Jurisprudence : CA Lyon, 27-03-2025, n° 21/04644, Infirmation partielle


N° RG 21/04644 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NU4D


Décision du

Tribunal de Commerce de Lyon

Au fond

du 26 avril 2021


RG : 2019j1415

ch n°


S.A.R.L. A B


C/


S.A. LA VIE CLAIRE


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE LYON


3ème chambre A


ARRET DU 27 Mars 2025



APPELANTE :


SARL BIO MARKET

société à responsabilité limitée, inscrite sous le numéro 442 900 494, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice

Sis [Adresse 4],

[Localité 2]


Représentée par Me Isabelle GANDONNIERE, avocat au barreau de LYON, toque : 297


INTIMEE :


La société LA VIE CLAIRE

société anonyme à directoire et conseil de surveillance, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le n° 632 000 014, , poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié de droit audit siège

Sis [Adresse 3]

[Localité 1]


Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, avocat postulant et de Me Marie DUVERNE-HANACHOWICZ, avocate au barreau de LYON, toque 667, avocat plaidant


******


Date de clôture de l'instruction : 11 Mai 2022


Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Janvier 2025


Date de mise à disposition : 27 Mars 2025


Audience tenue par Sophie DUMURGIER, présidente, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,


assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffier


A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.



Composition de la Cour lors du délibéré :

- Sophie DUMURGIER, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillere

- Viviane LE GALL, conseillere


Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,


Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.


****



EXPOSÉ DU LITIGE


La société La Vie Claire a pour activité la distribution de produits d'alimentation naturelle et biologique, de produits diététiques, de compléments alimentaires et de produits d'hygiène. Elle s'appuie sur un réseau de 250 franchisés.


Le 1er avril 2012 un contrat de franchise a été signé avec Mme [D], agissant au nom de la société Bio Market située à [Localité 2], pour une durée de cinq ans.


Par lettre du 27 octobre 2015, la société La Vie Claire a résilié ce contrat à effet au 31 décembre 2015. Cette résiliation prévoyait le retrait de tout lien avec la société La Vie Claire, tel que l'enseigne, le site internet et les pages jaunes, sous peine d'astreinte de 300 euros par jour de retard.


Le 3 mai 2019, la société La Vie Claire fait constater par voie d'huissier, que l'enseigne était toujours présente ainsi que le référencement sur les pages jaunes.


Elle a donc émis une facture de 367.200 euros, correspondant au nombre de jours d'astreinte depuis la fin du contrat, facture que la société Bio Market a refusé de payer et pour laquelle la société La Vie Claire a obtenu, le 8 juillet 2019, une injonction de payer du tribunal de commerce de Fréjus.



Par courrier du 7 août 2019, la société Bio Market a formé opposition contre cette ordonnance.


Par jugement contradictoire du 26 avril 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :

- condamné la société Bio Market à payer la somme de 41.400 euros à la société La Vie Claire au titre de l'astreinte,

- débouté la société Bio Market de toutes ses autres demandes,

- dit qu'il n'y a pas lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- rejeté comme non fondés tous autres moyens fins et conclusions contraires des parties,

- condamné la société Bio Market aux entiers dépens de l'instance.



Par déclaration reçue au greffe le 26 mai 2021, la société Bio Market a interjeté appel portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués, sauf en ce qu'elle a dit qu'il n'y a pas lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.


***


Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 28 octobre 2021, la société Bio Market demande à la cour, au visa des anciens articles 1134, 1382 et suivants du code civil🏛🏛, de l'article L341-2 du code de commerce🏛, de :

à titre principal

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 26 avril 2021,

- déclarer recevable son appel,

- rejeter les demandes de la société La Vie Claire.

À titre reconventionnel,

- condamner la société La Vie Claire à lui payer la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de droit,

- condamner la société La Vie Claire à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.


***


Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 11 octobre 2021, la société La Vie Claire demande à la cour, au visa des anciens articles 1134 et 1382 du code civil, de l'article L131-2 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution🏛 et de l'article L341-2 du code de commerce, de :

à titre principal,

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société Bio Market au paiement de l'astreinte,

- réformer le jugement de première instance quant au quantum de l'astreinte à laquelle Bio Market a été condamnée,

- condamner la société Bio market au paiement de la somme de 367.200 euros au titre de l'astreinte.

À titre subsidiaire,

- condamner la société Bio Market à lui verser la somme de 71.786,87 euros correspondant à la perte de marge calculée sur la base du taux d'approvisionnement et de la redevance de taxe communication de publicité nationale du contrat de franchise, en réparation du préjudice issu à l'utilisation illicite des signes de La Vie Claire par Bio Market.

En tout état de cause,

- débouter la société Bio Market de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,

- condamner la société Bio Market au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.


La procédure a été clôturée par ordonnance du 11 mai 2022, les débats étant fixés au 22 janvier 2025.


Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.



MOTIFS DE LA DÉCISION


Sur la demande en paiement de l'astreinte contractuelle


La société Bio Market fait valoir que :

- les parties ont entendu soumettre leurs relations contractuelles au code de déontologie européen de la franchise qu'elles ont signé ; il fait donc partie intégrante du contrat de franchise,

- en ne l'invitant pas à réparer dans un délai raisonnable l'infraction qu'elle avait constatée de façon amiable, mais par mise en demeure assortie d'une demande de paiement d'astreinte et par voie d'injonction judiciaire, l'intimée n'a pas traité de façon équitable la situation, ce qui est contraire au code de déontologie européen de la franchise ; la demande en paiement est donc irrecevable ou au moins non fondée et abusive,

- le contrat de 2012 était en cours à la publication de la loi, de sorte qu'il est soumis à l'article L.341-2 du code de commerce,

- le délai d'un an de l'article L.341-2 du code de commerce empêche l'intimée de se prévaloir des dispositions de la clause quatre ans après la résiliation ; l'action est irrecevable,

- la société La Vie Claire n'a relevé ou justifié d'aucune faute ou préjudice ;la somme sollicitée en paiement de l'astreinte est particulièrement abusive ; l'intimée ne peut se constituer ses propres preuves,

- elle n'avait aucun intérêt à maintenir un flux de clientèle La Vie Claire inexistant, son absence ayant justement conduit à la résiliation du contrat,

- il incombait à la société La Vie Claire de contrôler la restitution effective des panneaux d'enseigne aux frais de la concluante ; en ne le faisant pas, elle lui a accordé des délais exceptionnels de quatre ans prévus par l'article 14.8 du contrat de franchise,

- elle avait dissimulé les panneaux d'enseigne sous une bâche pour les protéger adéquatement dès la résiliation, mais les intempéries violentes caractérisant la force majeure ont arraché la protection,

- elle n'avait aucune connaissance en matière d'informations internet ; elle n'est pas intervenue en ce domaine ; l'intervention appartenait selon le contrat au seul franchiseur, soit l'intimée, qui y a procédé ; il appartient donc à la société La Vie Claire d'effectuer les démarches pour supprimer ce qu'elle a elle-même créé,

- une telle démarche ne pouvait être réalisée par elle-même qui ignorait tout référencement ou mention en ligne, et n'avait pas les accès,

- son expert-comptable atteste n'avoir jamais comptabilisé de factures des Pages Jaunes pour son compte,

- la société La Vie Claire ne justifie d'aucune faute de sa part,

- la superficie de son commerce est inférieure à 100 m² et il s'agit d'un commerce de proximité ; la société La Vie Claire qui n'a pas de magasin à proximité n'a pas subi de préjudice, et elle ne justifie d'aucun lien de causalité.


La société La Vie Claire fait valoir que :

- elle a résilié le contrat de franchise par lettre du 27 octobre 2015 ; elle aurait pu solliciter une pénalité contractuelle sur le fondement de l'absence de respect par l'appelante du taux d'approvisionnement de ses achats, mais n'a pas souhaité le faire pour permettre une rupture sans heurt, en particulier avec un magasin ne correspondant plus à son concept,

- la clause de non-retrait des signes distinctifs de l'article 12 du contrat de franchise est sans équivoque,

- l'article L.341-2 du code de commerce ne s'applique qu'aux clauses de non-concurrence et de non-affiliation ; elle ne s'applique pas à la clause litigieuse qui est donc valide,

- par définition, l'astreinte ne dédommage pas le préjudice subi, mais contraint le débiteur à s'exécuter ; elle n'a donc pas à prouver le préjudice subi mais la seule inexécution de la société Bio market,

- le procès-verbal d'huissier du 3 mai 2019 a constaté que son enseigne était apposée de manière visible à côté de celle de 'Bio Market' à l'entrée du magasin, ce qui démontre que l'appelante a continué à utiliser sa marque à son profit pendant des mois après mise en demeure,

- rien n'étaye l'événement de force majeure invoqué par la société Bio market,

- le procès-verbal d'huissier du 27 septembre 2019 démontre que l'appelante conservait sur l'annuaire internet des Pages Jaunes les références au groupe de la concluante,

- l'article 2.2 du contrat de franchise ne prévoit que l'interdiction d'un site internet propre par le franchisé, et ne faisait pas obstacle par ce dernier au référencement sur des annuaires en ligne,

- l'article 12 du contrat de franchise faisait directement référence au site internet Pages Jaunes ; l'appelante ne pouvait ignorer son obligation de suppression,

- le fait que l'appelante ait fait effectuer les modifications sur le site internet Pages Jaunes démontre qu'elle avait les moyens techniques de le faire,

- l'appelante a fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution de ses obligations post contractuelles,

- l'absence de facture Pages Jaunes comptabilisée par l'appelante ne prouve pas qu'elle ne soit pas à l'initiative de son inscription,

- une simple recherche internet aurait permis à l'appelante de constater la persistance de son inscription sur le site internet des Pages Jaunes, de sorte qu'elle en avait connaissance,

- sa mise en demeure a rappelé l'appelante à ses obligations, qui a refusé de s'exécuter,

- elle n'avait aucune obligation lors de la résiliation du contrat de franchise,

- seule l'appelante pouvait dissocier son activité du réseau de la concluante à la résiliation,

- l'obligation de retrait des signes distinctifs de l'article 12 du contrat de franchise s'assimile à une obligation de résultat,

- dès lors que la non-exécution de la clause de l'article 12 est prouvée, il convient d'appliquer l'astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 8 janvier 2016, jusqu'au 16 mai 2019 voire 27 septembre 2019.


Sur ce,


L'article L. 341-2 du code de commerce, invoqué par la société Bio Market, énonce :

'I.-Toute clause ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite.

II.-Ne sont pas soumises au I du présent article les clauses dont la personne qui s'en prévaut démontre qu'elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :

1° Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l'objet du contrat mentionné au I ;

2° Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l'exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat mentionné au I ;

3° Elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat mentionné au I ;

4° Leur durée n'excède pas un an après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1.'


Ce texte a été créé par l'article 31 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015🏛, lequel précise que 'le I s'applique à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi.'


Toutefois, il résulte de l'article 2 du code civil🏛, que la loi nouvelle ne peut, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, inexistante en l'espèce, remettre en cause la validité d'une clause contractuelle régie par les dispositions en vigueur à la date où le contrat a été passé (Com., 16 février 2022, pourvoi n° 20-20.429⚖️, publié).


En conséquence, le contrat de franchise ayant été conclu entre la société Bio Market et la société La Vie Claire le 1er avril 2012 soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015, l'article L. 341-2 du code de commerce ne lui est pas applicable.


Au surplus, il convient d'observer que le délai d'un an mentionné au II, 4°, de l'article L. 341-2 précité ne constitue pas un délai d'action mais se réfère à la durée d'application de la clause invoquée et constitue l'une des quatre conditions permettant d'écarter le I de l'article L. 341-2. La société Bio Market ne peut donc soutenir, sur le fondement de ce texte, que la demande en paiement formée par la société La Vie Claire est irrecevable.


De surcroît, l'article L. 341-2 vise les clauses ayant pour effet, postérieurement à l'échéance ou la résiliation du contrat de franchise, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant. Or en l'espèce, l'article 12 du contrat dont se prévaut la société La Vie Claire porte sur l'obligation du franchisé, lors de la cessation du contrat, de déposer l'enseigne et de faire disparaître toutes les références à son appartenance au réseau. Ces obligations ne tendent aucunement à restreindre la liberté d'exercice de son activité commerciale. La clause litigieuse n'entre donc pas dans le champ d'application de l'article L. 341-2 du code de commerce.


La société Bio Market invoque également le code de déontologie européen de la franchise, selon lequel 'le franchiseur avertira le franchisé par écrit de toute infraction au contrat et lui accordera, si justifié, un délai raisonnable pour la réparer' et les parties devront 'résoudre leurs griefs et litiges avec loyauté et bonne volonté, par la communication et la négociation directes.'


