CC/AM
Numéro 14/1765
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 20/05/2014
Dossier 13/00765
Nature affaire
Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité
Affaire
Christian Z
C/
Isabeau Y
Grosse délivrée le
à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 mai 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRÈS DÉBATS
à l'audience publique tenue le 24 février 2014, devant
Madame CATUGIER, magistrat chargé du rapport,
en présence de Madame ..., avocat stagiaire,
assistée de Monsieur CASTILLON, greffier, présent à l'appel des causes,
Madame ..., en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de
Madame PONS, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Madame CATUGIER, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant
APPELANT
Monsieur Christian Z
né le ..... à CHAMPIGNY SUR YONNE (89)
de nationalité française
SENDETS
représenté par la SCP DE BRISIS avocats au barreau de MONT DE MARSAN
assisté de Maître LAMBERT, avocat au barreau de PAU
INTIMÉE
Madame Isabeau Y
née le ..... à CANNES (06)
de nationalité française
SAINT JUSTIN
représentée par Maître Philippe BORDES, avocat au barreau de MONT DE MARSAN
assistée de Maître MOULINAS, avocat au barreau de TARASCON
sur appel de la décision
en date du 23 JANVIER 2013
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONT DE MARSAN
Par acte du 12 janvier 2008, Mme Isabeau Y a vendu à M. Christian Z deux juments, 'Princess Fegy', pleine, pour un prix de 6 000 euros HT, et 'Sue' pour un prix de 5 800 euros HT.
Le 11 juin 2008, Princess ... a mis bas.
Le 18 juin 2008, M. Z a ramené la jument Princess ... et son poulain chez le vendeur afin qu'il soit procédé à la saillie de l'animal, saillie qui a été réalisée le 20 juin 2008.
Le 2 juillet 2008, il a été informé que sa jument, qui se trouvait toujours chez Mme Y, présentait une fourbure.
Le 18 juillet 2008, il a repris sa jument ;
Ayant saisi son assurance de protection juridique, il était informé, par lettre du 8 janvier 2009 de cette dernière, de la mise en place d'une expertise amiable contradictoire.
Le 12 mars 2009, le docteur Pierre ..., vétérinaire, a déposé son rapport.
Débouté, par ordonnance de référé en date du 25 mars 2010, de sa demande d'expertise judiciaire, M. Z a, par exploit du 12 août 2010, fait assigner Mme Isabeau Y devant le tribunal de grande instance de Mont de Marsan aux fins, notamment, d'annulation de la vente de la jument Princess ..., sur le fondement des dispositions des articles 1109 et 1110 du code civil et à titre subsidiaire, de résolution de ladite vente, sur le fondement des dispositions des articles 1641, 1644 et 1645 du code civil.
Par jugement du 23 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Mont de Marsan a - débouté M. Z de l'intégralité de ses demandes,
- condamné M. Christian Z à payer à Mme Isabeau Y la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. Christian Z aux entiers dépens avec faculté de recouvrement direct, - débouté chacune des parties de ses autres demandes.
Par déclaration reçue par voie électronique au greffe de la Cour le 27 février 2013, M. Z a relevé appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture est en date du 24 janvier 2014.
