Jurisprudence : CA Paris, 4e, B, 20-02-2004, n° 2002/01608

CA Paris, 4e, B, 20-02-2004, n° 2002/01608

A7318DBN

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COUR D'APPEL DE PARIS
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4ème chambre, section B
ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2004
(N°, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 2002/01608
Décision déférée à la Cour Jugement rendu le 24/10/2001 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de BOBIGNY Sème Ch. RG n° 2000/07996

APPELANTE
S.A.R.L. ALINEA
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège
MONTREUIL SOUS BOIS
représentée par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoué à la Cour, assistée de Maître Laurent BERNET, avocat au Barreau de Paris,
INTIMÉE
A.I.S.T.
ASSOCIATION DES INGÉNIEURS DE L'ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège
PARIS
représentée par Maître PAMART, avoué,
assistée de Maître Nathalie NAVON, avocat au Barreau de Paris (P301).
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 janvier 2004, en audience publique, devant la Cour composée de
Madame PEZARD, président,
Madame REGNIEZ, conseiller,
Monsieur MARCUS, conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER, lors des débats L. MALTERRE-PAYARD
ARRÊT
- contradictoire.
- prononcé publiquement par Madame PEZARD, président.
- signé par Madame PEZARD, président et par L. MALTERRE-PAYARD, greffier présent lors du prononcé.

La cour est saisie des appels principal et incident respectivement formés par la SARL ALINEA et l'ASSOCIATION des Ingénieurs de l'École Nationale des Télécommunications (AIST) à l'encontre du jugement contradictoire rendu le 24 octobre 2001 par le tribunal de grande instance de Bobigny (5e chambre 3` section) ayant
- ordonné, sous astreinte de cent francs par jour de retard, qu'elle cesse toute extraction reproduction et utilisation, totale ou partielle, de l'Annuaire des Anciens Elèves de l'ENST et l'ENST Bretagne, sous la forme d'un fichier informatique accessible par le site à péage ALINEA sur le réseau Internet, ou tout autre support,
- prononcé sa condamnation à payer à l'AIST la somme de 20.000 francs à titre de dommages-intérêts, ce avec exécution provisoire, et l'ayant aussi condamnée à payer à l'AIST une somme de 5.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il est rappelé que l'AIST, reconnue d'utilité publique par décret du 6 janvier 1951, a essentiellement pour objet de maintenir et resserrer les liens entre les élèves, en cours de scolarité ou l'ayant achevée, de l'École Nationale Supérieure des Télécommunications (ENST) et qu'elle établit et publie chaque année un annuaire remis gracieusement à chacun de ses membres, consultable sur son site Internet, et aussi diffusé auprès des professionnels du recrutement.
Ayant constaté qu'une base de donnée accessible sur le site Internet à péage http//www.alinéa.net exploité par la SARL ALINEA contenait des données provenant de son annuaire, elle a fait procéder, le 28 juin 2000, en exécution d'une ordonnance du 23 juin précédent, à une saisie description des fichiers informatiques de cette société, puis l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bobigny qui a rendu le jugement aujourd'hui entrepris.

Aux termes de ses dernières conclusions, du 16 décembre 2003, la société ALINEA invite la cour à
- infirmer en toutes ses dispositions la décision attaquée,
- statuant à nouveau, constater que l'annuaire litigieux est insusceptible de protection au titre du droit d'auteur comme du droit de producteur de base de données,
- constater qu'elle ne reproduit ni ne représente sur son site Internet l'annuaire édité par l'AIST,
- en conséquence débouter celle-ci de l'intégralité de ses prétentions,
- la condamner à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, du 2 octobre 2003, l'AIST demande à la cour
- de débouter la société ALINEA de l'ensemble de ses prétentions,
- d'infirmer partiellement le jugement déféré,
- d'ordonner la cessation par la société ALINEA de toute extraction, reproduction et utilisation totale ou partielle de l'annuaire litigieux, sous astreinte de 155 euros par jour de retard,
- de la condamner à lui payer les sommes de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts et de 8.000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, la cour
Sur le droit d'auteur
Considérant que par transposition de la directive européenne du 11 mars 1996 relative à la protection juridique des bases de données est assurée, aux termes de la loi n° 98-536 du 1" juillet 1998 la protection par le droit d'auteur des recueils de données diverses, telles que les bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles ;
Que la société ALINEA soutient que l'annuaire de l'AIST n'est en rien original ;
Qu'il apparaît toutefois que l'examen de cet ouvrage révèle une conception particulière, distinguant notamment les anciens élèves au sujet desquels sont fournis de nombreux renseignements comprenant les différentes adresses et numéros de téléphone, ceux en cours de scolarité, avec mention de leur mode d'admission, ceux qui sont décédés, les élèves étrangers classés par nationalité, les anciens élèves répertoriés en fonction de leur lieu de résidence personnelle et les entreprises administrations ou organismes employant d'anciens élèves ;
Que ces classifications sont la marque d'un effort de recherche, de sélection et de synthèse dans l'agencement des données et qu'il est partant justifié d'un apport intellectuel et créateur de la part de l'auteur, lequel ne s'est pas borné à compiler, sans leur réserver de traitement particulier, des données préexistantes ;
Que l'annuaire litigieux est en conséquence protégeable par le droit d'auteur et que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il l'a dit susceptible d'une telle protection ;
Sur la protection du contenu de la base de données
Considérant que, aux termes de l'article L 341-1 du CPI, le producteur de base de données, entendu comme la personne qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants bénéficie d'une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification, ou la présentation de celle-ci atteste d'investissements financier, matériel ou humain substantiels ;
Que la société ALINEA prétend que l'AIST ne pourrait bénéficier de la protection que confère ce texte, faute de justifier du risque encouru ;
Considérant cependant que si cette dernière est effectivement une ASSOCIATION à but non lucratif et diffuse gracieusement son annuaire, il n'en reste pas moins qu'elle est, pour en établir le contenu et le tenir à jour, contrainte en permanence de récoler les données, ce qui implique des investissements matériel et humain substantiels, dont elle assure le risque, dès lors en particulier que ses membres, s'ils venaient à constater des erreurs ou inexactitudes seraient enclins à se retirer, cessant par là même de régler leurs cotisations qui contribuent à la faire vivre ;
Qu'il s'ensuit que c'est à tort que le premier juge a dit qu'elle ne saurait bénéficier de la protection du droit du producteur de base de données et que sa décision doit être sur ce point infirmée ;
Sur la violation des droits protégés
Considérant que s'il ne ressort pas du procès-verbal de saisie et des autres pièces produites que la société ALINEA ait servilement reproduit en totalité l'annuaire réalisé par sa contradictrice, il apparaît en revanche de ces éléments de preuve qu'elle a, sans le consentement exprès de cette ASSOCIATION, procédé à des_ extractions qualitativement et quantitativement substantielles du contenu de sa base de données constituée pour l'année 1998 par rapport aux écoles de Paris et de Brest et transféré ces informations, incluant des mentions personnelles telles des adresses et numéros de téléphone privés, sur un support électronique accessible par péage sur un site Internet, portant ainsi atteinte, comme l'a dit exactement le tribunal, à son droit d'auteur ;
Sur la réparation du dommage
Considérant que la société ALINEA affirme que l'AIST ne peut justifier d'aucun préjudice ; qu'elle fait observer qu'il n'est pas prouvé que le tirage de l'annuaire ait connu une baisse imputable aux faits reprochés ; qu'elle ajoute que l'AIST ne poursuit aucun objectif financier et qu'il ne peut y avoir de situation de concurrence entre elles ; qu'elle fait valoir qu'il n'est pas même démontré que l'AIST ait rencontre la moindre difficulté en relation avec la situation par elle incriminée ;
Que l'AIST répond qu'alors que la diffusion par elle de son oeuvre, dont elle supporte le coût important, répond à un esprit de solidarité, la société ALINEA tire des profits évidents de la commercialisation de données qu'elle n'a pas pris la peine de rassembler, se contentant de profiter des investissements réalisés dans un but tout autre au sein de l'ASSOCIATION ;
Qu'elle critique le jugement en ce qu'il a évalué son dommage à un montant bien moindre que celui auquel elle l'avait chiffré et entend qu'il soit à cet égard réformé ;
Considérant que la SARL ALINEA, en s'appropriant sans avoir reçu l'autorisation de l'AIST une notable partie du travail réalisé par cette ASSOCIATION dans l'intérêt de ses membres, et en l'exploitant sur un site Internet accessible par péage a causé à celle-ci un préjudice consistant en un détournement de l'objet de sa tâche, dont la valeur s'est en outre nécessairement trouvée amoindrie par une diffusion différente et plus large que celle dont elle avait fait choix ;
Que compte tenu des éléments en sa possession, la cour juge que le tribunal a chiffré le préjudice à la valeur qui est la sienne et que sa décision mérite d'être à ce titre confirmée, avec seulement mention de la substitution de l'euro au franc ;
Cour d'Appel de Paris 4ème chambre, section B
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Sur les autres mesures
Considérant que la mesure de cessation décidée en première instance est parfaitement justifiée et doit être confirmée, avec toutefois modification en ce qui concerne l'astreinte ;
Que la condamnation prononcée en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doit aussi être confirmée, ce qui implique que devra être payé l'équivalent en euros de la somme figurant en francs ; qu'il y a lieu aussi, sur le fondement du même texte, de mettre à la charge de la société ALINEA la somme de 3.000 euros, au titre des frais irrépétibles de procédure exposés par l'AIST en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS, La cour
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dénié à l'AIST la protection du droit de producteur de base de données ;
Statuant à nouveau dit que l'annuaire de l'AIST est susceptible de protection au titre du droit du producteur de base de données ;
Confirme le jugement en ce qu'il a dit que cet annuaire est susceptible d'être protégé par le droit d'auteur ;
Le confirme aussi relativement aux condamnations et mesures ordonnées, figurant dans le dispositif, avec seulement substitution de l'euro au franc et indication que l'astreinte courra à compter de l'arrêt ;
Rejetant toute autre demande, condamne la société ALINEA aux dépens, dont le recouvrement pourra être contre elle poursuivi par Me ..., avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau de de procédure civile, ainsi qu'à payer à l'AIST la somme de 3.000 euros vertu de l'article I 0 du même code. LE GREFFIER




Cour d'Appel de Paris 4ème chambre, section B
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E PRÉSIDENT

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