TA Marseille, du 12-03-2024, n° 2200118
A471569I
Référence
Par une requête enregistrée le 7 janvier 2022, Mme B A, représentée par la SELARL Grimaldi Molina et associés, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 6 juillet 2021 par laquelle le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a prononcé à son encontre une sanction d'avertissement ainsi que la décision du 10 novembre 2021 de rejet de son recours gracieux formé le 6 septembre 2021 ;
2°) de mettre à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- la décision du 6 juillet 2021 est entachée d'incompétence de son auteur ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2022, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 24 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984🏛 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hétier-Noël, rapporteure,
- et les conclusions de Mme Sarac-Deleigne, rapporteure publique.
1. Mme A, fonctionnaire territoriale titulaire du grade de rédactrice, est employée au sein des services de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Par un courrier du 20 mai 2021, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur l'a informée de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre. Par une décision du 6 juillet 2021, le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a infligé à Mme A une sanction d'avertissement pour s'être placée dix-sept jours en " télétravail exceptionnel " dans le logiciel de gestion informatisée du temps de travail au cours de la période comprise entre le 1er janvier et le 16 avril 2021 alors que ses missions n'étaient pas réalisables en télétravail et qu'elle ne disposait pas de dotation informatique. Elle a formé un recours gracieux contre cette décision le 6 septembre 2021 qui a fait l'objet d'une décision de rejet le 10 novembre 2021. Mme A demande au tribunal d'annuler ces deux décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires auquel se sont substitués les articles L. 121-9 et L. 121-10 du code général de la fonction publique : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. () ". L'article 29 de la même loi devenu l'article L. 530-1 du code général de la fonction publique prévoit que : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale devenu l'article L. 533-1 du code général de la fonction publique : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours () ".
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. La preuve des faits reprochés peut être apportée par tout moyen.
4. Pour fonder la décision contestée, le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur reproche à Mme A d'avoir manqué à son obligation de servir ainsi qu'à son devoir de probité et d'intégrité en pratiquant du télétravail pendant dix-sept jours entre le 1er janvier et le 16 avril 2021 alors que ses missions n'étaient pas réalisables en télétravail et qu'elle ne bénéficiait pas d'une dotation informatique.
5. Il ressort des pièces du dossier que, le 3 novembre 2020, la direction générale des services de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a diffusé, compte tenu de l'évolution de la crise sanitaire qui sévissait alors, une note relative au télétravail prévoyant que les agents dont les fonctions pouvaient être exercées totalement ou principalement à distance pouvaient être placés en télétravail jusqu'à cinq jours par semaine et que, lorsqu'aucune activité de l'agent n'était réalisable en télétravail, l'agent devait être présent à son poste selon sa formule de temps habituelle et que son activité pouvait potentiellement être adaptée pour répondre à la situation sanitaire, la définition des organisations de travail revenant aux directeurs et chefs de service. Mme A ne conteste pas avoir reçu communication de cette note, mais fait néanmoins valoir sans être contestée, d'une part, qu'elle avait été expressément autorisée par son supérieur hiérarchique à télétravailler quelques jours par semaine selon un planning déterminé et, d'autre part, que certaines de ses missions, consistant notamment en opérations de contrôle, pouvaient être accomplies en télétravail avec le téléphone portable professionnel dont elle disposait. Si l'administration soutient qu'aucune des missions de l'intéressée ne pouvait être accomplie dans le cadre du télétravail, elle n'en apporte pas la preuve par des éléments plus précis et ne contredit pas utilement les affirmations de la requérante sur ce point. Compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, et à supposer même que le placement de Mme A en télétravail durant dix-sept jours entre le 1er janvier et le 16 avril 2021 soit matériellement établi, il n'est ni démontré que celle-ci aurait sciemment exécuté un ordre manifestement illégal de son chef de service qui serait de nature à compromettre gravement un intérêt public ni qu'elle aurait manqué à son obligation de servir ainsi qu'à son devoir de probité et d'intégrité. Ces faits ne sont dès lors pas, à eux-seuls et en l'absence d'autres circonstances susceptibles de caractériser un manquement aux devoirs, sujétions et obligations de l'agent public, de nature à justifier légalement le prononcé d'une sanction disciplinaire. Par suite, Mme A est fondée à soutenir que la décision du 6 juillet 2021 lui infligeant un avertissement est entachée d'erreur d'appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, la décision du 6 juillet 2021 par laquelle le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a infligé une sanction d'avertissement à Mme A doit être annulée ainsi que par voie de conséquence la décision du 10 novembre 2021 rejetant son recours gracieux.
Sur les frais liés au litige
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens.
Article 1er : La décision du président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur du 6 juillet 2021 portant sanction d'avertissement à l'encontre de Mme A et la décision du 10 novembre 2021 rejetant son recours gracieux sont annulées.
Article 2 : La région Provence-Alpes-Côte d'Azur versera à Mme A une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A et à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 15 février 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Hameline, présidente,
Mme Fabre, première conseillère,
Mme Hétier-Noël, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.
La rapporteure,
signé
C. Hétier-Noël
La présidente,
signé
M-L. Hameline
La greffière,
signé
B. Marquet
La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
No 2200118
Loi, 83-634, 13-07-1983 Loi, 84-53, 26-01-1984 Fonctionnaire Ouverture d'une procédure disciplinaire Intérêt public Fautes commises Dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale Exclusion temporaire Justification d'une sanction disciplinaire