Jurisprudence : Cass. com., 02-07-2025, n° 24-13.050, F-B, Rejet

Cass. com., 02-07-2025, n° 24-13.050, F-B, Rejet

B6744APH

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2025:CO00382

Identifiant Legifrance : JURITEXT000051856671

Référence

Cass. com., 02-07-2025, n° 24-13.050, F-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/121183814-cass-com-02072025-n-2413050-fb-rejet
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Abstract

Il résulte de l'article L. 641-9 du code de commerce que les actes de disposition accomplis par le débiteur au mépris de la règle du dessaisissement, édictée par ce texte pour préserver le gage des créanciers au cours de la procédure, sont frappés d'une inopposabilité à la procédure collective dont le liquidateur peut se prévaloir, y compris à l'égard d'un établissement de paiement


COMM.

HM


COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 2 juillet 2025


Rejet


M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 382 F-B

Pourvoi n° F 24-13.050


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025


La société Olinda, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 24-13.050 contre l'arrêt rendu le 1er février 2024 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société Agence de contrôle de l'habitat français, dont le siège est [Adresse 2], représentée par Mme [X] [O], mandataire liquidateur, domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Olinda, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 1er février 2024), le 24 juin 2020, la société Agence de contrôle de l'habitat français (la société ACHF), a été mise en liquidation judiciaire, Mme [O] étant désignée liquidateur.

2. La société ACHF étant titulaire d'un compte ouvert dans les livres de la société Olinda, établissement de paiement au sens de l'article L. 522-1, I, du code monétaire et financier🏛, le liquidateur a demandé la restitution de la somme de 8 850 euros correspondant à trois paiements effectués le 29 juin 2020.


Examen du moyen

Sur le moyen pris en ses troisième et quatrième branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen pris en ses deux premières et trois dernières branches

Enoncé du moyen

4. La société Olinda reproche à l'arrêt de rejeter ses demandes et de la condamner à payer au liquidateur la somme de 8 850 euros majorée des intérêts, alors :

« 1°/ que, à l'inverse du client d'un établissement de crédit, le titulaire d'un compte ouvert auprès d'un établissement de paiement conserve la propriété des fonds déposés et l'établissement reçoit la chose du déposant, à charge de la garder et de la lui restituer en nature ; qu'en conséquence, l'opération de débit du compte de paiement n'éteint pas une créance de l'établissement de paiement sur le titulaire du compte, mais n'est qu'une écriture comptable formalisant son dessaisissement de la chose qui lui a été remise en dépôt ; qu'à défaut pour l'établissement de paiement de recevoir des fonds ou un paiement en exécution du paiement litigieux, l'établissement de paiement n'est pas partie à l'opération de paiement mais n'en est que l'instrument de sorte que seul le tiers contractant à l'opération de débit est le bénéficiaire du paiement qu'il reçoit directement du patrimoine de l'émetteur du paiement ; qu'en conséquence, seul ce tiers doit restituer les fonds qu'il a perçus postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire du titulaire du compte ; que pour condamner la société Olinda à payer à Me [O], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société ACHF la somme de 8 850 euros correspondant à des opérations enregistrées sur le compte de sa cliente, postérieurement au prononcé de sa liquidation judiciaire, l'arrêt retient que l'établissement de paiement détient de matière précaire mais régulière sur le compte ouvert en ses livres par l'utilisateur de services de paiement les fonds remis par celui-ci en vue de leur transfert aux bénéficiaires par virements, paiements ou prélèvements autorisés par le titulaire du compte ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1915 du code civil🏛, L. 312-2, L. 511-5 et L. 522-4 du code monétaire et financier🏛 ;

2°/ que seul l'établissement de crédit devient propriétaire des fonds déposés par le titulaire d'un compte ouvert en ses livres, de sorte que son client ne dispose plus que d'un droit de créance à l'égard de la banque ce qui justifie que les opérations enregistrées au débit du compte, postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire du titulaire du compte et de son dessaisissement, soient analysées comme un paiement au bénéfice de la banque inopposable à la procédure et que la banque soit tenue d'en restituer le montant entre les mains de son liquidateur judiciaire ; qu'en revanche, le dépôt effectué par le titulaire d'un compte ouvert auprès d'un établissement de paiement oblige ce dernier à recevoir la chose d'autrui, à charge de la garder et de la restituer en nature ; qu'ainsi le client est en droit de se prévaloir à l'égard de l'établissement de paiement, d'une obligation de restitution des fonds déposés qui demeurent sa propriété et n'ont pas quitté son patrimoine ; que par conséquent, le dépôt, comme la restitution des fonds n'affectent ni le patrimoine du déposant, ni celui du dépositaire, de sorte que si une opération a été effectuée sur le compte du déposant, postérieurement au prononcé de sa liquidation judiciaire, l'établissement de paiement qui n'a pas reçu des fonds ou obtenu un paiement en exécution de l'opération litigieuse, ne saurait être condamné à restituer ce qu'il n'a pas reçu ; que pour condamner la société Olinda à payer à Me [O], es-qualités, la somme de 8 850 euros, la cour d'appel retient, par motifs adoptés, que ‘‘tant juridiquement qu'au plan comptable les dépôts des clients ne rentrent pas dans le patrimoine des établissements de crédit'' ; qu'en se déterminant de la sorte, pour nier les différences fondamentales existant entre les établissements de crédit et les établissements de paiement justifiant que l'obligation de restitution des fonds déposés auprès d'un établissement de paiement pèse sur le véritable bénéficiaire du paiement inopposable à la procédure collective ouverte contre le débiteur dessaisi, la cour d'appel a violé les articles 544 et 1915 du code civil🏛.

5°/ que si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte ; qu'il en résulte que le juge ne dispose pas du pouvoir de solliciter d'office la production d'un élément de preuve ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'elle avait invité la société Olinda, après la clôture de la mise en état, à communiquer en cours de délibéré et dans un délai de sept jours le contrat de services de paiement conclu entre elle et la société ACHF ; qu'en sollicitant d'office la production d'une telle pièce qui n'était pas demandée par la société ACHF, et sur laquelle elle s'est fondée pour condamner la société Olinda à lui payer la somme de 8 850 euros, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et violé l'article 11 du code de procédure civile🏛 ;

6°/ qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; qu'en se fondant sur le contrat de services de paiement produit par la société Olinda le 15 décembre 2023, et les observations du débiteur du 19 décembre 2023, pour condamner la société Olinda à payer à la société ACHF la somme de 8.850 euros, tandis qu'elle avait constaté que la mise en état avait été clôturée antérieurement, le 8 novembre 2023, la cour d'appel a violé l'article 802 du code de procédure civile🏛;

7°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut pas retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'il ne peut non plus relever d'office un moyen sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en se fondant sur le contrat de services de paiement conclu entre la société ACHF et la société Olinda, produit par cette dernière après la clôture de la mise en état, et en relevant que l'avocat de la société ACHF lui avait par la suite transmis ses observations, sans que la société Olinda ait été en mesure d'en débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile🏛. »


Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article L. 641-9 du code de commerce🏛 que les actes de disposition accomplis par le débiteur au mépris de la règle du dessaisissement, édictée par ce texte pour préserver le gage des créanciers au cours de la procédure, sont frappés d'une inopposabilité à la procédure collective dont le liquidateur peut se prévaloir, y compris à l'égard d'un établissement de paiement.

6. Le moyen, qui postule le contraire en ses deux premières branches et qui est inopérant en ses trois dernières branches en ce qu'il critique des motifs surabondants, n'est pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Olinda aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Olinda ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le deux juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

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