Jurisprudence : TA Paris, du 12-12-2023, n° 1919348

TA Paris, du 12-12-2023, n° 1919348

A23210MW

Référence

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TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS


N°1919348/3-3

SAS AUTOLIB'

Mme Muriel Merino

Rapporteure

Mme Noémie Beugelmans-Lagane Rapporteure publique


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(3e Section - 3e Chambre)


Audience du 28 novembre 2023

Décision du 12 décembre 2023

39-04-01

39-08-03-02

54-07-01-04-01-02

C+


Vu la procédure suivante :

Par une requête, des pièces complémentaires et des mémoires, enregistrés le 9 septembre 2019, le 11 septembre 2019, le 13 janvier 2020, le 22 juillet 2020, le 12 février 2021, le 23 février 2021 et un mémoire récapitulatif produit en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative🏛, enregistré le 10 octobre 2023, la société par action simplifiée Autolib’ représentée par la SCP Piwnica & Molinié, demande au tribunal :

1°) de condamner le syndicat mixte Autolib’ et Vélib’ Métropole (SMAVM) à lui verser la somme de 235 503 866,45 euros en réparation du préjudice que lui a causé la résiliation de la convention de délégation de service public conclue le 25 février 2011, assortie des intérêts moratoires et, le cas échéant, de la capitalisation des intérêts échus ;

2°) de mettre à la charge du SMAVM la somme de 20 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

La société Autolib’ soutient, dans son mémoire récapitulatif, que :

- la fin de non-recevoir soulevée par le SMAVM n’est pas fondée dès lors que la procédure de conciliation a échoué du fait du comportement d’obstruction du syndicat ;

- sa demande indemnitaire est fondée, conformément à ce que prévoient les articles 63 et 61 du contrat de concession ;

- la somme des indemnités prévues à l’article 61 du contrat à laquelle elle a droit du fait de la résiliation du contrat s’élève à 235 503 866,45 euros.


N° 1919348 /3-3

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 juin 2020, le 7 décembre 2020 et le 6 avril 2021 et des mémoires récapitulatifs, enregistrés le 10 et 26 octobre 2023, le SMAVM, représenté par la société d’avocats ARAMIS agissant par Me Amblard et Me Gillet, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la limitation de l’indemnité à allouer à la société Autolib” à la somme de 12 344 747,17 euros et, en tout état de cause, à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Autolib’ au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le syndicat soutient que :

- la requête est irrecevable en l’absence de saisine régulière du comité de conciliation ;

- la demande indemnitaire de la société Autolib’ au titre du (VI) de l’article 61 du contrat de concession n’est pas fondée dès lors, d’une part, que ces stipulations doivent être interprétées comme excluant toute indemnité de résiliation au titre de la compensation financière de l’excédent de déficit si, à la date de la résiliation, la compensation financière de l’absence d’intérêt économique de la concession n’était pas exigible, d’autre part, que l’application du seuil de perte de 60 millions d’euros au résultat net cumulé calculé sur toute la durée de la concession aboutirait à faire supporter à la collectivité une indemnité manifestement disproportionnée au regard du préjudice subi qui ne peut, par définition, s’étendre au-delà de la date de résiliation de la convention, et enfin, que la société Autolib’ a manqué à ses obligations contractuelles ce qui constitue une cause exonératoire d’indemnisation au titre du (VI) de l’article 61 de la concession ;

- le montant de l’indemnité réclamée au titre des autres postes ne saurait excéder la somme cumulée de 12 334 747,17 euros.

Par des mémoires en intervention enregistrés le 13 juillet 2020, le 7 décembre 2020, le 15 février 2021, le 6 avril 2021 et des mémoires récapitulatifs produits en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistrés le 12 et le 25 octobre 2023, la commune de Cachan, représentée par la SELARL GAIA agissant par Me Peru, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à ce que le montant de l’indemnité due à la société Autolib’ soit limité à la somme de 12 344 747,17 euros, et, en toute hypothèse, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Autolib’ au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en intervention enregistrés le 13 juillet 2020, le 7 décembre 2020, le 15 février 2021, le 6 avril 2021 et des mémoires récapitulatifs produits en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistrés le 12 et le 25 octobre 2023, la ville de Bagneux, représentée par la SELARL GAIA agissant par Me Peru, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à ce que le montant de l’indemnité due à la société Autolib’ soit limité à la somme de 12 344 747,17 euros, et, en toute hypothèse, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Autolib” au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en intervention enregistrés le 13 juillet 2020, le 7 décembre 2020, le 15 février 2021, le 6 avril 2021 et des mémoires récapitulatifs produits en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistrés le 12 et le 25 octobre 2023, la ville de Montreuil, représentée par la SELARL GAIA agissant par Me Peru, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à ce que le montant de l’indemnité due à la société Autolib’ soit limité à la somme de 12 344 747,17 euros, et, en toute hypothèse, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Autolib’ au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


