Jurisprudence : CA Paris, 1ère ch., C, 27-02-2003, n° 2001/21157

CA Paris, 1ère ch., C, 27-02-2003, n° 2001/21157

A4619A79

Référence

CA Paris, 1ère ch., C, 27-02-2003, n° 2001/21157. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1133341-ca-paris-1ere-ch-c-27022003-n-200121157
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

ARRET DU 27 FEVRIER 2003
Répertoire Général n° 2001/21157






ARRET : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par Monsieur PERIE,
Président , qui a signé la minute avec Mlle FERRIE, Greffier.
La société de droit danois CHR Hansen Holding ("CHR") est appelante d'une ordonnance d'exequatur du 3 août 2001 par le président du Tribunal de grande instance de Paris d'une sentence rendue à Belgrade le 10 mars 2000 sous les auspices de la Cour d'arbitrage du commerce extérieur près la Chambre économique de Yougoslavie sur la base de la clause compromissoire d'un contrat conclu avec M. Slobodan Y et Mme Tanja
Y pour la création d'une entreprise conjointe "CHL Jankovic Laboratorium". Les arbitres, MM. Z et E , X , président , ont :
I - établi que le contrat de fondation de l'entreprise mixte "CHL Jankovic Laboratorija" (non ultérieur de la société : "CHR Hansen's laboratorija - Jugoslavija"), conclu le 19 décembre 1989 à Indjija, pour une durée indéterminée et inscrit au registre du Secrétariat fédéral pour les relations économiques avec l'étranger en vertu de sa décision n° 21369 du 28.12.1989, entre "Christian Hansen's Laboratorium," A/S, Boge Alle 10-12, DK-2970 Horsholm, Danemark (nom ultérieur de la société : "CHR Hansen Holding A/S" à la même adresse), en qualité d'investisseur étranger d'une part et de Siobodan Y et Tanja Y , habitant à Belgrade, rue Stojana Matica 29a, en qualité d'investisseurs nationaux de l'autre, a cessé de produire des effets juridiques depuis le 25 janvier 1995,
II déterminé les parts des parties contractantes sur la base des moyens réellement investis, dans la proportion de 52.03 % pour l'investisseur national et de 47,97 % pour l'investisseur étranger,
dit que :
III - la requête des demandeurs Slobodan Y et Tanja Y Belgrade, rue Stojana Matica 29a est partiellement adoptée, et la défenderesse "CHR Hansen Holding A/S" Boge Alle 10-12, DK-2970 Horsholm, Danemark (précédemment : "Christian Hansen's Laboratorium", à la même adresse) est par conséquent tenue de verser solidairement aux demandeurs le montant de DEM 11.508.201,-
IV - la requête de la société "CHR Hansen Holding A/S" Boge Alle 10-12, DK-2970 Horsholm, Danemark (précédemment : "Christian Hansen's Laboratorium", à la même adresse) est adoptée et que les défendeurs reconventionnels Siobodan et Tanja Y , de Belgrade, rue Stojana Matica 29a sont tenus de verser solidairement au demandeur reconventionnel le montant de DEM 1.501.357,-
V - les montants adjugés du point III et du point IV de ce dispositif seront compensés entre eux, de sorte que la société "CHR Hansen Holding
A/S" Boge Alle 10-12, DK-2970 Horsholm, Danemark
(précédemment : "Christian Hansen' s Laboratorium", à la même adresse) est tenue de verser solidairement à Siobodan et Tanja Y , de Belgrade, rue Stojana Matica 29a le montant de DEM 10.006.884,-, à titre de la dette principale et cela dans un délai de quinze jours, sous peine d'exécution forcée,
VI - la société CHR Hansen Holding A/S Boge Alle 10-12, DK-2970 Horsholm, Danemark (précédemment : "Christian Hansen' s Laboratorium", à la même adresse) est tenue de verser solidairement à Slobodan et Tanja Jankovic, de Belgrade, rue Stojana Matica 29a, les intérêts sur le montant de la dette principale visée au point V de ce dispositif, au taux de 5 % par an, à compter du 12 mai 1995 jusqu'au moment du paiement final, et cela dans un délai de 15 jours, sous peine d'exécution forcée,
VII - l'excédent de la requête des demandeurs Slobodan et Tanja Jankovic, de Belgrade, rue Stojana Matica 29a, d'un montant de 14.575.639 est rejeté comme juridiquement non fondé,
VIII - l'excédent de la requête reconventionnelle de la société défenderesse "CHR Hansen Holding A/S" Boge Alle 10-12, DK-2970 Horsholm, Danemark (précédemment : ''Christian Hansen's Laboratorium", à la même adresse), d'un montant de DEM 488.740 est rejeté, comme juridiquement non fondé,
IX - la demande de la société défenderesse CHR Hansen Holding A/S Boge Alle 10-12, DK-2970 Horsholm, Danemark (précédemment : "Christian Hansen's Laboratorium", à la même adresse), que la demande des demandeurs Slobodan et Tanja Jankovic, de Belgrade, rue Stojana Matica 29a, soit rejetée en raison du défaut de la légitimation procédurale active est rejetée, comme juridiquement non fondée,
X - la demande de la société défenderesse "CHR Hansen Holding A/S" Boge Alle 10-12, DK-2970 Horsholm, Danemark que les demandeurs Slobodan et Tanja Jankovic, de Belgrade, rue Stojana Matica 29a, soient obligés, en tant que seuls propriétaires de la société "CHR Hansen's Laboratorija Jugoslavija d.o.o.", à enregistrer le changement de la propriété et de la raison sociale au registre tenu auprès du Tribunal de commerce de Belgrade, est rejetée comme juridiquement non fondée,
XI - chaque partie prend à sa charge ses frais dans cette procédure arbitrale.
La société CHR demande à la Cour,
Vu la Convention de New York du 10 juin 1958, l'article 6 de la CEDH, les articles 1498 et suivants du NCPC et les principes d'impartialité du respect du contradictoire et ceux gouvernant l'ordre public international, d'annuler l'ordonnance d'exequatur du 3 août 2001 et de refuser l'exequatur de la sentence en constatant :
- l'absence de traduction assermentée et, en tout état de cause, le caractère incomplet de la sentence et du contrat produit et traduit,
- en conséquence, que l'ordonnance d'exequatur ne pouvait être rendue sur de tels documents,
- que le président du Tribunal arbitral, M. X a été irrégulièrement désigné,
- que l'instance arbitrale a choisi comme président du tribunal arbitral l'arbitre souhaité et désigné par l'une des parties au litige,
- que l'institution et les arbitres ont statué sans se conformer à la mission qui leur avait été conférée, et tout particulièrement aux articles 28, 29, 38, 39 et 44 du règlement de l'institution arbitrale,
- en effet que le président du tribunal arbitral a été désigné en application de l'article 29 alors qu'il aurait dû l'être en application de l'article 28,
- que le Code de procédure yougoslave n'a pas été appliqué lors de la désignation des experts et de la détermination de leur mission, alors même que le règlement d'arbitrage était muet sur ce point et que le Code de procédure civile yougoslave avait des dispositions spécifiques sur ce sujet,
- que le principe de la contradiction n'a pas été respecté,
- qu'à ce titre, l'expert A a organisé une expertise sans donner à la société CHR Hansen la possibilité de se défendre et de faire entendre sa position,
- que l'expert a déclaré avoir tenu compte, lors de expertise, des documents qui lui ont été remis postérieurement à l'expertise,
- que l'expert a tenu des propos montrant sa partialité et son chauvinisme,
- que l'expert B a utilisé des documents non communiqués à la société CHR Hansen,
- que, dans son rapport, il a mentionné lesdits documents mais a refusé de les fournir,
- que le même expert a omis d'inviter la société CHR Hansen une partie de l'expertise,
- que, lorsque cette dernière a objecté qu'elle n'avait pas pu se défendre dans la mesure où les documents ne lui avaient pas été communiqués et
qu'elle n'avait pas pu participer à l'expertise, l'expert a indiqué que ces allégations n'avaient aucune influence sur les résultats du litige,
- que les arbitres n'ont pas statué sur cette question,
- enfin, que la sentence a été rendue dans un contexte d'extrême partialité et de rupture de l'égalité des armes entre les parties,
- que les arbitres et les experts ont fait preuve d'une extrême partialité contraire à l'ordre public international.
La société CHR conclut à la condamnation in solidum des consorts Y , outre aux dépens, à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
M. Slobodan Y et Mme Tanja Y ont conclu à la confirmation de l'ordonnance d'exequatur du 3 août 2001, à la condamnation de la société CHR leur verser la somme de 15.000 € pour appel dilatoire et abusif, la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à supporter les dépens.
SUR CE LA COUR :
Considérant que l'article VII paragraphe 1 de la Convention de New York du 10 juin 1958 sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères énonce que ses dispositions ne privent notamment pas toute partie intéressée du droit qu'elle pourrait avoir de se prévaloir d'une sentence arbitrale de la manière et dans la mesure admises par la législation du pays où la sentence est invoquée, que les cas d'ouverture de l'article 1502 du nouveau code de procédure civile ayant un caractère plus limité que ceux énumérés à l'article V de la Convention de New York du 10 juin 1958 constitue un cadre plus favorable à l'accueil des sentences rendues à l'étranger, que le texte de cette Convention, y compris son article IV sur les pièces accompagnant une demande d'exécution, doit être écarté dans son entièreté ;
Sur le premier moyen de refus d'exécution pour absence de traduction assermentée, caractère incomplet de la sentence et du contrat produit et traduit :
La société CHR conclut à l'annulation de l'ordonnance d'exequatur du 3 août 2001 parce que la traduction de la sentence n'a pas été effectuée comme le prévoit l'article 1499 du nouveau code de procédure civile par un traducteur inscrit sur la liste des experts, et que la décision des arbitres n'était pas accompagnée des annexes auxquelles elle fait référence.
Considérant que d'après l'article 1502 l'appel de la décision qui accorde la reconnaissance ou l'exécution de la sentence n'est ouvert que dans cinq cas, limitatifs comme il vient d'être dit, et dont aucun ne correspond aux critiques de la société CHR dans son premier moyen, lequel est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen de refus d'exécution pour composition irrégulière du tribunal arbitral (article 1502-2° du nouveau code de procédure civile) :
La société CHR soutient que le président du tribunal arbitral, M. X , n'ayant pu être nommé par les coarbitres MM. C et Z faute d'accord entre ceux-ci, l'avait finalement été par l'institution d'arbitrage en violation des articles 28 et 29 du règlement d'arbitrage dans des conditions discutables puisque son nom avait été avancé par le coarbitre choisi part les consorts Y , M. Z .
La société CHR dit que la désignation de M. X n'a pas respecté le principe d'impartialité objective ou subjective et, au soutien de sa démonstration, remarque que le président de la Cour d'arbitrage de l'époque a depuis été révoqué en raison de ses liens avec le régime serbe de M. D .
Considérant que les arbitres initialement désignés par les parties en octobre 1995, MM. Z pour les consorts Y et C pour la société CHR n'ayant pu se mettre d'accord dans les trente jours de leur nomination sur le nom du troisième parmi ceux proposés sur la liste d'arbitres de l'institution d'arbitrage, celle-ci a, ainsi qu'il est dit à l'article 29 du règlement sur la constitution des tribunaux arbitraux, choisi le 15 novembre 1995 M. X pour présider le collège arbitral ;
Considérant qu'après la démission de l'arbitre désigné par la société CHR M. C , le 12 janvier 1996, le nouveau coarbitre désigné par celle-ci le 29 janvier 1996, M. E s'est, dans la mesure où le règlement applicable ne prévoit pas les conséquences sur la reprise de la procédure antérieure après le remplacement d'un arbitre, réuni avec M. Z , pour, ainsi qu'il ressort des énonciations de la sentence, "choisir le troisième arbitre président du conseil arbitral et, après avoir consulté la liste d'arbitres et,
compte tenu aussi du litige en question, les arbitres présents ont choisi comme troisième arbitre et président du conseil arbitral le dr. X , professeur à la Faculté de droit de Belgrade, qui a accepté cette tâche, ce qui a été constaté dans le procès-verbal, relatif à l'élection du troisième arbitre et président du conseil arbitral, qui se trouve dans les pièces de la cause" (p. 33 de la sentence) ;
Considérant que d'après l'article 29 du règlement d'arbitrage, Dans les litiges soumis à un tribunal arbitral, le demandeur désignera le sien dans le délai fixé pour sa réponse à la réclamation.
Si une ou les deux parties ne désignent pas leurs arbitres dans les délais spécifiés au paragraphe précédent ou si elles délèguent cette désignation à l'Arbitrage, les Arbitres seront désignés par le Président de l'Arbitrage et les parties et les arbitres désignés en seront informés. Dans un délai de 30 jours à compter de la réception de la notification de leur désignation, les arbitres des parties sélectionneront dans la liste d'arbitres un troisième arbitre pour assurer les fonctions de président du tribunal. S'ils ne désignent pas le président du tribunal dans le délai prescrit, ce dernier sera désigné par le Président de l'arbitrage".
Considérant que les modalités de désignation du tribunal arbitral qui viennent d'être rappelées sont conformes aux prévisions de l'article 29 susvisé ; que la société CHR n'établit nullement par ailleurs les raisons qui auraient obligé à suivre les indications de l'article 28 concernant la désignation d'un arbitre unique pour les litiges dont le montant ne dépasse pas vingt mille dollars américains dès lors que la convention d'arbitrage ne prévoyait pas cette hypothèse et que le montant de ses demandes dépassaient le seuil envisagé ; qu'au surplus, la nécessité de recourir à un arbitre unique par la voie de l'article 28 pour éviter une inégalité des parties dans la constitution du tribunal arbitral, à supposer que le règlement applicable le permette, n'est pas démontrée ;
Considérant que le 31 janvier 1996, la société CHR formé une demande de récusation de M. X , dont le nom initialement proposé par M. Z au cours de la première tentative de désignation du président du Tribunal arbitral avait été repoussé par M. C , pour obtenir la désignation d'une personne qui n'avait pas été proposée lors de la tentative des arbitres de se mettre d'accord sur la procédure du collège arbitral ; que le 14 mars 1996, la présidence restreinte, c'est à dire le président , le vice-président et le secrétaire de la Cour d'arbitrage du commerce extérieur, a rejeté la récusation de M. X en expliquant :
" Le fait que le président du conseil arbitral désigné, le professeur Dr. X , qui a été désigné par la décision du Président de l'Arbitrage, conformément à l'article 29 alinéa 3 du Tnrm Tii FP I 711117,i-1 1Al1Z
Règlement de l'Arbitrage du commerce extérieur, ait été proposé au cours de la procédure de formation du conseil arbitral comme président du conseil arbitral par l'arbitre du demandeur - proposition avec laquelle n'était pas d'accord l'arbitre qui était nommé à l'époque par le défendeur, et qui est avancé par l'auteur de la demande de récusation - le mandataire du défendeur - ne représente pas de lui-même, suivant l'avis de cette Présidence une autre circonstance pouvant mettre en cause son impartialité dans le sens de la disposition de l'article 71 alinéa 1 point 6 de la loi sur la procédure civile, ce qui aurait été une raison pertinente, du point de vue juridique pour sa récusation. La Présidence de l'arbitrage dans sa composition restreinte, comprend les motifs ayant amené le mandataire de la partie défenderesse à introduire une demande de récusation dans ce cas, ces motifs étant en accord avec la nature de la profession, mais elle ne les justifie pas et ne les accepte pas .. [Elle] constate ainsi que l'arbitre nouvellement nommé par le défendeur, le professeur Dr. E , désigné après le retrait de l'arbitre qui était désigné la première fois, le professeur Dr. C , a accepté la désignation du professeur Dr. X comme président du conseil arbitral dans cette affaire .." ;
Que le 21 mars 1996 enfin, M. E , coarbitre désigné par la société CHR fait connaître qu'il n'avait pas d'observation concernant la décisION de la Cour d'arbitrage du commerce extérieur ayant rejeté la récusation de M. X , et ne s'opposait pas à la désignation de celui-ci faite par le président de l'institution d'arbitrage ; cette déclaration étant, contrairement à ce que déclare la recourante, sans portée sur la constitution du tribunal arbitral qui était déjà achevée au sens de l'article 29 du règlement au moment où elle est intervenue ;
Considérant que l'indépendance de l'arbitre en tant que juge du litige qui lui est soumis, implique à la fois une indépendance de situation et d'esprit, que la décisION de la Cour sur la situation de M. X dépend de son appréciation des circonstances concrètes permettant de douter légitimement de l'indépendance du président du Tribunal arbitral, que la démonstration doit être d'autant rigoureuse que les moyens présentés le sont au stade du contrôle de la sentence ;
Considérant que d'après les déclarations de M. C , celui-ci avait proposé pour présider le tribunal arbitral un spécialiste en matière de droit économique et non en droit des obligations comme M. X , à la désignation duquel par l'institution d'arbitrage il ne s'attendait donc pas ;
Que dans sa réponse le 12 mars 1996 à la demande de récusation présentée par la société CHR M. X déclare "qu'il est au-dessous de son honneur de répondre aux arguments" du conseil de cette dernière et "qu'il [lui] est tout à fait égal d'être désigné comme arbitre dans cette affaire ou une autre. Cependant en tant qu'arbitre de cet Arbitrage depuis bon nombre d'années, [il prend] la liberté de faire une remarque aux fins de la protection de la réputation dont cet Arbitrage jouit dans le pays et à l'étranger", et conclut : "En ce sens, selon [son] opinion, les communications écrites dont celle fournie le 13 janvier 1996 par M. F , avocat, devraient être considérées et estimées" ;
Considérant que la seule évocation par les coarbitres du nom de X lors de leurs discussions pour choisir le président du tribunal arbitral ne constitue pas un fait objectif qui permet de se méfier raisonnablement de l'indépendance de celui-ci si M. X a ensuite été désigné par la Cour d'arbitrage du commerce extérieur, faute d'accord des coarbitres sur le choix du président sur une liste d'environ quatre vingts personnes dont seul un encore plus petit nombre pouvait avoir à l'évidence l'expérience nécessaire à la conduite d'un procès impliquant des enjeux importants ;
Considérant que les explications de M. C , qui ne mettent pas en cause la probité du président , et celles de M. X ne permettent pas d'établir une apparence fondée de partialité de la part du président du Tribunal arbitral, que la société CHR ne rapporte aucune circonstance concrète qui permettrait d'arriver à une telle conclusion, par exemple, en faisant valoir un lien de subordination ou autre avec l'institution d'arbitrage mettant en évidence que de tous les arbitres inscrits pour quatre ans sur la liste de la Cour d'arbitrage du commerce extérieur parmi lesquels le choix du président devait être effectué, la désignation de M. X correspondait à une entente préalable pour des motifs étrangers au seul choix d'un président pour le collège arbitral dans l'affaire en cause ;
Que l'attestation le 8 novembre 2001 de M. F , avocat yougoslave et conseil de la société CHR dans l'arbitrage, selon laquelle, alors qu'il pressentait comme coarbitre le professeur G , ce dernier qui accepte désormais de s'exprimer, lui aurait déclaré avoir refusé sa désignation parce qu'il "était déjà informé que le Professeur Dr. X devait être désigné comme le président de la commission arbitrale dans ce litige, et ceci avant même que les parties au litige aient désigné leurs arbitres .. et qu'il n'était pas certain que le professeur X agissait de façon impartiale", n'est étayée par aucune précision sur ces accusations que la société CHR aurait pu obtenir directement de M. G , aujourd'hui président de la Cour d'arbitrage du commerce extérieur après, que selon les dires de la recourante, M. H , le président à qui la nomination de M. X était due, ait été chassé ;
Considérant que le fait que la société CHR parvienne à une autre conclusion sur la base de son analyse subjective ne modifie pas l'analyse qui précède, le deuxième moyen ne pouvant être accueilli ;
Sur le troisième moyen de refus d'exécution pour non respect de sa mission par le tribunal arbitral (article 1502-3° du nouveau code de procédure civile) :
La société CHR dit que l'institution et les arbitres ont statué sans se conformer à la mission qui leur avait été conférée, et tout particulièrement aux articles 28, 29, 38, 39 et 44 du règlement d'arbitrage de la Cour d'arbitrage du commerce extérieur yougoslave. Elle dit encore que les arbitres n'ont pas appliqué les dispositions pertinentes de l'article 251 du code de procédure civile yougoslave sur la nomination des experts.
Considérant que seul est autorisé au titre de l'article 1502-3° du nouveau code de procédure civile le contrôle de la sentence au regard des pouvoirs juridictionnels que les parties ont donné aux arbitres dans leur convention d'arbitrage ;
Considérant que le non-respect des articles 28 et 29 du règlement a déjà été discuté dans le cadre du premier moyen sur la régularité de la constitution du tribunal arbitral, que cette critique n'a pas lieu d'être examinée à nouveau sous l'angle du non-respect de sa mission par le tribunal arbitral telle qu'elle vient d'être définie ;
Considérant que la société CHR n'articule aucune critique pertinente au soutien de son affirmation selon laquelle les arbitres auraient violé l'article 38 du règlement d'arbitrage sur les actes d'instruction et mesures conservatoires ou bien l'article 44 de ce même règlement relatif au caractère obligatoire de la sentence et à la correction d'erreurs matérielles ;
Considérant que l'article 39 dudit règlement prévoit l'application, sauf convention contraire des parties, des dispositions, outre celles du règlement applicable, du code de procédure civile yougoslave dont l'article 251 sur la désignation des experts, la preuve expertale et par témoins étant également envisagée par l'article 37 du règlement d'arbitrage ;
Que d'après la sentence, à l'audience du 6 décembre 1996 à laquelle les parties étaient représentées, le Tribunal arbitral a en particulier examiné "la désignation d'un expert financier chargé de déterminer l'étendue du dommage, suivant la demande et la demande reconventionnelle, tout cela au sens de la conclusion [. I consignée dans le procès-verbal de l'audience du 8-11-96" (p. 162) à laquelle les parties étaient également présentes, le reproche de la société CHR d'avoir unilatéralement désigné M. B sans suivre les formes prévues par la loi de procédure civile yougoslave est sans fondement, la recourante ne démontrant pas comment les arbitres n'ont pas accompli leur mission ;
Qu'aucune méconnaissance d'une disposition de procédure n'étant établie, le troisième moyen ne peut être accueilli ;
Sur le quatrième moyen de refus d'exécution pour non respect du principe de la contradiction (article 1502-4° du nouveau code de procédure civile) :
La société CHR soutient que la procédure arbitrale n'a pas respecté le principe de la contradiction. Elle en veut pour preuve que l'expert technique désigné par le tribunal arbitral, M. A , a organisé l'expertise sans lui donner la possibilité de se défendre car son conseil n'ayant pas les qualifications techniques nécessaires, ses représentants n'ont pu obtenir de visas d'entrée en Yougoslavie pour être présents clans les délais imposés par l'expert pour commencer ses opérations. Elle dit que les expertises industrielles se déroulent d'ailleurs toujours sur plusieurs journées qui ne se suivent pas pour permettre à chacune des parties de produire les documents et informations nécessaires.
La société CHR reproche par ailleurs à l'expert financier, également désigné par le tribunal arbitral, M. B , d'avoir statué sur le prix de revient sans l'inviter à assister à cette partie de son expertise et de s'être fondé sur des pièces qui n'avaient jamais été communiquées, comme de n'avoir pas joint à l'annexe de son rapport les pièces en cause. Elle ajoute que le tribunal arbitral n'a pas statué sur cette question.
Considérant que lors de l'audience du 26 juin 1996, les parties ont proposé d'un commun accord aux arbitres de recourir à une expertise sur la question du transfert du savoir-faire par la société CHR le choix de l'expert, faute d'accord entre les parties, étant laissé au Tribunal arbitral dont le président définirait la mission ;
Que les arbitres ont ainsi confié la mission à la Faculté de chimie de Belgrade et précisé la mission, et le Dr. A , désigné par ladite faculté le 17 juillet s'est manifesté le 20 juillet 1996 auprès des parties pour les informer du début de ses opérations le 29 juillet suivant ;
Considérant que le 22 juillet 1996, Maître Prica le conseil de la société CHR protesté auprès de l'expert sur la date retenue comme inacceptable pour sa cliente, en raison des vacances, de difficultés pour un déplacement des représentants d'experts de la société CHR depuis le Danemark, notamment pour l'obtention de visas, et de l'impossibilité de remettre dans un délai aussi bref une documentation accompagnée de sa traduction ;
Que l'expert A a répondu le 23 juillet 1996 pour maintenir le calendrier en s'étonnant de ce que la documentation nécessaire à l'expertise dont les termes étaient connus des parties n'ait pas été en la possession du conseil de la société CHR qui aurait pu également prévenir le Tribunal arbitral de son indisponibilité durant l'été et en rappelant que la présence de M. I , l'un des employés danois de la société CHR qui avait participé à l'installation de l'usine et à l'introduction de la technologie dans l'entreprise mixte, restait devoir être décidée par le Tribunal arbitral en raison de l'opposition des consorts Y ;
Que le 12 août 1996, l'expert ayant terminé sa mission le 9 août précédent, le conseil de la société CHR repris ses précédentes observations et demandé au Tribunal arbitral, en raison de la violation du principe de la contradiction, l'organisation d'une nouvelle expertise confiée à un autre que le Dr. A , demande qui sera finalement repoussée par les arbitres ;
Considérant que le 11 octobre 1996, puis le 11 novembre suivant, lors de deux audiences d'instruction, la société CHR eu la possibilité d'interroger l'expert A et de faire entendre ses témoins et experts, notamment M. I , dont elle avait réclamé l'assistance aux opérations d'expertise diligentée par M. A ;
Considérant que les opérations techniques soumises dans un premier temps, à la demande des parties, à un expert désigné par le Tribunal arbitral ont été, dans un second temps, instruites aux audiences des 11 octobre et 11 novembre 1996, la société CHR ayant ainsi eu la possibilité d'administrer la preuve de tous les faits propres à influer sur la décision qui avaient été soumis à l'expertise de M. A , en étant assistée par son propre technicien et sans que la liberté de produire la documentation de son choix ait fait l'objet d'une restriction démontrée ;
Considérant que le principe du contradictoire est respecté dès lors que les parties ont été appelées et que les opérations d'expertise pouvaient se dérouler en présence de leurs conseils ;
Considérant que, s'agissant de l'expertise financière admise par le Tribunal arbitral le 6 décembre 1996 et confiée à M. B , la société CHR a, au vu des conclusions du rapport en date du 4 août 1997, protesté contre l'utilisation par l'expert de documents qui ne lui avaient pas été communiqués et l'absence de convocation à une phase de l'expertise sur la détermination du prix de revient ;
Que l'expert M. B a répondu le 5 décembre 1997 : "les allégations que j'ai agi avec partialité, que j'ai caché des documents du défendeur-demandeur reconventionnel, que j'ai travaillé extrêmement superficiellement, n'ont vraiment aucun impact sur l'issue de ce litige, de sorte que je m'abstiens de les commenter et de me pencher sur les motifs de ces déclarations" ;
Que deux audiences les 24 octobre 1997 et 27 février 1998 ont permis aux parties d'échanger leurs points de vue sur la valeur des conclusions de M. B et de débattre de la procédure suivie par celui-ci ;
Considérant que la société CHR pu se déterminer sur l' ensemble des éléments qui ont conduit le Tribunal arbitral à prendre sa décision sur les aspects financiers du litige en écartant donc les arguments de la société CHR que même en admettant, comme le soutient sans le démontrer la société CHR que certaines pièces aient été communiquées à M. B par les consorts Y à son insu, cela ne peut suffire à éliminer la sentence lorsque le tribunal s'est fondé sur les conclusions de l'expert sur lesquelles l'appelante a pu s' exprimer et non pas sur les documents qui auraient été communiqués unilatéralement à l'expert ;
Considérant que la société CHR par ailleurs été convoqué aux réunions d'expertise organisées par M. B , que la preuve d'un rendez-vous clandestin sur la question du prix de revient n'est pas rapportée ;
Considérant que le quatrième moyen est donc sans fondement ;
Sur le cinquième moyen de refus d'exécution pour contrariété à l'ordre public international (article 1502-5° du nouveau code de procédure civile) :
La société CHR dénonce la violation de l'ordre public résultant d'une part de la rupture de l'égalité objective des parties mise à jour par les dysfonctionnements des deux procédures expertales organisées par les arbitres et, d'autre part, de la rupture de l'égalité subjective des parties révélée par la partialité de la procédure menée, et qui transpire dans certains passages de la sentence, imputable tout à la fois aux experts, aux arbitres et à l'institution d'arbitrage.
La société CHR conteste ainsi les conclusions du rapport d'expertise de M. A , un serbe chauvin, qui aurait rendu un avis totalement partial, contraire au contrat et au bon sens et dont le ton employé montre un parti pris inacceptable lorsqu'il indique dans son rapport :
" En regard du propre know-how du plaignant, pour ce qui est de l'investisseur étranger, on ne peut parler que de sa dette envers l'investisseur de chez nous, ce qui n'entre pas dans la mission de l'expert .. On acquiert l'impression au bas mot, d'une attitude incorrecte et peu professionnelle de l'investisseur étranger à l'égard de l'investisseur de chez nous avec l'intention, sans en donner les motifs, de ne pas transmettre le know-how".
Elle dénonce encore la partialité du second expert, M. B , en ce qu'il a réévalué les apports des consorts Y et les siens dans l'entreprise mixte tout en calculant le préjudice prétendument subi par les consorts Y en fonction de cette réévaluation.
La société CHR reproche au Tribunal arbitral d'avoir accepté l'intégralité des comportements et des conclusions des experts, notamment en refusant d'examiner les termes extrêmement précis des annexes contractuelles qui ont été ignorés et elle fustige l'utilisation de la parité dinar/DM pour la condamner à payer une indemnité majorée aux consorts Y .
Pour finir, la société CHR s'en prend également aux tribunaux yougoslaves qui n'ont pas hésité à rejeter dans les délais les plus brefs son recours en annulation contre la sentence, l'ensemble des éléments de son dossier montrant que la justice arbitrale rendue à cette époque en Yougoslavie, à l'instar de la justice judiciaire, était subordonnée à des contingences inavouables.