Toutefois, même à considérer que la société La Vie Claire n'aurait pas traité la difficulté 'de façon équitable' comme le soutient la société Bio Market, il ne saurait en résulter une irrecevabilité de la demande ni une absence de fondement, en l'absence de telles sanctions prévues par un quelconque texte.


Le contrat de franchise ayant été conclu le 1er avril 2012, il convient de faire application de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016🏛, applicable au litige, selon lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles doivent être exécutées de bonne foi.


L'article 12 du contrat prévoit qu'à la cessation du contrat, 'le franchisé devra cesser toute utilisation de l'enseigne, du concept, de la marque et de l'ensemble des signes distinctifs du réseau LA VIE CLAIRE.

Le franchisé s'engage, immédiatement et au plus tard dans les huit (8) jours suivant la cessation du contrat, à :

- (...)

- déposer l'enseigne et la retourner à ses frais au franchiseur ;

- (...)

- faire disparaître toute référence directe ou indirecte permettant d'établir ou de rappeler à la clientèle son appartenance au réseau, ou susceptible d'entretenir de quelque manière que ce soit dans l'esprit du public, une confusion entre son exploitation et celle du franchisé du réseau ;

- cesser l'usage du nom « LA VIE CLAIRE », même précédé ou suivi d'un mot, préfixe ou suffixe, dans l'ensemble de ses documents publicitaires et commerciaux, et faire toutes les démarches nécessaires pour faire disparaître la mention « LA VIE CLAIRE » figurant dans la rubrique du franchisé dans les différents répertoires et documents publics, et notamment dans les Pages Jaunes.


Le franchisé sera redevable d'une astreinte de 300 (trois cents) euros par jour de retard en cas de non-respect de la présente clause, nonobstant la faculté pour le franchiseur de solliciter la réparation intégrale du préjudice qui en résulte'.


Par lettre recommandée avec avis de réception du 27 octobre 2015, la société La Vie Claire a résilié le contrat de franchise, à effet au 31 décembre 2015, rappelant à la société Bio Market son obligation de retirer du point de vente tout logo, enseigne et tous les signes d'appartenance au réseau 'La Vie Claire'.


La société Bio Market ne conteste pas ne pas s'être conformée à cette obligation dans le délai de huit jours de la cessation du contrat de franchise.


Toutefois, ce n'est que le 16 mai 2019, suite à un constat d'huissier réalisé le 3 mai 2019 établissant la présence de l'enseigne 'La Vie Claire' sur le magasin et sa mention sur l'annuaire électronique, que la société La Vie Claire a mis en demeure la société Bio Market de cesser toute utilisation de sa marque.


Si la société Bio Market devait, d'elle-même et dans les huit jours suivant la cessation du contrat, déposer l'enseigne et cesser toute mention de la marque 'La Vie Claire' dans les différents répertoires, il convient de relever, comme l'a fait le tribunal, que la société La Vie Claire a particulièrement tardé à s'assurer que ces obligations avaient été remplies. Elle a ainsi laissé s'écouler un délai de près de trois ans et quatre mois, alors que le contrat prévoyait à son profit une astreinte de 300 euros par jour de retard, ce qui lui a ainsi permis de réclamer une indemnité de 367.200 euros.


Or, s'il est exact que la société La Vie Claire n'avait pas à sa charge une obligation de contrôle du dépôt de l'enseigne et de la suppression des références à son réseau, le contrat de franchise prévoit néanmoins, en son article 14.2, une obligation de loyauté et de bonne foi en ces termes : 'les parties reconnaissent que les engagements et obligations figurant au présent contrat sont irrévocables conformément à leurs termes et s'engagent à les exécuter avec loyauté et de bonne foi', reprenant ainsi l'obligation légale de bonne foi prévue à l'article 1134 précité.


Le contrat prévoit également une clause 14.8 intitulée 'Renonciation', dont se prévaut la société Bio Market. Cette clause comporte deux paragraphes dont le premier est rayé, ce qui doit conduire à ne pas en faire application, étant précisé qu'aux termes de ce paragraphe, il était prévu que le fait pour l'une ou l'autre des parties de ne pas revendiquer l'application d'une clause ne pouvait en aucun cas être interprété comme valant renonciation aux droits qui découlent de cette clause. Ce paragraphe ayant été rayé, il en résulte que la renonciation à l'application d'une clause est possible. Le second paragraphe énonce que 'tout délai supplémentaire qui serait accordé par l'une des parties doit être considéré comme ayant été donné à titre exceptionnel et ne saurait donc en aucun cas avoir pour effet de modifier le délai initial fixé aux termes du contrat.'


Suite à la résiliation du contrat, la société Bio Market devait restituer l'enseigne à la société La Vie Claire dans les huit jours de la cessation du contrat. Cette dernière pouvait donc aisément vérifier si la société Bio Market avait rempli son obligation de restitution, mais également son obligation de ne plus faire figurer la marque 'La Vie Claire' sur les répertoires électroniques et notamment les Pages Jaunes qu'elle pouvait consulter à tout moment, depuis son siège social, comme l'a également relevé le tribunal. Or, elle n'a réclamé le respect des obligations de l'ex-franchisé que par lettre recommandée du 16 mai 2019.


Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'astreinte ne saurait être applicable qu'à compter de la mise en demeure du 16 mai 2019 et jusqu'au 18 septembre 2019, date à laquelle il a été constaté que les éléments ont été enlevés.


La totalité de l'astreinte ne saurait être écartée sur le fondement de l'adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans, comme le soutient encore la société Bio Market, dès lors que celle-ci n'a pas rempli l'obligation qui lui incombait en vertu de l'article 12 du contrat. L'attitude de la société La Vie Claire ne conduit qu'à réduire la période d'application de l'astreinte conventionnelle.


Cette période représente ainsi un total de cent-quinze jours, soit la somme de 34.500 euros.


Il convient donc de confirmer le jugement, sauf sur le quantum de la condamnation prononcée contre la société Bio Market, et de ramener cette condamnation à la somme de 34.500 euros.


Sur la demande de la société Bio Market au titre de l'abus de droit


La société Bio market fait valoir que :

- la société La Vie Claire a fait preuve de mauvaise foi en ce qu'elle a mis en place sur internet des systèmes de communication, ne les a pas retirés lors de la résiliation, puis en fait le reproche à son ex-contractant qui l'ignorait et n'en avait pas la possibilité ;

- la superficie de son magasin est inférieure à 100 m² et il s'agit d'un commerce de proximité ; la société La Vie Claire, qui n'a pas de magasin à proximité, n'a pas subi de préjudice ;

- solliciter une astreinte illégale de 367.000 euros caractérise un abus de droit, instrumentalisant la procédure judiciaire.


La société La Vie Claire réplique que, dès lors que sa demande est fondée sur une clause valide du contrat de franchise, la société Bio Market ne peut obtenir des dommages-intérêts pour action abusive.


Sur ce,


L'action en paiement formée par la société La Vie Claire n'est pas abusive dès lors qu'il y est fait droit, même partiellement s'agissant du quantum de la condamnation.


Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts pour abus de droit formée par la société Bio Market.


Sur la demande subsidiaire de la société La Vie Claire


Aux termes de ses conclusions, la société La Vie Claire forme une demande subsidiaire fondée sur la responsabilité délictuelle de la société Bio Market.


Toutefois, cette demande est formée 'si par extraordinaire la cour déclarait la clause d'astreinte non-écrite'.


Or, cette clause n'est pas écartée et il en est fait application. En conséquence, et bien que le quantum de la demande en paiement n'ait été accueilli que partiellement, il n'y a pas lieu d'examiner la demande subsidiaire.


Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile


La société Bio Market succombant principalement à l'instance, elle sera condamnée aux dépens d'appel.


En application de l'article 700 du code procédure civile, elle sera condamnée à payer à la société La Vie Claire la somme de 1.500 euros.



PAR CES MOTIFS


La cour, statuant publiquement et contradictoirement,


Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il condamne la société Bio Market à payer à la société La Vie Claire la somme de 41.400 euros au titre de l'astreinte conventionnelle ;


Statuant à nouveau et y ajoutant,


Condamne la société Bio Market à payer à la société La Vie Claire la somme de 34.500 euros au titre de l'astreinte conventionnelle ;


Condamne la société Bio Market aux dépens d'appel ;


Condamne la société Bio Market à payer à la société La Vie Claire la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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