N° RG 24/06059 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PZ67
Décision du Tribunal de Commerce de Lyon du 09 juillet 2024
RG : 2024f2078
S.A.R.L. AUX SAVEURS DU MIDI
C/
S.A.S. METRO FRANCE
S.E.L.A.R.L. MJ ALPES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 16 Janvier 2025
APPELANTE :
S.A.R.L. AUX SAVEURS DU MIDI enregistrée sous le numéro 792 268 823 RCS [Localité 9], représentée par son gérant [U] [B]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Matthieu ALLARD de la SELARL NEKAA ALLARD, avocat au barreau de LYON, toque : 1625
INTIMEES :
S.A.S. METRO FRANCE au capital de 45734705.00 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 399315613, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Emmanuel LAROUDIE, avocat au barreau de LYON, toque : 1182
S.E.L.A.R.L. MJ ALPES représentée par Me [C] [D] et Me [C] [Z] ès qualité de Mandataire liquidateur de la société AUX SAVEUR DU MIDI
[Adresse 2]
[Localité 5]
non représentée,
En la présence du Ministère Public, en la personne d'Olivier NAGABBO, avocat général
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 19 Novembre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Décembre 2024
Date de mise à disposition : 16 Janvier 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Sophie DUMURGIER, présidente
- Aurore JULLIEN, conseillère
- Viviane LE GALL, conseillère
assistées pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'
article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,
Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL Aux Saveurs du Midi avait une activité d'épicerie.
La société Métro France a fait état d'une créance à l'égard de la société Aux Saveurs du Midi de 6.528,79 euros au titre d'une injonction de payer rendue exécutoire signifiée le 22 novembre 2023 dont elle n'a pas pu obtenir l'apurement malgré les mesures d'exécution forcée mises en œuvre.
Par acte introductif d'instance en date du 14 mai 2024, la société Métro France a fait assigner en liquidation judiciaire la société Aux Saveurs du Midi devant le tribunal de commerce de Lyon.
Par jugement contradictoire du 9 juillet 2024, le tribunal de commerce de Lyon a :
constaté l'état de cessation des paiements, l'impossibilité d'un redressement et prononcé l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Aux Saveurs du Midi,
fixé provisoirement au 22 novembre 2023 la date de cessation des paiements,
désigné en qualité de juge-commissaire M. [N] [P] et de juge commissaire suppléant M. [Aa] [G],
nommé en qualité de liquidateur judiciaire : la SELARL MJ Alpes représentée par Me [C] [D] et Me [C] [Z],
nommé en qualité de commissaire de justice la société Actaura Rhône, commissaire-priseur, aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus à l'
article L.622-6 du code de commerce🏛,
invité les salariés de l'entreprise à élire leur représentant dans les 10 jours du présent jugement,
fixé au 9 juillet 2026 le délai au terme duquel la clôture devra être examinée,
fixé à huit mois à compter du présent jugement le délai dans lequel le liquidateur devra établir la liste prévue à l'
article L.642-1 du code de commerce🏛,
dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée,
dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure.
Par déclaration reçue au greffe le 22 juillet 2024, la société Aux Saveurs du Midi a interjeté appel portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués, en intimant la société Métro France et la SELARL MJ Alpes, ès qualités.
***
Par assignations en référé délivrées les 31 juillet et 5 août 2024 à la société Métro et à la SELARL MJ Alpes, la société Aux Saveurs du Midi a saisi le premier président afin d'arrêter l'exécution provisoire.
Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 28 août 2024, le délégué du premier président a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la société Aux Saveurs du Midi.
Par ordonnance du 27 août 2024, la présidente de la 3ème chambre civile A a fixé l'affaire de plein droit à bref délai.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 15 novembre 2024, la société Aux Saveurs du Midi demande à la cour, de :
infirmer le jugement en ce qu'il a :
constaté l'état de cessation des paiements, l'impossibilité d'un redressement et prononcé l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Aux Saveurs du Midi,
fixé provisoirement au 22 novembre 2023 la date de cessation des paiements,
désigné en qualité de juge-commissaire M. [N] [P] et de juge commissaire suppléant M. [Aa] [G],
nommé en qualité de liquidateur judiciaire : la SELARL MJ Alpes représentée par Me [C] [D] et Me [C] [Z],
nommé en qualité de commissaire de justice la société Actaura Rhône, commissaire- priseur aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus à l'article L.622-6 du code de commerce,
invité les salariés de l'entreprise à élire leur représentant dans les 10 jours du présent jugement,
fixé au 9 juillet 2026 le délai au terme duquel la clôture devra être examinée,
fixé à huit mois à compter du présent jugement le délai dans lequel le liquidateur devra établir la liste prévue à l'article L.642-1 du code de commerce,
dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée,
dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure,
Statuant à nouveau :
juger que la société Aux saveur du midi n'est pas en état de cessation des paiements,
juger n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire,
À titre subsidiaire,
juger que la situation de la société Aux Saveurs du Midi n'est pas irrémédiablement compromise,
ordonner le placement de la société Aux Saveurs du Midi en redressement judiciaire,
débouter les autres parties de leurs demandes,
statuer ce que droit sur les dépens.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 22 octobre 2024, la société Métro France demande à la cour, de :
statuer ce que de droit sur l'état de cessation des paiements et le prononcé de la liquidation judiciaire,
condamner la société Aux Saveurs du Midi à payer à la société Métro France la somme de 2000,00 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
condamner la société Aux Saveurs du Midi aux entiers dépens de première instance et d'appel.
***
Le ministère public, par avis du 14 novembre 2024 communiqué contradictoirement aux parties le 15 novembre 2024, a requis la confirmation du jugement, sauf à ce que la preuve de l'absence de cessation des paiements au jour de l'audience ne soit rapportée.
Citée par acte de commissaire de justice remis le 5 septembre 2024 à personne habilitée, auquel était jointe la déclaration d'appel, la SELARL MJ Alpes, ès qualités, n'a pas constitué avocat.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 novembre 2024, les débats étant fixés au 5 décembre 2024.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'
article 455 du code de procédure civile🏛.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la caractérisation d'un état de cessation des paiements de la société Aux Saveurs du Midi
La société Aux Saveurs du Midi fait valoir que :
l'audience a eu lieu en son absence,
elle est in bonis,
elle a réglé en totalité la dette qu'elle avait à l'encontre de l'intimée, qui en atteste,
la cour doit se placer au jour où elle statue pour constater l'état de cessation des paiements,
selon la situation établie par son expert-comptable au 31 juillet 2024, elle n'était pas en état de cessation des paiements,
les autres dettes inscrites au passif de la liquidation ont pour majeure partie été inscrites par l'effet de la liquidation,
elle fournit un prévisionnel rédigé par son expert-comptable indiquant que le règlement des dettes existantes est possible sans mettre en jeu sa survie, son actif lui permettant de faire face à ses obligations.
La société Métro France fait valoir que :
sa dette a été réglée à la faveur de la procédure,
elle a été contrainte d'initier cette procédure contre la débitrice car les mesures d'exécution s'avéraient inefficaces.
Sur ce,
L'
article L631-1 alinéa 1 du code de commerce🏛 dispose que : « Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements. »
Il convient de rappeler que la cour se prononce sur l'existence d'une cessation des paiements au jour où elle statue.
Ainsi, s'il est exact que la créance de la société Metro a été réglée par l'appelante, des questions demeurent quant à la situation actuelle de la société appelante.
En effet, elle ne fournit qu'une situation comptable au 31 juillet 2014 qui montre un résultat en baisse par rapport à l'année précédente et ne fournit aucun élément proche de la date d'audience, pas même un extrait de compte bancaire. Les prévisionnels de trésorerie sont insuffisants à démontrer une absence de cessation des paiements étant rappelé qu'ils ne sont fondés sur aucun élément et envisagent une activité toujours identique loin de la réalité toujours changeante d'une entreprise. De plus, l'appelante n'apporte aucune explication quant à l'origine de sa dette auprès de la société Metro, un de ses fournisseurs.
