Jurisprudence : CA Lyon, 15-05-2025, n° 24/07118, Confirmation


N° RG 24/07118 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P4NB


Décision du

Juge commissaire de [Localité 1]

Au fond

du 29 août 2024


RG : 22/02644

ch n°


[C]


C/


SELARL MJ SYNERGIE


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE LYON


3ème chambre A


ARRET DU 15 MAI 2025



APPELANT :


Monsieur [O] [C],

né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité …] (…),

… … …,

… [… …]

([Localité 2]


Représenté par Me Florent DELPOUX, avocat au barreau de LYON, toque : 1900, avocat postulant.


INTIMEE :


SELARL MJ SYNERGIE

représentée par Maître [W] [J] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [Aa] [C]

Sis [Adresse 4]

([Localité 1]


Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, avocat postulant.


******


Date de clôture de l'instruction : 25 Mars 2025


Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Avril 2025


Date de mise à disposition : 15 Mai 2025


Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Sophie DUMURGIER, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère


assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffière


A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,


Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,


Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffiere, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


* * * *



FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES


M. [O] [C] était exploitant agricole en qualité d'entrepreneur individuel sous le Siren n°495 024 838 à [Localité 2].


Par jugement du 3 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard, en désignant la SELARL MJ Synergie, prise en la personne de Me [J], en qualité de mandataire judiciaire.

La date de cessation des paiements a été fixée au 5 août 2022.



Par jugement du 2 octobre 2023, confirmé par arrêt de la présente cour du 14 mars 2024, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et a désigné la SELARL MJ Synergie, prise en la personne de Me [J], en qualité de liquidateur judiciaire.


Par requête reçue au greffe le 27 mai 2024, la SELARL MJ Synergie, ès qualités, a saisi le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de M. [C] d'une demande tendant à voir ordonner la vente aux enchères publiques d'actifs mobiliers inventoriés selon procès-verbal d'inventaire établi les 18 et 26 octobre 2022 par Me [V] [X] et [F] [E], commissaires de justice associées de la SELARL [X]-[E], titulaire d'un office de commissaire de justice à [Localité 2].


Par ordonnance contradictoire du 29 août 2024, le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :

- ordonné la vente aux enchères publiques des biens mobiliers dépendant de la liquidation judiciaire de M. [O] [C] désignés dans le procès-verbal d'inventaire réalisé les 18 et 26 octobre 2022 et le procès-verbal d'inventaire complémentaire des éléments d'actif mobilier en date du 31 janvier 2023, établis par Me [V] [X] et [F] [E], commissaires de justice associées de la SELARL [X]-[E], titulaire d'un office de commissaire de justice à [Localité 2] (01), annexés à la présente ordonnance, sauf en ce qui concerne le déterreur Amac, le trieur de pommes de terre Pouplard, les box en bois à pommes de terre, la perceuse AEG, la visseuse AEG et le Karcher Eco qui en seront exclus,

- désigné la SELARL [X]-[E], titulaire d'un office de commissaire de justice à [Localité 2] (01), pour y procéder,

- dit que la présente ordonnance sera notifiée par lettre recommandée avec accusé réception à : M. [O] [C],

- dit que la présente ordonnance sera communiquée contre récépissé au conseil de M. [O] [C] et à la société MJ Synergie, ès qualités de mandataire judiciaire.



Par déclaration reçue au greffe le 9 septembre 2024, M. [C] a interjeté appel de cette ordonnance, portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués.


Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 21 mars 2025, M. [C] demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance rendue le 29 août 2024 par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en ce qu'elle ordonné la vente aux enchères publiques du véhicule Ab Ac immatriculé DZ 148 VL,

- confirmer l'ordonnance querellée en toutes ses autres dispositions,

- statuer ce que de droit sur les dépens.


Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 10 décembre 2024, la SELARL MJ Synergie, ès qualités, demande à la cour, au visa des articles L. 526-22 et R. 526-26 du code de commerce🏛🏛, de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné la vente aux enchères publiques du véhicule Volkswagen Amarok immatriculé DZ148VL,

- confirmer également l'ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions non critiquées,

- tirer les dépens en frais privilégiés de la procédure collective.


La procédure a été clôturée par ordonnance du 25 mars 2025, les débats étant fixés au 3 avril 2025.



SUR CE


Sur la vente aux enchères publiques des actifs mobiliers dépendant de la liquidation judiciaire de M. [C]


L'appel ne porte que sur la décision de vente aux enchères publiques du véhicule Volkswagen Amarok, à l'exclusion des autres éléments d'actifs de la liquidation judiciaire de M. [C] dont la vente aux enchères publiques a été ordonnée.


