N° RG 24/03930 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PU64
Décision du
Tribunal de Commerce de Lyon
Au fond
du 16 avril 2024
RG : 2023f01324
ch n°
[X]
E.U.R.L. [13]
C/
A. [C]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 27 Mars 2025
APPELANTS :
Monsieur [B] [X],
né le [Date naissance 5] 1970 à [… …] (…)
… … …,
… [… …]
[Localité 2] à [Localité 17]
Et
La société [13],
entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, au capital social de 1000 ', inscrite au RCS de LYON sous le n° [N° SIREN/SIRET 6], représentée par Maître [S] [P] ès qualités de liquidateur judiciaire, selon jugement du Tribunal de commerce de LYON du 4 juillet 2024, prononçant la conversion du redressement en liquidation judiciaire de la société [13]
Sis [Adresse 3]
[Localité 2] à [Localité 17]
Représentés par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
INTIMEE :
La SELARL [C],
Selarl au capital social de 50 000 ', immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro [N° SIREN/SIRET 8], représentée par Monsieur [Aa] [C] agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société [13], fonction à laquelle il a été désignée par jugement du Tribunal de commerce de LYON du 29 septembre 2021, prononçant la liquidation judiciaire de la société [13]
Sis [Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Thomas KAEMPF de la SELARL BK AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 438
INTERVENANTE :
La société SELARL [S] [P],
SELARL au capital social de 1000 ', immatriculée au RCS de Lyon sous le n°[N° SIREN/SIRET 7], représentée par Maître [S] [P], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [13], EURL, au capital social de 1000 ', dont le siège social est situé au [Adresse 3], inscrite au RCS de LYON sous le n° [N° SIREN/SIRET 6], selon jugement du Tribunal de commerce de LYON du 4 juillet 2024, prononçant sa conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire,
Sis [Adresse 14]
[Localité 1]
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
******
Date de clôture de l'instruction : 17 Décembre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Janvier 2025
Date de mise à disposition : 20 Mars 2025 puis prorogé au 27 Mars 2025, les parties ayant été avisées
Audience tenue par Sophie DUMURGIER, présidente, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière et de Audrey Ab B, adjointe administrative.
En présence du Ministere public pris en la personne de Monsieur Ac C, Substitut Général près la Cour d'Appel de LYON
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'
article 804 du code de procédure civile🏛.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'
article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,
Signé par Sophie DUMURGIER, président, et par Céline DESPLANCHES, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS [13], constituée le 29 juillet 2015 et présidée jusqu'en 2018 par son associé unique M. [B] [X], est spécialisée dans le domaine de la construction de maison individuelle.
A compter du printemps 2017, M. [X] a constitué diverses sociétés filiales de la société [13].
Le 1er juin 2018, il a constitué la société [13], société de holding.
La société [13] est devenue l'associé unique de la société [13] et sa présidente le 24 octobre 2018.
Sur déclaration de cessation des paiements déposée le 21 septembre 2021 par la société [13], le tribunal de commerce de Lyon a, par jugement rendu le 29 septembre 2021, ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard, désigné la SELARL [C] en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL [9] en qualité d'administrateur judiciaire, et fixé la date de cessation des paiements au 31 août 2021.
Par jugement du 28 décembre 2021, le tribunal de commerce a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et désigné la SELARL [C] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par ordonnance du 17 janvier 2022, le juge commissaire a désigné M. [I] [Ad] du cabinet [12], aux fins de procéder à l'analyse :
- des soldes clients représentant 269 481,73 euros, rapprochement avec la situation des chantiers et détermination des soldes dus ou de la solvabilité des créances clients sur les exercices 2020 et 2021,
- de la situation financière de la société [13] sur les exercices 2020 et 2021, - des comptes annuels ( bilans, comptes de résultat et annexes ) sur les mêmes exercices, émission d'un avis sur ceux-ci,
- des soldes des comptes courants, créances fournisseurs et clients avec les sociétés liées et les mouvements sur les exercices 2020 et 2021,
et déterminer la date de cessation des paiements.
Le technicien a déposé son rapport le 12 septembre 2022, qui a révélé des mouvements d'argent avec des avances de trésorerie au bénéfice des sociétés contrôlées par M. [X], ainsi que des irrégularités dans la comptabilité de la société.
