Jurisprudence : Cass. soc., 11-02-2015, n° 13-23.080, FS-D, Rejet

Cass. soc., 11-02-2015, n° 13-23.080, FS-D, Rejet

A4415NB7

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2015:SO00258

Identifiant Legifrance : JURITEXT000030244321

Référence

Cass. soc., 11-02-2015, n° 13-23.080, FS-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/23146153-cass-soc-11022015-n-1323080-fsd-rejet
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SOC. LM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 11 février 2015
Rejet
M. FROUIN, président
Arrêt no 258 FS-D
Pourvois no F 13-23.080
H 13-23.081
N 13-23.086
R 13-23.089 JONCTION
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur les pourvois no F 13-23.080, H 13-23.081, N 13-23.086, R 13-23.089 formés par
- la société La Poste, société anonyme, dont le siège est Paris cedex 15,
contre quatre arrêts rendus le 17 juin 2013 par la cour d'appel de Limoges (chambre sociale), dans les litiges l'opposant respectivement
1o/ à Mme Y Y, domiciliée Saint-Hilaire-Luc,
2o/ à Mme X X, domiciliée Merlines,
3o/ à Mme W W, domiciliée Liginiac,
4o/ à M. V V, domicilié Brive-la-Gaillarde,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque deux moyens de cassation, communs à ses quatre pourvois, annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 janvier 2015, où étaient présents M. Frouin, président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Béraud, Mmes Geerssen, Lambremon, Deurbergue, MM. Chauvet, Huglo, Maron, Déglise, Mme Reygner, conseillers, Mmes Mariette, Sommé, Sabotier, Corbel, Salomon, Depelley, Barbé, conseillers référendaires, M. Weissmann, avocat général référendaire, Mme Bringard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société La Poste, de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de Mmes Y, X, W et de M. V, l'avis de M. Weissmann, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois no F 13-23.080, H 13-23.081, N 13-23.08 et R 13-23.089 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Limoges, 17 juin 2013), que Mmes Y, X et W et M. V ont été engagés par La Poste respectivement les 1er juin 1976, 28 août 1978, 3 novembre 2003 et 6 juillet 2000 en qualité d'agent contractuel dans le cadre de contrats à durée déterminée puis par contrat à durée indéterminée à compter respectivement du 1er janvier 2001, 1er juin 2000, 13 mars 2006 et 1er avril 2006 ; qu'ils ont saisi, le 9 février 2012, la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée et à la condamnation de l'employeur à régulariser leur situation auprès des caisses de retraite de sécurité sociale et de retraite complémentaire et au paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen
Attendu que La Poste fait grief aux arrêts de la condamner à verser à chacun des salariés une somme à titre de dommages-intérêts pour perte de leurs droits à la retraite, alors selon le moyen, que l'action en paiement du salaire se prescrit par cinq ans ; que la même prescription s'applique à l'action en paiement de cotisations de retraite assises sur ces salaires ; qu'en condamnant La Poste, après l'écoulement de ce délai, à la réparation du préjudice résultant, pour les salariés, du seul défaut du paiement de cotisations de retraite prescrites, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail ;

