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10/03/2015
ARRÊT N° 139
N° RG 13/04042
M.S.
Décision déférée du 10 Mai 2013 - Tribunal de Grande Instance de Toulouse - 12/01577
Mme ...
Amédée Z
C/
SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES
Grosse délivrée
le
à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2eme Chambre Section 2
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ARRÊT DU DIX MARS DEUX MILLE QUINZE
***
APPELANT(E/S)
Monsieur Amédée Z
DAUX
Représenté par Me Stéphane PIEDAGNEL, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ(E/S)
1
SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES
SAINT PHILBERT DE BOUAINE
Représentée par Me Marc JUSTICE ESPENAN de la SCP MERCIE-FRANCES-JUSTICE ESPENAN, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Janvier 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M.P. PELLARIN faisant fonction de président, et M. SONNEVILLE conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de
M.P. PELLARIN, faisant fonction de président
V. SALMERON conseiller
M. SONNEVILLE, conseiller
Greffier, lors des débats M. MARGUERIT
ARRÊT
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par M.P. PELLARIN, faisant fonction de président, et par M. MARGUERIT, greffier de chambre.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous-seing privé en date du 9 octobre 2009, Monsieur Albert Z, Monsieur Amédée Z et Madame Véronique Z ont signé un acte désigné comme garantie à première demande, indivisible et solidaire, au profit de la société CUISINE DESIGN INDUSTRIE à hauteur de 99.434 euros, au regard des engagements de la SARL 2A CUISINES PLUS dont Albert et Amédée Z étaient les gérants.
Par jugement du 3 novembre 2009, une procédure de redressement judiciaire concernant la SARL 2A CUISINES PLUS a été ouverte, convertie en liquidation judiciaire par décision du tribunal de commerce de MONTABAN du 8 septembre 2011, après que le plan de continuation adopté le 15 décembre 2010 ait été résolu.
La SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES a déclaré sa créance le 15 septembre 2011, à hauteur d'une somme de 66.079,59 euros.
La SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES a mis en demeure le 28 septembre 2011 Albert, Amédée et Véronique Z de s'acquitter du paiement de cette somme, puis les a fait assigner à cette fin devant le tribunal de grande instance de TOULOUSE par acte extrajudiciaire en date du 10 avril 2012.
Par jugement du 10 mai 2013, le tribunal a condamné solidairement les consorts Z à payer à la SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES la somme de 66.079,59 euros, ainsi que les dépens.
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Par déclaration en date du 12 juillet 2013, Amédée Z a relevé appel du jugement.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 15 décembre 2014
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
* Par conclusions notifiées le 29 novembre 2013, auxquelles il sera expressément fait référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, Amédée Z demande que soit infirmé le jugement. Il sollicite la condamnation de la SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES au paiement d'une somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Il prétend, à titre principal, que l'engagement devrait s'analyser en un cautionnement et non en une garantie à première demande, comme l'indiquait son intitulé, dès lors que cette garantie aurait fait référence à un contrat de base, et que sa mise en oeuvre aurait été subordonnée à la défaillance du débiteur principal. Il en déduit qu'il ne serait pour cela pas autonome et qu'il ne répondrait pas à définition que fait de la garantie à première demande l'article 2321 du code civil.
Il expose, qu'en effet, l'engagement souscrit aurait mentionné qu'ils seraient tenus 'dès réception du d'une LRAR adressée par le bénéficiaire lui notifiant la défaillance de la SARL 2A CUISINES PLUS dans l'exécution des obligations qu'elle aà l'égard de la SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES . De ce fait, la défaillance de la SARL 2A CUISINES PLUS serait une condition de la mise en oeuvre de la garantie et la somme dont le paiement est demandé serait du montant de la créance détenue sur le débiteur.
En conséquence, selon Amédée Z, l'engagement serait un cautionnement qui serait nul en application de l'article L.341-2 du code de la consommation, pour ne pas en respecter les formes.
A titre subsidiaire, Amédée Z soutient que l'engagement serait caduc, puisqu'il aurait été stipulé expirer le 25 janvier 2010 et que la période d'observation n'aurait pas empêché le bénéficiaire de demander le paiement, même s'il ne pouvait contraindre une caution à payer.
* Par conclusions notifiées le 29 novembre 2013, auxquelles il sera expressément fait référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES conclut à la confirmation du jugement et demande une indemnité de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée expose que pour qu'un engagement soit autonome, il suffirait que les exceptions ne soient pas opposables et que l'objet de la garantie soit lui même autonome, ce qui ne viendrait pas exclure l'existence d'une référence à un contrat de base, nécessaire pour identifier l'obligation garantie.
Elle observe que l'engagement était stipulé
'Nous garants déclarons par les présentes, lesquelles constituent de notre part un engagement autonome et indépendant des relations contractuelles existant entre la SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES et la SARL 2A CUISINES PLUS ..'
Nous nous engageons à effectuer les paiements auxquels nous serions tenus dès réception d'une demande de paiement... étant bien entendu que l'effectivité ou le bien fondé du manquement dénoncé est totalement indifférent à l'exécution de notre engagement'.
La SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES en déduit que la défaillance du débiteur n'aurait ainsi été qu'une modalité d'application de la garantie, ce dont les parties pouvaient convenir en application de l'article 2321 du code civil.
