Jurisprudence : CAA Nantes, 3e, 05-03-1998, n° 94NT01115

CAA Nantes, 3e, 05-03-1998, n° 94NT01115

A0417BHW

Référence

CAA Nantes, 3e, 05-03-1998, n° 94NT01115. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1184783-caa-nantes-3e-05031998-n-94nt01115
Copier


N° 94NT01115, 96NT01392, 96NT01419

CENTRE HOSPITALIER DE L'ESTUAIRE

Mme STEFANSKI, rapporteur

Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement

Lecture du 5 mars 1998

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour administrative d'appel de Nantes

3ème chambre


Vu, 1°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 novembre 1994, sous le n° 94NT01115, présentée pour le Centre hospitalier de l'Estuaire, situé ..., représenté par son directeur, par Me C..., avocat ;

Le centre hospitalier de l'Estuaire demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 93-213 du 27 septembre 1994, par lequel le Tribunal administratif de Caen l'a condamné à verser, en premier lieu, à Mme X..., représentant son fils Thomas A... une provision de 50 000 F, en deuxième lieu, à Mme X... une provision de 20 000 F et, en troisième lieu, à la Caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M) du Calvados la somme de 48 091,93 F avec intérêts à compter du 26 mars 1993 et capitalisation des intérêts à compter du 20 septembre 1994 en réparation des préjudices subis par Mme X... et par son fils à la suite de la naissance de celui-ci ;

2°) de rejeter la demande de Mme X... ;

3°) de condamner Mme X... au paiement d'une somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu, 2°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 juin 1996, sous le n° 96NT01392, présentée pour le Centre hospitalier de l'Estuaire, situé ..., représenté par son directeur, par Me C..., avocat ;

Le centre hospitalier de l'Estuaire demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 93-213 du 24 avril 1996, par lequel le Tribunal administratif de Caen l'a condamné à verser, en premier lieu, à Mme X..., représentant son fils Thomas A... une somme de 80 000 F et, en second lieu, à Mme X... une somme de 20 000 F, lesdites sommes portant intérêts à compter du 9 janvier 1993, pour la totalité, jusqu'à la date de versement des provisions antérieurement accordées et, pour le surplus, à compter de cette date ;

2°) de rejeter la requête de Mme X... ;

3°) de condamner Mme X... au paiement d'une somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu, 3°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 juin 1996, sous le n° 96NT01419, présentée pour Mme Nathalie X..., demeurant ..., par Me B..., avocat ;

Mme X... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n 93-213 du 24 avril 1996, par lequel le Tribunal administratif de Caen a condamné le Centre hospitalier de l'Estuaire de Honfleur à lui verser, en premier lieu, une somme de 80 000 F pour son fils Thomas A..., et en second lieu, une somme de 20 000 F à titre personnel, lesdites sommes portant intérêts à compter du 9 janvier 1993, pour la totalité, jusqu'à la date de versement des provisions antérieurement accordées et pour le surplus à compter de cette date ;

2°) de condamner le centre hospitalier de l'Estuaire à lui verser une somme de 200 000 F au titre des préjudices patrimoniaux de son fils, une somme de 270 000 F au titre des préjudices extra patrimoniaux de l'enfant, une somme de 200 000 F en réparation de son préjudice personnel, lesdites sommes portant intérêts à compter du 9 janvier 1993, et une somme de 20 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

3°) de condamner le centre hospitalier de l'Estuaire aux dépens ;

4°) de réserver ses droits et ceux de son fils jusqu'à la majorité de celui-ci pour liquider le préjudice définitif ;

5°) de dire que les fonds seront employés conformément à la législation sur les mineurs ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 1998 :

- le rapport de Mme STEFANSKI, conseiller,

- les observations de Me Y... PARENT, représentant Mes CHAUMETTE et CARLIER-MULLER, avocats de la Caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M) du Calvados,

- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n°s 94NT01115, 96NT01392 et 96NT01419 sont relatives aux conséquences dommageables des conditions dans lesquelles s'est déroulé l'accouchement de Mme X... survenu le 15 janvier 1986 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que l'enfant de Mme X..., Thomas A..., est né le 15 janvier 1986 au Centre hospitalier de l'Estuaire de Honfleur ; qu'à la naissance a été constatée une lésion du plexus brachial à l'origine d'une paralysie partielle de l'épaule et du bras gauche ; que, le 29 septembre 1989, l'enfant a subi une intervention chirurgicale qui a consisté à transposer le grand dorsal gauche de l'humérus à la coiffe des rotateurs ; qu'après une première expertise, le Tribunal administratif de Caen a, par un jugement du 27 septembre 1994, retenu la responsabilité du centre hospitalier, condamné ledit centre à verser à Mme X... une provision de 50 000 F en qualité de représentante légale de son fils Thomas et une provision de 20 000 F en réparation de son préjudice personnel ; qu'à la suite d'un second rapport d'expertise, le tribunal a, par jugement du 24 avril 1996, fixé à un montant de 80 000 F la somme due à Mme X... en réparation des préjudices subis par son fils et à un montant de 20 000 F la somme due à l'intéressée en réparation de ses préjudices propres ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier de l'Estuaire :

Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de l'Estuaire, le Tribunal administratif de Caen ne s'est pas fondé pour le condamner sur un régime de présomption de faute et n'a, dès lors, par commis d'erreur de droit ;