Dans ses dernières conclusions déposées le 20 janvier 2014, M. Christian Z faisant application des articles 1109 et 1110 du code civil et 1641, 1644, 1645 et 1647 et suivants du code civil demande à la Cour de
A titre principal,
- réformer le jugement entrepris, en toutes ses dispositions,
- constater que la jument Princess ... n'est pas considérée comme Irish Cob,
- prononcer l'annulation de la vente de la jument Princess ...,
- constater que la restitution de la jument Princess ... se heurte à une impossibilité matérielle,
A titre subsidiaire,
- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Mont de Marsan en date du 23 janvier 2013 en ce qu'il l'a débouté de sa demande en résolution pour vices cachés,
- constater que la jument Princess ... est atteinte d'un vice caché,
- prononcer la résolution de la vente de la jument Princess ...,
- condamner Mme Y à lui rendre une partie du prix de vente et, avant dire droit, désigner tels experts qu'il plaira au tribunal afin d'arbitrer la partie du prix qu'il est autorisé à se faire rendre,
En toutes hypothèses,
- ordonner la restitution du poulain Upper de Larrat contre une indemnité de 5 000 euros,
- condamner Mme Y au paiement de la somme de 12 063,16 euros correspondant aux frais de vétérinaire, pharmacie, maréchalerie qu'il a exposés et de la somme de 15 000 euros correspondant aux frais de pension de janvier 2008 à octobre 2011,
- débouter Mme Y de sa demande reconventionnelle,
- condamner Mme Y au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dans ses dernières conclusions déposées le 15 juillet 2013, Mme Isabeau Y, demande à la Cour de
- confirmer le jugement entrepris,
Y ajoutant,
- condamner M. Z à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- le condamner à payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
SUR CE
- Sur la demande en annulation de la vente pour erreur sur les qualités substantielles
Attendu que l'article 1109 du code civil dispose " Il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. " ;
Que l'article 1110 du code civil précise " L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet. (..). " ;
Attendu que la preuve de l'erreur doit être rapportée par celui qui prétend s'être trompé, ce dernier devant établir que son consentement a été vicié et que sa méprise a porté sur un élément déterminant de la chose, objet du contrat ;
Attendu que M. Z soutient qu'il voulait acheter une jument Irich Cob et que c'est pour cette raison qu'il s'est adressé à Mme Y, professionnelle dans l'élevage et la vente de chevaux gypsy cob ; que l'identification Irish Cob de la jument Princess ... était un élément substantiel de son consentement ainsi que le prouve l'attestation provisoire d'identification ;
Attendu que Mme Y soutient que Princess ... est bien une jument Irish Cob et que c'est à la suite d'une période de flou dans la réglementation que M. Z a rencontré les difficultés dénoncées ; qu'en tout état de cause, ce dernier n'a jamais apporté la preuve que la qualité 'Irish Cob' était une des conditions de la vente ;
Attendu que si l'attestation provisoire d'identification, sur laquelle M. Z appuie sa demande, porte les mentions
- origine non constatée type Selle,
- cheval importé ou duplicata race Irish Cob ;
Elle ne saurait démontrer, à elle seule, que l'identification Irish Cob de la jument Princess ... était un élément déterminant du consentement de M. Z, lors de l'acquisition alors même que ni le contrat de vente en date du 12 janvier 2008 ni la facture correspondante ne mentionne une telle caractéristique ;
Attendu par ailleurs que les courriers faisant état des difficultés concernant l'identification Irish Cob et les démarches de M. Z à ce sujet, sont en date du mois d'octobre 2009 soit près de 20 mois après la vente ;
Attendu dès lors que c'est à juste titre que le premier juge a considéré qu'il ne ressort d'aucunes pièces versées au dossier que l'identification Irish Cob de la jument Princess ..., achetée par M. Z, constituait un élément substantiel de son consentement lors de la vente ;
- Sur la demande en annulation de la vente pour vices cachés
Attendu que selon l'article L. 213-1 du code rural, l'action en garantie dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques - et par conséquent de chevaux - est régie, à défaut de convention contraire, par les dispositions du code rural (chapitre 3 section première) sans préjudice ni de l'application des articles L. 211-1 à L. 211-15,
L. 211-17 et L. 211-18 du code de la consommation ni des dommages et intérêts et qui peuvent être dus, s'il y a dol ;
Attendu qu'aux termes des articles L. 213-2 et L. 213-4 du code rural, lorsqu'une maladie ou un défaut ne figure pas dans la liste de l'article R. 213-1 du même code, le droit commun de la garantie des vices cachés doit s'appliquer ;
