N° B 24-96.007 F-B
N° 40003
RB5
26 FÉVRIER 2025
AVIS SUR SAISINE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 FÉVRIER 2025
Le juge de l'application des peines du tribunal judiciaire de Créteil, par jugement en date du 6 septembre 2024, reçu le 28 novembre 2024 à la Cour de cassation, a sollicité l'avis de ladite Cour dans la procédure concernant M. [D] [S] qui exécute une peine privative de liberté.
Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Énoncé de la demande d'avis
1. La demande d'avis est ainsi rédigée :
« Une personne qui a été écrouée avant le 1er janvier 2023 dans le cadre d'un placement en détention provisoire, dont la détention n'a pas été interrompue, et condamnée définitivement après le 1er janvier 2023, ayant déjà bénéficié pour partie de réductions de peine en application de l'article 721 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, doit-elle se voir attribuer un crédit de réduction de peine en application des dispositions de l'article 721 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, calculé en totalité au regard du quantum de la peine prononcée ainsi que des réductions supplémentaires de peine sur les périodes d'examen suivantes ? »
Examen de la demande d'avis
Vu les articles L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire et 706-64 et suivants du code de procédure pénale :
2. Selon l'article 59, VI, de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, le nouveau régime de réduction de peine est applicable aux personnes placées sous écrou à compter du 1er janvier 2023, tandis que les personnes placées sous écrou avant cette date demeurent soumises au régime antérieur du crédit de réduction de peine et de la réduction supplémentaire de peine.
3. La Cour de cassation juge que le nouveau régime de réduction de peine créé par cette loi est applicable aux personnes incarcérées à compter du 1er janvier 2023, celles incarcérées avant cette date relevant de l'ancien régime, qu'elles aient été écrouées au titre de la détention provisoire ou en exécution de peine (Crim., 26 juin 2024, pourvoi n° 23-87.131, publié au Bulletin).
4. Elle juge en outre que le principe d'autorité de la chose jugée, même de manière erronée, s'oppose à ce qu'une décision de justice devenue définitive soit remise en cause.
5. Il s'en déduit qu'une personne écrouée en détention provisoire avant le 1er janvier 2023, et qui est demeurée détenue jusqu'à sa condamnation définitive après cette date, doit bénéficier de l'intégralité du crédit de réduction de peine auquel la peine prononcée lui ouvre automatiquement droit, sans que puisse en être déduite la réduction de peine qui lui a été octroyée, à tort, sur le fondement du nouveau régime, par une décision définitive revêtue de l'autorité de la chose jugée.
6. Cependant, la réduction supplémentaire de peine à laquelle elle pourrait prétendre doit être examinée pour les seules périodes qui n'ont pas déjà fait l'objet d'un examen au titre du nouveau régime.
7. En effet, le principe d'autorité de chose jugée s'oppose également à ce que la décision ayant octroyé une réduction de peine au titre d'une période de détention, fût-ce sur le fondement erroné de l'article 721 du code de procédure pénale dans sa version issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, soit remise en cause, aucune disposition du code de procédure pénale ne permettant, par ailleurs, qu'il soit procédé à un nouvel examen d'une période de détention sur laquelle il a déjà été statué, hors le cas prévu aux articles D. 116-4 ancien et D. 116-2 nouveau de ce code.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
EMET l'avis suivant :
Une personne écrouée en détention provisoire avant le 1er janvier 2023, qui est demeurée détenue jusqu'à sa condamnation définitive après cette date, doit bénéficier de l'intégralité du crédit de réduction de peine auquel la peine prononcée lui ouvre droit, sans que puisse en être déduite la réduction de peine qui lui a été octroyée sur le fondement du nouveau régime, par une décision définitive revêtue de l'autorité de la chose jugée.
La réduction supplémentaire de peine à laquelle elle peut prétendre doit être envisagée pour les seules périodes qui n'ont pas déjà fait l'objet d'un examen au titre du nouveau régime.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.