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Par des mémoires en intervention enregistrés le 13 juillet 2020, le 7 décembre 2020, le 15 février 2021, le 6 avril 2021 et des mémoires récapitulatifs produits en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistrés le 12 et le 25 octobre 2023, la ville de Fontenay-sous-Bois, représentée par la SELARL GAIA agissant par Me Peru, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à ce que le montant de l’indemnité due à la société Autolib’ soit limité à la somme de 12 344 747,17 euros, et, en toute hypothèse, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Autolib’ au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en intervention enregistrés le 13 juillet 2020, le 7 décembre 2020, le 15 février 2021 et le 6 avril 2021 et des mémoires récapitulatifs produits en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistrés le 12 et le 25 octobre 2023, la ville de Villejuif, représentée par la SELARL GAIA agissant par Me Peru, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à ce que le montant de l’indemnité due à la société Autolib’ soit limité à la somme de 12 344 747,17 euros, et, en toute hypothèse, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Autolib’ au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en intervention enregistrés le 13 juillet 2020, le 7 décembre 2020, le 15 février 2021, le 6 avril 2021 et des mémoires récapitulatifs produits en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistrés le 12 et le 25 octobre 2023, la ville de Malakoff, représentée par la SELARL GAIA agissant par Me Peru, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à ce que le montant de l’indemnité due à la société Autolib’ soit limité à la somme de 12 344 747,17 euros, et, en toute hypothèse, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Autolib’ au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en intervention enregistrés le 13 juillet 2020, le 7 décembre 2020, le 15 février 2021, le 6 avril 2021 et des mémoires récapitulatifs produits en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistrés le 12 et le 25 octobre 2023, la ville de Gennevilliers, représentée par la SELARL GAIA agissant par Me Peru, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à ce que le montant de l’indemnité due à la société Autolib’ soit limité à la somme de 12 344 747,17 euros, et, en toute hypothèse, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Autolib’ au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en intervention enregistrés le 17 juillet 2020 et le 6 avril 2021 et un mémoire récapitulatif produit en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 11 octobre 2023, la ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à la limitation de l’indemnité à allouer à la société Autolib’ à la somme de 12 344 747,22 euros.

La requête et les pièces ont été communiquées à la ville de Versailles représentée par le Cabinet Centaure avocats, n’a pas présenté de mémoire en intervention.

Les parties ont été informées, qu’en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative🏛, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur le moyen relevé d’office tiré de ce que le contrat conclu le 25 février 2011 est entaché de nullité.

En effet, les stipulations des articles 63.2.1 et 63.2.2 et 63.3 du contrat prévoient, d’une part, que la société Autolib’ notifie au Syndicat Autolib’ l’absence d’intérêt économique du


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contrat lorsque le Plan d’Affaire Actualisé ne permet pas de constater le retour à un montant de pertes inférieur à 60 millions d’euros au terme de la concession, d’autre part, que le syndicat s’engage alors à procéder, dans un délai de trois mois à compter de ladite notification, au versement d’une compensation financière correspondant à la différence entre le résultat net cumulé négatif jusqu’au terme de la concession tel que prévu dans le Plan d’Affaires Actualisé et le montant de 60 millions d’euros de pertes, le solde de cette différence étant divisé par le nombre d’année de la concession restant à courir et versé chaque année au concessionnaire par le concédant et enfin, qu’à défaut pour le concédant de verser les compensations spécifiées à l’article 63.2.2, la concession sera résiliée avec l’application du régime d’indemnisation pour résiliation pour motif d’intérêt général stipulé à l’article 61 qui prévoit, notamment, le versement par le syndicat à la société Autolib' de l’indemnité de compensation due au titre du dépassement du seuil de pertes prévue à l’article 63.

