Jurisprudence : TA Dijon, du 30-01-2025, n° 2300568


Références

Tribunal Administratif de Dijon

N° 2300568

3ème chambre
lecture du 30 janvier 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 mars 2023, le 20 juin 2023 et le 4 juillet 2023, Mme E A, représentée par Me Roumeas, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 19 décembre 2022 par laquelle le directeur de l'institut national d'enseignement supérieur pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, dit institut Agro Dijon, a rejeté sa demande tendant à ce que ses conditions de travail soient aménagées par l'octroi d'un jour supplémentaire de télétravail le mardi ;

2°) de condamner l'institut Agro Dijon à lui verser une indemnité de 10 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'institut Agro Dijon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Mme A soutient que :

- la décision refusant de lui accorder une journée supplémentaire de télétravail le mardi est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa demande résulte d'une préconisation du médecin de travail et n'excède pas le nombre de jours de télétravail autorisés par la note de service encadrant le télétravail, qu'aucune considération tenant à l'intérêt du service n'y fait obstacle, que la décision lui accordant ses jours actuels de télétravail précise que l'ensemble de ses tâches sont éligibles au télétravail " sauf travailler avec les équipes partenaires et tournages de films (et quelques réunions en interne) " ;

- la décision attaquée est entachée d'une rupture d'égalité de traitement, dès lors que d'autres collègues bénéficient de télétravail à hauteur de 100 % de leur temps de travail ;

- elle subit nécessairement un préjudice en raison de la violation, par son employeur, du principe d'égalité de traitement entre agents.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 mai 2023 et le 3 juillet 2023, l'institut Agro Dijon conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'institut Agro Dijon soutient que :

- la décision du 19 décembre 2022 constitue une mesure d'ordre intérieur ne faisant pas grief à l'intéressée, de sorte que les conclusions tendant à son annulation sont irrecevables ;

- les moyens d'annulation invoqués par la requérante ne sont pas fondés ;

- la requérante ne subit aucune rupture d'égalité et ne fait état d'aucun préjudice susceptible de fonder sa demande indemnitaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique.

- le décret n° 2016-151 du 11 février 2016🏛 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Desseix,

- les conclusions de M. C,

- les observations de Me Reinhard substituant Me Roumeas, représentant Mme A, et de Mme D représentant l'institut Agro Dijon.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A, ingénieure d'études à l'institut national d'enseignement supérieur pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, dit institut Agro Dijon, y exerce les fonctions de chef de projet de création de ressources pédagogiques numériques sur le site de Marmilhat, dédié à l'enseignement à distance. Elle a bénéficié d'une journée de télétravail par semaine au titre des années universitaires 2019-2020 et 2020-2021, puis d'une journée et demi de télétravail hebdomadaire à compter du 27 septembre 2021. Le 25 octobre 2022, dans le cadre d'une visite médicale, le médecin de prévention a préconisé un aménagement de son poste de travail par l'ajout d'un jour de télétravail fixe le mardi. Par courrier du 21 novembre 2022, la responsable adjointe du service des ressources humaines a informé Mme A qu'elle n'était pas autorisée à télétravailler le mardi. Ce refus a été confirmé par le directeur de l'établissement sur recours administratif de l'intéressée le 19 décembre 2022. Mme A demande au tribunal d'annuler cette dernière décision, d'enjoindre au directeur de l'institut Agro Dijon de lui accorder un jour de télétravail le mardi, et de condamner cet institut à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'une rupture d'égalité de traitement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 2 du décret du 11 février 2016🏛 visé ci-dessus, relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature : " Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux où il est affecté sont réalisées hors de ces locaux en utilisant les technologies de l'information et de la communication. Le télétravail peut être organisé au domicile de l'agent, dans un autre lieu privé ou dans tout lieu à usage professionnel () ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " La quotité des fonctions pouvant être exercées sous la forme du télétravail ne peut être supérieure à trois jours par semaine. Le temps de présence sur le lieu d'affectation ne peut être inférieur à deux jours par semaine () ". L'article 4 de ce décret dispose : " Il peut être dérogé aux conditions fixées à l'article 3 :1° Pour une durée de six mois maximum, à la demande des agents dont l'état de santé ou le handicap le justifient et après avis du service de médecine préventive ou du médecin du travail ; cette dérogation est renouvelable, après avis du service de médecine préventive ou du médecin du travail ; () ". Enfin, selon l'article 5 : " L'exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l'agent. Celle-ci précise les modalités d'organisation souhaitées, notamment les jours de la semaine travaillés sous cette forme ainsi que le ou les lieux d'exercice. Le chef de service, l'autorité territoriale ou l'autorité investie du pouvoir de nomination apprécie la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées, l'intérêt du service et, lorsque le télétravail est organisé au domicile de l'agent, la conformité des installations aux spécifications techniques précisées par l'employeur. () ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par note de service n° 09/2021 du 5 juillet 2021 mettant en œuvre le dispositif de télétravail à compter du 1er septembre 2021, la direction de l'institut Agro Dijon a prévu que si tous les jours de la semaine sont en principe éligibles au télétravail, le responsable d'un service peut, pour assurer son bon fonctionnement, imposer les jours de la semaine où la présence sur site est obligatoire. En l'espèce, il est constant que les jours de présence sur site dans le service où est affecté Mme A sont le mardi et le jeudi.

4. D'une part, si le médecin de prévention a préconisé un aménagement du poste de travail de Mme A, avec ajout d'un jour de télétravail fixe le mardi, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le choix de ce jour particulier résulterait de considérations médicales. Au contraire, il ressort des écritures mêmes de la requérante que sa demande est dictée par des motifs d'organisation personnelle, Mme A assurant le rôle d'aidant familial auprès de son père âgé de 95 ans et qui réside dans le Rhône. Au demeurant, l'employeur de Mme A a tenu compte de sa situation particulière en lui rappelant, dans son courrier du 21 novembre 2022, qu'il lui est possible " de disposer de trois jours de télétravail par semaine () tout en respectant l'organisation du travail validée pour la DirED qui exclut le télétravail le mardi et le jeudi ", et l'invitant, dans la décision attaquée, à se " rapprocher du service des ressources humaines et de la prévention qui pourra vous informer sur les différentes aides et dispositifs qui existent pour les agents se trouvant dans une situation de proche aidant ".

5. D'autre part, la circonstance que toutes les tâches de Mme A sont compatibles avec le télétravail, à l'exception du travail avec les équipes partenaires, du tournage de films ainsi que quelques réunions en interne, ne confère par elle-même aucun droit, pour l'intéressée, à bénéficier d'un jour de télétravail le mardi, alors que les modalités d'organisation du service, qui s'imposent à l'agent et dont il n'appartient pas au tribunal de contrôler la pertinence, prévoient la présence des agents sur site ce jour-là.

6. En second lieu, si Mme A soutient que certains agents placés dans une situation identique à la sienne sont autorisés à télétravailler à hauteur de 100 % de leur temps de travail, elle ne peut utilement invoquer, dans le présent recours en excès de pouvoir, une rupture d'égalité à l'effet d'obtenir un avantage qui ne lui est en tout état de cause pas légalement dû.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que les conclusions de Mme A tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2022 doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin de condamnation :

8. Si Mme A demande la condamnation de l'institut Agro Dijon à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de la rupture d'égalité de traitement dont elle s'estime victime, elle ne justifie, en tout état de cause, d'aucun préjudice causé par cette situation. Par suite, les conclusions indemnitaires doivent en tout état de cause être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent jugement, qui rejette les conclusions de la requête à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions présentées en ce sens par Mme A doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'institut Agro Dijon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

11. L'institut Agro Dijon, qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat et ne justifie pas avoir exposé des frais spécifiques à l'occasion de l'instance, n'est pas fondé à demander qu'une somme soit mise à la charge de Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'institut Agro Dijon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme E A et à l'institut national d'enseignement supérieur pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement " Agro Dijon ".

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Zupan, président,

- Mme Desseix, première conseillère,

- Mme Bois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 30 janvier 2025.

La rapporteure,

M. DesseixLe président,

D. Zupan

La greffière,

M. B

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

La greffière

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