SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 643 F-D
Pourvoi n° S 23-23.291
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
M. [H] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-23.291 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Completel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [X], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , avocat de la société Completel, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 2023), M. [X] a été engagé en qualité d'ingénieur commercial moyennes et grandes entreprises par la société Completel à compter du 14 juin 2012.
2. Le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie du 14 au 28 février 2018 puis jusqu'au 28 novembre 2018. Il a repris son poste le 29 novembre et a, le 21 décembre, fait valoir son droit de retrait à partir du 2 janvier 2019.
3. Licencié pour faute grave le 5 février 2019, il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches, et sur les deuxième et troisième moyens, en ce qu'ils font grief à l'arrêt de débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de prévention et absence d'organisation de la visite médicale de reprise
4. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de nullité du licenciement, de réintégration, sous astreinte, dans son poste au sein de la société Completel et en paiement, d'une part, d'une indemnité d'éviction du 8 février 2019 jusqu'à la date de sa réintégration effective, d'autre part, d'une somme à titre de rappel de salaire pour la période afférente à son droit de retrait soit du 2 janvier 2019 au 7 février 2019, de juger que son licenciement pour faute grave est fondé et de le débouter du surplus de ses demandes, alors « que l'
article L. 4131-1 du code du travail🏛 autorise le salarié à cesser le travail s'il a un motif raisonnable de penser qu'il présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ; que selon l'article L. 4131-3 du même code, aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur qui s'est retiré d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ; qu'il s'ensuit qu'est nul le licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice légitime par le salarié de son droit de retrait d'une situation de danger pour sa santé ; que, pour écarter la nullité du licenciement de M. [X] à raison de l'exercice de son droit de retrait, la cour d'appel a énoncé qu'il a exercé son droit de retrait en date du 21 décembre 2018 à effet au 2 janvier 2019 au motif que la société aurait modifié sans son accord les conditions de sa rémunération variable et que, dans ces conditions, le caractère d'imminence du danger fait manifestement défaut, dans la mesure où le salarié ne saurait se prévaloir d'un droit de retrait "à venir", ne prenant donc effet que de façon différée, cette temporalité condui[san]t à déclarer infondé le droit de retrait ; qu'en se déterminant ainsi quand il ressortait de ses propres constatations que le salarié était placé en congé au titre des RTT entre le 24 décembre et le 31 décembre 2018 et qu'il ne devait donc reprendre le travail que le 2 janvier 2019, de sorte que le fait que le salarié ait exercé son droit de retrait le vendredi 21 décembre 2018 pour une prise d'effet au 2 janvier ne rendait pas le droit de retrait injustifié, la cour d'appel a violé les
articles L. 4131-1 et L. 4131-3 du code du travail🏛. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 4131-1 et L. 4131-3 du code du travail :
6. Aux termes du premier de ces textes, le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation. L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection.
7. Aux termes du second, aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux.
8. Pour écarter le caractère légitime du droit de retrait et rejeter la demande de nullité du licenciement, l'arrêt retient que le caractère d'imminence du danger fait défaut dès lors que le salarié a exercé son droit de retrait le 21 décembre 2018 à effet au 2 janvier 2019 et que ce dernier ne pouvait se prévaloir d'un droit de retrait à venir, prenant effet de façon différée.
9. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si le salarié avait un motif raisonnable de penser le 21 décembre 2018, que la situation de travail, à la date à laquelle il devait reprendre son poste, le 2 janvier 2019, à l'issue de la période de ses congés, présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé, indépendamment de l'existence d'un tel danger, justifiant l'exercice du droit de retrait, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation prononcée n'est pas susceptible d'atteindre le chef de dispositif rejetant la demande de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de prévention et absence d'organisation de la visite médicale de reprise, le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant ce chef de dispositif.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [X] de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de prévention et absence d'organisation de la visite médicale de reprise, l'arrêt rendu le 27 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Completel aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Completel et la condamne à payer à M. [Aa] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le onze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛.