Jurisprudence : TA Melun, du 28-11-2024, n° 2201231


Références

Tribunal Administratif de MELUN

N° 2201231

5ème chambre
lecture du 28 novembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 4 février 2022, le 4 janvier 2023, et le 21 décembre 2023, M. B A, représenté par Me Bertrand, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté RH-A-2021-300 du 26 novembre 2021 de la présidente du centre de gestion de la fonction publique territoriale de Seine-et-Marne en tant qu'il l'a placé en congé maladie ordinaire du 28 juin 2021 au 25 juillet 2021 inclus puis du 16 août 2021 au 24 novembre 2021 inclus ;

2°) d'enjoindre au centre de gestion de la fonction publique territoriale de Seine-et-Marne de le placer rétroactivement en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour les périodes du 28 juin 2021 au 25 juillet 2021 inclus puis du 16 août 2021 au 24 novembre 2021 inclus dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale de Seine-et-Marne la somme de 4 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il aurait dû être placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire une fois le délai de quatre mois prévu à l'article 37-5 du décret du 30 juillet 1987🏛 écoulé ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été tenu informé de la nécessité de procéder à un examen ou à une enquête complémentaire dans le cadre de la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident qu'il a déclaré en méconnaissance des dispositions du même article ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que la commission de réforme n'a pas été consultée en méconnaissance des dispositions des articles 37-4 et 37-6 du même décret ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le congé pour invalidité temporaire imputable au service aurait dû lui être accordé de plein droit à l'issue du délai prévu à l'article 37-5 du décret précité ;

- il méconnaît le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation de l'imputabilité au service de l'accident dont il se prévaut ;

- il est entaché de détournement de pouvoir ;

- l'avis de la commission de réforme est entaché de vices de procédure dès lors qu'elle était composée irrégulièrement, qu'elle s'est fondée sur une enquête administrative non signée, que l'avis du médecin de prévention était irrégulier et qu'elle n'a pas pris en compte le dossier qu'il lui avait communiqué et dont elle a pourtant accusé réception.

Par un mémoire en défense et des mémoires complémentaires, enregistrés le 22 avril 2022, le 24 mars 2023 et le 4 janvier 2024, le centre de gestion de la fonction publique territoriale de Seine-et-Marne, représentée par sa présidente en exercice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 19 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au même jour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984🏛 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987🏛 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Issard,

- les conclusions de M. Gauthier-Ameil, rapporteur public,

- les observations de M. A,

- et les observations de M. C, dûment mandaté, représentant le centre de gestion de la fonction publique territoriale de Seine-et-Marne.

Considérant ce qui suit :

1. M. A, titulaire du grade d'attaché territorial principal, a été recruté le 4 novembre 2020 par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de Seine-et-Marne pour y exercer les fonctions de directeur général adjoint des services. Le 29 juin 2021, il a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident dont il se dit victime, survenu le 17 juin 2021. Par un arrêté en date du 26 novembre 2021 la présidente du centre de gestion de la fonction publique territoriale de Seine-et-Marne l'a placé en congé maladie ordinaire du 28 juin 2021 au 25 juillet 2021 inclus puis du 16 août 2021 au 24 novembre 2021 inclus. Le requérant demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il le place en congé maladie ordinaire sur ces périodes ainsi qu'il soit enjoint à la présidente du centre de gestion de la fonction publique territoriale de Seine-et-Marne de le placer rétroactivement en congé pour invalidité temporaire imputable au service à ces dates.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation qui incombait à son employeur de placer le requérant en congé pour invalidité temporaire imputable au service :

2. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction applicable au litige : " I.-Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / II.-Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. " Aux termes de l'article 37-5 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Pour se prononcer sur l'imputabilité au service de l'accident ou de la maladie, l'autorité territoriale dispose d'un délai : 1° En cas d'accident, d'un mois à compter de la date de réception de la déclaration prévue à l'article 37-2 ; () Un délai supplémentaire de trois mois s'ajoute aux délais mentionnés au 1° et au 2° en cas d'enquête administrative diligentée à la suite d'une déclaration d'accident de trajet ou de la déclaration d'une maladie mentionnée au troisième alinéa du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée, d'examen par le médecin agréé ou de saisine de la commission de réforme compétente. Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, l'employeur doit en informer l'agent ou ses ayants droit. / Au terme de ces délais, lorsque l'instruction par l'autorité territoriale n'est pas terminée, l'agent est placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire pour la durée d'incapacité de travail indiquée sur le certificat médical prévu au 2° de l'article 37-2 ou au dernier alinéa de l'article 37-9. Cette décision, notifiée au fonctionnaire, précise qu'elle peut être retirée dans les conditions prévues à l'article 37-9. " Aux termes de l'article 37-9 du même décret : " Au terme de l'instruction, l'autorité territoriale se prononce sur l'imputabilité au service et, le cas échéant, place le fonctionnaire en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la durée de l'arrêt de travail. "

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A a présenté le 29 juin 2021 une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident dont il estime avoir été victime le 17 juin 2021. Il résulte des dispositions précitées que le centre de gestion de la fonction publique territoriale de Seine-et-Marne disposait d'un délai de quatre mois à compter de la réception de cette déclaration d'accident de service pour se prononcer sur son imputabilité au service, à la suite de quoi, en l'absence de décision, il était tenu de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire. M. A est ainsi fondé à soutenir qu'en le plaçant en congé maladie ordinaire par l'arrêté attaqué du 26 novembre 2021 et en s'abstenant de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire, le centre de gestion de la fonction publique territoriale de Seine-et-Marne a méconnu les dispositions précitées et entaché sa décision d'une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2021 du centre de gestion de la fonction publique territoriale de Seine-et-Marne.

En ce qui concerne l'imputabilité au service de l'accident du 17 juin 2021 :

5. M. A soutient, par ailleurs, que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que l'accident dont il se prévaut doit être reconnu imputable au service.

6. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il en va ainsi lorsqu'un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l'absence de circonstances particulières le détachant du service. Il en va également ainsi, en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct avec le service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

7. Il ressort des pièces du dossier que le 17 juin 2021, M. A se serait assis sur une rambarde située au-dessus de l'atrium du centre de gestion de la fonction publique territoriale et aurait affirmé en présence de l'assistante de prévention de ce lieu de travail qu'il serait en mesure de se jeter dans le vide. M. A soutient que cet incident, qu'il qualifie de tentative de suicide, est constitutif d'un accident présentant un lien direct avec le service dès lors que ce serait le harcèlement moral dont il a été victime dans le cadre de ses fonctions qui l'aurait poussé à commettre cette tentative de suicide. En premier lieu, s'il évoque la " mise au placard " et l'isolement social dont il aurait fait l'objet, il ne l'établit pas alors qu'il ne conteste pas être à l'origine de plusieurs altercations avec ses collègues ayant eu lieu le 17 novembre 2020, le 21 décembre 2020 et le 4 janvier 2021. En second lieu, s'il affirme avoir été discriminé par son employeur en raison du litige qui l'opposait à sa précédente collectivité d'emploi, il ne dément pas l'avoir impliqué à plusieurs reprises en adressant à sa hiérarchie les productions de son mandataire légal concernant son recours contentieux jusqu'à ce qu'il lui soit formellement demandé au cours d'un entretien s'étant tenu le 18 janvier 2021 de s'abstenir de le faire. En troisième lieu, s'il affirme avoir été privé de matériel à plusieurs reprises, il ressort des pièces du dossier qu'il a spontanément procédé à la restitution de sa ligne téléphonique professionnelle le 28 janvier 2021, que la demande de restitution de son véhicule de service est intervenue le 11 mai 2021 alors que ce véhicule était inutilisé depuis le 22 février 2021 et qu'il lui avait été confié dans le cadre de ses précédentes fonctions, et que le 31 mai 2021 lui a été remis un ordinateur portable afin qu'il puisse s'acquitter de ses nouvelles missions. En quatrième lieu, s'il allègue avoir vu diminuer ses responsabilités professionnelles, il ressort des pièces du dossier qu'il a demandé lui-même la fin de son détachement en tant que directeur général adjoint des services le 2 mars 2021, qu'il s'est proposé afin de devenir " chargé de missions itinérant " et qu'il a rédigé lui-même la fiche de poste correspondant à ses nouvelles fonctions. Par suite, M. A n'établit pas que l'incident du 17 juin 2021, qu'il qualifie de tentative de suicide, aurait été motivé par le harcèlement moral dont il se prévaut et présenterait un lien direct avec le service. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'expertise établie le 14 octobre 2021 par un médecin psychiatre que M. A a déjà été placé en congés maladie de longue durée pendant deux années en raison de troubles psychiatriques dans le cadre de fonctions qu'il a exercées au sein d'une autre collectivité, ce qui atteste de l'antériorité des troubles ayant causé l'incident du 17 juin 2021. Il en résulte que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

8. Il résulte de l'instruction que la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 17 juin 2021 a été rejetée par un arrêté en date du 21 mars 2022 devenu définitif. Cette circonstance fait obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A tendant à ce qu'il soit placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service provisoire pour les périodes du 28 juin 2021 au 25 juillet 2021 inclus puis du 16 août 2021 au 24 novembre 2021 inclus.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Seine-et-Marne une somme de 1 500 euros à verser à M. A, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 26 novembre 2021🏛 du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Seine-et-Marne est annulé.

Article 2 : Le centre de gestion de la fonction publique territoriale de Seine-et-Marne versera à M. A une somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au centre de gestion de la fonction publique territoriale de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Billandon, présidente,

Mme Issard, conseillère,

Mme Bourrel Jalon, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.

La rapporteure,

C. ISSARD

La présidente,

I. BILLANDON La greffière,

C. TRÉMOUREUX

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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