CK/KG
ARRÊT N° 739
R.G 11/05199
Z
Me Sylvie Y -
Représentant des
créanciers de Mme
Geneviève ZX
C/
W
CGEA DE BORDEAUX
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2013
Numéro d'inscription au répertoire général 11/05199
Décision déférée à la Cour Jugement au fond du 10 novembre 2011 rendu par le Conseil de Prud'hommes de SAINTES.
APPELANTES
Madame Geneviève ZX
SOUMERAS
Représentée par Me Thierry LE GALL, avocat au barreau de BERGERAC
Me Y Sylvie - Représentant des créanciers de Mme Madame Z Geneviève
SAINTES CEDEX
Représentée par Me Patrick ..., substitué par Me Delphine MICHOT, avocats au barreau de POITIERS
INTIMÉS
Monsieur Philippe W
CALUIRE ET CUIRE
Représenté par Me Alexandra DUPUY, avocat au barreau de LA ROCHELLE
CGEA DE BORDEAUX
BORDEAUX CEDEX
Représenté par Me Patrick ..., substitué par Me Delphine MICHOT, avocats au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Octobre 2013, en audience publique, devant
Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de
Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente
Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller
Monsieur Jean-Paul FUNCK-BRENTANO, Conseiller
GREFFIER, lors des débats Madame Marie-Laure MAUCOLIN
ARRÊT
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Madame Christine PERNEY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. W a été engagé par Mme Z, propriétaire du château de la Bruyère, en qualité d'employé toutes mains niveau 2, aux termes d'un contrat à durée indéterminée du 1er août 2008, prévoyant un temps plein de 35 heures hebdomadaires.
Mme Z a bénéficié du statut d'auto-entrepreneur à compter du 2 avril 2009, pour exploiter des chambres d'hôtes, et les bulletins de salaire de M. W postérieurs à février 2010 ont visé la convention collective des personnels des sociétés anonymes et fondations d'Hlm en lieu et place de la convention collective des salariés du particulier employeur visée depuis l'embauche.
Selon jugement du tribunal de commerce de Saintes en date du 2 juillet 2009 Mme Z a été placée en redressement judiciaire. Cette procédure a été convertie en plan de continuation homologué par jugement du tribunal de commerce de Saintes en date du 3 novembre 2011 aux termes duquel Me Y a été désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 novembre 2010 M. W a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Le 17 février 2011 M. W a saisi le conseil de prud'hommes de Saintes pour obtenir paiement d'un rappel de salaires et primes sur les années 2008 à 2010, et pour faire produire à la prise d'acte les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse avec toutes conséquences de droit.
Par jugement réputé contradictoire en date du 10 novembre 2011 le conseil de prud'hommes de Saintes a notamment, après avoir retenu dans ses motifs que la rupture des relations contractuelles s'analysait comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
* fixé les créances de M. W aux opérations de procédure collective concernant Mme Z aux sommes de
- 2 651,76 euros au titre des congés payés (brut),
- 1 349,22 euros au titre de l'indemnité de préavis (brut),
- 628,05 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement (brut, sic),
- 6 225,30 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 21 325,30 euros au titre des rappels de salaires sur la période 2008, 2009, 2010,
- 3 113,88 euros au titre de rappel des primes de gratification de fin d'année 2008, 2009, 2010,
- 2 176,52 euros au titre des primes de vacances 2008, 2009 et 2010,
- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non remise de l'attestation Pôle emploi,
- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* ordonné à Mme Z de remettre à M. W ses bulletins de salaire, son certificat de travail et l'attestation Pôle emploi sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 21ème jour de la notification du jugement pour une durée de 30 jours, et s'est réservé le droit de liquider l'astreinte,
* dit le jugement opposable au Cgea de Bordeaux,
* débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
* dit que les dépens réputés frais privilégiés de la procédure collective.
Vu l'appel régulièrement interjeté par Mme Z.
Vu les conclusions déposées le 18 septembre 2013 et développées oralement à l'audience de plaidoiries par lesquelles l'appelante demande notamment à la cour de réformer la décision déférée, de dire que la prise d'acte est une démission de M. W, de le débouter de l'ensemble de ses demandes ou subsidiairement de compenser l'éventuel reliquat de salaires avec les loyers impayés et de le condamner à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 14 octobre 2013 et développées oralement à l'audience de plaidoiries par lesquelles M. W sollicite notamment la confirmation de la décision déférée et la condamnation de Mme Z à lui payer une somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 24 septembre 2013 et développées oralement à l'audience de plaidoiries par lesquelles le Centre de gestion et d'études (Cgea) Ags de Bordeaux et Me Y demandent à la cour de prononcer leur mise hors de cause, en l'état du plan de continuation homologué et de l'application de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur, de débouter en tout état de cause M. W de ses demandes ou subsidiairement de réduire ses prétentions, et rappellent les limites des conditions légales de l'intervention et de la garantie du Cgea de Bordeaux.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, de moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises.
SUR CE
Sur la prise d'acte
La prise d'acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Les griefs énoncés dans la lettre de prise d'acte ne sont pas limitatifs, le salarié pouvant se prévaloir d'autres manquements en cours de procédure et les soumettre à l'appréciation du juge.
Si les griefs invoqués contre l'employeur sont fondés la prise d'acte produit les effets d'un licenciement abusif, en cas contraire elle produit les effets d'une démission du salarié.
En l'espèce, par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 novembre 2010, M. W a reproché à son employeur d'avoir modifié unilatéralement son contrat de travail, en réduisant le 1er novembre 2008 un temps plein à un temps partiel de 20 heures par semaine, d'avoir ainsi omis de lui verser la contrepartie du travail effectivement fourni, la durée réelle du travail n'ayant pas été, de fait, modifiée. Il reprend cette argumentation devant la cour.
Les bulletins de salaire produits aux débats confirment qu'à compter du 1er novembre 2008 M. W a été rémunéré pour 20 heures de travail hebdomadaire, situation non contestée par Mme Z.
Pour contester toute modification unilatérale du temps de travail, Mme Z argue pour la première fois devant la cour de l'existence d'un avenant au contrat de travail, signé le 1er octobre 2008 par M. W et prévoyant la réduction du temps de travail à 20 heures hebdomadaires. Elle produit ce document en copie, d'ailleurs de mauvaise qualité, et M. W soutient qu'il s'agit d'un faux et qu'il n'a jamais signé d'avenant à son contrat de travail.
La cour relève que Mme Z a déposé le 25 août 2011 des conclusions devant le conseil de prud'hommes de Saintes aux termes desquelles elle n'invoquait pas la signature d'un avenant au contrat de travail mais se prévalait uniquement d'une parfaite information de M. W sur sa nouvelle amplitude de travail, indiquée sur le bulletin de paie de novembre 2008, celui ci mentionnant 'nouveaux horaires à compter du 1er novembre 2008, 20 heures hebdomadaires'. Mme Z n'a pas comparu devant les premiers juges et n'a pas plus été représentée à l'audience de jugement, la décision déférée ainsi qualifiée de réputée contradictoire.
L'avenant précité n'est pas produit en original, la signature attribuée à M. W est très imprécise, et n'est pas précédée de la mention 'lu et approuvé' manifestement annoncée dans le renvoi (1) accolé à la mention 'l'employé', la copie produite aux débats étant également tronquée sur ce point. Il s'en déduit que l'authenticité de ce document est douteuse.
En outre M. W qui conteste fermement avoir signé un tel avenant, relève avec pertinence que, d'une part, il y est mentionné que son poste de travail est identique alors que les tâches dévolues à savoir jardinage, bricolage et entretiens divers, mais surtout gardiennage avec logement de fonction impliquaient qu'il soit à la disposition permanente de l'employeur, et que, d'autre part, cet avenant vise une période limitée de la réduction du temps de travail, à savoir du 1er novembre 2008 au 28 février 2009, alors que Mme Z a de manière pérenne réduit son temps de travail, ainsi qu'établi par les bulletins de salaire.
