Jurisprudence : Cass. civ. 1, 03-09-2025, n° 23-18.669, FS-B

Cass. civ. 1, 03-09-2025, n° 23-18.669, FS-B

B6779BMZ

Référence

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CIV. 1

CR12


COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 3 septembre 2025


Cassation


Mme CHAMPALAUNE, présidente


Arrêt n° 512 FS-B

Pourvoi n° T 23-18.669


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_______________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 SEPTEMBRE 2025


1°/ M. [V] [J], domicilié [… …],

2°/ M. [Aa] [S], domicilié [… …],

3°/ M. [N] [W], domicilié [… …],

ont formé le pourvoi n° T 23-18.669 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 1), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Emi Music Publishing France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9],

2°/ à la société BMG Rights Management (US) LLC, dont le siège est [Adresse 14] (États-Unis),

3°/ à la société EMI April Music INC, dont le siège est [Adresse 8] (États-Unis),

4°/ à la société BMG Rights Management, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 11],

5°/ à la société Universal Music France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],

6°/ à la Division Interscope Records de la société UMG Recording INC, dont le siège est [Adresse 6] (États-Unis),

7°/ à M. [Ab] [M] [U] dit [A] [P], domicilié [… …] (…),

8°/ à Mme [R] [F] dit [X], domiciliée [Adresse 2] (États-Unis),

9°/ à la société Headphone Junkie Publishing LLC, dont le siège est [Adresse 12] (États-Unis),

10°/ à la société [P] Composing LLC, dont le siège est [Adresse 13] (États-Unis),

défendeurs à la cassation ;

en présence de :

1°/ la société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), dont le siège est [Adresse 7].

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseillère référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [Ac], de M. [S] et de M. [W], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat des sociétés Emi Music Publishing France, BMG Rights Management (US) LLC, EMI April Music INC et de la société BMG Rights Management, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Universal Music France et de la Division Interscope Records de la société UMG Recording INC, de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lasalle-Biyet, avocat de la société la société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocate générale, après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présents Mme Champalaune, présidente, Mme Kass-Danno, conseillère référendaire rapporteure, Mme Duval-Arnould, conseillère doyenne, M. Jessel, Mme Kerner-Menay, Mme Bacache-Gibeili, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, conseillères référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocate générale, et Mme Ben Belkacem, greffière de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2023), M. [Ac] et M. [S] se présentent comme les auteurs, compositeurs et coéditeurs de l'oeuvre musicale intitulée « Un monde sans danger », créée pour constituer le générique de la série de dessins animés Code Lyoko et déposée à la SACEM le 10 février 2004. Ils se présentent également comme les auteurs, compositeurs et coéditeurs, avec M. [W], celui-ci en qualité d'adaptateur, de la version anglaise de l'oeuvre précitée, dénommée « A world without danger ».

2. Le 6 juin 2018, soutenant que leur oeuvre avait été copiée par le groupe « Ad Ae Af Ag » dans le titre Whenever figurant dans l'album « The Beginning », sorti en 2010, ils ont assigné en contrefaçon de droits d'auteur leurs compositeurs, M. [M] et Mme [F], la société Interscope Records l'ayant produit et les sociétés américaines [P] composing, Headphone junkie publishing, les sociétés BMG Rights management et BMG Rights management France (les sociétés BMG), les sociétés EMI April Music et EMI Music Publishing France (les sociétés EMI), l'ayant édité, et la société Universal Music France le distribuant en France.

3. M. [W] est intervenu volontairement à l'instance par conclusions du 19 août 2020.

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire accessoire de la SACEM, contestée en défense

4. Les sociétés EMI et BMG contestent la recevabilité de l'intervention volontaire de la SACEM en soutenant, d'une part, qu'en vertu de l'article 16 de ses statuts, cette dernière ne peut agir en justice, fût-ce dans le cadre d'une intervention volontaire, que sur autorisation de son conseil d'administration et qu'en l'espèce, elle n'a produit aucune délibération l'autorisant à agir et, d'autre part, qu'elle ne justifie pas d'un intérêt propre pour la conservation de ses droits.

5. Il résulte des articles 327 et 330 du code de procédure civile🏛🏛 que les interventions volontaires sont admises devant la Cour de cassation si elles sont formées à titre accessoire à l'appui des prétentions d'une partie et si leur auteur a intérêt, pour la préservation de ses droits, à soutenir cette partie.

6. D'une part, en vertu de l'article 19 des statuts de la SACEM, modifié par l'assemblée générale extraordinaire du13 juin 1989, son gérant est chargé de suivre et d'intenter tous procès et actions.

7. D'autre part, étant investie de la titularité du droit de représentation publique et du droit de reproduction mécanique de ses membres et ayant pour missions, notamment, d'assurer la perception et la répartition des redevances provenant de l'exercice de ces droits et d'ester, le cas échéant, en justice contre des tiers sur le fondement de ceux-ci, la SACEM justifie d'un intérêt à soutenir la position défendue par les demandeurs au pourvoi, lequel pose une question de principe concernant la détermination du point de départ du délai de prescription applicable à l'action en contrefaçon de droits d'auteur.


Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

8. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code🏛.

Vu l'article 2224 du code civil🏛 :

9. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

10. Il s'en déduit que lorsque la contrefaçon résulte d'une succession d'actes distincts, qu'il s'agisse d'actes de reproduction, de représentation ou de diffusion, et non d'un acte unique de cette nature s'étant prolongé dans le temps, la prescription court pour chacun de ces actes, à compter du jour où l'auteur a connu un tel acte ou aurait dû en avoir connaissance.

11. Pour dire irrecevable comme prescrite l'action en contrefaçon, l'arrêt constate que l'album comportant le titre litigieux « Whenever » est sorti en 2010 et que, le 30 décembre 2011, M. [Ac] et M. [S] ont mis en demeure M. [M], Mme [F], ainsi que les sociétés concernées de réparer le préjudice causé par la contrefaçon de leur oeuvre et en déduit qu'ils avaient eu connaissance dès cette mise en demeure, des faits leur permettant d'exercer l'action en contrefaçon de leurs droits d'auteur, de sorte que leur action, engagée plus de cinq ans après cette date, était prescrite, peu important que l'album ait été encore dans le commerce en avril 2018 ou que ce titre ait été encore disponible sur des plateformes de téléchargement en mars 2018, ces actes de commercialisation et de diffusion n'étant que le prolongement normal de ceux réalisés antérieurement.


12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'existence d'actes de diffusion de l'œuvre contrefaisante, constitutifs de contrefaçon, antérieurs de moins de cinq années à l'introduction de l'action, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. [M], Mme [F], les sociétés BMG Rights management et BMG Rights management France, les sociétés EMI April Music et EMI Music Publishing France, les sociétés Universal Music France, [P] composing, Headphone junkie publishing et la division Interscope Records de la société américaine UMG Recordings aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par les sociétés BMG Rights management et BMG Rights management France, les sociétés EMI April Music et EMI Music Publishing France, la société Universal Music France et la division Interscope Records de la société américaine UMG Recordings et les condamne à payer à M. [Ac], M. [S] et M. [W] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le trois septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

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