Jurisprudence : CA Paris, 4, 13, 12-03-2025, n° 24/10683, Confirmation

CA Paris, 4, 13, 12-03-2025, n° 24/10683, Confirmation

A196367T

Référence

CA Paris, 4, 13, 12-03-2025, n° 24/10683, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/117158071-ca-paris-4-13-12032025-n-2410683-confirmation
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Abstract

Dès lors qu'un différend entre avocats n'a fait l'objet d'aucune couverture médiatique particulière, la demande de huis clos n'est pas justifiée.


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 4 - Chambre 13


ARRÊT DU 12 MARS 2025


(n° , 8 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/10683 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJSP3


Décision déférée à la Cour : Décision du 28 Mai 2024 -Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS - RG n°



APPELANT


Monsieur [D] [A]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Comparant

Assisté de Maître Martine VALOT FOREST, avocat au barreau de PARIS, toque : B0883, substituée par Maître Florence GLEYZE, avocat au barreau de PARIS


INTIMÉ


MonsieurAa[L] [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non comparant

Représenté par Maître Alexandre CORATELLA de la SELEURL AGILAW, avocat au barreau de PARIS



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 15 Janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de Chambre

Madame Estelle MOREAU, Conseillère

Madame Nicole COCHET, Magistrate Honoraire juridictionnel


qui en ont délibéré


Greffier, lors des débats : Ab A


ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

- signé par Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de Chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.


***

M. [L] [B], exerçant depuis le 13 octobre 2022 son activité d'avocat en qualité de collaborateur libéral de la Selarl [A] & associés ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 10 novembre 2022 puis de liquidation judiciaire le 5 janvier 2023, a conclu avec M. [D] [A] exerçant désormais à titre individuel un contrat de collaboration libérale avec effet au 6 janvier 2023.



Par arrêt du 23 mars 2023, la cour a condamné M. [A] à une interdiction temporaire d'exercer pour une durée de 18 mois dont 6 mois assortis du sursis.


La rupture du contrat de collaboration libérale est intervenue le 13 avril 2023.


M. [B] a facturé à M. [A] sa rétrocession d'honoraires, le 29 avril 2023, pour un montant de 5 000 euros Ht au titre de la période du 1er au 30 avril 2023 et le 21 septembre 2023, pour un montant de 12 166,67 euros Ht au titre de la période de préavis du 1er mai 2023 au 13 juillet 2023.


Imputant la rupture du contrat à M. [A], lequel ne s'est pas acquitté de ses factures d'honoraires, M. [B] a saisi le bâtonnier aux fins d'arbitrage de leur litige. Après échec d'une tentative de conciliation, le bâtonnier a statué par décision le 28 mai 2024 aux termes de laquelle il a :

in limine litis sur les incidents,

- rejeté la demande de huis clos,

- rejeté la demande de voir déclarer irrecevable l'attestation de M. [N] [U] qui fait partie des débats,

- dit recevable la demande de saisine du bâtonnier en règlement du litige issu d'une collaboration libérale par M. [B],

au fond,

- jugé que les conditions de la rupture de la collaboration de M. [B] intervenue à l'initiative de M. [A] le 13 avril 2023 sont fautives et non conformes aux dispositions du contrat signé et du Règlement intérieur national de la profession d'avocat (RIN),

en conséquence,

- condamné M. [A] à verser à M. [B] :

- une somme de 17 166,67 euros Ht au titre de la rétrocession d'honoraires due,

- une somme de 1 000 euros au titre du préjudice économique et financier né de l'inexécution des dispositions du RIN et du contrat de collaboration en lien avec l'absence de délai de prévenance,

- une somme de 2 000 euros au titre de la rétention abusive d'honoraires dus,

- une somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral subi,

- débouté M. [B] de sa demande d'indemnisation au titre d'un préjudice réputationnel et de l'octroi d'une astreinte,

- condamné

M. [A] à verser à M. [B] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


M. [A] a formé un recours contre cette décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 juin 2024.


L'affaire a été plaidée à l'audience du 15 janvier 2025.


