SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 janvier 2025
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 76 F-D
Pourvoi n° D 23-16.172
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2025
La société Soge prop, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Ultra propr' services, a formé le pourvoi n° D 23-16.172 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à Mme [H] [U], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Soge prop, après débats en l'audience publique du 11 décembre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 janvier 2023) et les productions, Mme [U] a été engagée le 12 octobre 2015 en qualité d'agente de service par la société Ultra propr' services aux droits de laquelle vient la société Soge prop (la société), selon un contrat de travail à durée déterminée qui s'est poursuivi par un contrat à durée indéterminée.
2. La salariée a été placée en arrêt de travail le 7 juin 2018, prolongé à plusieurs reprises. Elle a été déclarée inapte à tous les postes de l'entreprise le 10 octobre 2018, convoquée à la date du 6 novembre suivant pour un entretien préalable à son licenciement éventuel et licenciée, par lettre du 9 novembre 2018, en raison de son inaptitude et de l'impossibilité de procéder à son reclassement.
3. Soutenant que son licenciement avait été prononcé en violation du statut protecteur du représentant d'une section syndicale, la salariée a saisi, le 15 février 2019, la juridiction prud'homale notamment en annulation de cette mesure.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée nul car prononcé en violation des dispositions relatives au statut des salariés protégés, de la condamner à payer à la salariée des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et d'indemnité pour violation du statut protecteur, alors :
« 1°/ que selon l'
article L. 2142-1-2 du code du travail🏛, ''les dispositions des articles L. 2143-1 et L. 2143-2 relatives aux conditions de désignation du délégué syndical, celles des articles L. 2143-7 à L. 2143-10 et des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 2143-11 relatives à la publicité, à la contestation, à l'exercice et à la suppression de son mandat et celles du livre IV de la présente partie relatives à la protection des délégués syndicaux sont applicables au représentant de la section syndicale'' ; qu'il résulte des articles L. 2143-7 et D. 2143-4 du même code que les nom et prénoms des délégués syndicaux, du délégué syndical central et du représentant syndical au comité d'entreprise sont portés à la connaissance de l'employeur par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise contre récépissé ; que ne suffit pas à informer l'employeur de la désignation d'un salarié comme représentant de section syndicale, la lettre qui lui reproche d'avoir refusé de prendre en compte une désignation antérieure ; qu'en l'espèce, par lettre recommandée du 29 juin 2018, le défenseur syndical de la salariée a transmis à l'employeur ses réclamations financières et proposé une transaction, après avoir reproché notamment à l'employeur son ''refus de prendre en compte la désignation (
) comme représentante de section syndicale'' en joignant une lettre de désignation antérieure non portée à sa connaissance par lettre recommandée avec avis de réception, ou par lettre remise contre récépissé ; qu'en décidant que ''l'information de l'employeur tenant à la désignation de Mme [U] en qualité de représentante de section syndicale a été réalisée par le courrier du 29 juin 2018 et de ses annexes, singulièrement la copie du courrier émanant de la CFDT daté du 10 novembre 2017", la cour d'appel a violé les
articles L. 2142-1-2, L. 2143-7 et D. 2143-4 du code du travail🏛🏛 ;
2°/ qu'il est interdit aux juges de dénaturer les documents de la cause ; que ne suffit pas à informer de manière claire et précise l'employeur de la désignation d'un salarié comme représentant de section syndicale d'un syndicat, qui par hypothèse doit être nouvelle, la lettre de son défenseur syndical transmettant à l'employeur ses réclamations financières en vue d'obtenir une transaction et lui reproche son ''refus de prendre en compte la désignation comme représentante de section syndicale'' en joignant une lettre de désignation datant de plusieurs mois non portée à sa connaissance par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise contre récépissé, se prévalant ainsi, sans ambiguïté, d'une désignation ancienne non régulièrement délivrée ; qu'en constatant que ''l'information de l'employeur tenant à la désignation de Mme [U] en qualité de représentante de section syndicale a été réalisée par le courrier du 29 juin 2018 et de ses annexes, singulièrement la copie du courrier émanant de la CFDT daté du 10 novembre 2017", la cour d'appel a dénaturé les termes et la portée du courrier du 29 juin 2018 qui n'informait pas l'employeur d'une désignation mais lui reprochait son refus de prendre en compte une désignation antérieure ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
3°/ que la cour d'appel ne peut infirmer le jugement qui lui est déféré sans en réfuter les motifs déterminants ; qu'en statuant sans avoir réfuté les motifs péremptoires du jugement selon lesquels Mme [U] ''ne peut se prévaloir de la connaissance par la société Ultra propr' services de sa désignation comme représentante de section syndicale pour le syndicat CFDT services de la Gironde par la seule production d'une lettre émanant du secrétaire adjoint de cette entité, datée du 10 novembre 2017, mais non revêtue de la signature d'un représentant de la défenderesse. Aucune remise contre décharge de cette désignation n'est donc caractérisée, ni d'envoi par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. [Elle] ne fait pas en outre état de démarches entreprises auprès de son ancien employeur pour exercer concrètement cette qualité de représentante de section syndicale, notamment par l'usage d'heures de délégation. La lettre du 29 juin 2018 du défendeur syndical de Mme [H] [U], rattaché au syndicat CFDT, qui fait référence au refus de la défenderesse « de prendre en compte la désignation de Mme [U] en tant que représentante de section syndicale » doit être appréciée dans ce contexte. Les propos du défenseur syndical n'engagent pas le syndicat supposé avoir procédé à la désignation litigieuse plus de sept mois auparavant et, en l'absence d'élément complémentaire, s'apparent à une reprise des dires de Mme [H] [U], étant en outre observé les contours imprécis de cette référence à la désignation car non datée", la cour d'appel a violé l'
article 954 du code de procédure civile🏛. »
Réponse de la Cour
5. Les modalités de notification de la désignation d'un représentant de section syndicale résultant des articles L. 2143-7, L. 2142-1-2 et D. 2143-4 du code du travail ne sont prévues que pour en faciliter la preuve et non comme condition de sa validité.
6. Ayant constaté que la lettre du 10 novembre 2017 de désignation de la salariée en qualité de représentante de section syndicale, signée par le secrétaire adjoint du syndicat CFDT, avait été annexée à la lettre du 29 juin 2018 adressée en recommandé avec avis de réception à l'employeur par le défenseur syndical appartenant au même syndicat, la cour d'appel a estimé, sans dénaturation des termes clairs et précis de cette pièce, qu'à la date de convocation de la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, le 25 octobre 2018, l'employeur était informé de l'existence de ce mandat, de sorte que le licenciement, prononcé en l'absence d'autorisation administrative de licenciement, était nul en raison de la violation du statut protecteur.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Soge prop, venant aux droits de la société Ultra propr' services, aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Soge prop, venant aux droits de la société Ultra propr' services ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt-cinq.