Jurisprudence : Cass. com., 29-01-2025, n° 23-19.972, F-D, Cassation

Cass. com., 29-01-2025, n° 23-19.972, F-D, Cassation

A01736TL

Référence

Cass. com., 29-01-2025, n° 23-19.972, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/115360110-cass-com-29012025-n-2319972-fd-cassation
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COMM.

HM


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 janvier 2025


Cassation partielle sans renvoi


M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 48 F-D

Pourvoi n° J 23-19.972


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JANVIER 2025


La société Wipelec, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-19.972 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Exxelia, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de la société Wipelec, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Exxelia, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 juin 2023), depuis de nombreuses années la société Wipelec vend à la société Exxelia des pièces de haute technologie.

2. Soutenant avoir subi une baisse considérable des commandes de la part de la société Exxelia au cours de l'année 2018, la société Wipelec l'a assignée en réparation de son préjudice résultant de la rupture brutale de la relation commerciale établie.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Wipelec fait grief à l'arrêt de condamner la société Exxelia à lui verser la somme de 52 464,25 euros seulement, à titre de dommages et intérêts et de rejeter ses autres demandes, alors « qu'en cas de rupture brutale d'une relation commerciale établie, doit être indemnisé le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture, évalué en considération de la marge brute escomptée durant la seule période d'insuffisance de préavis ; que, par suite, lorsque cette rupture est seulement partielle, cette indemnisation tient compte de la perte partielle de cette marge pendant la période d'insuffisance de préavis, sans qu'il y ait lieu d'en déduire la marge brute éventuellement réalisée postérieurement à cette période ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Exxelia avait passé commande à la société Wipelec pour des montants de 13 879,11 euros au second semestre 2018, puis de 21 725,48 euros en 2019 et de 10 425 euros en 2020, soit au total un peu plus de 46 000 euros ; que, pour limiter les dommages-intérêts dus à la société Wipelec à la somme de 52 464,25 euros, la cour d'appel, après avoir considéré que la société Exxelia aurait dû respecter un délai de six mois de préavis à compter du 1er juillet 2018, a énoncé que si la perte de marge sur la durée d'insuffisance de préavis s'élève à la somme de 91 566,25 euros, la rupture ayant été partielle, il convient de déduire de cette somme les marges réalisées sur les commandes postérieures au 1er juillet 2018, soit, au regard d'un taux de marge sur coûts variables de 85 %, la somme arrondie de 39 102 euros (46 002 euros x 85 %) ; qu'en déduisant ainsi du préjudice indemnisable la marge réalisée par la société Wipelec postérieurement à l'expiration de la période d'insuffisance sur préavis, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce🏛, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019🏛. »


Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La société Exxelia conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

5. Cependant, le moyen est né de la décision attaquée.

6. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, et le principe de la réparation intégrale du préjudice :

7. Selon ce texte, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale.

8. Pour condamner la société Exxelia à verser à la société Wipelec la somme de 52 464,25 euros à titre de dommages-intérêts pour avoir brutalement rompu leur relation commerciale établie en réduisant de manière drastique ses commandes à partir du 1er juillet 2018, sans respecter le préavis de six mois qu'elle devait à sa partenaire, l'arrêt retient que la perte de marge correspondant à la durée du préavis non respecté s'élève à la somme de 91 566,25 euros, mais que la rupture ayant été partielle, il convient de déduire de ce montant, la somme de 39 102 euros, correspondant aux marges réalisées sur les commandes passées par la société Exxelia au second semestre 2018, en 2019 et en 2020.

9. En statuant ainsi, alors qu'en cas de rupture partielle d'une relation commerciale établie, le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la diminution de la marge brute escomptée pendant la seule durée du préavis, la cour d‘appel a violé le texte et le principe susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

12. Ainsi que l'a retenu la cour d'appel, par des motifs non critiqués, le taux de marge sur coûts variables réalisé par la société Wipelec est de 85 %, la marge moyenne mensuelle s'élève à 15 261 euros et, en conséquence, la perte de marge sur la durée du préavis non respecté est de 91 566,25 euros (15 261 euros x 6 mois).

13. Toutefois, la rupture ayant été partielle, il convient de déduire de cette somme les marges réalisées au second semestre 2018, correspondant au préavis non respecté de six mois. Le chiffre d'affaires réalisé par la société Wipelec avec la société Exxelia au cours de cette période est de 13 877,11 euros. La marge réalisée au cours du second semestre 2018 est donc de 11 795,54 euros (13 877 euros x 85 %).

14. Il y a dès lors lieu de condamner la société Exxelia a payer à la société Wipelec la somme de 79 770,71 euros (91 566,26 - 11 795,54 euros).


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à la somme de 52 464,25 euros le montant des dommages et intérêts que la société Exxelia est condamnée à verser à la société Wipelec, l'arrêt rendu le 7 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Exxelia à verser à la société Wipelec la somme de 79 770,71 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la société Exxelia aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Exxelia et la condamne à payer à la société Wipelec la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du vingt-neuf janvier deux mille vingt-cinq et signé par M. Mollard, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de M. Vigneau, président, empêché, le conseiller rapporteur et le greffier de chambre conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile🏛🏛🏛.

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