Dès lors, il résulte de l’ensemble de ces stipulations, d’une part, que le syndicat Autolib’ est susceptible de contribuer majoritairement aux pertes d’exploitation de la concession et, en particulier, de supporter la totalité de la part de ces pertes excédant le seuil limite de pertes acceptées par le concessionnaire et fixé à 60 millions d’euros par le contrat, sans qu’au demeurant un montant maximal de pertes à compenser par la collectivité n’ait été convenu par les parties, et, d’autre part, que l’inexécution par le syndicat Autolib’ de son engagement contractuel stipulé à l’article 63.2.2 de procéder au versement d’une compensation financière de l’excédent de déficit constaté passé le délai de trois mois suivant la notification par Autolib” de l’absence d’intérêt économique du contrat, entraîne de plein droit la résiliation du contrat pour absence d’intérêt économique, Autolib’ pouvant également prétendre, même dans ce cas, au versement par le syndicat d’une indemnité de compensation due au titre du dépassement du seuil de pertes prévue à l’article 63.3. Par conséquent, les clauses précitées doivent être regardées comme caractérisant une libéralité consentie par le syndicat au bénéfice de la société Autolib' en méconnaissance des règles générales du contrat administratif auxquelles les personnes publiques ne peuvent déroger, et d’ailleurs en méconnaissance des règles applicables à une délégation de service public pour laquelle le risque financier doit être supporté par le concessionnaire. Ces clauses étant indivisibles du contrat, lequel est résilié pour absence d'intérêt économique, le tribunal est susceptible de relever d’office le moyen tiré de ce que le contrat dans son ensemble est entaché de nullité.

La société Autolib’ a présenté des observations, enregistrées le 16 novembre 2023, en réponse au moyen relevé d’office, qui ont été communiquées.

Le syndicat mixte Autolib’ et Vélib’ Métropole a présenté des observations, enregistrées le 16 novembre 2023, en réponse au moyen relevé d’office, qui ont été communiquées.

La ville de Bagneux, la ville de Cachan, la ville de Fontenay-sous-Bois, la ville de Gennevilliers, la ville de Malakoff, la ville de Montreuil, et la ville de Villejuif ont, respectivement, présenté des observations, enregistrées le 16 novembre 2023, en réponse au moyen relevé d’office, qui ont été communiquées.

La ville de Paris a présenté des observations, enregistrées le 16 novembre 2023, en réponse au moyen relevé d’office, qui ont été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

vu:

- le code général des collectivités territoriales ;


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- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Merino,

- les conclusions de Mme Beugelmans-Lagane, rapporteure publique,

- et les observations de Me Piwnica pour la société Autolib’, de Me Amblard et de Me Lokmann pour le SMAVM, de Me Farrugia pour les villes de Gennevilliers, Bagneux, Malakoff, Fontenay-sous-Bois, Cachan, Montreuil et Villejuif, de Me Falala pour la ville de Paris et de Me Safatian pour la ville de Versailles.

Une note en délibéré présentée par le SMAVM a été enregistrée le 1°” décembre 2023.

Une note en délibéré présentée pour la ville de Paris par Me Falala a été enregistrée le 4 décembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention de délégation de service public signée le 25 février 2011, le SMAVM a confié à la société Autolib’ la mise en place, la gestion et l’entretien d’un service d’automobiles électriques en libre-service et d’une infrastructure de recharge de véhicules électriques, pour une durée de 12 ans. La société Autolib’, par un courrier du 25 mai 2018, a notifié au syndicat l’absence d’intérêt économique de la concession et a demandé le versement de la compensation financière qu’elle estime lui être due, sur le fondement de l’article 63.2.2 de la convention précitée, à hauteur de 233,7 millions d’euros. Par une délibération du 21 juin 2018, le comité syndical du SMAVM a constaté la résiliation de cette convention, en application de son article 63.3, à la date du 25 juin 2018, a prévu l’indemnisation de la société Autolib’ sur justificatifs, a autorisé la présidente du syndicat à négocier avec la société Autolib’ un protocole de sortie de la convention et a décidé que le service public Autolib’ ne sera ni repris en régie, ni confié à un autre délégataire. Par la présente requête, la société Autolib’ demande au tribunal de condamner le SMAVM à lui verser la somme de 235 503 866,45 euros en réparation du préjudice que lui a causé la résiliation de la convention, conformément au régime indemnitaire prévu à l’article 61 du contrat, assortie des intérêts moratoires et, le cas échéant, de la capitalisation des intérêts échus.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.

3. Aux termes de l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales🏛 dans sa rédaction applicable au litige : « Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de


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l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service ».

4. Aux termes de l’article 63 du contrat de concession, ce dernier peut être résilié pour absence d’intérêt économique. L'article 63.1 du contrat stipule que « Si malgré tous les efforts du concessionnaire qui assure le Service Public Autolib’ conformément aux dispositions de la convention, et en l’absence de manquement grave de ce dernier, les comptes du concessionnaire font apparaître, en raison notamment de l’aléa commercial, des pertes d’une ampleur exceptionnelle sans que le Plan d’Affaire Actualisé ne prévoit de perspective d’amélioration, la concession sera considérée comme ne présentant pas d'intérêt économique ». L'article 63.2.1 stipule : « Les Parties conviennent que la Concession ne présente pas d'intérêt économique lorsque le Plan d'Affaires Actualisé ne permet pas de constater le retour à un montant de pertes inférieur à SOIXANTE (60) millions d'euros au terme de la Concession ». L’article 63.2.2 intitulé « Notification d’un défaut d’intérêt économique », stipule que : « Le Concessionnaire notifiera cette situation au Concédant. Ce dernier s’engage alors à procéder, dans un délai de trois (3) mois à compter de ladite notification, au versement d’une compensation financière correspondant à la différence entre le résultat net cumulé négatif jusqu’au terme de la Concession tel que prévu dans le Plan d'Affaires Actualisé et le montant de SOIXANTE (60) millions d’euros de pertes, le solde de cette différence étant divisé par le nombre d'année de la Concession restant à courir et versé chaque année au Concessionnaire par le Concédant ». L'article 63-3 stipule que : « Si le Concédant ne souhaite pas verser les compensations spécifiées à l’article 63.2.2, et après un délai d’un mois à compter de la réception par le Concédant de la notification prévue à l’article 63.2.2 faite par le Concessionnaire ou, le cas échéant, de l'avis du Comité de Conciliation prévu à l’article 63.2.5, les Parties conviennent que la Concession sera résiliée à cette date, et le régime d’indemnisation de l’article 61 s’appliquera ». Enfin, l’article 61 stipule que : « La Concession peut être résiliée par le Concédant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pour un motif d’intérêt général dûment justifié moyennant un préavis de SIX (6) mois. La justification du motif d'intérêt général devra figurer dans la lettre de résiliation. En cas de résiliation anticipée de la Concession pour motif d'intérêt général, le Concédant versera au Concessionnaire dans le mois suivant la résiliation : / (i) une indemnité calculée sur la base de la valeur nette comptable des investissements ayant le caractère de Biens de Retours identifiés en Annexe A8-15, qui ne sont pas encore amortis à la date de prise d’effet de la résiliation et déduction faite des subventions non encore amorties ; / (ii) une indemnité égale aux coûts raisonnables supportés par le Concessionnaire pour la vente des Biens de Reprise non repris par le Concédant ; / (iii) une indemnité égale à la valeur nette comptable des Biens de Reprise que le Concédant décidera de reprendre et des biens propres que le Concessionnaire acceptera de laisser à la disposition du Concédant et que ce dernier acceptera de reprendre ; / (iv) le manque à gagner inscrit au dernier Plan d’Affaire Actualisé du Concessionnaire entre la date de résiliation de la Concession et le terme de la Concession correspondant à l'excédent brut d'exploitation prévisionnel actualisé au taux de 8% par an ; / (v) une indemnité équivalente aux coûts raisonnables de résiliation des contrats en cours conclus par le Concessionnaire pour l'exécution de la Concession et non transférés au Concédant ou au nouvel exploitant, et sous réserve de la communication au Concédant des contrats souscrits ; / (vi) le cas échéant, les indemnités et compensations dues par le Concédant au Concessionnaire au titre du rétablissement de l'équilibre économique de la Concession prévues aux articles 4.5.2.1, 4.5.2.2, 14.1.4, 14.4 et 56 ou 58 ou de celles dues au dépassement du seuil prévue [sic] à l’article 63. / Par ailleurs, si le bilan de clôture spécifié à l’article 59 fait ressortir un solde de dettes et créances réciproques entre le Concédant et le Concessionnaire, ce dernier sera pris en compte dans le calcul du montant des indemnités dues au Concessionnaire. Le Comité de Conciliation sera saisi par la Partie la plus diligente en cas de désaccord sur le montant de ces indemnités ».


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5. Les stipulations des articles 63.2.1 et 63.2.2 et 63.3 du contrat prévoient, d’une part, que la société Autolib’ notifie au SMAVM l’absence d’intérêt économique du contrat lorsque le Plan d’Affaire Actualisé ne permet pas de constater le retour à un montant de pertes inférieur à 60 millions d’euros au terme de la concession, d’autre part, que le syndicat s’engage alors à procéder, dans un délai de trois mois à compter de ladite notification, au versement d’une compensation financière correspondant à la différence entre le résultat net cumulé négatif jusqu’au terme de la concession tel que prévu dans le Plan d’Affaires Actualisé et le montant de 60 millions d’euros de pertes, le solde de cette différence étant divisé par le nombre d’années de la concession restant à courir et versé chaque année au concessionnaire par le concédant et enfin, qu’à défaut pour le concédant de verser les compensations spécifiées à l’article 63.2.2, la concession sera résiliée avec l’application du régime d’indemnisation pour résiliation pour motif d’intérêt général prévu à l’article 61, sans que soit exclue l’application du (vi) de cet article qui prévoit le versement par le syndicat à la société Autolib' de l’indemnité de compensation due au titre du dépassement du seuil de pertes prévue à l’article 63.

6. Il résulte de l’ensemble de ces stipulations, d’une part, que le SMAVM est susceptible de contribuer majoritairement aux pertes d’exploitation de la concession et, en particulier, de supporter la totalité de la part de ces pertes excédant le seuil limite de pertes acceptées par le concessionnaire et fixé à 60 millions d’euros par le contrat, sans qu’au demeurant un montant maximal de pertes à compenser par la collectivité n’ait été convenu par les parties, et, d’autre part, que l’inexécution par le syndicat de son engagement contractuel stipulé à l’article 63.2.2 de procéder au versement d’une compensation financière de l’excédent de déficit constaté passé le délai de trois mois suivant la notification par Autolib’ de l’absence d’intérêt économique du contrat, entraîne de plein droit la résiliation du contrat pour absence d’intérêt économique, Autolib’ pouvant également prétendre, même dans ce cas, au versement par le syndicat d’une indemnité de compensation due au titre du dépassement du seuil de pertes prévue à l’article 63.3. Par conséquent, les clauses précitées doivent être regardées comme caractérisant une libéralité consentie par le SMAVM au bénéfice de la société Autolib' en méconnaissance des règles générales du contrat administratif auxquelles les personnes publiques ne peuvent déroger, et d’ailleurs en méconnaissance des règles applicables à une délégation de service public pour laquelle le risque financier doit être supporté par le concessionnaire. Ces clauses ayant eu un caractère déterminant dans la conclusion de la convention et étant indivisibles des autres stipulations de cette convention, laquelle est résiliée pour absence d'intérêt économique, il y a lieu pour le tribunal d’écarter l’application de la convention, laquelle est, dans son ensemble, entachée de nullité.

7. Il résulte de ce qui précède que le présent litige ne peut être réglé sur le terrain contractuel. La société Autolib’ ne s’étant prévalu d’aucun autre fondement de responsabilité avant la date de clôture de l’instruction et, en dernier lieu, en réponse au moyen relevé d’office, ses conclusions indemnitaires ne peuvent, dès lors, en l’état de l’instruction, qu’être rejetées, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat, tirée de l’absence de saisine régulière du comité de conciliation en exécution du contrat dont la nullité vient d’être constatée.

Sur les frais liés à l’instance :

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SMAVM la somme que la société Autolib” réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.


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9. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Autolib’ les sommes que le SMAVM, la ville de Bagneux, la ville de Cachan, la ville de Fontenay-sous-Bois, la ville de Gennevilliers, la ville de Malakoff, la ville de Montreuil, et la ville de Villejuif réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.


DECIDE:

Article 1” : La requête de la société Autolib' est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du SMAVM présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la ville de Bagneux, la ville de Cachan, la ville de Fontenay-sous- Bois, la ville de Gennevilliers, la ville de Malakoff, la ville de Montreuil et la ville de Villejuif, présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Autolib', au syndicat mixte Autolib’ Vélib’ métropole (SMAVM), à la ville de Gennevilliers, à la ville de Bagneux, à la ville de Malakoff, à la ville de Fontenay-sous-Bois, à la ville de Versailles, à la ville de Cachan, à la ville de Paris, à la ville de de Montreuil et à la ville de Villejuif.


Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Gracia, président,

Mme Merino, première conseillère,

Mme Renvoisé, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

La rapporteure, Le président,

J-Ch. GRACIA

M. MERINO

La greffière,

C. A

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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