Elle prétend par ailleurs que l'engagement ne serait pas caduc, la garantie ayant été suspendue de plein droit pendant la procédure collective en application de l'article L. 622-28 du code de commerce, visé par l'acte, et prorogée de 3 ans par l'adoption du plan de continuation.
3
MOTIFS DE LA DÉCISION
A) Sur la nature du contrat.
L'article 2321 du code civil définit la garantie autonome comme étant l'engagement par lequel le garant s'oblige,en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues. Elle se distingue du cautionnement en ce que l'engagement du garant est indépendant et non pas accessoire de celui du débiteur.
L'acte sous seing privé du 9 octobre 2010 oblige les consorts Z, inconditionnellement et irrévocablement, à payer à première demande de sa part formulée en une ou plusieurs toute somme et ce jusqu'à concurrence de 99.434 euros.
Il précise
- que les garants s'engagent à effectuer les paiements auxquels ils sont tenus dès réception d'une demande de paiement adressée par le bénéficiaire notifiant la défaillance de la SARL 2A CUISINES PLUS dans l'exécution des obligations qu'elle aà l'égard de la SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES
- que l'effectivité ou le bien fondé du manquement dénoncé est totalement indifférent à l'exécution de l'engagement de garantie des consorts Z,
- que ceux-ci s'interdisent, comme condition substantielle de leur engagement, de faire valoir pour retarder ou se soustraire à l'exécution inconditionnelle et immédiate de la garantie et des paiements qu'elle met à leur charge, aucune nullité, exception, objection ni fin de non recevoir quelconque tirée des relations entre la SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES et la SARL 2A CUISINES PLUS
Aux termes de l'engagement, la garantie n'est pas subordonnée à l'appréciation des modalités d'exécution d'un contrat de base, auquel il n'est jamais fait référence dans l'acte, mais a vocation à s'appliquer aux obligations d'une société ayant pour objet la vente et la pose de cuisines (2A CUISINES PLUS), avec son, ou l'un de ses fournisseurs (CUISINES DESIGN INDUSTRIES .
La référence à la défaillance du débiteur dans l'exécution de ses obligations ne constitue,dans ces circonstances, qu'une modalité d'application de la garantie et non la condition de sa mise en oeuvre.
La convention ne saurait donc être qualifiée de cautionnement, alors que l'engagement, tel qu'il est stipulé par les termes du contrat, de payer une somme garantie pour quelque motif que ce soit indifféremment de l'exécution des obligations du client envers son fournisseur et sans pouvoir se prévaloir des exceptions tenant aux conventions les liant, vient caractériser une garantie autonome et non un contrat accessoire aux obligations de la SARL 2A CUISINES PLUS à l'égard de la SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a refusé de disqualifier l'engagement des consorts Z en cautionnement et le moyen tiré de l'absence de respect des formes prévues par l'article L. 341-2 du code de la consommation, qui n'est applicable qu'à la rédaction des contrats de cautionnement n'apparaît pas fondé.
B) Sur la caducité de l'engagement.
La date d'expiration de la convention a été fixé par les parties au 25 janvier 2010. La SARL 2A CUISINES PLUS a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du 17 novembre 2009; un plan de continuation a été adopté le 15 décembre 2010; la SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES a formalisé sa demande de paiement à l'encontre des garants le 28 septembre 2011.
La convention contient une clause ainsi rédigée " en considération des dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce, dans l'hypothèse où la société 2A viendrait à être placée sous le régime de la sauvegarde ou du redressement judiciaire, la validité de la présente garantie à
4 première demande sera prorogée de trois années à compter du jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation. "
La référence aux dispositions du code de commerce selon lesquelles l'ouverture de la procédure collective suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan de continuation ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, vient justifier le choix du point de départ du délai de prorogation de la garantie, lequel s'explique par la possibilité alors de nouveau ouverte au bénéficiaire de poursuivre l'exécution de la garantie autonome.
L'hypothèse visée par les parties pour que la caducité de la garantie n'intervienne pas le 25 janvier 2010 est cependant clairement définie comme étant celle de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire avant l'expiration de la garantie, et non celle de l'adoption d'un plan de continuation ou du prononcé d'une liquidation judiciaire avant cette date.
Aucune obligation n'imposait en conséquence au bénéficiaire d'adresser aux garants avant le 25 janvier 2010 une demande en paiement.
Le jugement sera en conséquence également confirmé en ce qu'il a retenu que la SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES ayant formalisé sa demande de paiement par lettre recommandée du 28 septembre 2011, les consorts Z devaient exécuter leurs obligations et être condamnés solidairement au paiement au profit du bénéficiaire de la garantie d'une somme de 66.079,59 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.
Sur les autres demandes.
Amédée Z, qui succombe, supportera la charge des dépens de la présente instance et ses propres frais. En outre, l'équité commande de le faire participer aux frais irrépétibles exposés par les intimées et il sera condamné au paiement d'une indemnité de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Déclare l'appel non fondé et le rejette;
Confirme le jugement déféré;
Y ajoutant,
Condamne Amédée Z à payer à la SAS CUISINES DESIGN INDUSTRIES la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne Amédée Z aux dépens de la présente instance; dit que les avocats en ayant fait la demande pourront recouvrer directement ceux dont ils ont fait l'avance sans en avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,
M. ... M.P. Pellarin
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