Jurisprudence : Cass. civ. 2, 23-01-2025, n° 23-16.837, F-D, Cassation

Cass. civ. 2, 23-01-2025, n° 23-16.837, F-D, Cassation

A29326SE

Référence

Cass. civ. 2, 23-01-2025, n° 23-16.837, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/115178988-cass-civ-2-23012025-n-2316837-fd-cassation
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CIV. 2

FD


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 janvier 2025


Cassation partielle


Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 70 F-D

Pourvoi n° B 23-16.837

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [Aa].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 août 2023.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2025


Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 23-16.837 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2022 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre civile TGI), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [SAa [J],

2°/ à Mme [S] [Aa], en qualité de représentante légale de [U] [P] né le [Date naissance 3] 2010,

tous deux domiciliés [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Ab de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [Aa], prise tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son fils [U] [P], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 18 novembre 2022), le 4 juillet 2012, [M] [P] a été victime d'un meurtre.

2. Mme [Aa], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de [U] [P], enfant issu de sa relation avec la victime, a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) en indemnisation de ses préjudices et de ceux subis par son fils.


Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) fait grief à l'arrêt, d'une part, d'infirmer le jugement en ce qu'il avait alloué à Mme [Aa] en qualité de représentante légale de son fils [U] [P], la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice économique, d'autre part, d'allouer la somme de 30 000 euros à [U] [P] au titre de son préjudice économique, alors « que la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne saurait être appréciée de manière forfaitaire ; qu'en jugeant, après avoir constaté par motifs propres que "Mme [Aa], malgré la durée de l'instance pénale et la durée de l'instance devant la CIVI, puis en appel, n'a pas réussi à produire le moindre document relatif aux ressources et charges de [M] [P]", ni "aucun élément relatif à leur éventuelle vie commune ni aux modalités de prise en charge de l'enfant par son père entre sa naissance en 2010 et le décès de [M] [P]", et par motifs adoptés que "les pièces versées aux débats ne permettent pas d'apprécier les revenus annuels du foyer avant décès", que la CIVI avait "justement retenu la solution forfaitaire réduite à hauteur de 30 000 euros", la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale. »


Réponse de la Cour

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

5. Pour évaluer le préjudice économique subi par le fils de la victime, l'arrêt énonce que la CIVI a justement retenu la solution forfaitaire à hauteur de 30 000 euros, correspondant à l'appréciation de la cour d'assises statuant sur les intérêts civils à la suite de sa décision pénale, ayant alors statué en pleine connaissance de cause.

6. En statuant ainsi, alors que la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne saurait être appréciée de manière forfaitaire, la cour d'appel a violé le principe susvisé.


Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. Le FGTI fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la CIVI tient compte des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs au titre du même préjudice ; que sont seules dépourvues de caractère indemnitaire les prestations qui sont indépendantes dans leurs modalités de calcul et d'attribution de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun ; qu'en jugeant, pour refuser de déduire de l'indemnité qu'elle allouait à [U] [P] les sommes qui lui avaient été versées par un assureur en exécution d'un contrat d'assurance-décès, que "l'indemnité versée par un assureur, consécutive à un contrat d'assurance décès, ne vise pas à réparer un préjudice économique d'un bénéficiaire de la stipulation pour autrui, mais ne résulte que de la simple exécution du contrat d'assurance, qui ne relève pas de l'énumération de l'article 706-9 du code de procédure pénale🏛", sans rechercher si, compte tenu de ses modalités de calcul et d'attribution, cette indemnité présentait un caractère forfaitaire ou indemnitaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-9 du code de procédure pénale. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 706-9 du code de procédure pénale :

8. Selon ce texte, la CIVI tient compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice, outre des prestations et sommes énumérées, des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs au titre du même préjudice.

9. Pour dire n'y avoir lieu à déduire de la somme allouée à [U] [P] en réparation de son préjudice économique l'indemnité d'assurance qu'il a perçue au titre d'un contrat d'assurance décès souscrit par [M] [P] en faveur de son fils, l'arrêt énonce que l'indemnité versée par un assureur, consécutive à un contrat d'assurance décès, ne vise pas à réparer un préjudice économique d'un bénéficiaire de la stipulation pour autrui mais ne résulte que de la simple exécution du contrat d'assurance, qui ne relève pas de l'énumération de l'article 706-9 du code de procédure pénale.

10. En statuant ainsi, alors que la CIVI doit déduire des sommes qu'elle alloue aux victimes par ricochet, outre les prestations et sommes dont la déduction est prévue par énumération de la loi, le capital décès versé en exécution d'un contrat d'assurance, dès lors que, au regard de ses modalités de calcul et d'attribution, celui-ci présente un caractère indemnitaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation des chefs de dispositif statuant sur le préjudice économique de [U] [P] n'emporte pas celle du chef de dispositif laissant les dépens à la charge de l'Etat, justifié par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement, d'une part, en ce qu'il infirme le jugement en tant qu'il a alloué à Mme [Aa] en qualité de représentante légale de son fils [U] [P], la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice économique, d'autre part, en ce qu'il dit n'y avoir lieu à déduction de l'indemnité d'assurance perçue au titre de l'assurance décès souscrite par [M] [P] en faveur de son fils [U] [P], en ce qu'il alloue la somme de 30 000 euros à [U] [P] au titre de son préjudice économique, et en ce qu'il dit que le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions devra verser cette somme à Mme [Aa], en qualité de représentante légale de son fils mineur, l'arrêt rendu le 18 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt-cinq.

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