Par acte du 21 avril 2023, la SELARLU [C], ès qualités, a fait assigner la société [13] et M. [Ae] en responsabilité pour insuffisance d'actif devant le tribunal de commerce de Lyon, en sollicitant leur condamnation au paiement d'une somme de 309 524 euros.
Par jugement contradictoire du 16 avril 2024, le tribunal de commerce de Lyon a :
- constaté que M. [Ae] est dirigeant de droit de la société [13] et dirigeant de droit de la société [13],
- déclaré les fautes de gestion de M. [X] constituées,
- jugé que les fautes de gestion entrainent la responsabilité de M. [X],
- jugé que le préjudice au titre de l'insuffisance d'actif s'élève à 309 524 euros,
- jugé que les fautes de gestion sont à l'origine de l'insuffisance d'actif,
- condamné solidairement M. [Ae] et la société [13] à payer à la SELARLU [C], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [13], au titre de l'insuffisance d'actif constatée, la somme de 309 524 euros,
- condamné solidairement M. [Ae] et la société [13] à payer à la SELARLU [C], ès qualités, la somme de 2 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- rejeté comme non fondés tous autres moyens fins et conclusions contraires des parties,
- condamné solidairement M. [Ae] et la société [13] aux entiers dépens de l'instance.
'
Par déclaration reçue au greffe le 7 mai 2024, M. [B] [X] et la société [13] ont interjeté appel de ce jugement, portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués, en intimant la SELARLU [C], ès qualités.
Par jugement du 14 mai 2024, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société [13], convertie en liquidation judiciaire par jugement du 4 juillet 2024, désignant la SELARL [S] [P] en qualité de liquidateur judiciaire.
Au terme de conclusions notifiées par voie dématérialisée le 14 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de leurs prétentions, la SELARL [S] [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [13], et M. [Ae] demandent à la cour, au visa des
articles L.651-2, L.622-21 et L.622-22 du code de commerce🏛🏛🏛 et des
articles 328 et suivants du code de procédure civile🏛, de :
- recevoir la constitution de la SELARL [15] dans les intérêts de la SELARL [S] [P], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [13], selon jugement du tribunal de commerce de Lyon du 4 juillet 2024, prononçant la conversion du redressement en liquidation judiciaire de celle-ci,
- déclarer que la SELARL [S] [P] intervient volontairement à la présente instance,
À titre principal,
- infirmer le jugement rendu le 16 avril 2024 (RG n° 2023F01324) par le tribunal de commerce de Lyon en ce qu'il a :
' constaté que M. [Ae] est dirigeant de droit de la société [13] et dirigeant de droit de la société [13],
' déclaré les fautes de gestion de M. [X] constituées,
' jugé que les fautes de gestion entrainent la responsabilité de M. [X],
' jugé que le préjudice au titre de l'insuffisance d'actif s'élève à 309 524 euros,
' jugé que les fautes de gestion sont à l'origine de l'insuffisance d'actif,
' condamné solidairement M. [Ae] et la société [13] à payer à la SELARLU [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [13], au titre de l'insuffisance d'actif constatée, la somme de 309 524 euros,
' condamné solidairement M. [Ae] et la société [13] à payer à la SELARLU [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [13], la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' rejeté comme non fondés tous autres moyens fins et conclusions contraires des parties,
' condamné solidairement M. [Ae] et la société [13] aux entiers dépens de l'instance.
