mme Flise, président, Mme Isola, conseiller référendaire rapporteur, Mme Aldigé, conseiller, Mme Genevey, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Isola, conseiller référendaire, les observations de Me Bouthors, avocat de M. Z, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y, l'avis de M. Lautru, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 14 janvier 2014), que M. Y a sollicité le concours de M. Z, avocat (l'avocat), dans le cadre d'opérations immobilières ; qu'en particulier, l'avocat a été chargé des discussions et négociations relatives à l'acquisition d'un ensemble immobilier situé à la Cadière d'Azur ; que le 6 novembre 2012, l'avocat a sollicité la fixation de ses honoraires par le bâtonnier de son ordre ;

Attendu que l'avocat fait grief à l'ordonnance d'annuler la convention d'honoraires conclue entre les parties le 21 novembre 2011 et de réduire à hauteur de 7 000 euros HT, soit 8 372 euros TTC, les honoraires lui revenant, le surplus de la demande ayant été rejetée, ensemble ses conclusions indemnitaires, alors, selon le moyen
1o/ que l'honoraire de résultat prohibé par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée s'entend du seul d'honoraire conditionné par le succès d'une action judiciaire dont l'échec éventuel demeure aux risques de l'avocat ; que le différé du paiement d'un honoraire forfaitaire convenu entre les parties pour l'exécution d'une mission extrajudiciaire déterminée n'entre pas dans le champ de la prohibition susvisée ; qu'en décidant le contraire, l'ordonnance infirmative attaquée a violé l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;
2o/ qu'est licite la prévision des parties portant sur la date de paiement des honoraires de diligences forfaitairement convenus et définitivement arrêtés pour l'exécution d'une mission extrajudiciaire déterminée ; qu'en affirmant que le paiement des honoraires forfaitaires au jour de la signature de l'acte de vente définitif était soumis à la condition de la réalisation de la vente quand la convention des parties ne stipulait aucune condition de cette nature, l'ordonnance infirmative attaquée a dénaturé la lettre du 21 novembre 2011 en violation de l'article 1134 du code civil ;
3o/ qu'en l'état de la décision du bâtonnier ayant taxé, conformément aux exigences de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, les honoraires d'intervention de l'avocat à 50 000 euros TTC en considération de la réalité et de l'ampleur des diligences établies de novembre 2011 à février 2012, l'ordonnance infirmative attaquée qui, pour la période considérée, n'a pas indiqué les raisons propres à justifier la réduction des honoraires, ni réfuté la motivation substantielle du bâtonnier, ni davantage fait ressortir d'éléments de nature à modifier l'appréciation de ce dernier, a privé sa décision de motif en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 s'appliquent à tous les honoraires de l'avocat sans qu'il y ait lieu de faire de distinction entre les activités judiciaires et juridiques ;
Et attendu qu'ayant retenu, par une interprétation que les termes ambigus de la convention rendaient nécessaire, que l'honoraire stipulé devait s'analyser en un honoraire de résultat et exactement décidé que la fixation d'un honoraire de résultat exclusif de tout honoraire de diligences contrevenait aux dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, le premier président, en l'absence de convention valable entre l'avocat et son client, a, par une décision motivée, souverainement fixé le montant de l'honoraire revenant à l'avocat en fonction des diligences accomplies par lui et de la difficulté de l'affaire ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z ; le condamne à payer à M. Y la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. Z.
Le moyen reproche à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir annulé la convention d'honoraires conclue entre les parties le 21 novembre 2011 et réduit à hauteur de 7.000 euros HT, soit 8.372 euros TTC, les honoraires revenant à M. Z dont le surplus de la demande a été rejeté, ensemble ses conclusions indemnitaires ;
aux motifs que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 énonce que les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client ; à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; que le même article dispose que toute fixation d'honoraires, qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire, est interdite [mais qu'] est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ; que dans ce dernier cas, l'honoraire conventionnel de diligence ne doit pas présenter un caractère dérisoire au regard de la situation des parties ; que d'ailleurs la décision du 12 juillet 2007 portant adoption du règlement intérieur national (RIN) de la profession d'avocat [prohibe], en son article (...) le pacte de quota litis [qui s'entend de la] convention passée entre l'avocat et son client avant décision judiciaire définitive qui fixe exclusivement l'intégralité de ses honoraires en fonction du résultat judiciaire de l'affaire (...) ; qu'il appartient par ailleurs à celui qui se prévaut d'une convention d'honoraires de rapporter la preuve de son existence et de son contenu, ladite preuve pouvant résulter d'un échange de correspondances entre l'avocat et le client ou de tout écrit accepté par les deux parties révélant leur accord de volontés ; qu'enfin, comme tout contrat, la convention d'honoraires obéit aux exigences de l'article 1134 du code civil selon lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi, et son interprétation aux articles 1156 à 1164 du même code qui commandent de rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes et prescrivent, de prendre les termes employés qui sont susceptibles de deux sens, dans celui qui convient le plus à la matière du contrat ;
Qu'en l'espèce, ainsi que l'a relevé le bâtonnier, les deux parties invoquent une convention constituée par un courrier rédigé par M. Y à Maître Z en date du 21 novembre 2011, ainsi rédigé
" Je me réfère à notre dernière réunion en présence de l'agence immobilière et des co-indivisaires dans le cadre du dossier en référence.
Je vous confirme que je souhaiterais que vous m'assistiez afin d'entreprendre les premières démarches nécessaires à la conclusion d'un accord en vue de l'acquisition de cette propriété.
Bien que les vendeurs sollicitent un prix de vente de 2,2 millions d'euros, je souhaiterais procéder à cette acquisition moyennant une somme ne dépassant pas 1,8 million d'euros hors frais d'acte et frais d'agence.
Je souhaiterais également que vous m'assistiez dans le cadre des négociations et discussions avec le conseil des co-indivisaires et leur notaire et ce, afin d'envisager une vente prochainement.
Dans ce contexte, je vous remercierais de prendre contact avec l'agence immobilière et Maître ... ..., notaire, afin de rédiger une offre d'acquisition que nous soumettrons aux vendeurs.
Concernant la fixation du montant des honoraires et frais de votre cabinet dans le cadre de cette affaire, je vous confirme mon accord pour le règlement de la somme forfaitaire de 50.000 euros TTC, ce montant étant payable au jour de la signature des actes définitifs si cela vous convient. Je vous souhaite bonne réception de ce courrier et vous remercie de m'adresser un projet de lettre d'offre dans vos délais les meilleurs ".
Attendu que contrairement à l'opinion du bâtonnier et aux affirmations de Maître Z, il nous apparaît que l'expression somme forfaitaire payable au jour de la signature des actes définitifs signifie clairement, ainsi que le soutient M. Y, non pas que le paiement de la somme de 50.000 euros définitivement arrêtée, aurait lieu lorsque toutes les conditions pour la signature de l'acte auront été remplies, mais que les honoraires ne seraient dus, sous la forme d'un forfait, qu'après signature de l'acte définitif ; qu'ainsi, même si elles n'étaient pas en attente d'une décision judiciaire, les parties n'en avaient pas moins fixé exclusivement l'intégralité des honoraires en fonction du résultat attendu de l'intervention de l'avocat, c'est-à-dire la signature de l'acte de vente définitif ; que cette convention est donc frappée de nullité puisque constituant un pacte de quota litis ;
Que contrairement aux affirmations de M. Y, cette nullité n'entraîne pas, pour l'avocat, la perte de tout droit à honoraires, mais seulement la fixation de ces derniers par application des critères limitativement énumérés par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 susvisé ; qu'en l'absence d'éléments produits quant à la situation de fortune du client, aux frais exposés par Maître Z et à sa notoriété, les honoraires seront fixés au regard de la difficulté de l'affaire et des diligences effectuées par l'avocat ; que s'agissant de la difficulté de l'affaire, celle confiée à Maître Z consistait à aplanir les diverses difficultés, notamment juridiques, qui faisaient obstacle à la conclusion d'une vente définitive et à s'assurer de la régularité des actes projetés ; que s'agissant des diligences réalisées, elles ont été détaillées dans la note de provision sur frais et honoraires du 16 février 2012 qui fait état - de réunions de travail, entretiens téléphoniques et échanges de communication avec M. Y et analyse des pièces, - d'entretiens téléphoniques avec le conseil des vendeurs, - d'entretiens téléphoniques et réunions de travail au Beausset et à Cuers avec les notaires, - de l'établissement d'un projet de lettre d'offre suivie de négociations avec les vendeurs quant au prix de vente, - de nouvelles négociations avec les vendeurs notamment pour la domiciliation d'une société acquéreuse dans les lieux avant acquisition, - de l'analyse du projet d'acte définitif ; que ces diligences ont été effectuées de novembre 2011 à février 2012 ; que, compte tenu de ces éléments, les honoraires de Maître Z doivent être fixés à la somme de 7.000 euros HT, soit 8.372 euros TTC ; que la demande en dommages et intérêts n'est pas fondée ; qu'il n'est pas inéquitable de laisser chacune des parties supporter l'intégralité de ses frais non compris dans les dépens ; qu'enfin les dépens seront à la charge de la partie succombante (ordonnance pages 3, 4 et 5) ;
1o) alors que, d'une part, l'honoraire de résultat prohibé par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée s'entend du seul d'honoraire conditionné par le succès d'une action judiciaire dont l'échec éventuel demeure aux risques de l'avocat ; que le différé du paiement d'un honoraire forfaitaire convenu entre les parties pour l'exécution d'une mission extrajudiciaire déterminée n'entre pas dans le champ de la prohibition susvisée ; qu'en décidant le contraire, l'ordonnance infirmative attaquée a violé l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;
2o) alors, d'autre part, qu'est licite la prévision des parties portant sur la date de paiement des honoraires de diligences forfaitairement convenus et définitivement arrêtés pour l'exécution d'une mission extra-judiciaire déterminée ; qu'en affirmant que le paiement des honoraires forfaitaires au jour de la signature de l'acte de vente définitif était soumis à la condition de la réalisation de la vente quand la convention des parties (prod) ne stipulait aucune condition de cette nature, l'ordonnance infirmative attaquée a dénaturé la lettre du 21 novembre 2011 en violation de l'article 1134 du code civil ;
3o) alors, subsidiairement, qu'en l'état de la décision du bâtonnier ayant taxé, conformément aux exigences de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, les honoraires d'intervention de l'avocat à 50.000 euros TTC en considération de la réalité et de l'ampleur des diligences établies de novembre 2011 à février 2012, l'ordonnance infirmative attaquée qui, pour la période considérée, n'a pas indiqué les raisons propres à justifier la réduction des honoraires, ni réfuté la motivation substantielle du bâtonnier, ni davantage fait ressortir d'éléments de nature à modifier l'appréciation de ce dernier, a privé sa décision de motif en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

Agir sur cette sélection :

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.