TA Melun, du 06-06-2024, n° 2108621
A70426YH
Référence
Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2021, M. A B, représenté par Me Joliff, demande au tribunal :
1°) de condamner le Grand hôpital de l'Est francilien à lui verser la somme de 35 310 euros au titre de la rémunération correspondant au temps de travail additionnel, outre la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil🏛 ;
2°) d'enjoindre au Grand hôpital de l'Est francilien de liquider cette somme dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement à intervenir ;
3°) de mettre à la charge du Grand hôpital de l'Est francilien la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Il soutient que :
- le Grand hôpital de l'Est francilien a commis une faute en refusant de lui verser l'indemnisation au titre du temps de travail additionnel ;
- il avait sollicité dès 2014 un poste à temps plein, qui lui avait été refusé ; il a alors demandé à exécuter des plages de temps de travail additionnel ; il a accompli sur les années 2017, 2019 et 2020 cumulées, 107 jours de temps de travail additionnel ; il n'a bénéficié d'aucune récupération de ces plages de temps de travail additionnel ; il évalue le montant de la rémunération correspondant à ce temps de travail additionnel à la somme 35 310 euros.
La requête a été communiquée au Grand hôpital de l'Est francilien, qui n'a pas produit d'observations en défense, en dépit d'une mise en demeure du 18 février 2022.
Par une ordonnance du 7 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 29 août 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Réchard,
- et les conclusions de Mme Van Daële, rapporteure publique.
1. M. B, recruté par le centre hospitalier de Coulommiers en qualité de chirurgien, à compter du 1er février 2011, a, par un arrêté du 28 février 2013 de la directrice du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG), été nommé à titre permanent dans le corps des praticiens des hôpitaux à temps partiel à compter du 1er mars 2013. Après avoir été autorisé par arrêté du
5 février 2020 de la directrice générale du CNG à prolonger son activité pour douze mois du 1er mars 2020 au 28 février 2021, il a, par un courrier du 18 décembre 2020, informé le Grand hôpital de l'Est francilien (GHEF), résultant de la fusion des centres hospitaliers de Meaux, de Lagny-Sur-Marne et de Coulommiers, de son intention de faire valoir ses droits à la retraite au 1er juillet 2021. Par un courrier du 2 février 2021 adressé à la directrice des affaires médicales du GHEF, il doit être regardé comme ayant demandé le versement de la rémunération due au titre des plages de temps de travail additionnel (TTA) accomplies pendant les années 2017, 2019 et 2020. Par un courrier du 5 février 2021, le directeur du GHEF et le chef de pôle " tête et locomoteur " ont rejeté sa demande. Par la présente requête, M. B demande au tribunal de condamner le GHEF à lui verser la somme de 35 310 euros correspondant à l'indemnisation des plages de TTA réalisées au cours des années 2017, 2019 et 2020.
Sur l'acquiescement aux faits :
2. Aux termes des dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative🏛 : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge administratif n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit et il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier.
3. En l'espèce, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, le GHEF n'a produit aucune observation en défense avant la clôture de l'instruction. Ainsi, il est réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête. Il appartient toutefois au tribunal de vérifier que ces faits ne sont pas contredits par les pièces du dossier et qu'aucune règle d'ordre public ne s'oppose à ce qu'il soit donné satisfaction au requérant.
Sur les conclusions tendant à la condamnation du GHEF à verser les TTA :
4. Aux termes de l'article R. 6152-220 du code de la santé publique🏛 dans sa rédaction applicable au litige : " Les praticiens perçoivent, après service fait, attesté par le tableau mensuel de service réalisé, validé par le chef de pôle ou, à défaut, par le responsable du service, de l'unité fonctionnelle ou d'une autre structure interne : / 1° Des émoluments mensuels variant selon l'échelon des intéressés et la durée des obligations hebdomadaires de service hospitalier. Ces émoluments sont fixés par arrêté des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale. Ils suivent l'évolution des traitements de la fonction publique, constatée par le ministre chargé de la santé ; / 2° Des indemnités et allocations dont la liste est fixée par décret ". Aux termes de l'article R. 6152-223 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Le service normal hebdomadaire des praticiens des hôpitaux à temps partiel est fixé à six demi-journées. Il peut être ramené à cinq demi-journées ou à quatre demi-journées lorsque l'activité hospitalière le justifie. / () / Lorsque l'activité médicale est organisée en temps continu, l'obligation de service hebdomadaire du praticien ne peut excéder une durée horaire définie, sur la base de quarante-huit heures, au prorata des obligations de service hebdomadaires du praticien et calculée en moyenne sur une période de quatre mois ". Aux termes de l'article R. 6152-227 du même code🏛 dans sa rédaction applicable au litige : " Les praticiens régis par la présente section ont droit : / () / 3° A des jours de récupération des périodes de temps de travail additionnelles, des astreintes et des déplacements en astreinte, lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'une indemnisation. () ". Enfin, l'article D. 6152-220-1 du même code dans sa rédaction applicable au litige dispose que : " Les indemnités et allocations mentionnées au 2° de l'article R. 6152-220 sont : / () / b) Des indemnités forfaitaires pour tout temps de travail additionnel accompli, sur la base du volontariat, au-delà des obligations de service hebdomadaires ; () ".
5. Aux termes de l'article 13 de l'arrêté du 30 avril 2003🏛 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, dans sa rédaction applicable au litige : " () / 2. a) Dès lors que, conformément au schéma régional de la permanence des soins et au projet médical partagé du groupement hospitalier de territoire mentionné au II de l'article L. 6132-2, les établissements parties au groupement ont adopté un schéma territorial de la permanence et de la continuité des soins organisé et coordonné au niveau du groupement hospitalier de territoire, le temps de travail additionnel accompli dans ces établissements est indemnisé comme suit : / Montant pour : / -une période : 319,46 ; / -une demi-période : 159,72 . / Les indemnités de sujétion mentionnées au 1 du A du présent article, perçues, le cas échéant, par les praticiens, ne sont pas déduites des montants versés au terme de chaque quadrimestre au titre des indemnités pour temps de travail additionnel. / Ces modalités d'indemnisation s'appliquent à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris ainsi que dans les établissements qui, par dérogation prévue au I de l'article L. 6132-1, ne sont pas partie à une convention de groupement hospitalier de territoire à compter du 1er juillet 2017. / b) A défaut de l'adoption du schéma territorial de la permanence et de la continuité des soins mentionné au a du 2 du A du présent article, les dispositions suivantes s'appliquent : / 2. Indemnité forfaitaire pour toute période de temps de travail additionnel accompli de jour du lundi matin au samedi après-midi inclus, sur la base du volontariat, au-delà des obligations de service hebdomadaires : / Montant pour : / - une période : 321,37 ; / - une demi-période : 160,68 . / Indemnité forfaitaire pour toute période de temps de travail additionnel accompli la nuit, le dimanche ou jour férié, sur la base du volontariat, au-delà des obligations de service hebdomadaires : / Montant pour : / - une période : 479,64 ; / - une demi-période : 239,83 . () ".
6. Il résulte de l'instruction que M. B a exercé ses fonctions de praticien des hôpitaux à temps partiel (60%) au sein du GHEF notamment pendant les années 2017, 2019 et 2020 au titre desquelles il demande le paiement des plages de TTA.
7. D'une part, il ressort de la décision du 5 février 2021 rejetant la réclamation préalable de M. B ainsi que des différents courriels produits, que le GHEF a refusé de lui verser une indemnité au titre du TTA effectué au cours des années 2017 et 2020 au motif que les plages de travail additionnelles, dont l'administration ne conteste pas qu'elles n'auraient pas été effectuées, auraient dû faire l'objet d'une récupération. Dans ces conditions, en l'absence de tout document établissant que M. B n'aurait pas réalisé du TTA pour les années 2017 et 2020, il est fondé à solliciter l'indemnisation de ces plages additionnelles de travail qu'il a accomplies au cours des années 2017 et 2020. D'autre part, il ressort des termes du courriel de la direction des affaires médicales de l'établissement du 4 décembre 2021, dans lequel est opéré un décompte en prévision du départ à la retraite de M. B, et dont la teneur n'est pas davantage contredite par les autres pièces du dossier, que M. B a effectué 38 jours de TTA au titre de l'année 2019. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction et, notamment, du courrier du 5 mars 2021 que l'ensemble des plages de TTA auraient fait l'objet d'une récupération. Or, le GHEF ne pouvait légalement imposer à M. B la récupération de ces heures travaillées au-delà de ses obligations de service hebdomadaires. Il suit de là que M. B est fondé à demander l'indemnisation des plages de TTA réalisées en 2017, 2019 et 2020.
8. Si M. B évalue à 107 jours le nombre total de jours de TTA accomplis, au titre desquels il comptabilise 38 jours de TTA pour l'année 2019, il résulte des autres pièces du dossier que le nombre des plages de TTA accomplies, qui varie entre 100 et 110 jours, peut être fixé à 100 jours en faisant jouer l'acquiescement aux faits résultant du silence conservé par l'administration après la mise en demeure du 18 février 2022. M. B est donc fondé à demander le paiement des 100 jours de TTA réalisés au cours des années 2017, 2019 et 2020, dont 38 jours effectués en 2019. Toutefois, en l'état de l'instruction, en l'absence d'éléments permettant de déterminer la somme due, il y a lieu de renvoyer M. B devant le GHEF afin qu'il soit procédé à la liquidation de la somme à laquelle il a droit.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
9. M. B a droit aux intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable, soit le 2 février 2021. Il y a lieu, en outre, de faire droit à sa demande de capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil. A cet égard, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts ayant été demandée pour la première fois par M. B le 22 septembre 2021, date à laquelle sa requête a été enregistrée au greffe du tribunal, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 2 février 2022, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GHEF une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le Grand hôpital de l'Est francilien est condamné à verser à M. B une indemnité compensatrice des plages temps de travail additionnel, correspondant à 100 (cent) jours de temps de travail additionnel réalisés sur les années 2017, 2019 et 2020, conformément aux motifs du présent jugement, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 février 2021, date de réception de sa demande indemnitaire préalable. Les intérêts échus à la date du 2 février 2022, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. M. B est renvoyé devant le
Grand hôpital de l'Est francilien pour qu'il soit procédé au calcul et à la liquidation de cette somme.
Article 2 : Le Grand hôpital de l'Est francilien versera à M. B une somme de 1 500 (mille-cinq-cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au
Grand hôpital de l'Est francilien.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Bonneau-Mathelot, présidente,
Mme Réchard, première conseillère,
Mme Luneau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.
La rapporteure,
J. RECHARD
La présidente,
S. BONNEAU-MATHELOT La greffière,
S. SCHILDER
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Article, 1343-2, C. civ. Article, R612-6, CJA Article, R6152-220, C. santé publ. Évaluation du montant Mise en demeure Établissement public Établissement d'hébergement Service hospitalier Direction Fonction publique hospitalière Paiement d'une rémunération Directeur Ordre public Tableaux de service Service hebdomadaire Activité hospitalière Travail accompli Schéma régional Modalités d'indemnisation Indemnité Demande préalable Indemnité compensatrice