Jurisprudence : TA Nice, du 24-01-2025, n° 2406933

TA Nice, du 24-01-2025, n° 2406933

A15646UH

Référence

TA Nice, du 24-01-2025, n° 2406933. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/115523811-ta-nice-du-24012025-n-2406933
Copier

Abstract

Le fait que la signature d'un contrat a eu lieu le lendemain de la communication d'un référé précontractuel le visant n'entraîne pas son annulation par le juge.


Références

Tribunal Administratif de Nice

N° 2406933


lecture du 24 janvier 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 décembre 2024 et 7 janvier 2025, la société Tessa, représentée par Me Romeo, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-18 du code de justice administrative🏛 :

1°) de prononcer la nullité du contrat passé entre la SNEF et la métropole Nice Côte d'Azur le 17 décembre 2024 portant sur la fourniture, installation et maintenance des équipements de terrain et solutions logicielles de radiocommunication.

2°) à titre subsidiaire, de résilier le contrat litigieux ;

3°) dans tous les cas, de mettre à la charge de la Métropole Nice Côte d'Azur une somme de 3 000 au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative🏛.

La société requérante soutient que :

- La Métropole n'aurait pas respecté le délai suspension de la signature du marché en méconnaissance de l'article L.551-1 du code de justice administrative🏛 ;

- La Métropole a manqué à ses obligations de publicité, à défaut d'apporter la preuve de la publication de l'appel à la concurrence au JOUE et de mise en concurrence en dénaturant l'offre des deux sociétés candidates quant à leur prix, en n'écartant pas l'offre de la société SNEF comme étant anormalement basse et comme ne justifiant pas des compétences techniques nécessaires pour l'exécution du marché ;

- En tant qu'attributaire sortant du marché litigieux, l'attribution irrégulière du nouveau marché à la SNEF lui a causé un préjudice direct et certain.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 et 7 janvier 2025, Métropole Nice Côte d'Azur conclut au rejet de la requête et à l'absence de la sanction prévue à l'article L.551-20 à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Tessa.

La Métropole soutient :

- Qu'elle n'a pas méconnu ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence ;

- Que c'est de bonne foi qu'elle a procédé à la signature du contrat dès lors qu'au moment de la signature le service en charge de la signature et de la notification du marché n'était pas pas informé du dépôt du référé précontractuel.

Par un mémoire distinct, enregistré le 16 janvier 2025, la Métropole conclut au rejet de la requête et à l'absence de la sanction prévue à l'article L.551-20 à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Tessa par les mêmes moyens que dans ses précédentes écritures et verse aux débats une pièce confidentielle qu'elle indique être couverte par le secret des affaires et demande qu'elle soit soustraite au contradictoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative🏛.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue, le 7 janvier 2025, M. A a lu son rapport et entendu :

- les observations de Me Roméo représentant la société Tessa ;

- les observations de Me David, représentant la métropole Nice Côte d'Azur ;

Vu l'ordonnance du 7 janvier 2025 fixant la clôture de l'instruction au 17 janvier 2025 à midi.

Vu les pièces tardives déposées par la société Tessa, enregistrées le 17 janvier 2025 à 16h29, non communiquées.

Considérant ce qui suit :

1. La société TESSA a saisi le juge des référés précontractuels sur le fondement de l'article L.551-1 du code de justice administrative, le 16 décembre 2024, aux fins d'annulation de la procédure de passation du marché lancée le 14 juin 2024 par la métropole Nice Côte d'Azur pour la " Fourniture, installation et de maintenance des réseaux de radiocommunications " dans le cadre d'un groupement de commandes dont elle est le coordonnateur. Dans le dernier état de ses écritures, la société requérante demande au juge des référés sur le fondement de l'article L.551-18 du même code, compte tenu de la signature du marché litigieux après l'enregistrement de la requête, de prononcer la nullité du marché ou à titre subsidiaire de le résilier.