En outre, comme le souligne exactement M. W, Mme Z ayant fait l'objet d'un redressement judiciaire prononcé le 2 juillet 2009, elle aurait dû alors respecter les dispositions de l'article L 1222-6 du code du travail pour modifier un des éléments essentiels du contrat de travail pour motif économique, ce qu'elle s'est dispensée de mettre en oeuvre.
Il s'évince suffisamment de ces motifs, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure de vérification d'écriture (en l'espèce de signature de M. W), dilatoire au détriment du salarié, que l'avenant produit aux débats ne permet pas d'écarter la réalité de la modification unilatérale du contrat de travail.
En conséquence de ce manquement grave de l'employeur, qui a réduit la rémunération du salarié, de manière brutale et injustifiée, de 1 321,04 euros brut par mois à 767,89 euros brut par mois, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur est fondée et produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Mme Z soutient de manière inopérante que M. W voulait démissionner pour s'occuper de sa mère malade, ainsi qu'exposé dans une lettre du 23 novembre 2010, dès lors que cette lettre est postérieure à la rupture de la relation contractuelle, acquise dès la lettre de prise d'acte en date du 10 novembre 2010. De même les reproches de Mme Z concernant le comportement de M. W, à les supposer fondés, ne suffisent pas à écarter les manquements graves de l'employeur déjà discutés, d'autant plus que Mme Z n'a pas notifié d'avertissement ou de rappel à l'ordre à son salarié et n'a pas plus envisagé de le licencier.
La cour confirmera la décision déférée sur l'appréciation de la prise d'acte.
Sur les conséquences de la prise d'acte
Il s'évince des pièces produites aux débats, d'une part, que la convention collective applicable n'est pas visée dans le contrat de travail, et, d'autre part, que sur les bulletins de paie a été visée, sans aucune logique, jusqu'au mois de janvier 2010 la convention collective des salariés du particulier employeur, puis à partir du mois de février 2010, la convention collective des personnels des sociétés anonymes et fondations d'hlm, alors que Mme Z a débuté son activité de chambres d'hôtes sous le régime d'auto-entrepreneur le 2 avril 2009.
M. W est fondé à soutenir qu'il n'a pas été informé par l'employeur de la convention collective applicable et qu'il doit bénéficier, compte tenu de la mise en concurrence de deux conventions collectives, de celle qui lui est la plus favorable, soit en l'espèce celle des personnels des sociétés anonymes et fondations d'hlm.
La cour confirmera l'intégralité des condamnations prononcées par les premiers juges, au vu des pièces produites aux débats et en adoptant les motifs et les modes de calcul retenus, Mme Z ne discutant d'ailleurs pas les quantum mais le principe des condamnations et soutenant, par simple affirmation que M. W a été réglé des sommes réclamées.
En outre si Mme Z souligne avoir mis un logement de fonction à la disposition de M. W, ce contexte ne résulte pas du contrat de travail et ne figure pas sur les bulletins de salaire, ce qui caractérise une libéralité de l'employeur, ne pouvant se compenser avec les sommes allouées au salarié pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En conséquence la cour confirmera la décision déférée sur les conséquences du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, sauf à mettre le Cgea de Bordeaux hors de cause en l'état du plan de continuation en cours.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Mme Z qui succombe sera condamnée aux dépens.
L'issue de l'appel, l'équité et les circonstances économiques commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Réforme la décision déférée sur la garantie due par le Cgea de Bordeaux et statuant à nouveau de ce chef
Met le Cgea de Bordeaux hors de cause ;
Confirme pour le surplus la décision déférée ;
Y ajoutant
Condamne Mme Z à payer à M. W une somme complémentaire de 1 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
Condamne Mme Z aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,