Jurisprudence : CA Douai, 26-03-2015, n° 14/02028

CA Douai, 26-03-2015, n° 14/02028

A6366NEI

Référence

CA Douai, 26-03-2015, n° 14/02028. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/23833934-ca-douai-26032015-n-1402028
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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2 ARRÊT DU 26/03/2015
***
N° de MINUTE 15/
N° RG 14/02028
Ordonnance (N° 2010/222) rendue le 17 Mai 2011 par le Président du Tribunal de Commerce d'ARRAS
Arrêt (N°11/3704) rendu le 13 septembre 2012 par la Cour d'appel de DOUAI Arrêt (N°1712 F-P+B) rendu le 14 novembre 2013 par la Cour de cassation REF PF/KH
Renvoi après cassation

APPELANTE SARL ATS NORD
ayant son siège social HENIN BEAUMONT
Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI Assistée de Me Philippe BAZIN, avocat au barreau de ROUEN, substitué par Me Widad ...
INTIMÉS
SARL TAXICOLIS Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

METZ
Représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI
Assistée de Maître Frédéric SCHNEIDER, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANTS VOLONTAIRES
Monsieur David X
né le ..... à LA ROCHELLE (70120)
demeurant
LILLE
Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI
Assisté de Me Philippe BAZIN, avocat au barreau de ROUEN, substitué par Me
Widad ...
SAS ATOUTS SERVICES
ayant son siège social

ST GEOURS DE MAREMNE
Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI
Assistée de Me Philippe BAZIN, avocat au barreau de ROUEN, substitué par Me
Widad ...
Monsieur Benoît V
né le ..... à MARCQ EN BAROEUL (59700)
demeurant
RUMEGIES
Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI
Assisté de Me Philippe BAZIN, avocat au barreau de ROUEN, substitué par Me Widad ...

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Pascale FONTAINE, Président de chambre
Stéphanie BARBOT, Conseiller Pascale METTEAU, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS Marguerite-Marie HAINAUT
DÉBATS à l'audience publique du 22 Janvier 2015 après rapport oral de l'affaire par Pascale ...
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pascale FONTAINE, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 20 janvier 2015
***

FAITS ET PROCÉDURE
Alléguant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme qu'elle imputait aux sociétés Atout services (ATS) et ATS Nord sociétés du 'groupe ATS',exerçant comme elle une activité de transport et d'affrètement d'urgence, ainsi qu'à d'anciens salariés dont MM. X et V, récemment embauchés au sein de ce groupe, la société Taxicolis a obtenu, le 25 novembre 2010, du président d'un tribunal de commerce, statuant sur requête, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un huissier de justice et d'un expert pour rechercher dans les locaux de la société ATS Nord tous documents de nature à établir, au cours des trois années écoulées, l'existence de relations contractuelles ave six clients nommément désignés.
Une ordonnance de référé du 17 mai 2011 refuse la rétractation de cette ordonnance, qui avait été exécutée le 9 décembre 2010.
Par un arrêt du 13 septembre 2012, la cour d'appel de Douai a confirmé l'ordonnance en ce qu'elle rejetait l'exception de nullité et les fins de non-recevoir, l'a infirmée pour le surplus, a rétracté l'ordonnance sur requête, a prononcé la nullité de la procédure subséquente poursuivie en exécution de l'ordonnance rétractée, a ordonné la restitution à ATS des différents documents et éléments ainsi obtenus, a déclaré irrecevable la demande de communication de pièces faite par Taxicolis.
Un arrêt de la Cour de cassation en date du 14 novembre 2013 (2ème chambre civile, pourvoi n° 12-26.930) casse et annule cet arrêt du 13 septembre 2012, sauf en ce qu'il rejetait l'exception de nullité et la fin de non-recevoir élevées par la société ATS Nord déclarait irrecevable la demande de communication de pièces formulée par Taxicolis, et rejetait la demande de dommages - intérêts pour procédure abusive formée par ATS Nord
La cour d'appel de Douai, cour d'appel de renvoi, a été saisie par la société ATS Nord le 28 mars 2014.
Cette société a conclu les 9 juillet 2014 et 16 janvier 2015.
MM. V et X, ainsi que la société Atouts services ont déposé des conclusions d'intervention volontaire le 9 juillet 2014 puis conclu à nouveau le 16 janvier 2015.
La société Taxicolis a conclu le 18 décembre 2014. L'arrêt sera rendu contradictoirement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
ATS Nord demande à la cour de
' la recevoir en son appel et le déclarer bien fondé,
' réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 17 mai 2011 rendue par le Président du Tribunal de Commerce d'Arras,
- I - A titre principal,
Vu le Code de Procédure Civile et notamment ses articles 114,143 & suivants, 249, 455 et suivants, 493 et suivants, 874 et suivants,
' constater que l'ordonnance du 25 novembre 2010 ne comporte aucune motivation, et que celle-ci fait grief à la personne à qui l'ordonnance est opposée, en ce qu'elle porte atteinte aux droits de la défense,
' dire et juger que cette absence de motivation, en ce qu'elle cause un grief, constitue une nullité pour vice de forme,
' en conséquence, sur le fondement des articles 458 et 494 du CPC, ' réformer l'ordonnance en toutes ses dispositions,
- II - Sur l'étendue de la mission confiée à l'huissier
' constater que la mission confiée de par son périmètre et les supports visés n'était pas limitée,
' dire et juger en conséquence qu'elle constituait une mission de nature inquisitoriale contraire à la loi,
' annuler en conséquence l'ordonnance rendue et les opérations subséquentes,
- III - Sur les conditions d'exécution de la mission par l'huissier
' constater que l'huissier ne s'est pas livré à une mission de simple constat, mais bien à une mission d'inquisition, qui a violé le secret des affaires,
' dire et juger que les conditions d'exécution des mesures ordonnées justifient la rétractation de l'ordonnance,
' en conséquence, réformer l'ordonnance litigieuse dans toutes ses dispositions.
- IV. - A titre reconventionnel,
Vu l'article 32-1 du CPC
Vu l'article 1382 du Code Civil
- Constater que la procédure engagée par société TAXICOLIS traduit une véritable intention de nuire à l'encontre de la société ATS Nord en ce qu'elle vise en réalité à violer le secret des affaires, et à la déstabiliser,
- Dire et juger que ce faisant, la société TAXICOLIS abuse de son droit d'agir en justice, et cause un préjudice certain à ATS Nord
- En conséquence, condamner la société TAXICOLIS au paiement d'une provision à valoir sur dommages et intérêts d'un montant de 20 000 euros,
En tout état de cause,
- Débouter la société TAXICOLIS de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- V. - Condamner la société TAXICOLIS à verser à la société ATS NORD la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Les trois intervenants volontaires, dans leurs conclusions respectives, présentent des demandes identiques
- les déclarer recevables en leur intervention volontaire,
- constater que l'huissier ne leur a ni présenté ni signifié la requête et l'ordonnance du 25 novembre 2010,
- dire que ces manquements constituent une violation des droits de la défense, - en conséquence,
- réformer l'ordonnance du 17 mai 2011 et rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance sur requête du 25 novembre 2010,
- prononcer la nullité de la procédure subséquente,
-débouter la société Taxicolis de sa demande de dommages - intérêts pour procédure abusive,
- condamner Taxicolis à leur payer (à chacun) la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Taxicolis présente les demandes suivantes
Vu les articles 114, 143 et suivants, 249, 455 et suivants, 493 et suivants, 874 et suivants du code de procédure civile,
Vu l'article 32-1 du code de procédure civile, l'article 554 du code de procédure civile,

Vu l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 13 novembre 2013,
Vu les pièces versées aux débats par les parties, et notamment la requête, 1'ordonnance du 25
novembre 2010 et 1e procès-verbal de constat du 9 décembre 2010,
- Dire et juger que les chefs du dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de DOUA1 du 13 septembre 2012 relatifs au rejet de l'exception de nullité et de la fin de non-recevoir de la société ATS NORD ont force de chose jugée et sont irrévocables,
- Dire et juger que le chef du dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de DOUA1 du 13 septembre 2012 relatif au rejet de la demande de la société ATS NORD en dommages et intérêts pour procédure abusive a force de chose jugée et est irrévocable,
- Dire et juger que la question de la restitution des pièces communiquées à la société TAXICOLIS
est hors débat,
- En conséquence,
- déclarer la société ATS NORD irrecevable en son appel de l'ordonnance du 17 mai 2011 s'agissant de la prétendue nullité de la requête et de l'ordonnance du 25 novembre 2010,
- La déclarer irrecevable en son appel de l'ordonnance du 17 mai 2011 en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- En toute hypothèse,
- Dire et Juger que la requête satisfait pleinement aux dispositions de l'article 494 du code de procédure civile en ce qu'el1e mentionne précisément les pièces,
- Dire et juger que la Société ATS NORD ne démontre aucun grief du fait de la prétendue inobservation de la formalité substantielle, en application de l'article 114 code de procédure civile,
- Dire et Juger que l'ordonnance rendue le 25 novembre 2010 par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce satisfait aux dispositions de l'article 495 du code de procédure civile en ce qu'elle adopte les motifs de la requête,
- Dire et juger que la Société ATS NORD ne démontre aucun grief du fait de la prétendue absence de motivation de l'ordonnance, en application de l'article 114 code de procédure civile,
- Dire et juger que la mission confiée à l'expert par l'ordonnance du 25 novembre 2010 ne présente aucun caractère inquisitorial et qu'e1le est au contraire mesurée et clairement déterminée,
- Dire et juger qu'une procédure contradictoire n'aurait pas permis la conservation de ces preuves,
- Dire et juger que l'examen de l'existence ou non de pratiques déloyales par la Société ATS NORD ressortit à l'action au fond,
- Dire et juger que le premier juge a valablement statué sur la question, - En conséquence,
- Confirmer en toutes ces dispositions l'Ordonnance rendue le 17 mai 2011 par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce d'ARRAS et débouter la Société ATS NORD de sa demande en rétractation de l'ordonnance,
- Sur la demande reconventionnelle de la Société ATS NORD
- Dire et juger que la Société ATS NORD ne démontre pas que les opérations menées le 9 décembre 2010 lui auraient causé un quelconque préjudice,
- Dire et juger que la Société ATS NORD ne démontre pas que le droit d'ester en justice de la Société TAXICOLIS aurait dégénéré en abus,
- En conséquence,
- débouter la Société ATS NORD de sa demande de dommages et intérêts,
- Dire et juger que Monsieur X, Monsieur V et la société ATOUTS
SERVICES ne justifient ni d'un intérêt légitime à intervenir volontairement à l'instance ni d'un
lien suffisant avec les prétentions originaires,
- En conséquence,
- les déclarer irrecevables en leur intervention volontaire,
- En toute hypothèse,
- Dire et juger que l'ordonnance du 25 novembre 2010 n'avait pas à leur être signifiée,
- En conséquence,
- les débouter de leur demande en rétractation de l'ordonnance du 25 novembre 2010,
- Dire et juger que le droit d'ester en justice des sociétés ATS NORD et ATOUTS SERVICES et de Messieurs X et V a dégénéré en abus,
- En conséquence,
- les condamner chacun à la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
- Condamner la Société ATS NORD à verser à la Societe TAXICOLIS la somme de 15.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 code de procédure civile,
- Condamner la société ATOUTS SERVICES Monsieur X et Monsieur V à payer, chacun, la somme de 7.500 euros à la société TAXICOLIS sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile,
- Les condamner aux entiers dépens d'instance et d'appe1.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Il n'y a pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que...' ou 'dire que ...', telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.
Sur le litige entre ATS Nord et Taxicolis.
Il ressort de la comparaison des dispositifs de l'ordonnance de référé du 17 mai 2011 et de l'arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 13 septembre 2012, des moyens du pourvoi et du dispositif de l'arrêt rendu le 14 novembre 2013 par la Cour de cassation que
' l'arrêt de la cour d'appel a été cassé en ce qu'il rétracte l'ordonnance sur requête, prononce la nullité de la procédure poursuivie en exécution de cette ordonnance et ordonne la remise à ATS Nord des différents documents et matériels obtenus à l'occasion de cette exécution,
' la cassation n'a pas porté sur les chefs de décision relatifs au rejet de l'exception de nullité (tirée de l'absence de motivation de l'ordonnance sur requête) et la fin de non-recevoir (moyen tiré du défaut d'indication précise des pièces dans la requête) élevées par ATS Nord ni sur l'irrecevabilité de la demande de communication de pièces formulée par Taxicolis, ni sur le rejet de la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formulée par ATS Nord
' en conséquence, au regard de sa saisine, limitée, la présente cour de renvoi n'a pas à statuer sur les demandes présentées aujourd'hui devant elle par ATS Nord et ci-dessus répertoriées sous les numéros I et IV,
' la société Taxicolis ne critiquant pas l'ordonnance de référé attaquée, et sollicitant sa confirmation, ne subsistent donc - entre ces deux parties - que, d'une part, les demandes II et III (étendue de la mission de l'expert et conditions de son exécution) et la demande (V.) de la société ATS Nord fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, d'autre part, les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et de paiement fondée sur l'article 700 du code de procédure civile présentées à son encontre par la société Taxicolis
- 1 - Sur la mission d'investigation donnée à l'huissier
+ ATS Nord fait valoir qu'en application de l'article 249 du code de procédure civile la mission confiée doit rester celle d'un constat et ne peut constituer une mission générale d'investigation et un pouvoir d'enquête assimilable à une perquisition ; que la cour d'appel de renvoi doit résister à l'analyse conduite par la Cour de cassation et considérer qu'en l'espèce la mission était une mission générale d'investigation par son périmètre géographique et les supports documentaires désignés ; qu'ainsi le périmètre d'action de l'huissier le conduisait à instrumenter au-delà de sa compétence territoriale ; que les actes prévus l'autorisaient à copier tout le patrimoine informationnel de la société ; qu'aucune limite n'avait été posée dans le contrôle effectué sur les disques durs des ordinateurs du salarié.
+ Taxicolis réplique que la société appelante est mal venue à présenter devant la cour d'appel de renvoi les mêmes moyens que devant la première cour d'appel, en se bornant à les présenter différemment, alors que la Cour de cassation a dit que la mission de l'huissier n'encourait aucun grief et était conforme aux articles 145, 232 à 284-1 du code de procédure civile ; que sont admissibles les mesures d'investigation circonscrites aux faits litigieux décrits dans l'ordonnance et ne comportant aucune atteinte à une liberté fondamentale ; qu'en l'espèce les moyens donnés à l'huissier étaient importants mais la mission très précisément limitée géographiquement et dans son objet ; que la mesure était contraignante mais ne portait atteinte à aucune liberté fondamentale ; que la société appelante confond la mission confiée et le résultat de son exécution ; que la mission était limitée au simple constat objectif de la date à laquelle les relations commerciales entre le groupe ATS et les cinq clients grands comptes avaient commencé ; que l'autorisation d'effectuer des copies complètes des disques magnétiques et autres supports de données n'est prévue qu'en cas de difficulté rencontrée dans l'accès au moyen informatique, c'est-à-dire d'une opposition ou du mutisme du requis ; que le moyen relatif à la consultation du disque dur d'un salarié à l'exclusion du courrier personnel ne concerne que son employeur et pas un tiers à la relation de travail.
* * *
Selon l'article145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
N'est pas légalement admissible au sens de ce texte une mesure générale d'investigation, telle que celle portant sur l'ensemble de l'activité d'une société et tenant à l'apprécier et à la comparer avec celle de sociétés ayant le même objet, ou encore celle autorisant un huissier à se rendre dans les locaux d'une société suspectée d'actes de concurrence déloyale et de détournement de clientèle et à se saisir de tout document social, fiscal, comptable, administratif, de quelque nature que ce soit, susceptible d'établir la preuve, l'origine, l'étendue du détournement, permettant ainsi à l'huissier de fouiller à son gré les locaux de la société, sans avoir préalablement sollicité la remise spontanée des documents concernés et obtenu le consentement du requis.
En revanche, sont légalement admissibles les mesures confiées à un huissier qui se bornent à des constatations et sont circonscrites aux faits litigieux décrits dans la requête annexée à l'ordonnance et ne portent atteinte à aucune liberté fondamentale.
En l'espèce, faisant siens les motifs exposés dans la requête, le président du tribunal de commerce d'Arras a désigné la SCP Barbry-Nanin-Barbet-Bue huissiers de justice à Lens (la SCP Barbry) avec mission de 'se rendre au siège social de ATS Nord ou en tout autre lieu où serait assurée la gestion administrative et/ou l'exploitation de cette société, y compris hors sa compétence territoriale dans la continuité des opérations menées au siège social'(1) ; de relever s'il existait dans cette société des relations contractuelles constantes et suivies avant 2009 (sur trois années d'antériorité) avec Renault, Safran, Valéo, Mecaplast, Continental, Total(2) ; dans les cas où ces relations n'existeraient que depuis 2009, se faire communiquer tous documents de nature à établir le cas échéant l'origine de cette relation entre ATS Nord et chacun des clients listés, ainsi qu'entre ATS et ATS Nord et de relever le CA. réalisé par ATS avec chacun desdits clients (3) ; du tout dresser procès-verbal de constat (qui sera remis au requérant en dressant uniquement la liste des éléments, documents, fichiers informatiques, courriers électroniques obtenus).
L'ordonnance précise ensuite que l'huissier conservera, sous séquestre, l'ensemble des éléments recueillis par lui ; que la société requérante devra saisir le tribunal de commerce en référé pour obtenir la communication des pièces qu'elle estime nécessaire ; qu'à défaut de telle saisine 'pour communication et examen contradictoire' l'huissier remettra pièces et documents recueillis à la partie auprès de laquelle il les aura obtenus ; que l'huissier est autorisé à avoir accès à l'ensemble des serveurs et postes informatiques se trouvant sur place ainsi qu'à ceux des salariés, collaborateurs et secrétaires, mais aussi des associés de la société qui pourraient se trouver dans les locaux, plus particulièrement de MM. ... et ... ; que l'huissier est également autorisé à avoir accès à tous autres supports externes et internes de données informatiques ou documents susceptibles de contenir ces fichiers, listings ou courriels aux fins d'y rechercher les éléments nécessaires au bon accomplissement de sa mission (...).
Il en ressort que la mission d'investigation ainsi donnée à l'huissier était circonscrite aux faits de concurrence déloyale dénoncés par Taxicolis dont pouvait dépendre la solution du litige, était limitée géographiquement aux seuls locaux d'ATS Nord et limitée aux seules relations contractuelles de cette société avec un nombre limité de clients sur une durée déterminée, dès lors que les lieux étaient précisément définis (voir point 1) et afférents à la seule ATS Nord ; que l'objet précisé au point 2 ci-dessus était limité et motivé par l'exposé de la requête ; que la recherche des documents nécessaires était limitée à une période précise (point 3).
Il peut être observé que, si une partie de la mission vise aussi les relations contractuelles entre 'la société ATS et chacun des clients listés', et le relevé du 'C.A réalisé par ATS avec chacun desdits clients',(étant précisé que le 'groupe ATS', dont la société holding est la société Atouts services comprend les sociétés ATS Nord Colis express, ATS Développement et Prestatek, ladite ATS étant citée dans la requête), la mission ne devait être effectuée qu'au siège social de ATS Nord ou en tout autre lieu d'exploitation de celle-ci, et donc aucunement dans les lieux concernant ATS, personne morale distincte.
Les lieux d'investigation étaient donc suffisamment définis et limités.