2. Aux termes de l'article L. 551-13 du code de justice administrative🏛 : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section ". Aux termes de l'article L. 551-14 du même code🏛 : " Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local ". Aux termes de l'article L. 551-18 dudit code : " Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. / La même annulation est prononcée lorsque ont été méconnues les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique. / Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat ". Aux termes de l'article L. 551-19 de ce code🏛 : " Toutefois, dans les cas prévus à l'article L. 551-18, le juge peut sanctionner le manquement soit par la résiliation du contrat, soit par la réduction de sa durée, soit par une pénalité financière imposée au pouvoir adjudicateur ou à l'entité adjudicatrice, si le prononcé de la nullité du contrat se heurte à une raison impérieuse d'intérêt général. / Cette raison ne peut être constituée par la prise en compte d'un intérêt économique que si la nullité du contrat entraîne des conséquences disproportionnées et que l'intérêt économique atteint n'est pas directement lié au contrat () ". Enfin, selon l'article L. 551-20 : " Dans le cas où le contrat a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'en ce qui concerne l'ensemble des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, les manquements susceptibles d'être utilement invoqués dans le cadre du référé contractuel sont, comme les sanctions auxquelles ils peuvent donner lieu, limitativement définis aux articles L. 551-18 à L. 551-20 du même code. Ainsi, le juge des référés ne peut prononcer la nullité mentionnée à l'article L. 551-18, c'est-à-dire annuler le contrat, ou, le cas échéant, prendre les autres mesures prévues aux articles L. 551-19 et L. 551-20, que dans les conditions prévues à ces articles à savoir la méconnaissance du délai de suspension de signature qui aurait privé la requérante de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5 cumulée à la méconnaissance de ses obligations de publicité et de mise en concurrence d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat.

4. Aux termes de l'article R. 2182-1 du code de la commande publique🏛 : " Pour les marchés passés selon une procédure formalisée, un délai minimal de onze jours est respecté entre la date d'envoi de la notification prévue aux articles R. 2181-1 et R. 2181-3 et la date de signature du marché par l'acheteur. Ce délai minimal est porté à seize jours lorsque cette notification n'a pas été transmise par voie électronique ". Aux termes de l'article L.551-4 du code de justice administrative🏛 : " Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu'à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le courrier de rejet de son offre ayant été notifié à la requérante le 6 décembre, le délai de suspension de la signature de onze jours à compter de la notification a expiré le 16 décembre 2024 révolu. La métropole Nice Côte d'Azur, a signé l'acte d'engagement avec la société attributaire le 17 décembre 2024. Cependant, il est constant que la requête susvisée a été enregistré au greffe du TA de Nice le 16 décembre 2024, à 16h28, soit avant l'expiration du délai de suspension, et a été adressé à la Métropole le 16 décembre à 21h55 par la société requérante puis le 18 décembre à 15h25 par le greffe du Tribunal. La métropole Nice Côte d'Azur ne conteste pas avoir signé le contrat le lendemain du jour où elle a reçu communication du référé précontractuel litigieux en méconnaissance de l'article L. 551-4 du code de justice administrative. Si la Métropole soutient qu'elle a n'a pas eu pour objectif de faire obstacle au référé précontractuel mais qu'elle a signé le contrat en toute bonne foi, le service en charge de la signature du marché n'ayant pas été informé de la notification du recours, il est constant que l'obligation de suspension résultant de l'article L.551-4 du code de justice administrative a été méconnu.

6. S'agissant de la condition tenant à la méconnaissance de ses obligations de publicité par la Métropole, le moyen invoqué par la société requérante concernant le défaut de publication au Journal officiel de l'Union européenne manque en fait, la métropole ayant produit les preuves de ladite publication.

7. La société requérante soutient que la Métropole a méconnu ses obligations en matière de mise en concurrence d'une manière affectant ses chances de d'obtenir le contrat en dénaturant son offre et de celle de la société attributaire quant à l'appréciation de leurs prix et des compétences techniques.

8. Il ressort des pièces du dossier le prix total de l'offre de la société Tessa était de 2 459 171,24 euros et celui de la société attributaire 1 275 184,13 euros alors que l'estimation de la Métropole était de 1 936 355 euros de l'offre de la société TESSA était 27% supérieur à l'estimation de la Métropole et celle de la société attributaire était inférieure de 34%. La Métropole a adressé un courrier à l'attributaire et à la société requérante afin d'obtenir des explications sur les prix de leurs offres. Le courrier adressé à la société SNEF précise que son offre était susceptible d'être qualifié d'anormalement basse. Au vu des réponses, la Métropole a décidé de n'écarter aucune des deux offres. La réponse de la société attributaire, dont le Tribunal a demandé communication et qui n'a pas été versée au débat contradictoire afin de respecter le secret des affaires, précise que par la mutualisation de certains procédés et l'amortissement des moyens matériels permettaient d'importante économie sur les prix de la maintenance et que les partenariats avec les fournisseurs permettaient des rabais de 20 à 50% sur le matériel. Il s'ensuit que la Métropole a pu, sans dénaturer les offres des deux sociétés et sans méconnaître son obligation d'écarter une offre anormalement basse, considérer que les explications fournies par la société SNEF Connect sur ses prix étaient satisfaisantes et retenir que l'offre de cette dernière était économiquement la plus avantageuse.

9. La société TESSA soutient que l'offre de la société SNEF aurait été dénaturée en ce qu'elle ne dispose pas les compétences requises pour exécuter le marché. En l'absence de tout élément permettant d'établir que l'offre de la société attributaire aurait été irrégulière en ce qu'elle n'aurait pas correspondu aux stipulations du CCTP et dès lors qu'il n'appartient pas au juge du référé contractuel de se substituer au pouvoir adjudicateur dans l'appréciation de la valeur technique des offres, le moyen doit être écarté.

10. Il résulte des dispositions de l'article L. 551-20 du code de justice administrative précité, qui doivent être lues à la lumière de celles de l'article 2 sexies de la directive du Conseil du 21 décembre 1989 dont elles assurent la transposition, qu'en cas de conclusion du contrat avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre, comme en l'espèce, ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 du même code🏛, le juge du référé contractuel est tenu soit de priver d'effets le contrat en l'annulant ou en le résiliant, soit de prononcer une sanction de substitution consistant en une pénalité financière ou une réduction de la durée du contrat.

11. Pour déterminer la sanction à prononcer en application des dispositions de l'article L. 551-20 du code de justice administrative, il incombe au juge du référé contractuel qui constate que le contrat a été signé prématurément, en méconnaissance des obligations de délai rappelées à l'article L. 551-20 du code de justice administrative, d'apprécier l'ensemble des circonstances de l'espèce, en prenant notamment en compte la gravité du manquement commis, son caractère plus ou moins délibéré, la plus ou moins grande capacité du pouvoir adjudicateur à connaître et à mettre en œuvre ses obligations ainsi que la nature et les caractéristiques du contrat.

12. Aux termes de l'article L. 551-22 du code de justice administrative🏛 : " Le montant des pénalités financières prévues aux l'articles L. 551-19 et L. 551-20 tient compte de manière proportionnée de leur objet dissuasif, sans pouvoir excéder 20 % du montant hors taxes du contrat. Le montant de ces pénalités est versé au Trésor public ".

13. Il résulte de l'instruction que la Métropole a reconnu une erreur de ses services qui ont procédé à la signature du contrat litigieux le 17 décembre alors que le référé précontractuel présenté par la société requérante lui avait été communiqué la veille à 21h55. Il y a lieu, compte tenu des circonstances dans lesquelles la Métropole a méconnu l'article L.551-4 du code de justice administrative, de lui infliger une pénalité financière d'un montant de 2000 euros en application des dispositions de l'article L. 551-20 du code de justice administrative.

Sur les frais des instances :

14. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Tessa est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Métropole Nice Côte d'Azur présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Une pénalité de 2000 euros, qui sera versée au Trésor public, est mise à la charge de la métropole Nice Côte d'Azur en application des dispositions de l'article L. 551-20 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Tessa, à la Métropole Nice Côte d'Azur et à la société SNEF.

Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes.

Fait à Nice, le 24 janvier 2025.

Le juge des référés,

signé

P. A

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Ou par délégation, la greffière,

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus