Jurisprudence : Cass. soc., 12-07-2004, n° 03-43.296, inédit, Cassation partielle



SOC.PRUD'HOMMESC.B.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 12 juillet 2004
Cassation partielle
M. BAILLY, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Arrêt n° 1548 F D
Pourvoi n° Y 03-43.296
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par M. Jean-François Z, demeurant Saint-Pierre,
en cassation d'un arrêt rendu le 21 janvier 2003 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (Chambre sociale), au profit
1°/ de la société Sorelait, société anonyme dont le siège est Le Port,
2°/ de l'ASSEDIC de La Réunion, dont le siège est Saint-Denis Messag , défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 8 juin 2004, où étaient présents M. Bailly, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Manes-Roussel, conseiller référendaire rapporteur, MM. Chauviré, Gillet, conseillers, M. Leblanc, Mme Bobin-Bertrand, conseillers référendaires, M. Allix, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Manes-Roussel, conseiller référendaire, les observations de la la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Z, de Me Blondel, avocat de la société Sorelait, les conclusions de M. Allix, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que, selon l'arrêt attaqué, la société Sorelait a conclu, courant 1991, avec M. Z, deux contrats par lesquels, d'une part, elle lui donnait à bail un camion déterminé, d'autre part elle le chargeait de livrer ses produits à des conditions, suivant un planning et moyennant une rémunération dont les modalités étaient précisément convenues ; qu'elle a résilié ces contrats, avec effet immédiat, le 27 février 1995, motifs pris de détournements de marchandises commis par certains transporteurs ; que, par arrêt du 26 octobre 1995, rendu par la cour d'appel de Saint-Denis, le directeur de la société Sorelait a été condamné, ès qualités, pour avoir commis, courant 1991 et 1992, des délits de travail clandestin par dissimulation de plusieurs salariés, dont l'intéressé ; qu'elle a condamné, par un arrêt du 8 octobre 1998, M. Z pour s'être rendu coupable du délit d'abus de confiance au préjudice de la société Sorelait et l'a condamné à payer à celle-ci des sommes en réparation du préjudice qu'il lui avait causé ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour voir requalifié, d'une part, son contrat de livraison en contrat de travail et, d'autre part, la rupture des relations contractuelles en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et obtenir l'allocation de diverses sommes ;
Sur le premier moyen, tel qu'il figure au mémoire annexé
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes en paiement de dommages-intérêts et d'indemnités de rupture, pour les motifs exposés dans le mémoire annexé et qui sont pris d'une violation de l'article L. 122-14-2 du Code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'employeur avait notifié par lettre la rupture des contrats, la cour d'appel en a exactement déduit, après avoir requalifié les contrats rompus en contrat de travail, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile, que cette lettre constituait une lettre de licenciement ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen
Vu le principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal, et les articles L. 122-6, L. 122-9 du Code du travail ;
Attendu que pour débouter M. Z de sa demande tendant à ce que la société Sorelait soit condamnée à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement et d'indemnité de préavis, les juges du fond se sont bornés à relever que le salarié a été reconnu coupable par une décision définitive de la juridiction répressive des délits d'abus de confiance ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'autorité de la chose jugée au pénal oblige seulement, en cas de condamnation, à retenir comme établis les faits objet de la prévention et qu'il appartient aux juges du fond de vérifier si le comportement reproché au salarié est de nature à caractériser une faute grave, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à cette recherche, a privé sa décision de base légale au regard du principe et des textes susvisés ;
Sur le troisième moyen
Vu l'article L. 121-1 du Code du travail ;
Attendu que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes tendant à ce que la société Sorelait soit condamnée à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts indemnisant sa situation illicite de travailleur indépendant, la cour d'appel a énoncé qu'il n'y avait pas lieu de lui allouer une somme quelconque au titre de la privation, qu'il avait acceptée, des droits minimaux reconnus aux salariés par le Code du travail et les conventions collectives ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle retenait l'existence d'un contrat de travail au bénéfice du salarié, dissimulé sous l'apparence de contrats de location de véhicules et de transport, de sorte que le salarié avait été privé des avantages attachés à un contrat de travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, au regard du texte susvisé ;
Sur le quatrième moyen
Vu l'article L. 223-11 du Code du travail ;
Attendu que pour limiter la demande d'indemnité compensatrice de congés payés du salarié, l'arrêt retient que seule doit être prise en considération, pour le calcul de cette indemnité, l'année de référence, l'indemnité compensatrice de congés payés n'étant pas cumulable avec le salaire perçu au cours des années précédentes ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que le salarié n'avait pas pris ses congés payés pendant plusieurs années et qu'il avait été empêché de les prendre du fait de son employeur, ce dont il résultait nécessairement un préjudice ouvrant droit au paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Z de ses demandes à titre d'indemnité de licenciement et d'indemnité de préavis, de dommages-intérêts indemnisant sa situation illicite de travailleur indépendant et d'indemnité compensatrice de congés payés, l'arrêt rendu le 21 janvier 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée ;
Condamne la société Sorelait aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à M. Z la somme de 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille quatre.

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