De même, l'attestation de l'expert-comptable de l'appelante qui date du 8 août 2024, ne dit rien de la situation actuelle de la société Aux Saveurs du Midi.
En outre, l'ordonnance rendue le 28 août 2024 par la juridiction du premier président a relevé l'existence d'autres dettes suite aux déclarations de créances faites par la société Prefiloc et par le Crédit Agricole. Aucun élément objectif n'est versé aux débats permettant d'établir que ces dettes n'étaient pas déjà exigibles lors du jugement d'ouverture de la procédure collective.
En conséquence, il convient de retenir l'existence d'une cessation des paiements à l'encontre de la société Aux Saveurs du Midi, à l'instar des premiers juges.
Sur l'ouverture d'une procédure collective
La société Aux Saveurs du Midi fait valoir que :
en l'absence d'état de cessation des paiement, la demande de liquidation judiciaire doit être rejetée,
à titre subsidiaire, une mesure de redressement judiciaire peut être envisagée au regard de sa situation si l'actif disponible ne permet pas de régler l'intégralité du passif, sa situation n'étant pas irrémédiablement compromise comme l'atteste son expert-comptable.
La société Métro France ne fait pas valoir de moyens sur ce point.
Sur ce,
Les différents éléments versés aux débats par l'appelante, notamment l'attestation de l'expert-comptable mais aussi les prévisionnels raisonnables, ainsi que le montant des dettes indiquées lors de l'audience devant la juridiction du premier président, permettent de considérer que la situation de l'appelante n'est pas irrémédiablement compromise.
Même si la situation de la société Aux Saveurs du Midi n'a pas été actualisée à la date de l'audience, il convient d'envisager la possibilité d'un redressement judiciaire de celle-ci.
De ce fait, il convient d'infirmer le jugement déféré et de prononcer un redressement judiciaire au profit de la société Aux Saveurs du Midi, les organes de la procédure déjà nommés conservant leur mission, la SELARL MJ Alpes étant par contre désignée en tant que mandataire judiciaire.
Une période d'observation de six mois sera ouverte à compter de la notification de la présente décision, l'affaire devant être rappelée à l'issue pour faire un état de la situation de la société, suivant les modalités indiquées au dispositif de l'arrêt.
Sur les demandes accessoires
Les dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, dans les limites de l'appel,
Infirme la décision déférée seulement en ce qu'elle a prononcé une liquidation judiciaire à l'encontre de la SARL Aux Saveurs du Midi,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL Aux Saveurs du Midi, [Adresse 7], inscrite au RCS sous le numéro 792 268 823,
Fixe provisoirement au 22 novembre 2023 la date de cessation des paiements,
Désigne en qualité de juge-commissaire M. [Ab] [N] et de juge-commissaire suppléant M. [G] [X],
Nomme en qualité de mandataire judiciaire la SELARL MJ Alpes représentée par Me [C] [D] et Me [C] [Z], [Adresse 3],
Nomme en qualité de commissaire de justice la société Actaura Rhône, commissaire-priseur, [Adresse 1], aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus à l'article 622-6 du code de commerce,
Ouvre une période d'observation jusqu'au 15 juillet 2025 en vue de l'établissement d'un bilan économique, social et environnemental, et de propositions pour le règlement des dettes de l'entreprise, qui sera dressé par le mandataire,
Dit que le mandataire devra déposer son rapport huit jours avant la date de l'audience de rappel,
Ordonne la remise par le dirigeant de la SARL Aux Saveurs du Midi dans le mois du présent arrêt, des éléments suivants au mandataire judiciaire : la liste de ses créanciers, le montant de ses dettes, les principaux contrats en cours et l'état des instances en cours auxquelles il est partie,
Invite les salariés de l'entreprise à élire leur représentant dans les 10 jours du présent jugement,
Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Lyon pour le suivi de la procédure de redressement judiciaire et la fixation de la date de l'audience au terme de la période d'observation ordonnée,
Dit que les publicités du présent jugement et des organes de la procédure seront faites d'office par le greffe dans les 15 jours de la présente décision, nonobstant toute voie de recours,
Fixe les dépens en frais privilégiés de redressement judiciaire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE