TA Toulon, du 07-05-2025, n° 2400619
A64530RG
Référence
Par une requête enregistrée le 19 février 2024, Mme C A épouse B, demande au tribunal d'annuler son entretien professionnel et sa notation au titre de l'année 2023.
Elle soutient que les appréciations portées sur son entretien professionnel 2023 sont constitutives d'une discrimination en raison de son état de santé.
Par un mémoire enregistré le 6 mars 2025, le ministre de l'intérieur fait valoir qu'il n'est pas compétent pour défendre dans la présente instance et demande que la requête soit communiquée au préfet du Var.
Une mise en demeure a été adressée au préfet du Var le 22 janvier 2025 en application des dispositions combinées des articles R. 612-3 et R. 612-6 du code de justice administrative🏛🏛.
La requête a été communiquée au préfet du Var lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984🏛 ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Hamon, en application de l'article R. 222-13 du code de justice administrative🏛, pour statuer sur les litiges relevant de cet article.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hamon, magistrat désigné,
- et les conclusions de Mme Karine Duran-Gottschalk, rapporteure publique,
- les parties n'étaient ni présentes ni représentées.
1. Mme C A épouse B, brigadier-chef de police, affectée à la circonscription de sécurité publique (CSP) de Toulon, demande au tribunal d'annuler son entretien professionnel et sa notation au titre de l'année 2023.
Sur l'acquiescement aux faits :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 612-3 du code de justice administrative : " Lorsqu'une des parties appelées à produire un mémoire n'a pas respecté le délai qui lui a été imparti en exécution des articles R. 611-10, R. 611-17 et R. 611-26, le président de la formation de jugement () peut lui adresser une mise en demeure ". En vertu des dispositions de l'article R. 612-6 du même code : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".
3. Malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 22 janvier 2025, le préfet du Var n'a produit aucun mémoire avant la clôture de l'instruction. Il est donc réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête. Il appartient toutefois au juge de vérifier que ces faits ne sont pas contredits par l'instruction et qu'aucune règle d'ordre public ne s'oppose à ce qu'il soit donné satisfaction au requérant.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En application des dispositions de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vigueur : " L'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct, qui donne lieu à un compte rendu. (). / Toutefois, par dérogation à l'article 17 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 précitée et au premier alinéa du présent article, les statuts particuliers peuvent prévoir des modalités différentes d'appréciation de la valeur professionnelle. () ". Selon l'article 16 du décret du 9 mai 1995🏛 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " La notation des fonctionnaires actifs des services de la police nationale fait l'objet d'un ou plusieurs entretiens d'évaluation. Elle est établie annuellement () ".
5. Aux termes de l'article L. 131-1 du code général de la fonction publique : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de () de leur état de santé () ".
6. De manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. Mme A épouse B soutient qu'elle a fait l'objet d'une discrimination en raison de son état de santé et de sa position en télétravail lors de son entretien professionnel 2023. Il résulte de l'instruction que la requérante, affectée au sein du groupe judiciaire plainte et placée en télétravail depuis 2022, a été chargée durant l'année 2023 de recueillir les pré-plaintes en ligne, en contactant les victimes téléphoniquement afin de les transmettre au service aux fins d'édition pour signatures des plaignants.
8. En premier lieu, il résulte des appréciations portées sur le compte-rendu d'entretien professionnel qu'il a été reproché à Mme A épouse B de ne pas avoir eu un rendement à la hauteur de la demande du service, malgré les difficultés du distanciel. La requérante soutient que cette observation constitue une discrimination et que sa position de télétravail avait été reconnue par sa hiérarchie en 2022 comme constituant une difficulté afin de s'acquitter de ses fonctions d'adjoint au chef de brigade. Toutefois, l'observation faite en 2023 relative au rendement de l'intéressée tout en prenant en considération les difficultés liées à sa position en télétravail, n'est pas utilement contestée par la requérante, laquelle n'apporte aucun fait ni aucune précision démontrant que cette appréciation ne serait pas fondée et constituerait une discrimination en raison de son état de santé et de sa position en télétravail.
9. En deuxième lieu, il a été fait grief à l'intéressée de s'être désintéressée de la vie du groupe judiciaire plainte. Si la requérante conteste cette appréciation, elle se borne à soutenir que son rôle est d'être " en contact quasi exclusif avec les victimes plaignantes et non avec son groupe " et que c'était " le propre du travail en distanciel ". Ce faisant, la requérante ne contredit pas utilement les observations faites à son encontre alors que sa position de télétravail n'implique pas de fait de se désintéresser de la vie de son service et de n'avoir que des contacts quasi exclusifs avec les plaignants. Il suit de là qu'aucune discrimination n'est davantage caractérisée à ce titre.
10. En troisième lieu, il a été demandé à l'intéressée de poursuivre ses efforts pour acquérir la maîtrise de la procédure pénale numérique (PPN), le supérieur hiérarchique de Mme A épouse B précisant que celle-ci ne pouvait la mettre en application en raison de sa position en télétravail. Toutefois, cette observation ne peut être regardée comme constitutive d'une discrimination dès lors qu'il est seulement constaté que la position en télétravail empêche la requérante de mettre en application la PPN, qu'il est toutefois demandé à l'intéressée de poursuivre ses efforts pour acquérir la maîtrise de cette procédure, ce qui n'est pas contradictoire dans le cadre d'une éventuelle fin du placement en télétravail de l'intéressée et qu'il n'est pas, au surplus, contesté par la requérante qu'elle ne maîtrise pas totalement la PPN.
11. En dernier lieu, si la requérante soutient que sa note a été irrégulièrement diminuée de 6 à 5 entre 2022 et 2023, il a toutefois été reproché à l'intéressée de ne pas avoir eu un rendement à la hauteur de la demande du service en 2023, ce qui ne semble pas avoir été le cas en 2022, aucune baisse de rendement n'ayant été notée sur cette année. Par suite, la diminution de la note de l'intéressée entre 2022 et 2023 n'apparait pas, en l'espèce, ni irrégulière ni constitutive d'une discrimination.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les faits présentés par la requérante sont contredits par l'instruction. Il suit de là que la requérante n'est pas fondée à soutenir que les appréciations portées sur son entretien professionnel seraient de nature à constituer une discrimination en raison de son état de santé et de sa position en télétravail, ses conclusions à fin d'annulation ne pouvant, par suite, qu'être rejetées.
Article 1er : La requête de Mme A épouse B est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme C A épouse B, au préfet du Var et au ministre de l'intérieur.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2025.
Le magistrat désigné,
Signé
L. HAMON
La greffière,
Signé
G. BODIGER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour le greffier en chef,
Et par délégation,
La greffière.
Loi, 84-16, 11-01-1984 Article, R222-13, CJA Article, R612-3, CJA Article, R612-6, CJA Mise en demeure Ordre public Dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'etat Dispositions communes aux fonctionnaires Entretien d'évaluation Établissement de la conviction Égalité de traitement Échanges contradictoires Instruction utile