11/02/2015
ARRÊT N°84
N° RG 13/05989
GC/MB
Décision déférée du 22 Octobre 2013 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE -
Laurent ...
S.A.S. COLOMBI SPORTS
représentée par Me ...
C/
S.A.S. MAZET MESSAGERIE
représentée par Me ...
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème Chambre Section 1
***
ARRÊT DU ONZE FÉVRIER DEUX MILLE QUINZE
***
APPELANTE
S.A.S. COLOMBI SPORTS
AUBORD
1
Représentée par Me Thomas EYBERT de l'Association cabinet EHRHARD EYBERT, avocat au barreau de Toulouse assistée de Me MOLINS, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
S.A.S. MAZET MESSAGERIE
AUBORD
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de Toulouse assistée de Me Thomas NASRI, avocat au barreau de Lyon
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 janvier 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant G. COUSTEAUX, président et M. SONNEVILLE, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de
G. COUSTEAUX, président
M. SONNEVILLE, conseiller
M.P. PELLARIN, conseiller
Greffier, lors des débats C. LERMIGNY
ARRÊT
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par G. COUSTEAUX, président, et par C. ESPITALIER, greffier de chambre.
FAITS et PROCÉDURE
La société Colombi Sports a confié à la société Mazet Messagerie le transport de 5 palettes contenant des armes et des munitions de chasse et tir destinés à la société Ediloisir
Une partie des colis ayant été dérobée, la société Colombi Sports a effectué une déclaration auprès des services de police et a formulé une demande d'indemnisation auprès de la société Mazet Messagerie Celle-ci a opposé une limitation de responsabilité à hauteur de la somme de 3.750 euros.
La société Colombi Sports considère que les négligences du transporteur lui ont causé un préjudice de 41.538,23 euros. Elle a alors assigné la société Mazet Messagerie devant le tribunal de commerce de Toulouse le 1er juillet 2013.
Par jugement du 22 octobre 2013, le tribunal de commerce de Toulouse a
- débouté la société Colombi Sports de ses demandes
- l'a condamnée aux entiers dépens.
2
La société Colombi Sports a interjeté appel le 25 novembre 2013.
La société Colombi Sports a transmis ses dernières écritures par RPVA le 27 novembre 2014.
La société Mazet Messagerie a transmis ses dernières écritures par RPVA le 8 décembre 2014.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 décembre 2014.
MOYENS et PRÉTENTIONS des PARTIES
Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles L133-3 du Code de commerce, le contrat type " marchandise " et l'article 1150 du Code civil, la société Colombi Sports demande à la cour d'appel de
- dire et juger la société Colombi Sports recevable et bien fondé en son appel
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 22 octobre 2013.
En conséquence
- dire et juger la société Colombi Sports recevable et bien fondée en ses demandes
- condamner la société Mazet Messagerie à lui payer la somme de 44.258,66 euros en principal, sauf à parfaire, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la livraison attendue des marchandises et anatocisme dans les conditions de l'article 1154 du Code civil
- condamner la société Mazet Messagerie à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Thomas ..., avocat au barreau de Toulouse.
L'appelant fait essentiellement valoir que
- la formalité exigée à l'article L 133-3 du Code de commerce n'est nécessaire qu'en l'absence de réserves à destination et/ou de réserves valables, le but de cette formalité étant de porter à la connaissance des désordres constatés après la livraison et qui n'aurait pas été " réservés ". En l'espèce, à l'arrivée à destination, des réserves ont été portées sur la lettre de voiture, 3 palettes manquantes et deux autres défilmées et décerclées avec 65% manquants, ce qui répond aux critères de validité attendus des réserves. D'ailleurs, avant même la livraison, la société Mazet Messagerie avait connaissance des manquants puisque le jour même de la livraison, une plainte a été déposée par ses soins reprenant le détail des marchandises dérobées et manquantes, ce qui vaut réserve et démontre qu'elle avait une parfaite connaissance des manquants.
- La fraude ou l'infidélité du transporteur ou ses préposés empêche le transporteur d'évoquer la forclusion pour défaut de réserve dans les trois jours.
- Les manquants étaient connus du transporteur bien avant la livraison et celui-ci n'a averti personne avant la livraison, laissant plusieurs jours aux voleurs pour disparaître, ce qui est exclusif de toute limitation de responsabilité. Les marchandises ont été dérobées dans les entrepôts du transporteur ou détournées par son chauffeur tandis qu'elles étaient sous son entière responsabilité, ce qui n'est pas constitutif de force majeure.
- La faute inexcusable est caractérisée dans la mesure où il s'agit d'une faute délibérée du transporteur il n'a pas mis en oeuvre les mesures de protection adéquates, a confié le transport d'objets sensibles (armes) à un conducteur novice ou nouveau dans la société et a donc accepté sans raison valable la probabilité d'un dommage en ne protégeant pas les marchandises confiées.
Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles L133-3 et L133-8 du Code de commerce ainsi que le contrat type régissant les transports nationaux de marchandises inférieures à 3 tonnes, la société Mazet
3
Messagerie demande à la cour d'appel de
A titre principal
- constater la forclusion de l'action de la société Colombi Sports à l'égard de la société Mazet Messagerie
A titre subsidiaire
- constater que la société Mazet Messagerie n'a pas commis de faute inexcusable
- dire et juger que le présent contrat type régit le présent litige,
En conséquence
- limiter l'indemnisation de la société Colombi Sports à la somme de 2.549,00 euros en application du contrat type applicable,
En toute hypothèse condamner la société Colombi Sports à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimé fait essentiellement valoir que
- l'action de la société Colombi Sports est forclose en application de l'article L 133-3 alinéa 1 du Code de commerce " la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle si dans les 3 jours, non compris les jours fériés, qui suivent celui de cette réception, le destinataire n'a pas notifié au voiturier, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée, sa protestation motivée ".
- pour être efficaces, les réserves formulées doivent être écrites, significatives et complètes. En l'espèce, la mention inscrite par la société Ediloisir sur la lettre de voiture précise " reçu 2 UM sur les 5. Manque 3 UM. Marchandise reçue décerclée défilmée estimation manquants 65% environ ". Cette indication est trop vague pour permettre une " photographie nette et précise " de la marchandise au moment de la livraison.
- A titre subsidiaire, seule la démonstration et la preuve d'une faute inexcusable, conformément à l'article L 133-8 du Code de commerce peut faire échec aux dispositions du contrat type et aux limitations conventionnelles.
MOTIFS de la DÉCISION
D'une part, selon l'article L133-3 du code de commerce, la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle si dans les trois jours, non compris les jours fériés, qui suivent celui de cette réception, le destinataire n'a pas notifié au voiturier, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée, sa protestation motivée.
En l'espèce, lors de la livraison des marchandises expédiées, le destinataire a mentionné sur l'exemplaire du transporteur 'reçu 2 UM sur les 5. Manque 3 UM . Marchandise reçue décerclée, défilmée, estimation manquants 65% environ'. Ces mentions précises rendent inutile l'envoi au transporteur de la protestation visée à l'article sus-mentionnée . Au surplus, il est établi que la SAS Mazet Messagerie avait connaissance des disparitions signalées par le destinataire dans la mesure où le jour même de la livraison litigieuse, soit le 5 juillet 2012, un de ses représentants qualifié a déposé plainte pour vol . Dès lors, l'action de la SAS Colombi Sports n'est pas atteinte par la forclusion.
D'autre part, selon l'article L133-8 du code de commerce, seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable.
4
Le transport litigieux concernait des armes de chasse. Or, la SAS Mazet Messagerie a confié ce transport sensible à un nouveau salarié, embauché le 25 juin 2012, qui a pris en charge les objets le vendredi 29 juin 2012 dans le département du Gard pour ne conduire le camion les contenant sur le parking de la SAS Mazet Messagerie que le lundi 2 juillet 2012 et l'y laisser portes ouvertes et sans remettre au secrétariat les documents administratifs, la livraison intervenant en Haute-Garonne le jeudi 5 juillet 2012.
Ainsi, le délai exceptionnellement long pour assurer le transport d'armes d'épaule, alors au demeurant que la distance à parcourir n'était pas excessive pour un chauffeur routier au cours d'une journée de travail, caractérise une faute inexcusable au sens de l'article L133-8 du code de commerce, alors au surplus que la distance réduite entre le parking de la SAS Mazet Messagerie et le lieu de livraison rendait injustifié le stationnement sur ledit parking, où par ailleurs aucune mesure n'a été prise prise pour assurer la sécurité du chargement.
Dès lors, il n'y a pas lieu à limitation de l'indemnisation par application des dispositions du contrat-type de transport, la somme allouée à la SAS Colombi Sports devant correspondre au prix de facturation des marchandises dérobées.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris, de condamner la SAS Mazet Messagerie à payer à la SAS Colombi Sports la somme de 44.258,66 euros, correspondant à la valeur marchande des objets dérobés, somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2013, date de l'acte introductif d'instance, à défaut de mise en demeure préalable. Par ailleurs, lesdits intérêts se capitaliseront, par application de l'article 1154 du code civil, à compter du 27 novembre 2014, date de la demande.
Enfin, la SAS Mazet Messagerie qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Toulouse,
Et statuant à nouveau,
Condamne la SAS Mazet Messagerie à payer à la SAS Colombi Sports la somme de 44.258,66 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2013,
Dit que les intérêts se capitaliseront à compter du 27 novembre 2014,
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SAS Mazet Messagerie de sa demande de ce chef,
Condamne la SAS Mazet Messagerie à payer à la SAS Colombi Sports la somme de 2.500 euros sur ce fondement,
Condamne la SAS Mazet Messagerie aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président, .
5