Mais attendu que l'action du salarié en réparation du préjudice causé par la faute de l'employeur qui n'a pas satisfait à son obligation de l'affilier à un régime de retraite et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription régissant les actions en responsabilité civile, fixée à trente ans par l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen
Attendu que La Poste fait grief aux arrêts de la condamner à payer à chacun des salariés des dommages-intérêts au titre d'un préjudice lié à la précarité, alors, selon le moyen, qu'en se déterminant aux termes de motifs qui ne caractérisent pas l'existence d'un préjudice souffert par les salariés distinct de la précarité et de la privation des avantages issus de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée, qu'elle avait déjà indemnisées par l'allocation à chacun d'eux, à titre d'indemnité de requalification, de sommes souverainement évaluées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que le recours massif et abusif à des contrats à durée déterminée et à des avenants illégaux pour une activité normale et permanente de l'entreprise avait mis les salariés dans une situation d'incertitude matérielle et professionnelle et les avait privés d'une façon générale des dispositifs de gestion de personnel, de formation et de perspectives de carrière jusqu'à leur embauche en contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a caractérisé l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par l'indemnité de requalification allouée ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société La Poste aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux salariés la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens, communs aux pourvois no F 13-23.080, H 13-23.081, N 13-23.086 et R 13-23.089, produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société La Poste
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné La Poste à verser à chacun des quatre agents défendeurs aux présents pourvois des dommages et intérêts "pour perte de ses droits à la retraite" ;
AUX MOTIFS QUE "... la SA La Poste soutient que la demande de reconstitution de carrière auprès des caisses de retraite générale et complémentaire présentée à titre principal devant le Conseil de prud'hommes par M. ...... se heurte à une impossibilité technique qui n'est pas de son fait, et ajoute que la demande subsidiaire de dommages et intérêts en réparation de la perte de ses droits à la retraite est prescrite ;
QUE La Poste démontre effectivement par la production de courriers émanant de la Carsat et de l'Urssaf que la régularisation sollicitée par [les salariés] pour des périodes où aucun salaire n'a été versé ne peut pas être opérée ; qu'en revanche, [chaque salarié] est bien fondé à soutenir le caractère indemnitaire de sa demande de réparation de son préjudice généré par la perte d'une chance de percevoir une retraite améliorée du fait du non paiement, par La Poste, des cotisations aux régime général et complémentaire de retraite entre [sa date d'embauche] et [celle de son emploi en contrat à durée indéterminée à temps complet] auquel elle était tenue ; qu'en effet ce préjudice, qui est distinct d'une créance salariale, est soumis à la prescription trentenaire et non quinquennale, comme le soutient à tort La Poste" ;
QUE la somme ... allouée à ce titre par les premiers juges au vu de l'ancienneté [du] salarié, de son âge et des pièces du dossier apparaît satisfactoire et sera admise par la Cour (...)" ;
ALORS QUE l'action en paiement du salaire se prescrit par cinq ans ; que la même prescription s'applique à l'action en paiement de cotisations de retraite assises sur ces salaires ; qu'en condamnant La Poste, après l'écoulement de ce délai, à la réparation du préjudice résultant, pour les salariés, du seul défaut du paiement de cotisations de retraite prescrites, la Cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'AVOIR condamné La Poste à verser à chacun des quatre salariés demandeurs une indemnité de requalification et des dommages et intérêts "en réparation de son préjudice lié à la précarité" ;
AUX MOTIFS QUE "[le salarié] demande la condamnation de la SA La Poste à réparer ses préjudices moral et financier nés de la discrimination et de l'exploitation exceptionnellement abusive dont [il] prétend avoir fait l'objet ;
QUE si, s'agissant de la discrimination, [le salarié] se contente de pétitions de principe, de références textuelles européennes et nationales, sans établir l'existence d'une situation de cette nature qu'[il] aurait eu personnellement à subir...il est certain que le recours massif et abusif à des contrats à durée déterminée et à des avenants illégaux pour une activité normale et permanente de l'entreprise a mis de longues années...[le salarié] dans une situation de précarité matérielle et d'incertitude professionnelle, l'a privé d'une façon générale des dispositifs de gestion de personnel, de formation et de perspectives de carrière jusqu'à son embauche en contrat de travail à durée indéterminée [...] ;
QUE la SA La Poste n'est pas fondée à se prévaloir de la prescription de l'article L. 3245-1 du Code du travail et à soutenir que [le] salarié tente de contourner les règles de la prescription quinquennale ; qu'en effet, la demande... ne tend pas à obtenir un rappel de salaires, demande qui serait prescrite, mais à obtenir la réparation d'un préjudice spécifique souffert... qui est distinct de celui réparé par l'indemnité de requalification (...)" ;
ALORS QU'en se déterminant aux termes de motifs qui ne caractérisent pas l'existence d'un préjudice souffert par les salariés distinct de la précarité et de la privation des avantages issus de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée, qu'elle avait déjà indemnisées par l'allocation à chacun d'eux, à titre d'indemnité de requalification, de sommes souverainement évaluées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.

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