Par conclusions notifiées et déposées le 30 octobre 2024, visées par le greffier à l'audience et développées oralement, M. [D] [A] demande à la cour de :

in limine litis

- ordonner que les débats soient évoqués en huis clos, hors débats publics,

- déclarer recevables les attestations de Ac. [U],

sur le fond,

- juger que M. [B] a commis une faute grave flagrante des règles de déontologie (sic),

en conséquence, vu le contrat de collaboration et le RIN,

- juger que le délai de prévenance de 3 mois n'est pas applicable,

- débouter M. [B] de sa demande au titre de la facture du 21 septembre 2023 nulle et non avenue,

- juger la facture du 29 avril 2023 fausse en son quantum et la ramener à 2 166 euros Ttc,

- rejeter toute demande au titre du repos non pris,

- débouter M. [Aa] de ses demandes à ce titre,

- débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes au titre des préjudices allégués,

- débouter M. [B] de sa demande d'astreinte et d'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [B] à lui payer une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- ordonner la décision à intervenir opposable à Me [S], mandataire liquidateur,

- condamner M. [B] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


Par conclusions notifiées et déposées le 23 décembre 2024, visées par le greffier à l'audience et développées oralement, M. [Ad] [B] demande à la cour de :

- rejeter la demande de M. [A] visant à écarter la publicité des débats, à tout le moins l'en débouter,

sur le fond,

- débouter M. [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer la décision en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- condamner M. [A] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel,

- condamner M. [A] aux dépens de première instance et d'appel.



SUR CE


Sur le huis clos :


Le bâtonnier a rejeté la demande de huis clos formée par M. [A] en l'absence de justification d'un motif dérogatoire au principe de publicité des débats prévu par l'article P 71.5.2 du règlement intérieur du barreau de Paris (RIBP), dès lors qu'il n'est pas démontré que la publicité des débats ayant trait au recouvrement de sommes issues d'une collaboration libérale serait de nature à porter atteinte à l'intimité de la vie privée de M. [A].


Ce dernier sollicite à nouveau devant la cour le huis clos aux motifs que la publicité des débats emporterait atteinte à sa vie privée dans la mesure où, d'une part, il a subi une couverture médiatique accablante et, d'autre part, le dossier de la procédure contient des photographies de son domicile personnel où il exerçait à titre individuel, des échanges WhatsApp diffusant des informations sur les allées et venues de son entourage et de ses collaborateurs, voire ses absences de son propre domicile, et cette affaire ayant des répercussions sur sa vie privée et familiale qu'il n'y a pas lieu d'exposer publiquement.


M. [B] s'oppose à cette demande, en observant que M. [A] a lui-même produit la photographie représentant une pièce du domicile personnel (cuisine) dont il se prévaut, qu'il n'est pas démontré en quoi les pièces versées aux débats porteraient atteinte à l'intimité de la vie privée de l'appelant et que le litige n'a fait l'objet d'aucune couverture médiatique.


Selon l'article 150 du décret du 27 novembre 1991🏛 et l'article P 71.5. 2 du RIBP,

' Les débats sont publics. Toutefois, le bâtonnier ou son délégué peut décider que les débats auront lieu ou se poursuivront hors la présence du public à la demande de l'une des parties ou s'il doit résulter de leur publicité une atteinte à l'intimité de la vie privée'.


Ainsi que l'a très pertinemment retenu le bâtonnier, les débats ayant trait au règlement de différends entre avocat sont publics. Outre que le litige opposant M. [Ae] et M. [B] portant sur la rupture du contrat de collaboration libérale n'a fait l'objet d'aucune couverture médiatique particulière, il n'est justifié d'aucun risque d'atteinte à l'intimité de la vie privée de M. [A] en abordant oralement les éléments de cette procédure qui revêtent un caractère strictement professionnel. Les pièces du dossier alléguées sont en partie produites par M. [A] et ne sont pas exposées à l'occasion des débats, étant analysées dans le secret du délibéré de la cour.


Cette demande a donc été à juste titre rejetée et il n'y a pas davantage lieu d'y faire droit devant la cour.


Sur la rupture du contrat de collaboration libérale et ses conséquences :


Le bâtonnier a retenu que la rupture du contrat de collaboration libérale était imputable à M. [A] aux motifs que :

- si M. [Aa] a utilisé une adresse électronique privée le 31 mars 2023 pour s'adresser à l'ordre des avocats, cet envoi a pour objet de faire état de son contrat de collaboration en vigueur depuis le 6 janvier 2023, sans équivoque possible,

- il n'est pas justifié que M. [B] ait évoqué, en réunion d'agenda fin mars 2023, sa volonté de s'installer en exercice individuel et ralenti son activité et de telles affirmations ne sauraient constituer a posteriori une démission formelle ou un renoncement au préavis lié à la fin de contrat ce, d'autant plus qu'il n'est pas établi qu'il aurait refusé des missions au titre de la collaboration,

- l'information par M. [B] de la reprise d'un dossier du cabinet en clientèle personnelle ne saurait être assimilée à un renoncement volontaire à ses droits,

- ainsi, en l'absence de toute lettre de démission de M. [B] ou d'échanges électroniques dépourvus d'ambiguïté, il n'est aucunement justifié qu'il aurait démissionné de ses fonctions de collaborateur le 13 avril 2013,

- la fin du contrat de collaboration résulte du fait que le cabinet [A] s'est trouvé dans l'incapacité de l'honorer,

- M. [A] exerçant à titre individuel, est tenu personnellement aux sommes dues au titre de la fin du contrat de collaboration soit :

- une somme de 11 166, 67 euros Ht au titre des honoraires dus lors du délai de prévenance de trois mois ayant couru jusqu'au 13 juillet 2023, rien ne justifiant de déduire de ce montant la somme de 1 425 euros facturée le 27 décembre 2022 au titre d'un manque à gagner antérieur sur la période travaillée dans l'ancienne structure du 1er au 9 novembre 2022 et réglée par M. [A], ce versement ne pouvant être qualifié d'une avance à valoir sur des honoraires futurs,

- une somme de 2 166,71 euros Ht au titre des repos non rémunérés non pris durant le délai de prévenance,

- une somme de 1 000 euros à titre du dommages et intérêts en réparation du préjudice économique et financier subi relatif aux conditions d'exécution du délai de prévenance, M. [Aa] ayant été privé de l'accès aux moyens informatiques du cabinet et sommé de restituer les clés,

- une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de M. [B] au titre de la rétention abusive d'honoraires, ce dernier s'étant retrouvé de manière abrupte sans revenu et potentiellement dans une immédiate précarité,

- une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi au titre du caractère brutal et vexatoire de la rupture du contrat de collaboration libérale alors qu'il appartenait à M. [A] de limiter les conséquences de sa condamnation à une interdiction d'exercer sur ses collaborateurs en respectant scrupuleusement ses obligations au titre du préavis.


M. [A] soutient que :

- la rupture est imputable à M. [Aa] qui a démissionné le 13 avril 2023 ainsi qu'il ressort, d'une part, des attestations de M. [Ac] et Mme [F], avocats exerçant au sein du cabinet, lesquelles ont été écartées à tort par le bâtonnier au profit de l'attestation d'une stagiaire et d'échanges WhatsApp sans intérêt et sortis de leur contexte, alors que des extraits de textes tronqués et issus de discussions instantannées privées n'ont pas de caractère probatoire, d'autre part, du projet spontanné de départ formé par M. [Aa] dès le 28 mars 2023, date à laquelle lui et deux autres collaborateurs ont échangé sur leur avenir au sein d'une structure commune ABCS,

- le détournement d'un client du cabinet par M. [B], dont il l'a informé le 26 avril 2023 alors qu'il venait d'apprendre sa condamnation à une interdiction temporaire d'exercer prononcée par arrêt de la cour d'appel du 23 mars 2023 notifié le 19 avril suivant et était très affecté moralement par la succession d'évènements lourds à porter, constitue un fait fautif grave excluant le bénéfice du délai de prévenance de trois mois,

- il a subi un préjudice moral en raison de cette attitude extrêment déloyale et indélicate de la part de son collaborateur,

- les préjudices allégués par M. [B] ne sont pas établis dès lors que :

- ce dernier ayant commis un manquement grave aux règles de la profession ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude au titre des conditions d'exécution du délai de prévenance et ne peut prétendre à aucune indemnisation à ce titre,

-aucune précarité n'est démontrée au titre de la rétention d'honoraires de 2 166 euros dus du 1er au 13 avril 2023 et la situation alléguée de la compagne de M. [B] est inopérante,

- aucun préjudice moral ne peut être retenu s'agissant de la rupture du contrat de collaboration préparée par M. [B], intervenue à son initiative et accompagnée du détournement de clientèle.


M. [Aa], qui sollicite la confirmation de la décision, précise que :

- aucun avocat ne démissionne sans régularisation formelle d'un tel acte et son absence de démission est établie par les pièces retenues par le bâtonnier, en particulier l'attestation de Mme [P] qui n'est aucunement liée à M. [Ae], contrairement à Mme [Af] [F] et M. [U] exerçant au sein de sa nouvelle structure,

- la rupture est intervenue sans délai de prévenance, à l'initiative de M. [A], à la suite de sa condamnation à une interdiction temporaire d'exercer, et lui est imputable,

- les manquements qui lui sont reprochés en cause d'appel ne sont pas fondés, aucun acte de concurrence déloyale par détournement de clientèle n'étant établi en raison du choix d'un syndicat, client du cabinet, de le prendre comme avocat personnel consécutivement à la condamnation de M. [A] pour des faits de 'harcèlement', et alors qu'il a informé M. [A] prendre sa succession dans le respect des dispositions du RIN et de ses obligations déontologiques,

- ses préjudices ont été justement appréciés par le bâtonnier,

- la demande indemnitaire de M. [A] n'est pas fondée en l'absence de détournement de clientèle et de déloyauté de sa part.


La démission ne se présume pas et doit être prouvée.


M. [B] n'a adressé aucun courrier de démission à M. [A]. Il a travaillé pour le cabinet jusqu'au 12 avril 2023 inclus, auquel il a transmis des actes depuis son adresse électronique personnelle, n'ayant plus accès à son adresse professionnelle depuis le 11 avril , voire le 8 avril, ainsi que mentionné dans son courriel du 13 avril 2023, dans lequel il précise à M. [A]'Vous m'avez demandé de vous restituer les clés du cabinet et je me suis exécuté'. Par courriel du 29 avril 2023, il lui a adressé sa facture de rétrocession d'honoraires du même jour correspondant au mois d'avril 'en application du préavis contractuel à compter du 13 avril 2023, date à laquelle vous m'avez invité à quitter le cabinet et à vous rendre les clés'. Il lui a ensuite facturé, le 21 septembre 2023, le solde dû au titre des honoraires durant la période de prévenance expirant au 13 juillet 2023. M. [A] n'a apporté aucune réponse ni à ces courriels ni à ces factures.


M. [N] [U] atteste le 20 octobre 2023 que lors d'une réunion d'agenda avec l'équipe vers le 7 avril 2023, M. [B] a annoncé son intention de quitter le cabinet en raison des difficultés rencontrées par M. [A] et mentionné avoir repris contact avec les cabinets qui l'avaient reçu en entretien en octobre 2022, puis officiellement démissionné le 13 avril suivant en récupérant ses affaires personnelles. Pour sa part, Mme [Z] [F] atteste le 24 octobre 2024 que M. [Aa] est le premier collaborateur qui a formellement déclaré ne pas souhaiter rester au sein du cabinet.


Néanmoins, les échanges du 14 avril 2023 sur le groupe WhatsApp constitué entre ces mêmes avocats et d'autres du cabinet hormis M. [A], et dont le caractère probatoire n'est pas utilement discuté par ce dernier qui entend tirer argument d'un message WhatsApp du 28 mars 2023, témoignent du contraire.


Ainsi, le 14 avril 2023, [N] [U] précise à une consoeur 'Tu as évité pour le moment le moment gênant qu'ont vécu [E] ET [L] [[Aa]]', : 'Quel moment'', réponse de [N] [U]: 'Quand [L] s'est fait mettre à la porte hier matin', M. [Aa] précisant 'C'était un peu comme dans Les Trois frères : 'tu prends ton manteau on s'en va' sauf que là c'était 'tu prends ton manteau tu t'en vas'.


Mme [P], dont la qualité de stagiaire ne saurait affecter la valeur probatoire de son attestation, confirme pour sa part que M. [Aa] n'a pas démissionné et qu'elle était présente 'le jour où il a été renvoyé à son domicile' et qu'il a été 'le premier à être viré'.


Il résulte également de ces échanges que le 14 avril 2023, la condamnation de M. [A] à une interdiction temporaire d'exercer pour une durée de 18 mois dont 6 mois assortis du sursis par arrêt du 23 mars 2023, était connue des membres du cabinet, Mme [Z] [F] indiquant à Mme [K] [X] 'Il a dit quil veut savoir ce que tu envisages de faire', laquelle répond 'Lui qu'est ce qu'il envisage de faire' C'est lui qui a été interdit pas nous donc à lui de nous dire ce qu'il advient de nos contrats. Il a bloqué tous mes accès donc je ne peux plus bosser'.


Le message WhatsApp du 28 mars 2023 représentant un logo 'ABCS avocats' suivi du commentaire de M. [E] [Y] 'ça tue!' est inopérant à démontrer le départ volontaire de M. [Aa] le 13 avril suivant, qui est clairement contredit par les messages circonstanciés susvisés du 14 avril.


M. [A], qui a eu nécessairement connaissance de l'arrêt de la cour du 23 mars 2023 qui a été notifié à son avocat le jour du délibéré, était connu des membres de son cabinet et a fait l'objet d'une couverture médiatique, ne fait pas utilement valoir sa signification le 19 avril 2023, soit postérieurement à la rupture du contrat de collaboration le 13 avril.


De l'ensemble des pièces versées au débat, dont le bâtonnier a très justement apprécié la teneur et la valeur probatoire, il ressort que M. [Aa] n'a pas démissionné et que la rupture de son contrat de collaboration libérale est intervenue le 13 avril 2023 à l'initiative de M. [A], condamné à une interdiction temporaire d'exercer par arrêt de la cour d'appel du 23 mars 2023.


Les conséquences de la rupture du contrat de collaboration libérale sans délai de prévenance incombent à M. [A], sauf à démontrer l'existence d'une faute grave dispensant du respect de ce délai.


Le principe de la liberté du travail et celui de la libre concurrence impliquent la faculté pour tout avocat d'assurer la défense d'un client l'ayant librement choisi.


Le seul démarcharge de la clientèle d'autrui est libre, dès lors que ce démarchage ne s'accompagne pas d'un acte déloyal. Le fait pour une clientèle de suivre spontanément un avocat ayant quitté son ancien cabinet n'est pas suffisant à caractériser un acte de concurrence déloyale. La clientèle ne faisant l'objet d'aucun droit privatif, constitue un acte de concurrence déloyale un détournement de clientèle procédant de manoeuvres déloyales, tel que, notamment, le démarchage systématique.


Par courriel du 21 avril 2023, la Fédération régionale des mineurs Force Ouvrière a informé M. [B] qu'elle souhaitait désormais être assistée par lui personnellement, ne pouvant en sa qualité de syndicat cautionner les faits de 'harcèlement' pour lesquels M. [A] venait d'être condamné à une interdiction temporaire d'exercer.


Le choix de la Fédération régionale des mineurs Force Ouvrière, cliente du cabinet, d'être désormais assistée de M. [B] à titre personnel, alors que celui-ci suivait le dossier en sa qualité de collaborateur, ce dans le contexte de la médiatisation des faits de management anxiogène ayant conduit à la condamnation de M. [A] à une sanction d'interdiction temporaire d'exercer, ne constitue aucunement une 'captation de clientèle' ainsi que l'allègue M. [A] et ne caractérise aucun acte de concurence déloyale de la part de M. [B]. En outre, ce dernier a informé M. [A] prendre sa succession dans ce dossier conformément à ses obligations déontologiques. Il n'est donc caractérisé aucune déloyauté de sa part, ni aucun manquement aux règles de probité, confraternité et délicatesse au titre de la reprise de ce client.


En l'absence de manquement de M. [Aa], le délai de prévenance de trois mois prévu à l'article 14.4.1 du RIN est applicable.


Le bâtonnier a pertinnement condamné M. [A] au paiement d'une somme de 17 166,67 euros Ht au titre de la rétrocession d'honoraires due s'agissant tant des honoraires impayés du 1er au 13 avril 2023, que du délai de prévenance ayant couru du 13 avril au 13 juillet 2023, ainsi qu'une somme de 2 166,71 euros au titre des repos rémunérés non pris.


Le bâtonnier a également fait une juste appréciation du préjudice financier de M. [B] au titre des conditions d'exécution du délai de prévenance, évalué à 1 000 euros, en ce que ce dernier a été privé de l'accès aux moyens informatiques du cabinet au moins à compter du 11 avril 2023 et sommé de restituer les clés du cabinet le 13 avril.


Il a tout aussi justement évalué à la somme de 2 000 euros le préjudice financier de M. [B] au titre de la rétention abusive d'honoraires, la privation brutale et injustifiée d'honoraires d'un montant total de 17 166,67 euros et non pas 2 166 euros l'ayant exposé à des difficultés financières, alors qu'il devait par ailleurs payer ses charges professionnelles et personnelles, dont un loyer et un crédit à la consommation. La circonstance que M. [Aa] ait exercé dans le cabinet [A] pour une courte durée de 3 mois et 12 jours, qui ne lui est pas imputable, est impropre à écarter ce préjudice.


Le caractère brutal et vexatoire de la rupture de M. [B], sommé de quitter le cabinet et privé des moyens d'exercer sa profession alors qu'il assurait le suivi des dossiers et s'était montré fidèle envers M. [A] accusé de management agressif, justifie la condamnation prononcée par le bâtonnier au paiement d'une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral de M. [B].


La décision, motivée avec soin, est donc confirmée dans toutes ses dispositions.


Sur le préjudice moral de M. [A] :


La demande formée par M. [A] en cause d'appel en réparation de son préjudice moral au titre des actes de concurrence déloyale subis est mal fondée en l'absence de tels actes et doit en conséquence être rejetée.


Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :


M. [A] échouant en ses prétentions est condamné aux dépens d'appel et à payer à M. [B] une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS :


La cour,


Déboute M. [D] [A] de sa demande d'huis clos,


Confirme la décision en toutes ses dispositions,


y ajoutant,


Déboute M. [D] [A] de sa demande au titre du préjudice moral,


Condamne M. [D] [A] à payer à M. [Ad] [B] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,


Condamne M. [D] [A] aux dépens d'appel.


LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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