Jurisprudence : Cass. civ. 3, 23-01-2025, n° 23-18.984, F-D, Cassation

Cass. civ. 3, 23-01-2025, n° 23-18.984, F-D, Cassation

A27796SQ

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Cass. civ. 3, 23-01-2025, n° 23-18.984, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/115178835-cass-civ-3-23012025-n-2318984-fd-cassation
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Abstract

Le copreneur, qui continue à exploiter alors que son copreneur a cessé son exploitation, peut demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom ; ce n'est qu'une simple faculté, dont le non-usage ne constitue pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime, de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1° du même code.


CIV. 3

CL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 janvier 2025


Cassation


Mme TEILLER, président


Arrêt n° 47 F-D

Pourvoi n° K 23-18.984


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2025


M. [T] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 23-18.984 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2023 par la cour d'appel d'Amiens (chambre baux ruraux), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Aa] [H], domicilié [… …],

2°/ à Mme [J] [P], domiciliée [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [P], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 25 mai 2023, RG n° 22/04400), M. [Aa] [H] (le bailleur) a donné à bail à [I] [P] et M. [T] [P] diverses parcelles.

2. Les parcelles louées ont été mises à la disposition de la société civile d'exploitation agricole [P] frères (la SCEA), dont [I] [P], M. [T] [P] et Mme [J] [P], fille adoptive du premier, étaient associés exploitants.

3. [I] [P] est décédé le 10 décembre 2017 laissant pour lui succéder sa fille, Mme [J] [P].

4. Après avoir reçu un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la SCEA en date du 15 octobre 2018 faisant état de la cessation d'activité de M. [T] [P], le bailleur a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation des baux et en expulsion.

5. Mme [J] [P] est intervenue volontairement à l'instance.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. M. [T] [P] fait grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de ses demandes, de prononcer la résiliation des baux l'unissant à M. [Aa] [H] et d'ordonner son expulsion, alors :

« 1°/ qu'en cas de cessation d'activité de l'un des copreneurs, le copreneur qui continue à exploiter a la faculté - et non l'obligation - de demander au bailleur que le bail se poursuive à son seul nom ; qu'en retenant, pour prononcer la résiliation des baux, qu'alors que [T] [P] copreneur des trois baux en cause cessait son activité, [J] [P] copreneur de ces baux qui continuait à exploiter, n'a pas demandé au bailleur, alors que la loi lui en faisait obligation, que les baux se poursuivent à son seul nom, la cour d'appel a violé les articles L. 411-31, L. 411-35 et L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime🏛🏛🏛 ;

2°/ que le départ de l'un des copreneurs n'est pas en soi une cause de résiliation du bail ; qu'il s'ensuit qu'en cas de manquement du copreneur restant à son obligation de demander au bailleur que le bail se poursuive à son seul nom, le bailleur ne peut obtenir la résiliation du bail que s'il justifie d'un préjudice ; qu'en retenant, pour prononcer la résiliation des baux, que [J] [P], copreneur des trois baux qui continuait à exploiter, après la cessation d'activité de [T] [P] copreneur, n'a pas demandé au bailleur que les baux se poursuivent à son seul nom, manquement qui entraîne la résiliation sans que le bailleur ait à démontrer l'existence d'un préjudice, la cour d'appel a violé les articles L. 411-31, L. 411-35 et L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime. »


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 411-31, II, 1° et 3°, L. 411-35, alinéas 1er et 3, et L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime🏛 :

7. Selon le deuxième de ces textes, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur. Lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom.

8. Selon le dernier, le preneur, associé d'une société à objet principalement agricole qui met à la disposition de celle-ci tout ou partie des biens dont il est locataire, doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l'exploitation du bien loué mis à disposition, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation.

9. Selon le premier, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie soit d'une contravention aux dispositions de l'article L. 411-35, soit, si elle est de nature à lui porter préjudice, d'une contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application de l'article L. 411-37.

10. Il est jugé, d'une part, que la formalité prévue par le troisième alinéa de l'article L. 411-35 précité a pour objet de permettre au preneur resté en activité de régulariser la poursuite du bail à son seul nom et de préserver ainsi sa faculté de le céder, ce texte ne créant, pour le copreneur resté en activité, qu'une simple faculté, dont le non-usage ne constitue pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35, de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1° (3e Civ., 30 novembre 2023, pourvoi n° 21-22.539⚖️, publié), d'autre part, que le preneur ou, en cas de cotitularité, tous les preneurs, qui, après avoir mis le bien loué à la disposition d'une société, ne participent plus aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation, abandonnent la jouissance du bien loué à cette société et procèdent ainsi à une cession prohibée du droit au bail à son profit (3e Civ., 12 octobre 2023, pourvois n° 21-20.212 et 21-22.101⚖️, publiés).

11. Il en résulte que, lorsque l'un des copreneurs cesse de participer à l'exploitation du bien loué mis à la disposition d'une société dont il est associé, le bailleur est tenu de démontrer que ce manquement est de nature à lui porter préjudice.

12. Pour prononcer la résiliation des baux, l'arrêt retient qu'après le décès d'[I] [P], ils se sont poursuivis au profit de sa fille adoptive, Mme [J] [P], M. [T] [P] ayant toujours la qualité de copreneur, que M. [T] [P] a cessé son activité, en devenant associé non exploitant de la SCEA, et que Mme [J] [P], copreneur continuant à exploiter, n'a pas demandé au bailleur, alors que la loi lui en faisait obligation, que les baux se poursuivent à son seul nom.

13. Il en déduit qu'il s'agit d'un manquement aux obligations nées des baux qui entraîne la résiliation de ces derniers, en application des dispositions combinées des articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime, sans que le bailleur ait à démontrer l'existence d'un préjudice.

14. En se déterminant ainsi, alors que le non-usage de la faculté prévue au troisième alinéa de l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ne constitue pas une infraction de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°, du même code, et sans constater que la contravention aux dispositions de l'article L. 411-37, qu'elle retenait, était de nature à porter préjudice au bailleur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne M. [Aa] [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt-cinq.

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