Jurisprudence : Cass. com., 09-07-2025, n° 23-21.160, FS-B, Cassation

Cass. com., 09-07-2025, n° 23-21.160, FS-B, Cassation

B7813ARS

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2025:CO00388

Identifiant Legifrance : JURITEXT000051931573

Référence

Cass. com., 09-07-2025, n° 23-21.160, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/121371303-cass-com-09072025-n-2321160-fsb-cassation
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Abstract

N'est pas contraire aux statuts d'une société par actions simplifiée, prévoyant que le dirigeant est révocable sans indemnité, la disposition d'un protocole d'investissement renfermant un engagement personnel des signataires de faire le nécessaire pour que la décision de nomination du dirigeant prévoie le versement d'une indemnité forfaitaire en cas de révocation ou de réduction de ses pouvoirs avant l'expiration d'un délai de deux ans


COMM.

JB


COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 9 juillet 2025


Cassation partielle


M. A, premier président


Arrêt n° 388 FS-B

Pourvoi n° A 23-21.160


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUILLET 2025


M. [S] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 23-21.160 contre l'arrêt rendu le 12 avril 2023 par la cour d'appel de Nancy (5e chambre commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Aa] [B], domicilié [… …],

2°/ à M. [U] [L], domicilié [… …],

3°/ à la Société de gestion des cliniques d'[Localité 5] réunies, société par action simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la société Troizef, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseillère référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [O], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de MM. [B] et [L], de la Société de gestion des cliniques d'[Localité 5] réunies et de la société Troizef, et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, à la suite duquel le premier président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires ; après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. A, premier président, Mme Lefeuvre, conseillère référendaire rapporteure, M. Vigneau, président M. Ponsot, conseiller doyen, Ab B et Ac, M. Ad, Mme de Lacaussade, MM. Thomas et Gauthier, conseillers, Mme Vigneras, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Bonthoux, avocat général, et M. Doyen, greffier de chambre,

La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛🏛, des premier président, président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 12 avril 2023) et les productions, le 31 mai 2016, la société Clinique Louis Pasteur (la société CLP), ayant pour associé la société Pasteur participations, a acquis l'intégralité des parts composant le capital de la société Matelots, actionnaire unique de la Société de gestion des cliniques d'Epinal réunies (la Sogecler).

2. Le même jour, les associés majoritaires de la société Pasteur participations, dont la société Troizef et MM. [B] et [L], ont signé un protocole d'investissement et un pacte d'associés avec M. [O] par lesquels ils s'engageaient à faire tout le nécessaire pour que celui-ci soit désigné en qualité de directeur général de la Sogecler et qu'il conserve ses fonctions pendant une période minimale de deux ans, la décision de nomination devant prévoir le versement d'une indemnité forfaitaire en cas de révocation ou de réduction de ses attributions avant l'expiration de ce délai. De son côté, l'associé unique de la Sogecler a adopté une résolution prévoyant le versement, dans ces mêmes hypothèses, de l'indemnité par la société.

3. Ayant été révoqué de ses fonctions le 4 mai 2017, M. [O] a assigné la Sogecler ainsi que la société Troizef et MM. [B] et [L] en paiement de cette indemnité et de dommages et intérêts pour révocation brutale et vexatoire.


Examen des moyens

Sur le troisième moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de dommages et intérêts pour révocation abusive et vexatoire formée par M. [O] et sa demande en paiement de la somme de 535 000 euros formée contre la société Troizef et MM. [B] et [L]

5. Les motifs critiqués ne fondent pas les chefs de dispositif attaqués. Le moyen est donc inopérant.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de dommages et intérêts pour révocation abusive et vexatoire formée par M. [O] et sa demande en paiement de la somme de 535 000 euros formée contre la Sogecler

6. Les motifs critiqués ne fondent pas les chefs de dispositif attaqués. Le moyen est donc inopérant.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à la cour d'appel de rejeter la demande en paiement de la somme de 535 000 euros formée par M. [Ae] contre la Sogecler

Enoncé du moyen

7. M. [O] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 535 000 euros formée contre la Sogecler, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'il sollicitait à titre principal la condamnation de la Sogecler à lui verser "les sommes qu'elle s'est engagée, par délibération de son associé unique du 31 mai 2016, à lui verser en cas de réduction de ses pouvoirs et/ou de révocation de son mandat social avant le 31 mai 2018" ; qu'il faisait en particulier valoir que "par application de la sixième résolution de la décision de son associé unique du 31 mai 2016, la Sogecler s'était engagée à lui verser une indemnité d'un montant minimum de 500 000 euros bruts s'il était mis fin à son mandat social avant le 31 mai 2018" ; qu'en jugeant qu'il convenait "de le débouter de sa demande de condamnation de la Sogecler au paiement de l'indemnité prévue par l'article 2.1 du protocole d'investissement en date du 31 mai 2016", et que l'article 6 du pacte d'associés conclu le même jour ne pouvait non plus instituer des modalités de révocation de la SAS Sogecler qui seraient contraires à ses statuts, cependant que sa demande tendant à la condamnation à paiement de la Sogecler était fondée, non pas sur l'article 2.1 du protocole d'investissement du 31 mai 2016 ou sur l'article 6 du pacte d'associés conclu le même jour mais sur la sixième résolution de la délibération de l'associé unique de la Sogecler du 31 mai 2016, la cour d'appel a méconnu les termes du litige qui lui était soumis, et violé l'article 4 du code de procédure civile🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

9. Pour rejeter la demande en paiement formée par M. [O] contre la Sogecler, l'arrêt retient que l'article 2.1 du protocole d'investissement du 31 mai 2016 n'est pas applicable en ce qu'il est contraire à l'article 16 des statuts de la Sogecler, lequel stipule que le directeur général est révocable sans aucune indemnité.

10. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, M. [O] fondait sa demande en paiement contre la Sogecler, non pas sur l'article 2.1 du protocole d'investissement du 31 mai 2016, mais sur la sixième résolution de la délibération de l'associé unique de cette société du même jour, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.


Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande en paiement de la somme de 535 000 euros formée par M. [O] contre la société Troizef et MM. [B] et [L]

Enoncé du moyen

11. M. [O] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 535 000 euros formée contre la société Troizef et MM. [B] et [L], alors « que si les statuts de la société par actions simplifiées fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, notamment quant aux modalités de révocation de son directeur général, un acte extra-statutaire peut compléter ces statuts, sans les modifier ; qu'en particulier, rien ne fait obstacle à ce que des tiers à la société prennent l'engagement personnel de prévoir une indemnisation au profit du directeur général, en cas de révocation ou de réduction de ses pouvoirs ; qu'en l'espèce, aux termes de l'article 2.1 du protocole d'investissement conclu le 31 mai 2016, la société Troizef et MM. [B] et [L] s'étaient engagés "à faire tout le nécessaire afin que : (…) M. [O] soit désigné, avec effet immédiat à la Date de Réalisation et pour une durée de deux (2) ans renouvelable, en qualité de directeur général de Sogecler (…) La décision de nomination de M. [O] prévoira : (…) vi. dans l'hypothèse où (i) M. [O] serait révoqué de ses fonctions de directeur général de Sogecler avant l'expiration de ce délai de deux ans (2) ou (ii) verrait ses pouvoirs réduits par rapport à ce qui est indiqué ci-dessus avant l'expiration de ce délai de deux (2) ans, pour quelque raison que ce soit autre qu'une faute lourde, Sogecler lui versera à titre d'indemnité forfaitaire l'ensemble des sommes qui lui auraient été dues en application de son contrat de travail en pareille situation (en ce compris le paiement de sa rémunération pendant son préavis), comme s'il n'avait pas démissionné de ses fonctions (…)" ; qu'en jugeant que cette clause ne pouvait recevoir application comme étant contraire à l'article 16 des statuts, tels que modifiés par la deuxième délibération de l'associé unique de la société du 31 mai 2016, prévoyant la révocation sans motif ni indemnité du directeur général, quand l'article 2.1 du protocole d'investissement renfermait l'engagement personnel de la société Troizef et de MM. [B] et [L] de faire en sorte que la décision de nomination de M. [O] prévoie une indemnisation de ce dernier en cas de révocation prématurée ou de réduction de ses attributions, un tel engagement personnel étant licite dès lors que les modalités de révocation du dirigeant d'une société par actions simplifiées sont libres, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil🏛, ensemble les articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce🏛🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

12. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

13. Pour rejeter la demande en paiement formée par M. [O] contre la société Troizef et MM. [B] et [L], l'arrêt retient que l'article 2.1 du protocole d'investissement du 31 mai 2016 n'est pas applicable en ce qu'il est contraire à l'article 16 des statuts de la Sogecler, lequel stipule que le directeur général est révocable sans aucune indemnité.

14. En statuant ainsi, alors que cette disposition extra-statutaire ne renferme qu'un engagement personnel des signataires du protocole d'investissement de faire le nécessaire pour que la décision de nomination de M. [O] en qualité de directeur général de la Sogecler prévoie le versement d'une indemnité forfaitaire en cas de révocation ou de réduction de ses pouvoirs avant l'expiration d'un délai de deux ans, de sorte qu'elle n'est pas contraire à l'article 16 des statuts de la Sogecler, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de M. [O] en paiement de dommages et intérêts en réparation des conditions abusives et vexatoires entourant sa révocation, l'arrêt rendu le 12 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la Société de gestion des cliniques d'[Localité 5] réunies, la société Troizef et MM. [B] et [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la Société de gestion des cliniques d'[Localité 5] réunies, la société Troizef et MM. [B] et [L] et les condamne à payer à M. [O] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le neuf juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

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