Que tel est le cas en l'espèce dans la mesure où la fourbure ne figure pas dans la liste de l'article R. 213-1 du code rural ;
Attendu que l'article 1641 du code civil dispose " Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropres à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. " ;
Attendu que M. Z soutient que sa jument Princess ..., achetée le 12 janvier 2008 était entachée d'un vice non décelable pour l'acheteur et qui a affecté largement son usage, fondant ses affirmations sur les certificats de deux vétérinaires faisant état de l'existence de fourbure 'ancienne' ;
Attendu que Mme Y prétend que la fourbure avait été provoquée par une mauvaise alimentation donnée à la jument par l'appelant et ne pouvait être antérieure à la vente ;
Attendu qu'il résulte de l'expertise amiable, diligentée à la demande de M. Z, que
" la fourbure (de Princess Fegy) n'est pas consécutive à une complication du post-partum puisque la jument a rempli sur le premier saut, elle n'est pas non plus consécutive à l'infection discrète observée à la prise de sang et qui a motivé sa mise sous antibiotiques par le docteur vétérinaire Faurie, mais bien à une suralimentation débutée après la mise bas. L'infection ayant certainement pour origine la collection purulente décrite par
M. .... " ;
Que l'expert ajoute que, lors des opérations d'expertise, le problème de l'ancienneté de la fourbure a été soulevé, accrédité par les remarques de certains vétérinaires ; que toutefois, il est formel " il est impossible que cette fourbure ait été antérieure à la vente et que personne ne l'ait remarquée. " ;
Attendu enfin que l'expert précise, qu'après le départ de Mme Y et de ses conseils, il a eu un entretien avec M. Z et son conseil, M. ..., maréchal-ferrant, au cours duquel a été, à nouveau, évoqué l'ancienneté de la fourbure et la possibilité qu'elle ait existée, même en germe avant la vente et qu'il leur a expliqué " que la jument est chez Mme Y depuis trois ans environ et que personne n'a jamais rien remarqué, ni elle, ni le maréchal-ferrant, ni son vétérinaire et que jamais une fourbure ne passait inaperçue devant autant de professionnels. " ;
Attendu que M. Z qui conteste les conclusions de l'expert, explique, toutefois, dans ses écritures
- qu'il n'avait pas rencontré de difficultés avec Princess ... jusqu'au 18 juin 2008, date à laquelle il l'a reconduite au Domaine de Coudot,
- que le 17 juin, sa jument galopait normalement avec son poulain, dans son pré,
- qu'une fourbure se déclenche dans un délai très restreint et est considérée comme une urgence médicale et doit être traitée comme telle ;
Attendu que ces propos confortent donc les conclusions de l'expert ;
Attendu que si dans les documents produits par l'appelant, les docteurs vétérinaires Marie ... et Frédérique ... font référence à une " fourbure ancienne ", il y a lieu de relever que ces derniers n'expliquent pas en quoi consiste, pour elles, " l'ancienneté " de ladite fourbure ;
Attendu par contre qu'il résulte du rapport d'expertise du docteur ...
que ce dernier n'a pas occulté le problème ainsi posé, le docteur ... étant présente lors des opérations d'expertise, et y a répondu de manière très claire, précisant que la fourbure avait été d'emblée très grave, malgré les soins adaptés immédiatement mis en oeuvre et que c'est probablement la haute signification des radios qui avait poussé ses confrères à envisager, à tort, une explication fondée sur une récidive ;
Qu'il a conclu qu'il était impossible que cette fourbure ait été antérieure à la vente ;
Attendu qu'en conséquence la preuve de l'existence d'un vice caché préexistant à la vente n'étant pas rapportée, c'est à juste titre que le premier juge a débouté M. Z de sa demande en résolution de vente pour vices cachés et, en conséquence, de ses demandes en réparation des préjudices allégués ;
- Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
Attendu que l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à réparation que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi insuffisamment caractérisé en l'espèce ;
Attendu dès lors, qu'il y a lieu de débouter Mme Y de sa demande en dommages-intérêts.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement du 23 janvier 2013 en touts ses dispositions,
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Christian Z à payer à Mme Isabeau Y la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros),
Condamne M. Christian Z aux entiers dépens,
Le présent arrêt a été signé par Mme ..., Président, et par Mme ..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sandra ... Françoise PONS