Considérant, d'autre part, que pour soutenir que la lésion du plexus brachial subie par le jeune Thomas A... n'est pas due à une faute, le centre hospitalier de l'Estuaire se borne, sans apporter d'éléments précis sur les circonstances mêmes de l'accouchement de Mme X..., à faire valoir que certains des facteurs de risques relevés par une étude relative aux paralysies obstétricales du plexus brachial étaient réunis en l'espèce ; qu'il résulte toutefois de l'instruction et notamment du rapport de l'expert nommé en première instance, lequel n'est pas entaché de contradictions, que la lésion subie par l'enfant, qui se présentait par le siège, a été provoquée par une traction trop importante exercée sur son cou lors de l'accouchement ou par un abaissement trop brutal du bras gauche à la suite d'une man uvre de Lowset ; que ces faits constituent des fautes de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de l'Estuaire ; qu'ainsi, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué du 27 septembre 1994, le Tribunal administratif de Caen a décidé qu'une faute était à l'origine de la paralysie partielle de l'épaule et du bras gauches constatée dès la naissance du jeune Thomas ;

Sur les préjudices ;

En ce qui concerne les préjudices de l'enfant :

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que le jeune Thomas A... n'a pu subir une perte de revenus ; que, par suite, les conclusions tendant à l'indemnisation de l'incapacité temporaire totale subie ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'enfant souffre d'une diminution de la force du bras gauche, d'une rotation interne du bras diminuée de 20 et d'une rotation externe nulle qui lui interdisent de pratiquer de nombreux exercices physiques ; qu'il reste atteint, après l'intervention chirurgicale du 29 septembre 1989 d'une incapacité permanente partielle évaluée provisoirement à 12 %, la consolidation ne pouvant être définitive avant l'âge de dix huit ans ; que, dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence de Thomas A... en fixant l'indemnité à 80 000 F ;

Considérant, enfin, que les souffrances physiques résultant de l'intervention chirurgicale susmentionnée, du port d'un plâtre pendant six mois à la suite de cette intervention et des nécessités d'une rééducation jusqu'en 1993, ont été qualifiées d'importantes par l'expert et évaluées à 5 sur une échelle de 7 ; que, dans ces circonstances, il en sera fait une juste appréciation en fixant le montant de leur indemnisation à 50 000 F ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnité versée au jeune Thomas A... doit être portée de 80 000 F à 130 000 F ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, de réformer le jugement attaqué du 24 avril 1996 ;

En ce qui concerne les préjudices de Mme X... :

Considérant que Mme X..., qui ne justifie pas avoir démissionné de son emploi pour soigner son enfant, n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif, par son jugement susvisé du 24 avril 1996, a fait une inexacte appréciation de ses troubles dans les conditions d'existence en les évaluant à 20 000 F ;

Sur les intérêts :

Considérant que Mme X... a droit aux intérêts sur la somme supplémentaire de 50 000 F accordée par le présent arrêt à compter du 9 janvier 1993 ;

Sur les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie du Calva- dos :

Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de donner acte à la caisse des réserves qu'elle formule au sujet des frais qu'elle peut à nouveau être amenée à exposer ;

Sur les expertises :

Considérant, d'une part, que le jugement susvisé du 27 septembre 1994 avait, en son article 4, prescrit une mesure d'expertise complémentaire et que le président du tribunal administratif a effectivement, par ordonnance du même jour, désigné le docteur Z... en qualité d'expert ; que, dans ces conditions, les conclusions de Mme X..., contenues dans la requête enregistrée sous le n° 94NT01115, tendant à la désignation d'un expert conformément au jugement du tribunal sont sans objet et, par suite, irrecevables ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de l'Estuaire, la totalité des frais d'expertise exposés en première instance, et notamment ceux de l'expertise prescrite par l'ordonnance du président du tribunal administratif en date du 5 septembre 1989 ; que le jugement du 24 avril 1996, qui ne statue que sur les frais de l'expertise ordonnée par le jugement du 27 septembre 1994, doit, dans cette mesure, être réformé ;

Sur l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :

Considérant que le centre hospitalier de l'Estuaire succombe dans les présentes instances ; que ses demandes tendant à ce que Mme X... soit condamnée à lui verser des sommes au titre des frais qu'il a exposés doivent, en conséquence, être rejetées ;

Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le centre hospitalier de l'Estuaire à payer à Mme X..., sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, une somme de 6 000 F au titre des frais de procédure engagés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier de l'Estuaire est condamné à verser à Mme X... pour les préjudices subis par son fils est portée de quatre vingt mille francs (80 000 F) à cent trente mille francs (130 000 F).

Article 2 : L'indemnité supplémentaire de cinquante mille francs (50 000 F) accordée par l'article 1er du présent arrêt portera intérêts à compter du 9 février 1993.

Article 3 : Les frais d'expertise exposés en référé sont mis à la charge du centre hospitalier de l'Estuaire.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Caen, en date du 24 avril 1996, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le centre hospitalier de l'Estuaire versera une somme de six mille francs (6 000 F) à Mme X... au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejeté.

Article 7 : Les requêtes du centre hospitalier de l'Estuaire sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au Centre hospitalier de l'Estuaire de Honfleur, à Mme X..., à la Caisse primaire d'assurance maladie du Calvados et au ministre de l'emploi et de la solidarité.

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus