Jurisprudence : CA Limoges, 11-03-2015, n° 14/01362, Infirmation

CA Limoges, 11-03-2015, n° 14/01362, Infirmation

A0702NDD

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CA Limoges, 11-03-2015, n° 14/01362, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/23577946-ca-limoges-11032015-n-1401362-infirmation
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Abstract

Est annulée la délibération du conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Tulle en date du 29 septembre 2014 qui prenait acte du regroupement du barreau de Tulle avec celui de Brive.



ARRÊT N° .
RG N° 14/01362
AFFAIRE
M. Yves Z
C/
CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE TULLE/USSEL, X X X X XXX X X X X X TULLE/USSEL
AA-iB
COUR D'APPEL DE LIMOGES AUDIENCE SOLENNELLE ---==oOo==---
ARRÊT DU 11 MARS 2015 ---===oOo===---
Le ONZE MARS DEUX MILLE QUINZE a été rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe

ENTRE
Monsieur Yves Z
Avocat honoraire au barreau de TULLE, demeurant TULLE
Représenté par Me Patricia CHEVALIER-GASCHY, avocat au barreau de COLMAR
Demandeur au recours contre une décision rendue le 29 SEPTEMBRE 2014 par le CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE CORRÈZE
ET
CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE TULLE/USSEL
dont le siège est TULLE
Représenté par Me Jean-Luc FORGET, avocat au barreau de TOULOUSE
X X X X XXX X X X X X TULLE/USSEL
dont le siège est TULLE Représentée par Me Jean-Luc FORGET, avocat au barreau de TOULOUSE
Défendeurs.
En présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Jean-Michel ..., avocat général.
Communication a été faite au Ministère Public le 29 décembre 2014 et Visa de celui-ci a été donné le 7 janvier 2015.

L'affaire a été fixée à l'audience solennelle du 14 Janvier 2015 par ordonnance rendue le 18 novembre 2014 par la Première Présidente, la Cour étant composée de Madame Annie ..., Première Présidente, de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Monsieur Patrick VERNUDACHI, Président de chambre, de Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, de Monsieur ...
COLOMER, Conseiller, assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier. A cette audience, à la demande de Maître ..., avocat, la Cour a évoqué l'affaire en audience publique. Madame la Première Présidente a été entendue en son rapport, Maître ..., Maître ... avocats ont été entendus en leur plaidoirie. Monsieur l'avocat général a été entendu en ses réquisitions.
Puis Madame Annie ..., Première Présidente, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 11 Mars 2015 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
LA COUR

FAITS ET PROCÉDURE
En 2011, la réforme de la carte judiciaire a entraîné la disparition du tribunal de grande instance de Tulle dont les activités ont été transférées au tribunal de grande instance de Brive. Les avocats de Tulle ont alors rejoint le Barreau de Brive pour exercer auprès du tribunal désormais départemental leur mission.
L'ouverture du tribunal de grande instance de Tulle au 1er septembre 2015 a conduit, par voie de conséquence, au rétablissement du Barreau de Tulle.
Désireux de maintenir le regroupement des avocats de Brive et de Tulle au sein d'un même Barreau, les conseils de l'ordre des deux barreaux de la Corrèze ont décidé de soumettre au vote de leurs membres respectifs ce projet de fusion.
Le procès verbal du vote sur le sort des Barreaux du département de la Corrèze établi le 29 septembre 2014, mentionne à la majorité des voix des avocats, soit 17 voix contre 16 voix pour 33 votants sur 34 électeurs, le choix du regroupement à compter du 1er octobre 2014 des deux barreaux en un barreau unique, le barreau de la Corrèze.
Par délibération du même jour, le Conseil de l'ordre des avocats de Tulle réuni sous la présidence de son bâtonnier en exercice, a décidé après avoir pris acte du résultat du barreau de Brive dans le même sens, du regroupement des deux barreaux à l'issue des délais de recours.
Souhaitant agir en annulation de cette délibération devant la cour d'appel, Monsieur Yves Z, avocat honoraire au barreau de Tulle a, le 1er octobre 2014, préalablement saisi le bâtonnier de Tulle de sa réclamation, par lettre recommandée avec accusé de réception, le procureur général en étant informé pour avis du même jour.
Sans réponse du conseil de l'ordre dans le délai légal, Maître Z a, par lettre recommandée en date du 14 novembre 2014 porté son recours devant la cour d'appel de Limoges.

Par ordonnance du 18 novembre 2014, l'affaire a été fixée à l'audience de la chambre solennelle du 14 janvier 2014, le communication du dossier au Ministère Public étant ordonnée.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Maître Z, avocat honoraire au barreau de Tulle, fonde son recours sur les dispositions de l'article 15 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, qui ouvre à l'avocat s'estimant lésé dans des intérêts professionnels par une délibération ou une décision du conseil de l'ordre un recours en annulation devant la cour d'appel. Il fait valoir que les intérêts professionnels comprennent les intérêts moraux de ceux qui ont exercé la profession et que le statut même de l'honorariat soumettant l'avocat honoraire aux obligations du serment d'avocat, lui conférant des droits de vote, de voix délibérative aux assemblées générales et lui permettant de poursuivre la consultation ou rédaction d'actes sur autorisation du bâtonnier, ainsi que de nombreuses missions, démontrent un
attachement de l'avocat honoraire fort à son ordre ; que par l'effet du regroupement, il serait soumis au pouvoir de contrôle d'un ordre composé à la fois d'avocats du Barreau de Brive et d'avocats du barreau de Tulle dans son activité et non plus par ses seuls confrères de Tulle ce qui caractérise l'atteinte à ses intérêts. Il s'estime donc recevable à agir pour voir annuler la décision de regroupement.
Au fond, il conteste la majorité retenue dans le procès verbal de vote et sur lequel le conseil de l'ordre a fondé sa délibération.
Il soutient qu'en effet, il a été tenu compte des suffrages exprimés au lieu de la majorité des voix des avocats exigée par les dispositions réglementaires. Selon Maître Z, la voix se distingue du suffrage en ce qu'elle est un droit d'expression et s'applique à l'ensemble du collège électoral, à l'ensemble des électeurs inscrits ; que cette distinction est introduite pour toutes les décisions les plus graves, comme celle de regroupement qui conduit à la disparition d'un barreau ; qu'ainsi, la majorité requise pour le regroupement avec le barreau de Brive est celle de la moitié des voix des avocats électeurs, 34 selon le procès verbal du vote litigieux, plus une voix, soit 18 ; qu'en décidant acquis le regroupement des barreaux de Tulle et de Brive par le vote de 17 de ses membres, le conseil de l'ordre a violé les textes et sa délibération doit être annulée.
Le Conseil de l'ordre des avocats du Barreau de Tulle soulève principalement l'irrecevabilité du recours de Maître Z, en l'absence pour l'avocat honoraire d'un intérêt à agir. Il affirme qu'en effet, l'avocat à la retraite qui n'exerce pas d'activité au même titre que les avocats en exercice, ne peut être lésé dans ses intérêts professionnels par une décision de regroupement de son barreau avec un autre barreau.
A titre subsidiaire, il conclut au rejet du recours, faisant valoir que l'article 2 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ne précise pas que la majorité s'entend de la majorité des voix des avocats inscrits au tableau du barreau, alors que le décret apporte cette précision dans son article précédant relatif à la composition du barreau. Il conteste la distinction introduite par Maître Z sur la notion de voix et de suffrage considérant qu'au contraire, la voix définit une expression positive soit un vote, synonyme de suffrage et qu'ainsi, si le droit à l'expression étant ainsi ouvert à tous les avocats inscrits, la majorité des voix se définit par la majorité de ceux qui ont exercé effectivement leur droit à s'exprimer.
Il maintient donc que la décision de regroupement du barreau de Tulle avec celui de Brive se fondant sur la majorité des voix des avocats de Tulle est conforme au texte.
Le Ministère public, dans des conclusions en date du 13 janvier 2015, conclut dans le même sens, tant sur l'irrecevabilité du recours présenté que sur la validité de la délibération contestée.