Il est constant, selon les écritures des parties, que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire et le jugement de conversion du redressement en liquidation judiciaire ne précisent pas le périmètre de la procédure collective, le tribunal n'ayant pas indiqué sur quel patrimoine porte la procédure collective, alors que la scission en deux du patrimoine de l'entrepreneur individuel est d'ordre public.


Cependant, le liquidateur judiciaire considère que la procédure collective ouverte à l'égard de M. [C] se limite au seul patrimoine professionnel de celui-ci, ce que ce dernier ne conteste pas.

Au soutien de son appel, M. [C] prétend que le véhicule Ab Ac immatriculé DZ 148 VL, qui n'était pas affecté à l'exploitation agricole, ne peut pas être intégré au patrimoine professionnel au sens de l'alinéa 3 de l'article L. 526-22 du code de commerce.


Il fait valoir qu'il s'agit d'un véhicule disposant d'une carrosserie dit « pick-up » qu'il utilise comme véhicule personnel, le seul fait qu'il s'agisse d'un « pick-up » ne constituant pas une présomption d'utilisation du véhicule dans le cadre de l'activité professionnelle de son propriétaire.

Il ajoute qu'il s'agit d'un véhicule de tourisme en précisant qu'un véhicule « pick-up » comportant au moins cinq places assises est considéré comme un véhicule de tourisme au sens de l'article L. 421-2 du code des impositions sur les biens et services, ce qui est le cas du véhicule litigieux et qui est démontré par le certificat d'immatriculation du véhicule.

Il expose, qu'outre le fait que la cabine contient cinq places assises, il s'agit d'un véhicule « premium » disposant notamment d'une sellerie en cuir et de nombreuses options de confort peu compatibles avec un usage utilitaire, et que, s'il est basé sur un véhicule utilitaire, il est configuré comme un SUV afin de servir à un usage courant pour les particuliers cherchant un véhicule familial avec des capacités de tout terrain.

Il ajoute que l'acquéreur d'un tel véhicule n'est pas éligible à la récupération de la TVA sur l'achat du véhicule puisqu'il ne s'agit pas d'un véhicule à usage exclusivement professionnel, ce qui confirme qu'il ne s'agit pas d'un véhicule utilitaire.

Enfin, il relève que l'inventaire complémentaire établi par le commissaire de justice le 31 janvier 2023 fait mention d'un fourgon utilitaire Mercedes Benz Sprinter, qu'il utilisait pour effectuer les livraisons et les transports nécessaires à son activité agricole, ce qui démontre qu'il n'avait pas besoin du véhicule Volkswagen Amarok pour l'exploitation de son activité, en précisant utiliser le véhicule litigieux pour ses déplacements personnels et ses activités extra professionnelles, et notamment pour la chasse.


Aux termes de l'article L. 526-22 du code de commerce, « L'entrepreneur individuel est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes. [......]

Les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent le patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel. Sous réserve du livre VI du présent code, ce patrimoine ne peut être scindé. Les éléments du patrimoine de l'entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel constituent son patrimoine personnel.

La distinction des patrimoines personnel et professionnel de l'entrepreneur individuel ne l'autorise pas à se porter caution en garantie d'une dette dont il est débiteur principal.

Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil🏛🏛 et sans préjudice des dispositions légales relatives à l'insaisissabilité de certains biens, notamment la section 1 du présent chapitre et l'article L. 526-7 du présent code, l'entrepreneur individuel n'est tenu de remplir son engagement à l'égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l'occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 526-25.

Les dettes dont l'entrepreneur individuel est redevable envers les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales sont nées à l'occasion de son exercice professionnel.

Seul le patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l'occasion de son exercice professionnel. Toutefois, si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers peut s'exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos. En outre, les sûretés réelles consenties par l'entrepreneur individuel avant le commencement de son activité ou de ses activités professionnelles indépendantes conservent leur effet, quelle que soit leur assiette.

La charge de la preuve incombe à l'entrepreneur individuel pour toute contestation de mesures d'exécution forcée ou de mesures conservatoires qu'il élève concernant l'inclusion ou non de certains éléments d'actif dans le périmètre du droit de gage général du créancier. Sans préjudice de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution🏛, la responsabilité du créancier saisissant peut être recherchée pour abus de saisie lorsqu'il a procédé à une mesure d'exécution forcée ou à une mesure conservatoire sur un élément d'actif ne faisant manifestement pas partie de son gage général.»


L'article R.526-26 du code de commerce précise que « I.-Pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 526-22, les biens, droits, obligations et sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, utiles à l'activité professionnelle, s'entendent de ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité, tels que :

1° Le fonds de commerce, le fonds artisanal, le fonds agricole, tous les biens corporels ou incorporels qui les constituent et les droits y afférents et le droit de présentation de la clientèle d'un professionnel libéral ;

2° Les biens meubles comme la marchandise, le matériel et l'outillage, le matériel agricole, ainsi que les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison ;

3° Les biens immeubles servant à l'activité, y compris la partie de la résidence principale de l'entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ; lorsque ces immeubles sont détenus par une société dont l'entrepreneur individuel est actionnaire ou associé et qui a pour activité principale leur mise à disposition au profit de l'entrepreneur individuel, les actions ou parts d'une telle société ;

4° Les biens incorporels comme les données relatives aux clients, les brevets d'invention, les licences, les marques, les dessins et modèles, et plus généralement les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial et l'enseigne ;

5° Les fonds de caisse, toute somme en numéraire conservée sur le lieu d'exercice de l'activité professionnelle, les sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité, notamment au titre des articles L. 613-10 du code de la sécurité sociale🏛 et L. 123-24 du présent code, ainsi que les sommes destinées à pourvoir aux dépenses courantes relatives à cette même activité.

II.-Lorsque l'entrepreneur individuel est tenu à des obligations comptables légales ou réglementaires, son patrimoine professionnel est présumé comprendre au moins l'ensemble des éléments enregistrés au titre des documents comptables, sous réserve qu'ils soient réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise. Sous la même réserve, les documents comptables sont présumés identifier la rémunération tirée de l'activité professionnelle indépendante, qui est comprise dans le patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel. »


Pour ordonner la vente aux enchères publiques du véhicule Ab Ac immatriculé DZ 148 VL appartenant à M. [C], le premier juge a considéré qu'il fait partie du patrimoine professionnel du débiteur dès lors qu'il s'agit d'un véhicule utilitaire d'importance qui, au regard de sa configuration et de la nature de l'activité professionnelle de M. [C], incluant une partie vente, sert nécessairement, au moins en partie, à cette activité, l'existence d'un autre véhicule utilitaire parmi les éléments d'actif inventoriés ne suffisant pas à considérer que le « pick-up » Volkswagen Amarok n'a aucun caractère utilitaire alors qu'il constitue nécessairement un moyen de « mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison.»


Pour déterminer si un bien fait partie du patrimoine du débiteur en procédure collective, il est nécessaire, en application de l'article L.526-22 susvisé, d'apprécier son utilité à l'activité professionnelle de ce dernier.

Or, selon l'article R.526-26, sont utiles à l'activité professionnelle du débiteur les biens qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité.


Or, en l'espèce, le véhicule Ab Ac appartenant à M. [C] est un véhicule de type « pick-up » d'une longueur de plus de 5 mètres présentant une charge utile de 617 kilogrammes, qui, en dépit de ses cinq places assises en cabine et de ses équipements « premium », dispose d'une capacité de chargement importante, qui s'avère utile aux transports de matériels, marchandises ou animaux qu'implique l'activité d'exploitant agricole et ce d'autant plus qu'il s'agit d'un véhicule tout terrain disposant d'un moteur de 180 chevaux, permettant de circuler aisément dans les chemins et terrains agricoles, ce qui n'est pas le cas du fourgon utilitaire Ad Ae utilisé par M. [C] pour effectuer des livraisons.

Il n'est pas inutile de relever, en outre, que le bilan de l'exploitant, arrêté au 31 décembre 2022, comporte des « autres immobilisations corporelles » valorisées pour 16 863 euros, pouvant correspondre au véhicule litigieux acheté le 9 décembre 2015 au prix de 44 700 euros, que le commissaire de justice a évalué à 20 000 euros dans son procès-verbal d'inventaire des 18 et 26 octobre 2022, et que, par ailleurs, M. [C] a fait visiter l'exploitation agricole au liquidateur judiciaire à bord de ce véhicule.


C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que ce véhicule a un caractère utilitaire, quand bien même il serait également utilisé à des fins personnelles, et qu'il répond aux critères énoncés par l'article R.526-26 du code de commerce, pour l'inclure dans le patrimoine professionnel de M. [C] et ordonner sa vente aux enchères publiques, la décision déférée méritant confirmation en toutes ses dispositions soumises à la cour.


Sur les dépens et les frais de procédure


L'appelant qui succombe en ses prétentions supportera la charge des dépens d'appel, qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.



PAR CES MOTIFS


La cour, statuant publiquement, contradictoirement et dans les limites de l'appel,


Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour l'ordonnance rendue le 29 août 2024 par le juge commissaire du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse,


Y ajoutant,


Condamne M. [O] [C] aux dépens de la procédure d'appel, qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.


La greffière, La présidente,

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus