Jurisprudence : CA Caen, 05-03-2015, n° 04/01702

CA Caen, 05-03-2015, n° 04/01702

A7201NCP

Référence

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Abstract

La prestation compensatoire tient compte des besoins de l'époux à qui elle est versée et des ressources de l'autre époux, tels qu'ils peuvent être appréciés au moment du divorce et de leur évolution dans un avenir prévisible.



AFFAIRE N° RG 14/02029 Code Aff.
ARRÊT N°
ALD/MCM
ORIGINE Décision du juge aux affaires familiales de CHERBOURG en date du 26 février 2014
RG n° 04/01702
COUR D'APPEL DE CAEN
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE DU 05 MARS 2015

APPELANT
Monsieur Eric Jean Clovis Z
né le ..... à CHERBOURG (50100)

VALOGNES
représenté et assisté de Me Grégoire BOUGERIE, avocat au barreau de CAEN
INTIMÉE
Madame Florine Juliette Gabrielle ZY épouse ZY
née le ..... à VALOGNES (50700)

VALOGNES
représentée et assistée de Me Catherine ...,
avocat au barreau de CHERBOURG

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Mme LEMARINIER, président de chambre,
M. COLLAS, conseiller,
Mme LEPELTIER-DUREL, conseiller, rédacteur
DÉBATS A l'audience du 20 janvier 2015 prise en chambre du conseil
GREFFIER Mme CHARPENTIER
ARRÊT contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 mars 2015 et signé par Mme LEMARINIER, président, et Madame MALLARD, greffier

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

M. Eric Z est appelant suivant déclaration reçue au greffe le 12 juin 2014 d'un jugement rendu le 26 février 2014 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Cherbourg (Manche) statuant en matière de prononcé du divorce.
Il est précisé à la déclaration d'appel que celui-ci est général.
Il est en tant que de besoin expressément référé à la décision entreprise pour le plus ample exposé des faits et de la procédure en son état antérieur, sous réserve qu'il ne soit pas contraire aux énonciations du présent arrêt.
Les éléments suivants seront néanmoins rappelés
- M. Z et Mme Florine Y se sont mariés le 17 mai 1986 après avoir souscrit un contrat de séparation de biens le 16 mai 1986 reçu par Maître ..., notaire à Bricquebec,
- trois enfants sont issus de leur union
- Gabrielle, née le 6 avril 1987, aujourd'hui âgée de près de 28 ans,
- Clovis, né le 17 septembre 1988, aujourd'hui âgé de 26 ans,
- Andréa, née le 29 mai 1997, aujourd'hui âgée de 17 ans,
- le 24 décembre 2004, M. Z a déposé une requête en divorce,
- par ordonnance de non-conciliation en date du 9 mai 2005, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Cherbourg a notamment
- constaté que les époux avaient accepté le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci,
- attribué la jouissance du logement situé à à Mme Sauvage à titre gratuit durant la procédure,
- fixé la résidence habituelle des enfants au domicile de la mère, - organisé le droit de visite et d'hébergement du père,
- mis à la charge du père une pension alimentaire d'un montant de 920 euros par mois et par enfant, soit 2 760 euros au total, avec indexation annuelle au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation des trois enfants,
- mis à la charge de M. Z une pension alimentaire d'un montant de 3 000 euros au titre du devoir de secours entre époux,
- par ordonnance du 14 août 2007, le juge de la mise en état a notamment
- fixé la pension alimentaire due au titre du devoir de secours à la somme de 1.500 euros à compter du 9 mai 2005,
- fixé la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants à la somme de 600 euros par enfant et par mois à compter de l'ordonnance,
- par ordonnance du 18 novembre 2008, le juge de la mise en état a notamment
- débouté Madame Y de sa demande de modification des pensions alimentaires,
- désigné M. Renaud ..., expert financier, pour faire un descriptif et une évaluation du patrimoine de chacun des époux,
- maintenu les dispositions non contraires des précédentes décisions, - par arrêt du 3 décembre 2009, la présente cour a notamment
- fixé à 920 euros par mois et par enfant la pension alimentaire due par M. Z au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants à compter du 1er septembre 2007,
- le 14 août 2012, M. ... a déposé son rapport.
Aux termes de la décision entreprise, après que l'audience, à laquelle les deux parties étaient assistées de leurs avocats respectifs, a été tenue le 11 décembre 2013, le premier juge a notamment
- prononcé le divorce des époux Z,
- condamné M. Z à payer à Mme Y une prestation compensatoire sous forme de capital de 350.000 euros,
- rappelé que l'autorité parentale était exercée conjointement, - fixé la résidence de l'enfant mineure au domicile de la mère, - organisé le droit de visite et d'hébergement du père,
- fixé à la somme de 920 euros par mois, outre l'indexation annuelle, la pension alimentaire mise à la charge du père pour sa contribution à l'entretien et à l'éducation d'Andréa, payable au domicile de Madame Y,
- fixé à la somme de 920 euros par mois, avec indexation annuelle, la pension alimentaire mise à la charge du père pour sa contribution à l'entretien et à l'éducation de Andréa,
- fixé à la somme de 920 euros par mois, avec indexation annuelle la pension alimentaire mise à la charge du père pour sa contribution à l'entretien et à l'éducation de chacun de ses enfants majeurs Gabrielle et Clovis, payable au domicile de ces derniers,
- dit que chaque enfant majeur devrait justifier de sa situation le 1er octobre de chaque année sur réquisition du débiteur.
Il est expressément référé pour l'exposé des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions régulièrement notifiées qu'elles ont déposées le 9 janvier 2015, s'agissant de l'appelant, et le 8 novembre 2014, s'agissant de l'intimée.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 janvier 2015.
Outre les demandes relatives aux dépens et à leurs accessoires, l'objet du litige dont la cour est saisie est constitué par la demande de M. Z de débouter Mme Y de sa demande de prestation compensatoire et de réduire à de justes proportions la pension alimentaire au titre de sa contribution à l'entretien et l'éducation d'Andréa, à titre subsidiaire, de l'autoriser à payer l'éventuelle prestation compensatoire sous forme de versements périodiques sur huit années, prétentions auxquelles s'oppose Mme Y qui sollicite de fixer à 620 000 euros la dite prestation compensatoire à verser sous la forme d'un capital et de confirmer la pension alimentaire pour Andréa à la somme de 920 euros par mois.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'étendue de la saisine de la cour
Bien que l'appel soit général, les parties n'entendent voir infirmer le jugement qu'en ce qui concerne
- la prestation compensatoire,
- la contribution à l'entretien et à l'éducation d'Andréa
- les dépens, en ce compris le coût de l'expertise financière.
En conséquence, les autres dispositions du jugement, non critiquées, seront confirmées.
Sur la prestation compensatoire
Vu les articles 259-3 et 270 et suivants du code civil,
Vu les déclarations sur l'honneur souscrites en date du 10 juillet 2013 par M. Z et en date du 22 septembre 2006 par Mme Y, en application des dispositions de l'article 272 du code civil,
1- Sur le principe de la prestation compensatoire et la preuve de l'existence d'une disparité dans les conditions de vie respectives des époux créée par la dissolution du lien matrimonial
Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.
L'appréciation de l'existence d'une disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux doit être faite à la date à laquelle la décision prononçant le divorce a pris ou prend la force de chose jugée, soit en l'espèce celle du présent arrêt, en l'état de l'appel général porté par M. Z.
La situation des parties est la suivante Situation de M. Z
Agé de 51 ans, M. Z est le président de la SAS MEUBLES Z Il a perçu en 2013 un revenu salarié annuel imposable de 78.026 euros, des revenus de capitaux mobiliers de 50.801 euros et des revenus fonciers nets de 75.140 euros selon avis d'impôt 2014, soit un revenu mensuel moyen de 16.997 euros. En 2014 son salaire moyen mensuel a été de 6.480 euros selon cumul imposable figurant sur son bulletin de paie de novembre 2014.
Ses charges sont constituées des pensions alimentaires versées au titre du devoir de secours entre époux et de sa contribution à l'entretien et l'éducation des enfants d'un montant total de 58.943 euros en 2013. Deux des enfants pour lesquels la pension alimentaire actualisée est de 995 euros par mois et par enfant sont en fin d'études et ne seront bientôt plus à la charge de leurs parents. La pension alimentaire due au titre du devoir de secours ne sera plus versée.
M. Z justifie régler des échéances de remboursement d'un prêt pour l'acquisition de sa maison de 2.305,89 euros par mois jusqu'en février 2020.
Il partage ses charges avec une compagne dont le revenu mensuel moyen imposable a été de 1 590 euros en 2013 selon avis d'impôt 2014.
Son patrimoine se constitue de la maison qui était le domicile conjugal, d'une maison d'habitation sise à Valognes, sa résidence principale, de divers immeubles commerciaux et parcelles de terre, de parts de la SCI Gima Cornat de la SCI 'Les soeurs', de la SCI Gimatelier et de la SCI du 48 rue Henri ..., de titres des sociétés commerciales SAS Meubles Gimazane et SAS Gima Services des sommes figurant au crédit des comptes courants 'associé' des deux sociétés commerciales et de 3 des SCI, des placements bancaires et contrats d'assurance-vie. Il a été évalué par l'expert à 3 070 000 euros au 31 décembre 2011, étant précisé que cette évaluation a pris en considération les difficultés de la SAS Meubles Gimazane et de sa cotation G 5 par la Banque de France, traduisant une faible capacité à honorer les engagements financiers.
S'agissant de la SAS Meubles Gimazane le résultat net d'exploitation est déficitaire de - 360 973 euros au 28 février 2014, ce qui montre que la situation de cette entreprise ne s'est pas améliorée depuis l'expertise. En revanche la SAS GIMA SERVICES présentait au 28 février 2013 un résultat net comptable bénéficiaire de 34 367 euros.
Situation de Mme Y
Agée de 52 ans, Mme Y occupe depuis le 1er avril 2008 un emploi de cadre auprès du Groupement d'employeurs Activ'Emploi Manche. Elle a perçu en 2013 un revenu annuel imposable de 32 229 euros soit un revenu mensuel moyen de 2 685 euros selon avis d'impôt 2014.
Il résulte du rapport d'expertise que son patrimoine se constitue de parts de la SCI 'Les soeurs', de placements mobiliers et de deux contrats d'assurance-vie représentant un actif de 160 000 euros au 31 décembre 2011.
Elle vit seule avec ses enfants et est actuellement occupante du domicile conjugal dont la jouissance lui a été attribuée gratuitement par ordonnance de non-conciliation du 9 mai 2005. Elle aura ensuite la charge d'un logement.
Les sommes perçues au titre du devoir de secours entre époux, de la contribution de M. Z à l'entretien et l'éducation des enfants et la jouissance gratuite du domicile conjugal ne peuvent être prises en compte pour apprécier l'existence d'une disparité.
Il résulte des éléments ci-dessus exposés et analysés que la rupture du mariage crée, au détriment de Mme Y, une disparité dans les conditions de vie respectives des époux, telle qu'elle peut être appréciée à la date ci-dessus spécifiée de la dissolution de l'union.
2- Sur le montant de la prestation compensatoire
