Jurisprudence : Cass. civ. 3, 23-01-2025, n° 23-19.970, FS-B, Rejet

Cass. civ. 3, 23-01-2025, n° 23-19.970, FS-B, Rejet

A39546RU

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2025:C300039

Identifiant Legifrance : JURITEXT000051243423

Référence

Cass. civ. 3, 23-01-2025, n° 23-19.970, FS-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/115057942-cass-civ-3-23012025-n-2319970-fsb-rejet
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Abstract

Si le locataire n'a pas qualité pour agir en reconnaissance de l'existence d'une servitude de passage au profit du fonds qu'il loue, il peut, en cas d'atteinte au droit de passage bénéficiant à ce fonds susceptible de constituer un trouble manifestement illicite, agir en référé pour réclamer, sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, le rétablissement dudit passage


CIV. 3

FC


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 janvier 2025


Rejet


Mme TEILLER, président


Arrêt n° 39 FS-B

Pourvoi n° H 23-19.970


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2025



La société [Adresse 3], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 23-19.970 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre1-2), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Aa] [V],

2°/ à Mme [B] [U],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.


Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [Adresse 3], de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. [V] et de Mme [U], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, consieller doyen, Ab Ac, Ad, M. A, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mmes Ae, Aldigé, Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 juin 2023) statuant en référé, par acte sous seing privé du 1er avril 1999, Mme [Af] a donné en location à M. [Ag] et Mme [U] une villa, correspondant à la parcelle cadastrée section KH n° [Cadastre 1], voisine de celle appartenant à la société civile immobilière [Adresse 3] (la SCI), cadastrée section KH n° [Cadastre 2].

2. Invoquant un trouble manifestement illicite tenant à l'obstruction par la SCI du chemin traversant sa propriété qu'ils empruntent pour accéder en véhicule à leur logement, M. [Ag] et Mme [U] l'ont assignée, en référé, en retrait de la chaîne et d'un écriteau empêchant un accès libre et suffisant à leur habitation.

3. La SCI a soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [Ag] et Mme [U].


Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [Ag] et Mme [U], et de lui ordonner de déposer


le dispositif avec chaîne munie d'un écriteau « accès interdit propriété privée », alors « que le simple occupant d'un fonds, tel un locataire, n'a pas qualité pour se prévaloir de la servitude conventionnelle de passage bénéficiant à ce fonds ; que la SCI opposait une telle fin de non-recevoir à M. [Ag] et Mme [Ah], dont il est constant qu'ils étaient locataires de la parcelle de Mme [Af] et qu'ils fondaient leur action sur un trouble manifestement illicite tenant à l'empêchement d'exercer le droit de passage qu'ils tenaient de la servitude conventionnelle de passage bénéficiant à la parcelle de leur bailleresse ; qu'en écartant cette fin de non-recevoir au motif que le litige ne concernait pas l'existence et l'assiette d'un droit de passage consenti à une personne non-partie à la procédure mais l'existence d'un trouble manifestement illicite dont M. [Ag] et Mme [U] seraient directement et personnellement victimes du fait de l'obstruction de ce passage, la cour d'appel a violé les articles 31 et 32 du code de procédure civile🏛🏛. »


Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

7. Aux termes de l'article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

8. Selon l'article 835, alinéa 1er, de ce code🏛, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

9. Si le locataire n'a pas qualité pour agir en reconnaissance de l'existence d'une servitude de passage au profit du fonds qu'il loue, il peut, en cas d'atteinte au droit de passage bénéficiant à ce fonds susceptible de constituer un trouble manifestement illicite, agir en référé pour réclamer le rétablissement dudit passage.

10. Ayant relevé que l'action de M. [Ag] et Mme [U] ne concernait pas la reconnaissance d'un droit de passage consenti au profit du fonds loué, la fixation ou le rétablissement de son assiette, mais visait à obtenir les mesures propres à faire cesser le trouble qu'ils dénonçaient, résultant de l'obstruction d'une voie carrossable desservant leur domicile, la cour d'appel en a exactement déduit qu'ils étaient recevables à agir, en référé, pour réclamer le rétablissement du passage.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.


Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. La SCI fait grief à l'arrêt de lui ordonner de déposer le dispositif avec chaîne munie d'un écriteau « accès interdit propriété privée », alors « qu'en déduisant le trouble manifestement illicite de ce que M. [Ag] et Mme [U] tiraient leur droit de passage de la servitude conventionnelle de passage bénéficiant au fonds de Mme [J] et de ce que la SCI faisait obstacle à ce passage, quand M. [Ag] et Mme [U], simples occupants de la parcelle de Mme [Af], qu'ils avaient prise à bail, ne pouvaient se prévaloir de la servitude conventionnelle de passage, la cour d'appel a violé l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile. »


Réponse de la Cour

13. La cour d'appel a, d'abord, retenu que l'existence d'une servitude de passage bénéficiant à la parcelle appartenant au bailleur de M. [Ag] et Mme [U] ressortait du titre de propriété du 1er avril 1999, puis a énoncé, à bon droit, que ces derniers pouvaient s'en prévaloir pour démontrer l'existence d'un trouble manifestement illicite, tenant à l'entrave faite à ce passage.

14. Elle a, ensuite, relevé que le chemin en litige était le seul carrossable permettant un accès en véhicule à la villa louée à M. [Ag] et Mme [U], et que ces derniers l'avaient régulièrement emprunté sans aucune opposition de la part de la SCI, avant que celle-ci ne décide d'installer, en invoquant le droit de se clore, une chaîne surmontée d'un panneau « propriété privée défense d'entrer ».

15. Elle a pu en déduire que le dispositif installé, qui interdisait le passage et empêchait la desserte complète du fonds loué par M. [Ag] et Mme [U], constituait un trouble manifestement illicite.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société civile immobilière [Adresse 3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société civile immobilière [Adresse 3] et la condamne à payer à M. [Ag] et Mme [U] la somme globale de 3 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt-cinq.

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