La cour relève en outre que, la SCP Barbry ayant été désignée comme constatant, l'argument relatif à sa compétence territoriale d'huissier de justice est inopérant ; que le caractère exhaustif des supports documentaires désignés dans l'ordonnance n'est que la conséquence des activités professionnelles respectives des parties et de la nature des pièces susceptibles de contenir les informations recherchées ; qu'à tort ATS Nord prétend que l'huissier était autorisé à copier 'tout le patrimoine informationnel de la société', alors, d'une part, que les copies n'étaient prévues que pour les éléments identifiés, en lien avec l'objet précis des investigations ou 'en rapport avec la mission confiée', d'autre part, que le paragraphe portant sur la possibilité 'd'effectuer des copies complètes des disques magnétiques et autres supports de données ( ... )' visait l'hypothèse de difficultés rencontrées dans l'accès au moyen informatique de la société ou des personnes visées (MM. ... et ...) et avait pour objet de s'assurer de l'exhaustivité des éléments copiés pour les besoins de la procédure ; que l'argument présenté par ATS Nord relatif aux disques durs des ordinateurs 'du salarié' n'est pas un moyen mais un exemple supplémentaire du caractère illimité selon elle du contrôle susceptible d'être effectué par l'huissier.
Ainsi, chacune des mesures autorisées avait pour objectif et pour limite l'établissement des faits précis tels que définis dans la requête.
Ainsi limitée, et ne portant atteinte à aucune liberté fondamentale, cette mesure constituait un mode de preuve légalement admissible.
- 2 - Sur les 'conditions d'exécution de la mission par l'Huissier'
+ La société ATS Nord expose que, si la cour devait considérer la mission de l'huissier limitée en ses termes, il n'en demeure pas moins que, en fait, ce dernier les a excédés en se livrant à une véritable perquisition civile ; que la jurisprudence reconnaît au juge de la rétractation le droit d'annuler l'ordonnance en considérant la manière dont elle a été exécutée ; qu'il résulte du procès-verbal de constat que l'huissier a recueilli des informations commerciales confidentielles de ATS Nord et de Atout services ; que selon le constat seuls deux ordinateurs ont été examinés par l'huissier, les portables de MM. V et X, salariés de Atouts services et non de ATS Nord ; que ni les 9 ordinateurs ni le serveur d'ATS Nord n'ont été examinés ; qu'un constat sur ce matériel aurait pu démontrer que Continental n'est pas sa cliente et que Renault, Safran, Valéo et Mecaplast le sont respectivement depuis 2005, 2003, Valeo 2005 et 2008 ; que l'analyse des ordinateurs de ces deux personnes a été réalisée afin d'avoir accès à des informations confidentielles, telles que des réponses à des appels d'offres privés et des propositions commerciales chiffrées ; que l'huissier a copié des documents confidentiels violant ainsi le droit des affaires ; qu'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 avril 2006 a annulé une ordonnance sur requête parce que l'huissier avait outrepassé les limites de sa mission.
+ Taxicolis fait valoir que la demande de rétractation fondée sur le périmètre de la mission requise et ordonnée est relative à la recevabilité de la requête et à la validité de l'ordonnance ; que, au jour où il est statué, cette recevabilité s'apprécie au jour du dépôt et non, a posteriori, au vu du procès-verbal ; que les développements et pièces fondés sur ce procès-verbal sont donc dénués de pertinence ; que l'arrêt invoqué est dénué d'intérêt en l'espèce.
* * *
Les critiques exposées par ATS Nord et visant le travail de l'huissier, susceptibles d'affecter la recevabilité ou la valeur probante du constat et des pièces devant le juge du fond, ne sauraient servir de fondement à une rétractation de l'ordonnance rendue sur requête.
En outre, il convient de retenir que ATS Nord sollicite cette rétractation au motif qu'il résulte du procès-verbal de constat que l'huissier a recueilli des informations commerciales confidentielles de ATS Nord et de Atout services, sans toutefois les préciser, ni dire en quoi ce recueil dépasserait l'objet prévu par la mission ; qu'il est étonnant qu'elle se plaigne que 'ses 9 ordinateurs et serveur n'aient pas été examinés' ; qu'il lui est loisible aujourd'hui de prétendre 'qu'un constat sur ce matériel aurait pu démontrer que Continental n'est pas sa cliente et que Renault, Safran, Valéo et Mecaplast le sont respectivement depuis 2005, 2003, Valeo 2005 et 2008" alors que l'huissier a expressément mentionné s'être heurté à une absence de collaboration de la part d'ATS Nord ; qu'elle ne précise pas non plus en quoi 'l'huissier aurait copié des documents confidentiels violant ainsi le droit des affaires' alors que, vu la liste répertoriée dans le constat, l'intitulé des pièces copiées correspond à la mission confiée.