Vu l'article 271 du code civil, et le caractère non limitatif de l'énumération énoncée par ce texte,
La prestation compensatoire pouvant être mise à la charge de l'un des ex-époux pour compenser, autant qu'il est possible, la disparité créée par la rupture du mariage dans leurs conditions de vie respectives n'est pas destinée à égaliser leurs situations patrimoniales ou à gommer les effets de leur régime matrimonial.
C'est en tenant compte des besoins de l'époux à qui elle est versée et des ressources de l'autre époux, tels qu'ils peuvent être appréciés au moment du divorce, soit à la date ci-dessus spécifiée de la dissolution de l'union, et de leur évolution dans un avenir prévisible, ainsi que des éléments ci-dessous analysés que son montant est fixé.
La durée du mariage, qui s'entend de celle écoulée entre la date de la célébration du mariage et celle de la dissolution de l'union, a été en l'espèce de 27 ans. La cour observe, comme l'a fait le premier juge, que la durée de la vie commune, notion que M. Z souhaiterait voir retenue, n'a pas à être nécessairement prise en compte à la place de la durée du mariage et qu'en ce qui concerne la présente procédure de divorce, sa durée n'est pas imputable à Mme Y dont la demande d'une expertise financière n'était pas dilatoire au regard de la difficulté à évaluer le patrimoine de M. Z.
S'agissant de l'âge et de l'état de santé de chacun des époux, aucun élément particulier n'est à noter si ce n'est qu'ils se trouvent dans une situation similaire à cet égard.
La qualification et la situation professionnelle de chacun des époux lui permet de poursuivre le parcours entrepris depuis son entrée dans la vie active. Mme Y a certes perdu son emploi occupé dans les sociétés gérées par M. Z mais a été indemnisée pour son licenciement et a repris une activité dans le cadre d'un CDI. M. Z, de son côté, n'établit nullement, par ses considérations générales sur la situation économique du secteur de l'ameublement et malgré les difficultés que connaît la SAS Meubles Gimazane que son emploi et son parcours professionnel personnel seraient en péril. Le chiffre d'affaires de cette société reste en effet de plus de 4.800.000 euros après être resté supérieur à 5.000.000 euros de 2009 à 2012 ainsi que l'a noté le premier juge.
Aussi, en considération du patrimoine estimé des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, des droits existants et prévisibles des époux, et de la situation économique de l'entreprise principale de M. Z, il apparaît que le montant de la prestation compensatoire mise à sa charge a été justement fixé à la somme de 350.000 euros.
La décision entreprise sera donc confirmée sur ce point du litige.
3- Sur les modalités de paiement de la prestation compensatoire
Vu l'article 275 du code civil,
La preuve n'étant pas rapportée que le débiteur, dont le patrimoine se constitue d'éléments pouvant être liquidés facilement sans mise en cause de ses conditions de vie, ne serait pas en mesure de verser le capital mis à sa charge à titre de prestation compensatoire suivant l'une des modalités prévues à l'article 274 du code civil, ce paiement s'effectuera sous la forme d'un versement d'une somme d'argent, ainsi que prévu par la décision entreprise.
Sur la contribution à l'entretien et à l'éducation d'Andréa
Vu les articles du code civil 371-2, 373-2-2 du code civil,
La révision des dispositions relatives au principe ou au montant d'une pension alimentaire qui ont été antérieurement prises aux termes d'une décision judiciaire devenue définitive, nécessite que la preuve soit rapportée par le demandeur de l'existence d'un ou plusieurs éléments nouveaux opérant changement notable de la situation quant aux capacités contributives d'au moins une des parties ou aux besoins de l'enfant.
M. Z fait état des difficultés financières d'une de ses sociétés commerciales. Cependant, il n'établit pas qu'il ait subi à titre personnel une quelconque diminution de ses ressources. De plus,
s'agissant de ses charges, elles vont au contraire être prochainement diminuées des pensions alimentaires versées pour Mme Y et ses deux enfants aînés, en fin d'études. Enfin, pour ce qui concerne les besoins de la jeune Andréa, actuellement en terminale, ils vont au contraire augmenter dès qu'elle va entreprendre ses études supérieures.
La décision entreprise doit dès lors être confirmée de ce chef. Sur les dépens et leurs accessoires
Le partage par moitié des dépens de première instance sera confirmé. En revanche, M. Z succombant en son appel principal, aura la charge des dépens d'appel et devra payer la somme de 2 000 euros à Mme Y au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer dans la présente instance devant la cour.

PAR CES MOTIFS,
La cour
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit que les dépens d'appel seront à la charge de M. Eric Z,
Condamne M. Eric Z à payer la somme de 2.000 euros à Mme Florine Y sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE B. MALLARD A-M. LEMARINIER

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