TA Marseille, du 19-11-2024, n° 2200868
A84606HS
Référence
Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2022 M. B A doit être regardé comme demandant au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 9 novembre 2021 par laquelle le directeur général de l'assistance publique - hôpitaux de Marseille (AP-HM) a refusé son avancement au grade de technicien supérieur hospitalier 2ème classe ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 29 novembre 2021 ;
2°) de condamner l'AP-HM à lui verser la somme globale de 42 779,64 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) d'enjoindre à titre principal au directeur général de l'AP-HM, de prononcer son avancement à ce grade, de régulariser sa situation juridique et financière et de lui verser la somme de 518,27 euros correspondant à la perte financière au titre de sa retraite du mois de janvier 2022 et, à titre subsidiaire de procéder à un nouvel examen de sa situation et de régulariser sa situation juridique et financière ;
4°) de mettre à la charge de l'AP-HM les frais et dépens de l'instance.
Il soutient que :
- la requête visant à contester la légalité de la décision du 9 novembre 2021 est recevable;
- la décision attaquée est entachée de défaut de motivation ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il remplissait les conditions pour obtenir son avancement ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que ses appréciations pour les années 2017 et 2018 sont excellentes, qu'il n'a jamais fait l'objet de sanction disciplinaire, qu'il a été absent en raison du syndrome dépressif qu'il a développé suite à sa mutation et qu'il devait être le prochain sur la liste d'avancement en tant que 22ème ;
- l'illégalité de la décision attaquée a entrainé un préjudice moral et financier qui doit être réparé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2024, l'AP-HM conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- la demande indemnitaire et les demandes d'annulation des décisions prises en 2019 sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.
Un mémoire enregistré le 8 février 2024 présenté par M. A n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative🏛.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986🏛 ;
- le décret n°2011-661 du 14 juin 2011🏛 ;
- le décret n°2011-744 du 27 juin 2011🏛 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hétier-Noël, rapporteure,
- les conclusions de Mme Lourtet, rapporteure publique,
- et les observations de M. A.
1. M. A, technicien hospitalier depuis le 1er janvier 2012, a exercé ses fonctions au sein des services de l'AP-HM jusqu'au 31 décembre 2021. Par une décision du 9 novembre 2021, le directeur général de l'AP-HM a rejeté sa demande d'avancement au grade de technicien supérieur hospitalier 2ème classe. Il a formé un recours gracieux le 29 novembre 2021 resté sans réponse. M. A doit être regardé comme demandant au tribunal d'une part l'annulation de la décision du 9 novembre 2021 ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux et d'autre part la condamnation de l'AP-HM à réparer les préjudices qu'il a subis du fait de cette illégalité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration🏛 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; 2° Infligent une sanction ; 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ".
3. Il résulte de ces dispositions que la décision de rejet d'avancement de M. A au grade de technicien supérieur hospitalier 2ème grade n'a pas privé celui-ci d'un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir. Cette décision n'entrant dans aucune des catégories de décisions mentionnées à l'article L. 211-2 précité, elle n'avait pas à être motivée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation doit être écarté comme inopérant tout comme celui tiré de l'absence de motivation de l'avis émis sur la demande d'avancement qui n'est exigée par aucun texte législatif et réglementaire.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 69 de la loi du 9 janvier 1986🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière alors en vigueur : " Sauf pour les emplois mentionnés à l'article 3, l'avancement de grade a lieu, selon les proportions définies par les statuts particuliers, suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : 1° Au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement établi par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents. Sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, l'autorité investie du pouvoir de nomination tient compte des lignes directrices de gestion prévues à l'article 26 ; () ". L'article 2 du décret du 27 juin 2011🏛 portant statut particulier du corps des techniciens et techniciens supérieurs hospitaliers dispose que ce corps comporte trois grades, dont le premier est celui de technicien hospitalier et le deuxième celui de technicien supérieur hospitalier de 2ème classe. Aux termes du II de l'article 10 du même décret : " Les conditions d'accès aux grades de technicien supérieur hospitalier de 2e classe et de technicien supérieur hospitalier de 1re classe sont fixées conformément aux dispositions de l'article 25 du décret du 14 juin 2011🏛 susvisé. La condition de détention du grade ou de l'échelon dans le grade considéré s'apprécie au 31 décembre de l'année au titre de laquelle sont organisés et établis les tableaux d'avancement ou les examens professionnels ". Enfin, aux termes de l'article 25 du décret du 14 juin 2011 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de catégorie B de la fonction publique hospitalière : " I. ' Peuvent être promus au deuxième grade de l'un des corps régis par le présent décret : ()/; 2° Par la voie du choix, après inscription sur un tableau d'avancement établi après avis de la commission administrative paritaire, les fonctionnaires justifiant d'au moins un an dans le 8e échelon du premier grade et d'au moins cinq années de services effectifs dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie B ou de même niveau ".
5. Il est constant que le requérant remplissait les conditions statutaires pour pouvoir prétendre à un avancement dans le grade de technicien supérieur hospitalier. Cependant, outre cette condition d'ancienneté, son employeur devait également examiner cette possibilité d'avancement au regard de la valeur professionnelle de l'agent et des acquis de l'expérience professionnelle, des lignes directrices de gestion et de la situation respective des femmes et des hommes dans le corps et le grade concerné. Dans ces conditions, le requérant ne peut pas utilement soutenir que l'avancement au grade supérieur était de droit dès lors qu'il remplissait les seules conditions statutaires d'avancement. Par suite, le moyen tiré de ce que la directrice des ressources humaines de l'AP-HM aurait commis une erreur de droit en émettant un avis défavorable à l'avancement de M. A doit être écarté.
6. En dernier lieu, un fonctionnaire ne peut être inscrit au tableau d'avancement avant un autre agent ayant une valeur professionnelle supérieure à la sienne. L'ancienneté n'entre en ligne de compte qu'à égalité de mérite et ni l'âge, ni la maladie ne peuvent justifier qu'un fonctionnaire soit inscrit au tableau d'avancement avant un collègue ayant soit une valeur professionnelle supérieure à la sienne, soit une valeur égale et une ancienneté supérieure.
7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis défavorable à l'avancement au grade de technicien supérieur hospitalier 2ème classe de M. A, que l'appréciation sur la manière de servir du requérant est mauvaise en ce qui concerne les critères " motivation exprimées pour la fonction ", " rigueur et application dans l'exécution du travail " " sens du travail en commun et esprit d'équipe " et " esprit d'initiative et dynamisme ". Dans la rubrique " observations " il est indiqué que " depuis sa mutation sur le site de la conception, l'agent n'a fourni aucun travail et a été absent sur une grande partie de l'année " avec la précision " agent ayant refusé l'organisation mise en place sur les hôpitaux Sud depuis 2018 ". Si M. A soutient à raison que ses absences ne sauraient lui être reprochées dès lors qu'elles étaient justifiées par sa situation médicale, en l'occurrence un syndrome dépressif résultant selon lui de sa mutation à l'hôpital de la Conception relevant de l'AP-HM, aucune pièce du dossier ne permet d'établir que son employeur se serait fondé exclusivement sur ces absences. La circonstance que ses évaluations pour les années 2016 et 2017 étaient excellentes est sans incidence au vu de la date de la décision attaquée tout comme la circonstance qu'il était inscrit précédemment en 2016 au 22ème rang du tableau d'avancement s'agissant d'un avancement au choix. Enfin, l'absence de sanction disciplinaire n'est pas davantage de nature à remettre en cause l'appréciation sur la manière de servir de M. A par sa hiérarchie. Le requérant, ne justifie par ailleurs pas, ni même n'allègue, que ses mérites auraient été supérieurs à ceux des autres agents inscrits. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, la requête de M. A doit être rejetée dans l'ensemble de ses conclusions.
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et à l'assistance publique-hôpitaux de Marseille.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Simon, présidente,
Mme Hétier-Noël, première conseillère,
Mme Diwo, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
La rapporteure,
signé
C. Hétier-Noël
La présidente,
signé
F. Simon
La greffière,
signé
A. Vidal
La République mande et ordonne au directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Loi, 86-33, 09-01-1986 Article, R611-1, CJA Décret, 2011-744, 27-06-2011 Décret, 2011-661, 14-06-2011 Article, 25, décret, 14-06-2011 Directeur général de l'assistance publique Décision implicite de rejet Défaut de motivation Erreur d'appréciation Sanction disciplinaire Préjudice moral Préjudice financier Personne physique Décision créatrice de droits Forclusion Refus d'un avantage Textes législatifs et réglementaires Dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière Avancement de grade Tableau d'avancement annuel Tableau d'avancement établi Pouvoir d'appréciation Autorité investie du pouvoir de nomination Statut du corps Détention du grade Établissement des tableaux d'avancement Dispositions communes à divers corps de fonctionnaires Échelon du grade Conditions d'ancienneté Valeur professionnelle de l'agent Conditions d'avancement Ligne de compte