Jurisprudence : TA Rennes, du 20-10-2023, n° 2105829


Références

Tribunal Administratif de Rennes

N° 2105829

4ème Chambre
lecture du 20 octobre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 novembre 2021 et 21 avril 2023, M. C B, agissant en qualité d'ayant droit de son épouse A B, représenté par Me Dupont, demande au tribunal :

1°) d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2021 par lequel la maire de Rennes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont a été victime A B le 21 mars 2018, ainsi que la décision du 16 septembre 2021 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre à la commune de Rennes de reconnaître que l'accident survenu le 21 mars 2018 constitue un accident de service et d'en tirer toutes les conséquences de droit ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Rennes la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article 4 de l'arrêté du 4 août 2004🏛 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière en l'absence de la présence d'un médecin spécialiste en neurologie lors de la séance de la commission de réforme du 8 novembre 2018 ;

- elle est entachée d'un vice de procédure au regard des articles 4 et 8 du même arrêté en l'absence de l'une des deux représentant de l'administration lors de la séance de la commission de réforme du 8 novembre 2018 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983🏛.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 6 avril 2022 et 6 juillet 2023, la commune de Rennes conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Par une lettre du 14 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative🏛, que le tribunal était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi en raison de l'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires à une fonctionnaire dont l'accident est survenu et les droits en matière d'imputabilité au service constitués avant le décret du 10 avril 2019🏛 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, en vigueur depuis le 12 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984🏛 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987🏛 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme René,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Me Dupont, représentant M. B.

Considérant ce qui suit :

1. A B, employée en tant qu'agent spécialisé des écoles par la commune de Rennes, était affectée à l'école maternelle Jean Rostand depuis le 1er octobre 2009. Elle a été victime d'un accident vasculaire cérébral sur son lieu de travail et pendant le temps de service le 21 mars 2018. Elle a été transportée en urgence au centre hospitalier universitaire de Rennes où elle est restée hospitalisée jusqu'au 30 mars 2018, date à laquelle elle est décédée. Une déclaration d'accident de service a été établie le 26 mars 2018. Le 8 novembre 2018, la commission de réforme a émis un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident. Par une décision du 16 novembre 2018, la maire de la commune de Rennes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident de A B. Saisi par M. C B, agissant en qualité d'ayant droit de son épouse, le tribunal administratif a, par le jugement n° 1901304 du 17 juin 2021, annulé cette décision pour défaut de motivation. Par un arrêté du 26 juillet 2021 dont M. B demande l'annulation, la maire de la commune de Rennes a à nouveau refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 21 mars 2018. Le 19 août 2021, M. B a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision, lequel a été rejeté par une décision du 16 septembre 2021. Par la présente requête, M. B demande l'annulation de ces deux dernières décisions des 26 juillet et 16 septembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, en vigueur à la date de l'accident de A B survenu le 21 mars 2018 : " " Le fonctionnaire en activité a droit : () / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / () Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite🏛, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ".

3. D'autre part, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires issu de l'ordonnance du 19 juillet 2017, créé par l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, et abrogé par l'ordonnance du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique : " I.-Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. () / II.-Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service () ".

4. L'application des dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire d'application, ces dispositions ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019.

5. Enfin, les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée.

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'arrêté attaqué, que la maire de la commune de Rennes, qui dans les motifs de cet arrêté cite le II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires issu de l'ordonnance du 19 juillet 2017 et conclut qu'" il résulte de l'instruction de la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident de service déclaré le 26/03/2018, que tant les conclusions de l'enquête administrative que les conclusions de l'expertise médicale mettent en évidence le détachement de l'accident dont A B a été victime de l'exercice du service, constituant ainsi une circonstance particulière au sens de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ", a fait application du nouveau régime issu de cet article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983.

7. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'accident vasculaire cérébral dont a été victime A B est survenu le 21 mars 2018. Par suite, sa demande était entièrement régie par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale précitée. En conséquence, en faisant application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la maire de la commune de Rennes a méconnu le champ d'application de la loi.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, que l'arrêté du 26 juillet 2021 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident de A B ainsi que la décision du 16 septembre 2021 rejetant le recours gracieux de M. B doivent être annulés.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. L'exécution du présent jugement implique seulement que la maire de la commune de Rennes procède à un nouvel examen de la demande de M. B tendant à la reconnaissance de l'accident de A B comme imputable au service. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Rennes le versement à M. B de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 26 juillet 2021🏛 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident de A B ainsi que la décision du 16 septembre 2021 rejetant le recours gracieux de M. B sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la maire de la commune de Rennes de procéder au réexamen de la demande de M. B tendant à la reconnaissance de l'accident de A B comme imputable au service dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : La commune de Rennes versera à M. B la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. C B et à la commune de Rennes.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Tronel, président,

Mme Pottier, première conseillère,

Mme René, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2023.

La rapporteure,

signé

C. René

Le président,

signé

N. Tronel

La greffière,

signé

E. Fournet

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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