MOTIFS
Sur la recevabilité du recours
Attendu que les dispositions combinées de l'article 19 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et de l'article 15 du décret du 27 novembre 1991, ouvrent à l'avocat s'estimant lésé dans ses intérêts professionnels par une délibération ou une décision du conseil de l'ordre, un recours en annulation devant la cour d'appel.
Attendu que les intérêts professionnels protégés par ces dispositions comprennent les intérêts moraux de ceux qui exercent ou ont exercé la profession d'avocat.
Attendu que l'article 13 du règlement intérieur national rappelle que l'avocat honoraire reste soumis aux obligations résultant du serment d'avocat et en conséquence, à la discipline de l'ordre auquel il est attaché ; que notamment, il participe par voix délibérative au fonctionnement de l'ordre et dispose d'un droit de vote à l'élection du bâtonnier et des membres du conseil de l'ordre.
Attendu qu'aux termes de l'article 19 du décret du 27 novembre 1991, les droits et devoirs des avocats honoraires sont déterminés par le règlement intérieur .
Attendu en l'espèce que la décision de regroupement du barreau est de nature à léser les intérêts professionnels du demandeur ; qu'en effet, elle soumet Maître Z au contrôle disciplinaire d'un ordre modifié dans sa composition et dans ses missions par le regroupement ; qu'elle conduit en outre à une organisation nouvelle d'un barreau dans lequel il reste engagé par son serment d'avocat et par son implication, au travers des droits de vote qui lui sont acquis.
Attendu aussi, que le règlement intérieur du barreau issu du regroupement, déterminera ses droits et devoirs d'avocat honoraire et pourrait les modifier ;
Attendu ainsi que la décision de regroupement du barreau de Tulle avec celui de Brive a des incidences sur les droits et prérogatives professionnels de Maître Z, y compris moraux, qui caractérisent son intérêt à la contester.
Attendu donc que le recours de Maître Z sera déclaré recevable.
Sur la validité de la délibération du conseil de l'ordre en date du 29 septembre 2014
Attendu qu'aux termes de l'article 2 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, les avocats établis auprès de plusieurs tribunaux de grande instance situés dans le ressort d'une même cour d'appel, peuvent par décision votée à la majorité des voix des avocats de chaque barreau se regrouper pour former un seul barreau.
Attendu que s'agissant de l'élection du bâtonnier, le décret évoque dans son article 6, l'expression de la majorité des suffrages.
Attendu donc que le texte réglementant la profession des avocats pose objectivement une distinction entre les voix des avocats de chaque barreau et le suffrage exprimé qui est la voix de chaque votant ;
Attendu que l'expression 'voix des avocats de chaque barreau' laisse entendre que le texte exige pour la décision la plus grave, celle qui entraîne la disparition du barreau établi auprès d'un tribunal de grande instance, l'expression de l'opinion de la majorité des avocats appartenant et composant le barreau concerné.
Attendu que doit être dégagée une majorité spéciale pour une décision qui touche à l'existence même du barreau, protégeant les droits des avocats le composant et offrant la garantie d'une décision approuvée par eux dans leur ensemble et non par la seule majorité des votants qui pourraient être la minorité des avocats appartenant au barreau concerné.
Attendu donc, qu'en se fondant sur le procès verbal du 29 septembre 2014 relatif au vote sur le sort des barreaux du département de la Corrèze pour décider le regroupement acquis par le vote de 17 membres du barreau de Tulle sur les 34 avocats le composant, le conseil de l'ordre du barreau de Tulle n'a pas respecté les dispositions de l'article 2 du décret du 27 novembre 1991, la majorité requise étant celle de 18 voix des membres de son barreau;
Attendu en conséquence que sa délibération sera annulée.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Déclare Monsieur Yves Z, avocat honoraire au barreau de Tulle, recevable dans son recours ;
Annule la délibération du Conseil de l'ordre des avocats du Barreau de Tulle en date du 29 septembre 2014 en ce qu'elle constate que la proposition du regroupement du barreau de Tulle avec celui de Brive a été adoptée ;
Rejette toutes autres demandes ;
Dit les dépens à la charge du Conseil de l'ordre des avocats du Barreau de Tulle.
LE GREFFIER, LA PREMIÈRE PRÉSIDENTE,
Marie-Christine .... Annie ....

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