Considérant que la société CHR eu la possibilité, ainsi qu'il a été vu lors de l'examen du moyen précédent, d'être assistée par ses consultants et représentants au cours de l'administration de la preuve portant sur les questions techniques, qu'aucune violation de son droit à la preuve n'étant établie ici, l'organisation d'une nouvelle expertise étant laissée à la discrétion du tribunal arbitral compte tenu des éléments d'information débattus devant lui sans constituer un droit pour les parties, les règles d'un procès équitable n'ont pas été transgressées ;
Considérant que si l'argumentation de la société CHR ne démontre pas que l'utilisation des expressions "investisseur de l'étranger" et "investisseur de chez nous" soient dans la langue serbe de l'arbitrage et de la sentence, et même dans la traduction en langue française, autre chose que des expressions idiomatiques, elle souligne à l'évidence que la recourante cherche à remettre en cause sa condamnation alors que le fond du litige échappe au juge de l'exequatur ;
Qu'il peut être précisé que la monnaie du contrat étant le mark allemand dans laquelle la société CHR libellé ses demandes, sa condamnation dans cette unité de compte au cours officiel du dinar fixé au Journal officiel de la république fédérale de Yougoslavie depuis 1994 à une parité de 1 : 1 par rapport au mark allemand n'est pas contraire à l'ordre public international ;
Considérant que le courrier dans lequel la secrétaire de la coentreprise CHR Jankovic Laboratorium expose le 8 novembre 1995 être "absolument convaincue que le procès tout entier sera une comédie organisée, qu'il a versé un pot de vin, et qu'il réussira à avoir ce qu'il veut malgré les efforts de votre avocat .. vous ne deviez jamais accepter les tribunaux locaux, vos seules chances sont au niveau international", n'est accompagné d'aucune autre déclaration de celle-ci sur les manipulations évoquées alors que la même lettre précisait pourtant "s'il y avait un changement dans la situation générale de mon pays - peut être que je pourrai faire une déclaration ou témoigner", que ces accusations non relayées par d'autres éléments ne permettent pas de conclure à l'organisation par la Cour d'arbitrage du commerce extérieur d'un simulacre de procès dont serait issue la sentence critiquée ;
Considérant qu'il est en revanche exact que la société CHR lorsqu'elle a conclu le 19 décembre 1989 avec les consorts Y un contrat pour la création d'une entreprise commune, a négocié et accepté une clause compromissoire donnant compétence à une institution nationale d'arbitrage, la Cour d'arbitrage du commerce extérieur près la Chambre de commerce et d'industrie de Yougoslavie, que la société CHR ne peut se plaindre d'avoir été jugée d'après des standards culturels et procéduraux plus proches de ceux
connus devant une juridiction interne qu'internationale, et qui en tout état de cause, en l'absence de preuve de toute corruption ou collusion, ne contreviennent pas à l'ordre public international ;
Que dans ces conditions il n'y a pas lieu d'examiner l'argument de la société CHR invoquant l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
Considérant par ailleurs que les réflexions de la société CHR sur l'organisation du service de la justice en Yougoslavie étant sans lien démontré avec la présente instance en exequatur, le cinquième moyen est finalement rejeté, comme le recours de la société CHR ;
Considérant que les consorts Y n'établissant pas de circonstances de nature à avoir fait dégénérer en abus l'appel de la société CHR ou son caractère dilatoire, leur demande de dommages et intérêts est repoussée ;
Considérant que la société CHR déboutée de son appel, supporte en conséquence les dépens et ne peut prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, au titre duquel l'équité commande en revanche de la condamner à verser aux consorts Y une somme de 15.000 € ;

PAR CES MOTIFS
VU L'ARTICLE 1502 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE,
CONFIRME L'ORDONNANCE D'EXEQUATUR EN DATE DU 3 AOUT 2001 DE LA SENTENCE de la Cour D'ARBITRAGE DU COMMERCE EXTERIEUR DE LA CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE YOUGOSLAVIE RENDUE LE 10 MARS 2000,
CONDAMNE LA SOCIETE CHR HANSEN HOLDING VERSER A M. Slobodan Y ET MME Tanja Y UNE SOMME DE 15.000 € AU TITRE DE L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE,
REJETTE TOUTES AUTRES DEMANDES DES PARTIES,
CONDAMNE LA SOCIETE CHR HANSEN HOLDING AUX DEPENS ET ADMET LA SCP DUBOSCQ PELLERIN AVOUE, AU DROIT PREVU PAR L'ARTICLE 699 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE.

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