Statuant de nouveau,
- déclarer que la juridiction de première instance n'a effectué aucun contrôle de proportionnalité quant à l'existence d'une simple négligence,
- déclarer qu'il n'existe aucune motivation spéciale aux termes du jugement intervenu le 16 avril 2024, quant à la solidarité prononcée entre les deux appelants,
- déclarer que les versements effectués par la société [13] n'étaient aucunement contraires à l'intérêt social ou sans lien avec l'activité,
- déclarer que la juridiction de première instance n'a procédé à aucune détermination de la part des insuffisances d'actif imputable aux négligences alléguées,
- déclarer que le lien de causalité entre les agissements et l'augmentation du passif de la société [13] n'est pas démontré,
- déclarer que l'origine de l'insuffisance d'actif n'est pas imputable à la gestion de M. [X] et de la société [13], mais à la crise du covid 19 puis de l'augmentation des matières premières,
- déclarer qu'aucune faute de gestion n'est constituée, tant en ce qui concerne la tenue de la comptabilité que les dépenses de M. [X] par l'entremise de la société [13],
En conséquence,
- débouter la société SELARLU [C], ès qualités, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, notamment de l'ensemble de ses demandes de condamnation solidaire au comblement du passif à l'encontre de la société [13] et de M. [X],
- déclarer irrecevables les demandes en paiement formées par la société SELARLU [C], ès qualités, à l'encontre de la société [13] représentée par la SELARL [S] [P], ès qualité de liquidateur judiciaire,
À titre subsidiaire,
- déclarer que la situation personnelle de M. [X] doit être prise en considération,
- déclarer que le montant des sommes au versement desquelles les dirigeants seraient condamnés doit être proportionné au nombre et à la gravité des négligences qu'ils auraient commises,
- déclarer que seule la fixation d'une éventuelle créance de la société SELARLU [C], ès qualités, au passif de la société [13] pourra être prononcée par la cour,
Par conséquent,
- réduire à de plus justes proportions la condamnation au titre de l'insuffisance d'actif intervenue à l'encontre de M. [X] à hauteur de 30 925,40 euros, soit 10 % du montant de la condamnation solidaire prononcée par le tribunal de commerce de Lyon suivant jugement du 16 avril 2024 (RG n° 2023F01324),
- réduire à de plus justes proportions la créance de la société SELARLU [C], ès qualités, découlant de l'insuffisance d'actif intervenue à l'encontre de société [13] représentée par la SELARL [S] [P], ès qualités de liquidateur judiciaire, à hauteur d'un montant de 30 925,40 euros, soit 10 % du montant de la condamnation solidaire prononcée par le tribunal de commerce de Lyon suivant jugement du 16 avril 2024 (RG n° 2023F01324),
- débouter la société SELARLU [C], ès qualités, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,
- déclarer que chacune des parties supportera la charge de ses frais et dépens.
Au terme de conclusions n°2 notifiées par voie dématérialisée le 13 novembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, la SELARLU [C], ès qualités, demande à la cour, au visa des
articles L.652-1 et R.651-6 du code de commerce🏛🏛, de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 16 avril 2024 (RG N°2023F01324),
Y ajoutant,
- ordonner que la décision de condamnation soit portée sur l'état des créances de la procédure collective de la société [13],
En tout état de cause,
- débouter la société [13], M. [X] et la SELARL [S] [P], ès qualités, de leurs demandes, fins et conclusions, en ce compris leur fin de non-recevoir,
- condamner, solidairement, la société [13] et M. [X] à lui payer, ès qualités, une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner, solidairement, la société [13] et M. [Ae] aux entiers dépens.
Au terme d'observations notifiées par voie dématérialisée le 29 août 2024, la procureure générale demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en retenant que :
- l'expert-comptable judiciaire a relevé de nombreuses irrégularités de comptabilité, ainsi que
des anomalies de flux entre les sept sociétés en lien avec l'EURL [13] et la SAS [13],
- il n'existait aucune convention de trésorerie, pas plus que n'avait été prévue une convention de service justifiant, au titre des prestations de holding, des versements par la société [13] à la société [13] des sommes de 60 000 euros en 2019, puis 100 000 euros en 2020, sur la base de factures ne comportant aucun détail, les autres sociétés du groupe n'ayant versé aucune prestation à cette société holding,
- les comportements fautifs répétés sciemment, tels que démontrés par l'expert-comptable judiciaire et par le mandataire liquidateur, présentent un lien de causalité avec une insuffisance d'actif certaine de 508 791euros,outre 509 130 euros d'instances en cours.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 17 décembre 2024, les débats étant fixés au 16 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes formées contre la société [13]
Les appelants concluent à l'irrecevabilité des demandes formées à l'encontre de la société [13], sur le fondement des articles L.622-21 et L.622-22 du code de commerce, en vertu desquels le jugement d'ouverture interrompt toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, et les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance et reprises de plein droit le liquidateur dûment appelé, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, en faisant valoir que, du fait du prononcé de sa liquidation judiciaire, la société [13] ne peut encourir que le prononcé de la fixation d'une éventuelle créance à son passif et non une condamnation à paiement.
Or, ainsi que l'objecte à bon droit la SELARLU [C], ès qualités, dans le cas où le dirigeant de la personne morale est déjà soumis à une procédure collective, l'article R.651-6 du code de commerce énonce que « le montant du passif mis à sa charge est déterminé après mise en cause du mandataire ou du liquidateur désigné dans la procédure à laquelle il est soumis. La décision de condamnation est portée par le greffier sur l'état des créances de la procédure à laquelle l'intéressé est soumis ou transmise au greffier compétent pour y procéder ».
Il est admis en jurisprudence qu'il se déduit de ces dispositions réglementaires que le juge saisi d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif doit déterminer le montant de l'insuffisance d'actif mis à la charge du dirigeant, cette condamnation devant alors être portée sur l'état des créances de sa propre liquidation, sans possibilité de le recouvrer autrement qu'en respectant les règles de paiement et répartition prévues pour le règlement des créances soumises à cette procédure collective.
Or, en l'espèce, la SELARLU [C], ès qualités, demande que la décision de condamnation à intervenir de la société [13] soit portée sur l'état des créances de sa procédure collective.
Sa demande aux fins de condamnation en paiement de la société [13] au titre de l'insuffisance d'actif, qui implique seulement le report de la dette de contribution à l'insuffisance d'actif mise à la charge de la société en liquidation judiciaire sur l'état des créances de sa propre liquidation, est ainsi recevable.
Sur l'insuffisance d'actif
L'article L 651-2 alinéa premier du code de commerce énonce que « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les gérants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de gérants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du gérant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée. ».
M. [X] et la SELARL [S] [P], ès qualités, reprochent au tribunal d'avoir prononcé une condamnation solidaire de la société [13] et de M. [Ae] en sa qualité de dirigeant de cette société, alors que la société [13] est la seule dirigeante de la société [13] et que les motifs de la décision ne visent que les fautes de M. [Ae], sans évoquer l'existence de fautes commune.
Le liquidateur réplique que la société [13] est présidente de la société [13] et que M. [Ae] est le gérant de la société [13], de sorte qu'ils sont tous deux dirigeants de droit de la société [13], ce qu'ils n'ont jamais contesté.
Il ajoute que la jurisprudence admet que la responsabilité pour insuffisance d'actif est encourue non seulement par la personne morale, dirigeant de droit, mais aussi par le représentant légal de cette dernière.
Il résulte de la combinaison des L.227.7, L.651-1 et L.651-2 du code de commerce que lorsque la personne morale mise en liquidation judiciaire est une SAS dirigée par une personne morale, la responsabilité pour insuffisance d'actif est encourue non seulement par cette personne morale, dirigeant de droit, mais aussi par le représentant légal de cette dernière, en l'absence d'obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent de la personne morale dirigeant au sein d'une SAS, étant observé qu'en l'espèce, les appelants ne font pas état de la nomination d'un représentant permanent en vertu des statuts.
Sur l'insuffisance d'actif, la SELARLU [C], ès qualités, fait valoir que les opérations de liquidation judiciaire ont fait ressortir un passif admis de 1 622 156,83 euros, et un actif recouvert de 14 527,03 euros, et, qu'après déduction du passif déclaré à titre provisionnel, de celui faisant l'objet d'instance en cours, du passif à échoir, du montant de la créance de l'AGS, du montant des indemnités de résiliation déclarées au passif, l'insuffisance d'actif s'élève à 508 791,59 euros, ce que les appelants ne contestent pas.
Sur les fautes de gestion du dirigeant
Dans sa version issue de la
loi du 9 décembre 2016🏛, l'article L.651-2 du code de commerce écarte la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif en cas de simple négligence dans la gestion de la société.
Le liquidateur judiciaire relève, à titre liminaire, qu'en première instance, M. [X] a reconnu avoir commis des erreurs qu'il conteste désormais en cause d'appel.
Sur l'irrégularité de la comptabilité de la société [13]
Les appelants reprochent aux premiers juges d'avoir retenu des irrégularités de comptabilité sans les expliciter, qu'ils ont qualifiées de faute de gestion, sans aborder l'éventualité de l'existence d'une simple négligence de la part des dirigeants.
Ils font valoir que le rapport d'expertise de M. [Ad] ne fait état que d'éléments insuffisants pour qualifier une faute de gestion pour défaut de régularité de la comptabilité, notamment en ce qui concerne les titres de la SCI [16] qui n'ont jamais été détenus par la société [13], l'achat d'un véhicule Audi A3 pour un montant de 16 300 euros qui n'aurait jamais été acquis par la société mais par la holding [13] et l'existence d'un compte courant d'associé au nom de [B] [X].
Ils ajoutent que l'omission de la participation de la société [13] dans le capital de la SCI [16] n'a aucune incidence sur la tenue de la comptabilité et sur le déroulement de l'activité des deux sociétés, cette opération capitalistique n'ayant jamais été poursuivie jusqu'à son terme, en précisant que M. [Ae] a été tenu dans l'ignorance de cette participation par son expert comptable.
Ils considèrent que cette simple négligence comptable relève des seuls agissements de l'expert comptable.
Ils estiment que l'affectation par erreur du paiement d'un véhicule par la société [13] en lieu et place de la société [13] qui l'avait initialement commandé n'est pas une faute de gestion, mais une simple négligence d'affectation du comptable, ce véhicule étant utilisé par les salariés des deux sociétés.
Enfin, s'agissant du compte courant d'associé de M. [X], les appelants font valoir, qu'avant la constitution de la holding, il était seul gérant-associé de la société [13], depuis le 29 juillet 2015 et au moins jusqu'au 11 novembre 2018, et que l'existence du compte courant d'associé remonte à cette période, ne servant qu'au règlement des frais de déplacement pour le compte des salariés et du gérant de la holding.
Ils affirment que l'expert-comptable n'a jamais liquidé ce compte qui est resté en l'état sans être affecté directement à la holding, en relevant que le montant des dépenses personnelles non justifiées ressort à 1 182 euros, montant particulièrement faible en comparaison du passif.
Ils en déduisent que ces agissements, qui n'ont eu aucun impact sur la régularité de la comptabilité et la situation financière de la société, ne peuvent donc pas être qualifiés de faute de gestion.
Il résulte du rapport de l'expert [I] [Ad], désigné par le juge commissaire que ce dernier a relevé l'existence d'approximations dans les opérations comptables enregistrées qui peuvent nuire à la bonne compréhension des comptes, telles que des erreurs de comptabilisation des titres de la SCI [16], d'un véhicule n'appartenant pas à la société [13] et d'un compte courant pour M. [X] alors qu'il n'est pas associé de la société [13].
Si, comme l'affirme le liquidateur judiciaire, les appelants ne peuvent rejeter leurs propres responsabilités sur celle de leur expert-comptable car la tenue d'une comptabilité régulière incombe personnellement au dirigeant et si les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise, il ressort de l'analyse de M. [Ad] que le fait d'avoir inscrit les parts sociales de la SCI [16] dans la comptabilité de la société [13] qui n'en était pas propriétaire, inscription qui a été corrigée pour les exercices postérieurs à 2019, le fait d'avoir inscrit au bilan un véhicule qui n'était pas la propriété de la société mais qui était utilisé par les salariés de celle-ci et d'avoir enfin inscrit dans les comptes un compte-courant d'associé débiteur au nom de M. [X], ce que l'expert-comptable aurait dû immédiatement rectifier dès lors que M. [X] n'était plus associé de la SAS [13] depuis le 24 octobre 2018, alors que les virements effectués auraient dû, comme l'indique l'expert, être comptabilisés au compte courant de la société [13], sont des anomalies comptables relevant de simples négligences et ne caractérisent pas l'existence d'une faute de gestion.
Sur les dépenses de M. [X] contraire à l'intérêt social de la société [13]
Le tribunal a retenu que M. [Ae] a utilisé la trésorerie de la société [13] pour prendre en charge les loyers d'autres sociétés du groupe sans refacturation, lui faisant ainsi supporter des loyers sans occupation des locaux, ce qui constitue une faute de gestion.
Il a retenu des facturations de la société holding à la société [13] pour des prestations de holding de 160 000 euros en 2019 et 2020, ayant pour objectif de camoufler les avances de la société [13] à la société [13], caractérisant une faute de gestion.
Les appelants affirment qu'il n'existe pas de dépenses contraires à l'intérêt social de la société [13].
Ils soutiennent que les facturations de la holding sont justifiées tant dans leur principe que dans leur montant au vu des relations qu'entretenaient les deux sociétés, ce qu'a confirmé l'expert, et qu'elles ne sont pas contraires à l'intérêt social, s'agissant de prestation de présidence, en contestant qu'elles aient pu servir à camoufler les avances de la société [13], ainsi que l'a considéré le tribunal.
Ils prétendent qu'il n'existe aucun détournement d'actif de la part de la holding, en faisant valoir que la mise en oeuvre de conventions inter groupe avait d'ailleurs commencé mais qu'elle n'a pas été finalisée en raison de la dégradation brutale de la situation de la société [13] au cours de l'année 2021.
Ils ajoutent que la société [13] n'a pas supporté de loyers sans lien avec son activité, ses salariés travaillant tant dans les locaux de [Localité 17] que dans ceux de [Localité 11] et la société disposant par ailleurs de liens capitalistiques avec la société [13] Savoie qui occupait les locaux de [Localité 17].
Ils considèrent que le versement des loyers en lieu et place d'autres sociétés du groupe lors de courtes périodes ne saurait être qualifié de faute de gestion, au vu du contexte de covid et de leur absence d'intention de nuire.
Il résulte du rapport de M. [Ad] que la société [13] a effectué des avances de trésorerie ou des paiements à des sociétés tierces, sans avoir nécessairement de participations dans le capital de celles-ci, et dans lesquelles les appelants étaient intéressés et qui étaient toutes directement ou indirectement contrôlées par M. [X].
L'expert a ainsi relevé que, s'agissant de la société [13], les avances s'élèvent à 18 213 euros en 2019, à 28 964 euros en 2020 et à 34 288 euros en 2021, correspondant à des paiements de factures fournisseurs, de salaires et de frais de la société [13], sans qu'aucune convention de trésorerie n'existe entre les deux sociétés.
Il n'est pas inutile de relever que ces avances se sont intensifiées alors que la société [13] rencontrait des difficultés et qu'elle ne parvenait plus à honorer le paiement de ses cotisations sociales et fiscales, M. [X] reconnaissant par ailleurs devant le technicien qu'il a utilisé la société [13] afin de compenser voir remplacer la société [13] sur des achats fournisseurs et sous-traitants également.
M. [Ad] a, d'autre part, relevé que la société [13] a facturé des prestations de présidence à la société [13] pour 60 000 euros HT en 2019 et 100 000 euros HT en 2020, en dehors de toute convention entre les deux sociétés et sans qu'aucun élément de chiffrage n'ait été fourni, M. [Ae] se contentant de répondre à l'expert qu'il avait été décidé de respecter une commission de 15 %.
Or, l'expert a constaté que le montant facturé par la société [13] à la société [13] avait pour objectif de couvrir les avances de cette dernière à sa société mère.
Il ressort également de ce rapport que les frais de véhicule, de téléphonie et de déplacements de la société [13] étaient pris en charge par la société [13], là encore en dehors de toute convention.
Enfin, le rapport de M. [Ad] révèle que la société [13] supportait la quasi intégralité des charges locatives du groupe, y compris le loyer des sociétés [13] Savoie et [13], représentant un montant total pour ces deux sociétés de 19 623 euros pour les exercices 2019 à 2021, qui n'ont fait l'objet d'aucune refacturation.
Au vu de ces éléments, il est établi que les appelants ont sciemment disposé des biens de la société [13] en réalisant des dépenses contraires à l'intérêt social de celle-ci, qui n'avait aucun intérêt à ces dépenses, au profit d'autres sociétés du groupe dans lesquelles M. [X] avait des intérêts, ce qui est constitutif de fautes de gestion qui ne relèvent pas de la simple négligence.
Sur le lien de causalité entre les fautes de gestion et l'insuffisance d'actif
M. [X] et la SELARL [S] [P], ès qualités, reprochent aux premiers juges de ne pas avoir démontré le lien de causalité entre les fautes commises et l'aggravation du passif, en relevant que le rapport d'expertise judiciaire est muet sur le montant exact du passif en lien avec chacune des fautes alléguées.
Ils estiment qu'il n'y a aucun de lien de causalité entre la gestion de la société [13] et l'insuffisance d'actif constatée, cette dernière ayant traversé une forte période d'instabilité économique durant la crise de la covid 19, lorsque les aides n'ont plus été versées.
Ils font valoir que ce sont les difficultés rencontrées par la société qui ont provoqué son état de cessation des paiements et le développement du passif, en soulignant, qu'à la sortie de la crise sanitaire, elle a été frappée par une seconde crise tenant à l'augmentation des matières premières, ce qui a entraîné l'arrêt brutal de plusieurs chantiers, empêchant tout redressement.
Ils ajoutent que l'expert judiciaire a relevé que le risque d'impayé a été correctement appréhendé au cours des exercices précédents, sans anomalie quant à la recouvrabilité des créances clients, et estiment que le ratio effectué par l'intimée par rapport au passif intégral ne signifie rien et ne détermine pas l'imputabilité des insuffisances d'actif à chacune des fautes alléguées.
Ainsi que le soutient la SELARLU [C], ès qualités, et le démontre le rapport de M. [Ad], les fautes de gestion commises par M. [X] et la société [13] ont aggravé le passif de la société [13] et ont directement contribué à l'insuffisance d'actif en ce que :
- les détournements d'actifs par avances de trésorerie à des sociétés du groupe ont amputé la trésorerie de la société [13] déjà exsangue de 128 719 euros, la société [13] n'ayant pas été en mesure de rembourser la totalité des avances dont elle a bénéficié,
- la prise en charge des dépenses de loyers des autres sociétés du groupe a également privé la société débitrice de sa trésorerie à hauteur de 19 623 euros, tout comme sa prise en charge des prestations de présidence des autres sociétés du groupe.
Les fautes retenues à l'encontre des appelants sont donc en lien direct avec l'insuffisance d'actif constatée et justifient que soit mise à leurs charge une partie du passif généré par celles-ci, confirmant le jugement entrepris sur ce point.
Sur le quantum de la condamnation pour insuffisance d'actif
Les appelants sollicitent, à titre subsidiaire, la réduction de la condamnation prononcée au regard de leur bonne foi, au maximum à 10 % du montant d'insuffisance d'actif invoqué en première instance.
Ils font valoir, qu'en raison des difficultés du groupe et de l'arrêt de son paiement, l'expert-comptable n'a pas mené à terme des montages financiers et juridiques, précipitant la chute du groupe et de la société [13], et soutiennent qu'ils n'ont pas profité de la déconfiture de la société [13] et que M. [Ae] l'a même subie à titre personnel, ayant perçu des revenus particulièrement faibles en 2022.
Ils ajoutent que M. [Ae] est devenu salarié expert en assurance pour subvenir aux besoins de sa famille et que la SCI [16] dans laquelle il est associé fait l'objet d'une vente forcée, et relèvent que le calcul du montant du passif qui devrait être mis à leur charge n'est pas développé par l'intimée ou le jugement.
La SELARLU [C], ès qualités, objecte que le montant de 309 524 euros retenu par le tribunal correspond aux seules fautes de gestion constatées et qu'il n'est pas exorbitant au regard du montant total du passif de la procédure collective, qui n'est pas contesté par les appelants.
Elle considère qu'il a été fait application du principe de proportionnalité puisque les dirigeants n'ont pas été condamnés à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif, mais la seule part directement causée par leurs fautes de gestion.
Elle ajoute que M. [X] s'est enrichi dès lors que les détournements d'actifs ont été opérés au bénéfice des sociétés dans lesquelles il était intéressé.
Au regard de la nature des fautes de gestion commises par les appelants et de l'importance du passif qu'elles ont aggravé, mais également de la situation personnelle de M. [X] qui perçoit un salaire brut avant commissions de 4 000 euros par mois, il convient de condamner solidairement M. [Ae] et la société [13] à contribuer à l'insuffisance d'actif à hauteur de 130 000 euros, infirmant le jugement déféré sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les appelants qui succombent principalent en leurs prétentions supporteront la charge des dépens d'appel.
Il est en revanche équitable de laisser à la charge de la société intimée l'intégralité de ses frais de procédure non compris dans les dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement rendu le 16 avril 2024 par le tribunal de commerce de Lyon, sauf en ce qu'il a retenu que la tenue d'une comptabilité irrégulière est constitutive d'une faute de gestion et en ce qu'il a condamné solidairement M. [Ae] et la société [13] à payer à la SELARLU [C], ès qualités, la somme de 309 524 euros au titre de l'insuffisance d'actif constatée,
L'infirme de ces chefs et, statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la tenue d'une comptabilité irrégulière par M. [X] et la société [13] relève de simples négligences ,
Condamne solidairement M. [Ae] et la société [13] à payer à la SELARLU [C], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [13], la somme de 130 000 euros à titre de contribution à l'insuffisance d'actif,
Dit que la décision de condamnation sera portée sur l'état des créances de la liquidation judiciaire de la société [13]
Condamne in solidum M. [X] et la société [13] aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SELARLU [C], ès qualités.
La greffière La presidente