Sur la recevabilité des interventions volontaires de la société Atouts services et de MM.
Betrancourt et Baribeau.
+ Tous trois invoquent les dispositions de l'article 554 du code de procédure civile et font notamment valoir - pour la première - qu'elle est nommément désignée dans la requête qui fut déposée par Taxicolis et mentionnée dans l'ordonnance du 25 novembre 2010, - pour les deux autres - qu'ils sont d'anciens salariés de Taxicolis, ensuite recrutés par Atouts services nommément désignés dans la requête présentée par Taxicolis en vue d'obtenir l'ordonnance du 25 novembre 2010 et de démontrer qu'ils auraient commis des actes de concurrence déloyale à son détriment.
Ils ajoutent que leur intervention volontaire a le même objet que celui recherché par ATS Nord - à savoir la rétractation de l'ordonnance du 25 novembre 2010 - et a donc un lien suffisant avec les demandes de celle-ci.
+ Taxicolis soulève l'irrecevabilité de ces interventions volontaires au visa des dispositions de l'article 554 du code de procédure civile, en soutenant que ces interventions sont tardives et relèvent de l'artifice procédural, qu'ils se présentent dans le but de présenter en leur nom propre les prétentions et les moyens précédemment exposés par ATS Nord 'alors même que ces moyens ont été cassés par l'arrêt du 13 novembre 2013", que le prétendu intérêt invoqué par eux est uniquement celui de la société ATS Nord ; que, s'ils avaient considéré que leurs droit avaient été violés par l'ordonnance du 25 novembre 2010, il leur appartenait d'agir devant le tribunal de commerce dès l'origine.
Elle ajoute que, la cour étant saisie d'une demande de rétractation de l'ordonnance sur requête ayant autorisé une mesure d'instruction, seule une méconnaissance des conditions posées par cette disposition aurait été de nature à justifier la rétractation de l'ordonnance, à l'exclusion d'une prétendue atteinte aux droits de la défense à l'occasion de l'exécution de celle-ci ; que l'ordonnance sur requête n'avait pas à leur être signifiée ; que, s'agissant de l'exécution d'une mesure d'instruction dans les locaux de la société ATS Nord la présentation de la minute de l'ordonnance à celle-ci était suffisante.
* * *
Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
Selon l'article 325 de ce code, l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.
L'article 329 du même code prévoit que l'intervention - principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme - n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.
Par ailleurs, en application des articles article 17 et 496 du code de procédure civile, 'lorsque la loi permet ou la nécessité commande qu'une mesure soit ordonnée à l'insu d'une partie, celle-ci dispose d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief' et, 's'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance'.
Quant à l'article 495 du code de procédure civile, il dispose que 'l'ordonnance sur requête est motivée, elle est exécutoire au seul vu de la minute, copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée'.
* * *
+ Aucun de ces trois intervenants n'avait été partie, ni représenté en première instance ou n'y avait figuré en une autre qualité.
+ Leur intervention se rattache aux prétentions de ATS Nord par un lien suffisant, au sens de l'article 325 précité, dès lors qu'ils sollicitent eux aussi la rétractation de l'ordonnance sur requête litigieuse.
+ Ils excipent d'un intérêt, au sens de l'article 554, puisque les pièces ainsi obtenues par Taxicolis ont vocation à être utilisées par elle à l'occasion de l'action en concurrence déloyale envisagée à leur encontre.
+ En revanche ni ATS ni MM. X et V ne remplissent les autres conditions de recevabilité de leur intervention volontaire en cause d'appel et n'auraient été recevables à agir en rétractation devant le premier juge.
Tout d'abord, la mesure ordonnée ne prévoyait aucunement que des investigations soient susceptibles de se dérouler au siège social d'ATS (ou dans tout autre établissement de cette société, personne morale distincte d'ATS Nord , et surtout aucune des investigations menées par l'huissier en exécution de l'ordonnance n'a été menée dans les locaux de la société ATS
Par ailleurs, à l'égard de MM. X et V, la cour relève que
- le constat ne les cite pas nommément, l'huissier indiquant seulement que 'deux salariés nommés dans la requête sont rencontrés sur le site ( ... ), les éléments recueillis l'ont été sur l'ordinateur portable du deuxième salarié et dans son bureau puis sur l'ordinateur portable du premier salarié',
- la requête ciblait 7 anciens salariés de Taxicolis, travaillant dorénavant pour le 'groupe ATS', à savoir, outre les deux susnommés, MM. ..., ..., ... et ... et Mme ...,
- Taxicolis ne conteste toutefois pas que tous deux soient les 'deux salariés rencontrés'par l'huissier,
- pour chacun, le contrat de travail signé avec ATS prévoyait qu'il serait chargé (notamment) d'assurer la mise en place et le suivi de la politique commerciale de ATS et des diverses filiales françaises et étrangères du réseau commercial fonctionnant sous l'enseigne ATS (ou d'assurer la stratégie commerciale pour la société et ses filiales définies sous le nom de groupe ATS), que le poste serait initialement basé au siège social d'ATS (à Bayonne) mais qu'il serait amené à se déplacer sur tout le territoire national, que le lieu d'affectation pourrait être modifié dans l'intérêt de la société, qu'il pourrait être muté dans l'une des différentes agences de la structure ATS situées à l'intérieur du périmètre géographique suivant agence Nord (62) (...),
- leur présence dans les locaux d'ATS Nord (à Arras, 62), ainsi que la disposition d'un bureau et de matériel, s'explique ainsi par cette possibilité pour eux d'être affectés chez ATS Nord étant au surplus souligné que leur adresse est la même sur ces contrats de travail signés en septembre et octobre 2009 et sur les conclusions d'intervention volontaire, à savoir dans le Nord pour l'un et dans le Pas-de-Calais pour l'autre,
- présents sur le site d'ATS Nord travaillant pour elle en y ayant un bureau, n'ayant aucunement opposé à l'huissier que les ordinateurs étaient des ordinateurs personnels, MM. V et X n'étaient donc pas des tiers susceptibles d'agir en rétractation indépendamment de la société ATS Nord
Leur intervention volontaire sera donc déclarée irrecevable.
Sur les demandes en paiement de dommages et intérêts et de remboursement des frais irrépétibles
Taxicolis sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts dès lors qu'elle ne prouve ni que les sociétés ATS Nord et ATS, MM. V et X ont, en engageant cette procédure ou en y intervenant, commis une faute ayant dégénéré en abus ni que cela lui aurait causé un préjudice.
Succombant en leurs prétentions, les sociétés ATS et ATS Nord seront condamnées aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile, selon les modalités précisées au dispositif.
Enfin, ATS Nord ATS, MM. V et X seront équitablement condamnés à payer, pour les deux premières, une somme (chacune) de 5 000 euros, pour les deux autres, une somme (chacun) de 1 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,
Vu la saisine de la cour,
CONFIRME l'ordonnance en ce qu'elle déboute la société ATS Nord de sa demande de rétractation et de sa demande de nullité de la procédure subséquente,
Y AJOUTANT,
DÉCLARE irrecevables les interventions volontaires de la société ATS et de MM. V et X,
DÉBOUTE Taxicolis de sa demande de dommages et intérêts pour procédures abusives,
CONDAMNE les sociétés ATS et ATS Nord à payer, chacune, à Taxicolis une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE MM. V et X à payer à Taxicolis, chacun, une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE ATS Nord aux dépens de première instance et d'appel et ATS aux dépens afférents aux interventions volontaires
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT M.M. HAINAUT P. ...

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