COMM.
C.F
COUR DE CASSATION
Audience publique du 4 février 2003
Rejet
M. TRICOT, conseiller doyen faisant fonctions de président
Pourvoi n° E 98-20.038
Arrêt n° 209 F D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. André Z, demeurant Avignon,
en cassation d'un arrêt rendu le 11 juin 1998 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre B), au profit
1°/ de la société Banca commerciale italiana (France), société anonyme, dont le siège est Paris,
2°/ de M. Georges X, demeurant Paris,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 décembre 2002, où étaient présents M. Tricot, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Soury, conseiller référendaire rapporteur, Mme Aubert, conseiller, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Soury, conseiller référendaire, les observations de la SCP Parmentier et Didier, avocat de M. Z, de la SCP Richard et Mandelkern, avocat de la société Banca commerciale italiana, les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à M. Z de ce qu'il s'est désisté de son pourvoi en tant que dirigé contre M. X ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches
Attendu, selon l'arrêt déféré (Nîmes, 11 juin 1998), que la Banque Sudameris France, aux droits de laquelle est venue la société Banca commerciale italiana (la banque), qui entretenait des relations d'affaires avec la société Sofim (la société), exerçant une activité de promotion immobilière, a consenti à cette société des concours financiers à l'occasion de plusieurs opérations immobilières ; que par actes sous seing privés des 15 et 19 octobre 1990, M. Z s'est porté caution solidaire des engagements de la société envers la banque à concurrence respectivement d'une somme de 11 000 000 francs et 300 000 francs ; que la société s'étant montrée défaillante, la banque a assigné la caution en exécution de ses engagements ; que celle-ci a mis en cause la responsabilité de l'établissement de crédit, en lui reprochant de lui avoir fait souscrire des cautionnements en disproportion avec ses capacités financières ;
Attendu que M. Z reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la banque la somme de 8 927 549, 28 francs, outre les intérêts au taux contractuel à compter du 21 mai 1992, alors, selon le moyen
1°) que manque à son obligation de contracter de bonne foi la banque qui fait souscrire à une caution, personne physique, des engagements manifestement disproportionnés à ses revenus et à son patrimoine ; qu'en se fondant, pour juger que M. Z ne pouvait se prévaloir d'une telle faute à l'encontre de la banque, sur la circonstance que la caution avait une parfaite connaissance de l'étendue de son engagement et un intérêt indirect à l'octroi des concours par la banque, la cour d'appel, statuant par des motifs inopérants, a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
2°) que la circonstance que l'épouse de la caution possède la moitié du capital de la société débitrice principale ne caractérise pas un intérêt financier du garant, même indirect, dès lors que les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens ; qu'en se fondant, pour juger que M. Z avait un intérêt financier indirect à l'obtention du cédit consenti par la banque, sur le fait que l'épouse de M. Z était associée à hauteur de 48 % de la société Solinvest, laquelle détenait 98 % des parts de la société débitrice principale, sans rechercher si, comme le soutenait M. Z dans ses conclusions d'appel, la circonstance que les époux Z soient mariés sous le régime de la séparation de biens n'excluait pas l'existence d'un tel intérêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1536 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que M. Z était directeur général de la société quand il a souscrit les cautionnements ; qu'ainsi, dès lors qu'il n'a jamais prétendu que la banque aurait eu sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération immobilière entreprise par la société, des informations que lui-même aurait ignorées, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche inopérante dont fait état la seconde branche, a exactement décidé que la caution n'était pas fondée à invoquer la responsabilité de la banque ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Z à payer à la société Banca commerciale italiana la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille trois.