Jurisprudence : CAA Bordeaux, 3e ch., 02-02-1999, n° 96BX00945

Cour administrative d'appel de Bordeaux

Statuant au contentieux
MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES c/ M. Robert Bégué


A. de MALAFOSSE, Rapporteur
D. PEANO, Commissaire du gouvernement


Lecture du 2 février 1999



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    Vu le recours enregistré le 28 mai 1996 au greffe de la Cour, présenté pour le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ;

    Le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :

    1 ) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 8 février 1996 en tant que, par ses articles 1 et 2, il a accordé à M. Robert Bégué la réduction du supplément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1987 ;

    2 ) de rétablir M. Robert Bégué au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1987 à concurrence des droits et pénalités dont le jugement a accordé la décharge ;

    Vu les autres pièces du dossier ;

    Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

    Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

    Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 1999 :

    - le rapport de A. de MALAFOSSE ;

    - et les conclusions de D. PEANO, commissaire du gouvernement ;


    Considérant qu'aux termes de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales : ' ...sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16' ; qu'en vertu de l'article L. 16 du même livre, l'administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir qu'il peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ; qu'enfin, l'article L. 16 A dispose que 'Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponses qu'elle souhaite' ;

    Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a accordé à M. Robert Bégué la réduction de l'imposition litigieuse au motif que le contribuable avait apporté à la demande de justifications qui lui avait été adressée par le service sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, pour la partie de cette demande qui portait sur une somme de 1060000 F provenant de deux virements de la Société des banques suisses au profit du compte bancaire ouvert au nom de la SCI Gamma, des réponses précises et vérifiables qui ne pouvaient être assimilées à un défaut de réponse justifiant la taxation d'office de cette somme ;

    Considérant qu'il résulte de l'instruction que si, en réponse à la demande de justifications, M. Robert Bégué a précisé, en ce qui concerne cette somme de 1060000 F, qu'elle provenait d'une dotation faite sans contrepartie à la SCI Gamma par l'entreprise Robert Bégué à Alger, il n'a apporté aucune justification à l'appui de cette allégation ; que, mis en demeure, en application de l'article L. 16 A précité, de produire notamment les documents permettant de justifier la provenance de ces fonds, il n'a produit aucun justificatif ; que, dans ces conditions, les réponses de M. Bégué ont pu à bon droit être assimilées à une absence de réponse justifiant le recours à la procédure de taxation d'office prévue par les dispositions précitées de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est, par suite, fondé à soutenir que le tribunal administratif n'a pu valablement se fonder sur le motif sus-analysé pour accorder la réduction d'impôt contestée ;

    Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. Robert Bégué en première instance et par ses héritiers en appel ;

    Sur la procédure d'imposition :


    Considérant, en premier lieu, que si la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dont les dispositions sont opposables à l'administration en vertu de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, prévoit, dans sa rédaction alors en vigueur, que 'dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale d'ensemble, le dialogue oral joue un rôle important', il résulte de l'instruction qu'en l'espèce le vérificateur a pris l'initiative d'un tel dialogue qui n'a pu se poursuivre en raison du manque de disponibilité de M. Robert Bégué ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de débat oral doit être écarté ;

    Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration d'avertir expressément le contribuable d'un changement de vérificateur qui interviendrait au cours d'un examen contradictoire de sa situation fiscale d'ensemble ; que le caractère contradictoire d'un tel examen n'implique pas une telle obligation d'information, dès lors que les correspondances adressées par le service au contribuable, et notamment la notification de redressements, comportent, comme c'est le cas en l'espèce, l'identité du signataire ;

    Considérant, en troisième lieu, que si, en vertu des dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification, ces mêmes dispositions prévoient que cette période est prorogée des délais nécessaires à l'administration pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance de l'étranger ; que, contrairement à ce que soutient M. Robert Bégué, il résulte de ces dispositions que cette prorogation n'est pas subordonnée à la condition que le service soumette au débat contradictoire les renseignements demandés aux autorités étrangères, mais seulement à la condition que cette demande de renseignements soit justifiée par des éléments permettant de penser que le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance de l'étranger ; qu'en l'espèce, M. Robert Bégué a fait valoir dès le début du contrôle qu'une partie de ses revenus provenaient d'une entreprise individuelle exploitée en Algérie ; que, dans ces conditions, le service a pu valablement procéder à une demande de renseignements auprès des autorités algériennes ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la prorogation de l'examen de l'ensemble de la situation fiscale doit être écarté ;

    Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que la notification de redressements n'indiquait pas le montant des droits et pénalités résultant des redressements manque en fait ;


    Considérant, en cinquième lieu, que le vérificateur chargé de l'examen de la situation fiscale personnelle de M. Robert Bégué n'était pas tenu par les appréciations portées par le vérificateur qui avait procédé à la vérification de comptabilité de la SCI Gamma ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces appréciations ne pouvaient être remises en cause 'sans autres recherches contradictoires ni dialogue' ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

    Sur le bien-fondé de l'imposition litigieuse :

    Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le compte bancaire ouvert au nom de la SCI Gamma, sur lequel ont été créditées les sommes litigieuses, était utilisé régulièrement à des fins personnelles par M. Robert Bégué qui disposait d'une procuration générale sur ce compte ; que, par suite, les sommes litigieuses ont pu à bon droit être taxées d'office au nom de M. Robert Bégué ;

    Considérant, en second lieu, que M. Robert Bégué ou ses héritiers, à qui incombe la charge de la preuve, n'ont apporté aucune justification à l'appui de leur allégation selon laquelle les fonds à l'origine des crédits bancaires litigieux proviendraient de la réalisation, en 1979, par l'entreprise algérienne Robert Bégué, de parts qu'elle détenait dans une SCI ;

    Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a accordé à M. Robert Bégué une réduction du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1987 et le rétablissement de l'imposition en litige ;

    Sur les conclusions de MM. René et Alain Bégué présentées sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

    Considérant que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, ne saurait être condamné à verser à MM. René et Alain Bégué la somme qu'ils réclament au titre des frais irrépétibles ;


Article 1ER : Les articles 1 et 2 du jugement du tribunal administratif de Pau en date du 8 février 1996 sont annulés.
Article 2 : M. Robert Bégué est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1987 à concurrence des droits et pénalités dont le jugement susvisé a accordé la décharge et qui correspondent à un montant, en bases, de 1060000 F.
Article 3 : Les conclusions présentées par MM. René et Alain Bégué sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.

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