CIV. 1 I.G
COUR DE CASSATION
Audience publique du 17 septembre 2003
Rejet
M. LEMONTEY, président
Arrêt n° 1058 FS_P
Pourvoi n° G 01-15.306
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ M. Richard Y, demeurant Villeneuve_sur_Eure,
2°/ M. Robert Y, demeurant Montegut,
3°/ Mme Jacqueline Y, demeurant Paris,
4°/ M. Frédéric Y, demeurant Paris,
5°/ Mme Lucia X, épouse dirvorcée Pardo, demeurant Santa W, 28, Castiglion Fiorentino 52 (AR) (Italie), et Galerie Pardo, dont le siège est Paris,
6°/ Mme Nicole Y, demeurant Montegut,
7°/ Mme Véronique U, épouse U, demeurant Paris,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 juin 2001 par la cour d'appel de Paris (1re chambre, section B), au profit
1°/ de Mme Jeanne Dubois T, épouse T de la Serre, demeurant Mezières,
2°/ de la société civile professionnelle (SCP) Paul Perrin, Olivier R, PH. Royere Antoine, dont le siège est Versailles,
3°/ de M. Jacques P, demeurant Paris,
défendeurs à la cassation ;
En présence de M. Yvon Le Z, ès qualités de mandataire ad'hoc de la société Galerie Pardo, domicilié Paris Paris,
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131_6_1du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 24 juin 2003, où étaient présents M. Lemontey, président, M. Gridel, conseiller rapporteur, MM. ..._Payen, Pluyette, Gueudet, Mmes Marais, Pascal, conseillers, Mmes ..., ..., ..._Verger, M. Chauvin, Mmes Chardonnet, Trapero, conseillers référendaires, M. Mellottée, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Gridel, conseiller, les observations de Me ... et de la SCP Lyon_Caen, Fabiani et Thiriez, avocat des consorts Y et de Mme ..., de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de M. P, de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la SCP Paul Perrin Olivier Perrin PH. Royere Antoine, de Me Jacoupy, avocat de M. Le Z, ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme Barbier ... ... ..., les conclusions de M. Mellottée, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que le 25 octobre 1985, Mme Barbier ... ... ..., propriétaire d' un tableau de l'école française du XVIIe siècle, a requis la société civile professionnelle Perrin_Royère_Lajeunesse (la SCP), commissaire priseur, pour le vendre aux enchères publiques dans les six mois ; que l'acte chargeait l'officier ministériel d'une mission préalable de recherches et investigations par tout expert, sachant ou procédé scientifique, aux fins de déceler l'origine de l'oeuvre et la dire de l'atelier de Nicolas ... ou du maître lui_même, stipulait à ce propos l'assistance des experts ... ... et P, et fixait un prix de réserve à 100 000 francs ; que le tableau a été présenté au catalogue sous les formules "Atelier de Nicolas Poussin, ... fuite en Égypte, huile sur toile", suivies, références bibliographiques à l'appui, des indications selon lesquelles les spécialistes considéraient l'oeuvre originale comme perdue, à moins, selon l'un d'eux, qu'elle ne figurât dans une collection suisse ; qu'estimé entre 150 000 ou 200 000 francs, il a été adjugé le 2 mars 1986 pour le prix de 1 600 000 francs à la société Galerie Pardo, avant de devenir, en conséquence de la liquidation amiable de celle_ci, la propriété indivise de MM. ... et Y Y ;
Attendu que la venderesse, convaincue en 1994, par la lecture de publications relatives à Poussin et relatant les opinions nouvelles de personnes qualifiées, que le tableau était de la main de l'artiste, a, en 1995, assigné MM. Y et le mandataire ad hoc de la galerie liquidée, en nullité de la vente, et la SCP et M. P en responsabilité ; qu'un premier arrêt (Paris, 27 février 1998), frappé par ceux_ci de deux pourvois rejetés par la Cour de Cassation (Civ1, 27 juin 2000, D 98_15.483 et E 98_15.714), après avoir énoncé en son dispositif qu'"aucun aléa permettant l'attribution de la toile à Nicolas ... n'existait pour la venderesse lors de la vente intervenue le 2 mars 1986", a ordonné avant dire droit une expertise, laquelle a conclu le 24 mars 2000 qu'il en était certainement l'auteur, et que la valeur de l'oeuvre litigieuse se situait entre quarante_cinq et soixante millions de francs ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches
Attendu que MM. Y et les autres membres de la société liquidée font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2001) d'avoir prononcé la nullité de la vente sans préciser les éléments établissant que Mme Barbier ... ... ... avait fait du défaut d'authenticité du tableau une qualité substantielle l'ayant déterminée, méconnaissant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et privant sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du Code civil ;
Mais attendu qu'en rappelant le dispositif précité de sa décision du 27 février 1998, ainsi que les motifs par lesquels elle avait alors dit les termes du catalogue exclusifs de toute possibilité d'attribution au peintre puis souligné l'extrême modicité de l'estimation initiale du tableau comme de son prix de réserve, et en ajoutant que c'est précisément parce que Mme Barbier ... ... ... avait acquis la certitude que le tableau n'était pas de l'artiste qu'elle avait accepté de le laisser mettre en vente sous l'appellation "Atelier de Nicolas Poussin", la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen et la troisième branche du premier
Attendu que les consorts Y font aussi grief à la cour d'appel, d'une part, de les avoir déboutés de leur action en responsabilité civile contre la SCP, sans rechercher si sa "déclaration mensongère" faite à Mme Barbier ... ... ..., par lettre du 29 janvier 1986 selon laquelle le tableau avait été montré à l'un des meilleurs spécialistes de la peinture française du XVIIe siècle sans être reconnu par lui comme une oeuvre du maître, ne constituait pas une faute contractuelle envers sa mandante, préjudiciable aussi à l'acheteur par la conviction erronée suscitée chez la venderesse qu'il ne pouvait être de Poussin et par l'annulation consécutive de la vente, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1165 et 1382 du Code civil, et, d'autre part, d'avoir méconnu, en violation des articles 1110 et 1984 du même Code, que la faute du mandataire, génératrice de l'erreur de la mandante, ouvrait seulement à cette dernière une action en responsabilité à l'encontre du commissaire priseur, mais faisait par ailleurs obstacle au prononcé de la nullité de la vente ;
Mais attendu que la cour d'appel a vérifié, par référence aux données acquises au moment de la vente, l'exactitude des mentions du catalogue quant au sort supputé de l'original du tableau "La fuite en Égypte" ; qu'elle a ajouté que la non_réponse du spécialiste sollicité à une lettre de M. P accompagnée d'une photographie et d'une demande d'avis avait pu être interprétée par lui et par la SCP comme un désintérêt témoignant de la non attribution de la toile au maître, les confortant ainsi dans leur opinion épistolairement exprimée et dans leur résolution de la présenter comme une oeuvre d'atelier ; qu'elle a relevé qu'un nettoyage ou des mesures scientifiques ou radiographiques ou d'autres investigations encore n'auraient pas suffi à établir son authenticité par rapport à une copie d'époque ; que par ces constatations et appréciations souveraines, elle a légalement justifié sa décision de ne retenir aucun manquement de la SCP à ses obligations de prudence et diligence ; d'où il suit que le moyen manque en fait ;
Et sur le troisième moyen
Attendu qu'il est subsidiairement reproché à l'arrêt, en violation des articles 1371 du Code civil et 695 du nouveau Code de procédure civile, de débouter les consorts Y de leur action en enrichissement sans cause dirigée contre Mme Barbier ... ... ..., alors que, condamnés aux entiers dépens, ils supportent la charge des expertises menées à partir d'analyses scientifiques entreprises à leur demande par les Laboratoires des Musées nationaux et qui ont abouti à la reconnaissance de l'authenticité du tableau ;
Mais attendu que l'enrichissement dont s'agit n'est pas dû au fait des consorts Y mais à l'initiative prise par Mme Barbier ... ... ... de faire prononcer la nullité de la vente ; d'où il suit qu'en ne dérogeant pas au principe de la condamnation de la partie perdante aux dépens posé par l'article 696 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de Mme Barbier ... ... ..., de M. P, de M. Le Z, ès qualités et de la R Perrin_Royère_Lajeunesse ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix_sept septembre deux mille trois.