N° 98MA00682
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M. Georges PEYROT
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M. DARRIEUTORT, Président
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M. CHAVANT, Rapporteur
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M. TROTTIER, Commissaire du Gouvernement
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Arrêt du 10 octobre 2002
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE MARSEILLE
(3ème chambre)
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 27 avril 1998 sous le n° 98MA00682, présentée par M. Georges PEYROT, domicilié 15, avenue de l'Egalité à l'Isle sur la Sorgue (84800) ;
M. PEYROT demande à la Cour :
1°/ d'annuler et de surseoir à l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 16 février 1998 qui a rejeté sa demande tendant à être déchargé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1987 et 1988, et des rappels de TVA qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1989 ;
2°/ de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°/ de condamner l'Etat à lui verser 29.650 F au titre des frais irrépétibles et 83.110 F au titre des honoraires de résultat ;
Classement CNIJ : 19-06-02
19-04-01-02
C+
Il soutient :
- qu'il reprend l'ensemble des moyens développés en première instance ;
- qu'au surplus il n'a pas reçu d'avis de vérification pour les deux premières années vérifiées ; que l'attestation produite par l'administration n'apporte aucun élément sur la preuve de la distribution et sur la qualité du signataire ; que la lettre du chef d'agence du 8 septembre 1993 ne prouve rien en elle-même, celui-ci reconnaissant que les documents en question étaient détruits lorsqu'il a établi le certificat ;
Vu le jugement frappé d'appel ;
Vu le mémoire, présenté par le ministre de l'économie et des finances (DCP) le 28 septembre 1998 ; le ministre demande à la Cour de rejeter la demande de sursis à exécution ;
Il soutient :
- que le comptable public n'a pas l'intention de procéder à la vente de la propriété du requérant, frappée de l'hypothèque légale, tant que celui-ci s'acquittera des acomptes mensuels de 5.000 F qu'il a commencé de verser le 6 juillet 1998 ;
- que l'octroi du sursis conduirait le Trésor à recourir à la procédure de saisie-attribution, plus coûteuse pour le requérant qu'un simple avis à tiers détenteur ;
Vu le mémoire, présenté le 1er février 1999 par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (DRI) ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête ;
Il soutient :
- que l'avis de vérification concernant les années 87 et 88 a bien été distribué le 24 janvier 1990 ;
- que le requérant n'apporte aucun élément pour contrebattre la présomption qui s'attache aux déclarations du chef d'agence de la poste du 28 février 1990 ;
- que le requérant ne conteste pas avoir bénéficié d'un délai suffisant pour faire appel à un conseil ;
- que les allégations selon lesquelles le vérificateur aurait commencé dès le 26 février 1990 les opérations de contrôle de comptabilité ne sont appuyées sur aucune pièce, le vérificateur ayant seulement dressé, ce jour là, un procès-verbal de non-présentation des comptes de l'année 1988 ;
- que l'inscription de la remise de la charte sur le double de l'avis de vérification est conforme aux prescriptions de l'article L.10 du livre des procédures fiscales ;
- que le caractère oral et contradictoire de la procédure a été respecté dès lors que c'est à la demande expresse du contribuable que l'essentiel de la vérification a eu lieu au cabinet du comptable ; qu'en outre, le vérificateur a rencontré M. PEYROT les 2 et 26 février 1990 sur place ;
- que, s'agissant de 1987, contrairement à ce que soutient le requérant, une notification de redressements ne serait pas irrégulière dès lors qu'elle ne comporterait pas l'indication de la procédure suivie ; qu'en l'espèce, le contribuable n'a pas été privé des garanties de la procédure contradictoire, laquelle est, au surplus, visée par la notification complémentaire du 9 juillet 1990 intervenue dans le délai de reprise ;
- que, s'agissant de 1988, la procédure d'office ayant été appliquée pour la détermination des bénéfices industriels et commerciaux à défaut de réponse à la mise en demeure du 7 juin 1989 reçue le 12, la circonstance qu'une seconde mise en demeure remise en mains propres le 26 février 1990, soit irrégulière, ne vicie pas la procédure de redressement du revenu global dès lors que seuls ont été majorés les revenus issus des bénéfices industriels et commerciaux ;
- que les demandes indemnitaires de M. PEYROT sont infondées ;
- qu'il n'y a pas lieu d'accorder un sursis à exécution au bénéfice du requérant ;
Vu le mémoire, présenté par M. PEYROT le 13 avril 1989 et tendant aux mêmes fins que précédemment ; M. PEYROT soutient :
- que l'administration, à défaut de l'avis de réception postal, devrait produire une attestation d'un responsable dûment qualifié de la poste ; que le document produit n'indique pas le grade de l'agent signataire ; que la signature est illisible ; que pour 1987, l'administration n'apporte toujours pas la preuve de la réception de l'avis ;
- que pour 1988, la procédure est, en outre, viciée du fait de la méconnaissance des dispositions de l'article L.48 du livre des procédures fiscales car aucune notification de redressements ne comporte les énonciations visées à cet article ;
- que pour 1989, il n'a bénéficié d'aucun délai raisonnable puisque les opérations ont débuté avant la remise de l'avis de vérification ;
- que le Conseil d'Etat est revenu, dans un arrêt du 8 juillet 1998 n° 159135, sur la jurisprudence "Eglise de scientologie" et considère que la nature de la procédure suivie fait partie des informations minimales dont doivent bénéficier les contribuables ;
Vu le mémoire, présenté par le ministre de l'économie et des finances, le 17 juin 1999 ;
Le ministre soutient :
- que le requérant ne peut se prévaloir de l'arrêt du Conseil d'Etat du 8 juillet 1998 dès lors que la notification complémentaire indiquait bien la procédure suivie et que le requérant n'a été privé d'aucune des garanties prévues par la procédure contradictoire ;
- que les dispositions de l'article L.48 du livre des procédures fiscales ne s'appliquent pas aux contribuables en situation de taxation d'office comme M. PEYROT pour l'année 1988 ;
Vu le mémoire, présenté par M. PEYROT, enregistré le 7 juillet 1999 ;
M. PEYROT soutient :
- que la notification complémentaire ne visait que les pénalités et non les bases d'imposition ;
- que l'article L.48 du livre des procédures fiscales s'applique au niveau de l'impôt sur le revenu et que, c'est à tort, qu'il a été taxé d'office en 1988 puisque les mises en demeure ayant été irrégulières, il aurait dû bénéficier de la procédure contradictoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2002 :
- le rapport de M. CHAVANT, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. TROTTIER, premier conseiller ;
Considérant que M. PEYROT, qui exploite à l'Isle sur la Sorgue un café-hôtel, a fait l'objet en 1990 d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1987 à 1989, ayant conduit à des redressements en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 1987 et 1988, ainsi qu'à des rappels de TVA portant sur la période coïncidant aux années 1987, 1988 et 1989 ; que M. PEYROT conteste ces impositions au motif qu'elles ont été établies à l'issue d'une procédure irrégulière ;
En ce qui concerne les impositions des années 1987 et 1988 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.47 du livre des procédures fiscales : "Un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément sous peine de nullité de la procédure que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix." ;
Considérant qu'il appartient à l'administration, en cas de contestation de la réception de l'avis de vérification susvisé, d'établir que celui-ci a bien été distribué à son destinataire, ou le cas échéant, que ce dernier a bien été régulièrement avisé de la mise en instance d'un pli recommandé le concernant ;
Considérant que, s'agissant des années 1987 et 1988, l'administration soutient que l'avis de vérification a été reçu par M. PEYROT le 24 janvier 1990 ; que cette allégation repose sur une attestation de la poste de l'Isle sur la Sorgue en date du 27 février 1990 ; que, cependant, cette attestation rédigée sur un formulaire prérempli par les services fiscaux, est imprécise tant en ce qui concerne la qualité du signataire, dont la signature est illisible, que des documents au vu desquels ladite attestation a pu être délivrée ; qu'en particulier elle ne vise pas le carnet de distribution des objets recommandés ; qu'il résulte de l'instruction, qu'en 1993, le même service postal indiquait que les documents nécessaires à l'attestation n'étant pas conservés au delà d'un délai de deux ans et que ceux relatifs à la notification du 24 janvier 1990 avaient été détruits ; que, par suite, il n'est pas établi que M. PEYROT a bien reçu l'avis de vérification dont s'agit ; que celui-ci est dès lors fondé à obtenir la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu des années 1987 et 1988 et de la TVA correspondant à la période coïncidant à ces mêmes années, établies selon une procédure irrégulière ;
En ce qui concerne le rappel de TVA pour la période concernant l'année 1989 :
Considérant que si M. PEYROT soutient que la procédure concernant l'année 1989 a été elle aussi irrégulière, au motif que les opérations de vérification de comptabilité auraient commencé avant la remise en main propre de l'avis de vérification, le 26 février 1990, il résulte de l'instruction qu'aucune opération de vérification des comptes de l'exercice 1989 n'a été entreprise avant une date fixée au 6 mars 1990, le vérificateur s'étant limité le 26 février 1990 à dresser un procès-verbal de non-présentation des comptes de l'exercice 1988, période visée par le précédent avis de vérification ; qu'en outre, la circonstance que les documents comptables de l'année 1989 aient été à la disposition de l'administration chez le comptable de M. PEYROT dès le 2 février 1990 - allégation au surplus non établie - ne saurait suffire à faire considérer comme commencée la vérification de comptabilité dont s'agit ;
Considérant, par ailleurs, que le délai dont a bénéficié M. PEYROT pour se faire assister par un conseil n'apparaît pas insuffisant ; que si M. PEYROT soutient qu'il a été privé des garanties d'un débat oral et contradictoire dès lors que la vérification de comptabilité s'est déroulée pour l'essentiel dans les locaux de son comptable, il résulte de l'instruction que c'est à la demande expresse de l'intéressé en date du 2 février 1990 que cette vérification a eu lieu dans les locaux du comptable ; que le requérant, qui a rencontré le vérificateur à deux reprises, ne fait pas état d'un refus quelconque du vérificateur de le rencontrer ou d'une attitude témoignant un refus du débat oral et contradictoire ; que, par suite, les conclusions de M. PEYROT relatives à l'exercice 1989 doivent être rejetées ;
Sur les conclusions relatives au frais irrépétibles :
Considérant que l'article L.761 du code de justice administrative dispose : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. PEYROT tendant à la condamnation de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : M. PEYROT est déchargé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu pour les années 1987 et 1988 et du complément de TVA correspondant à la période coïncidant aux mêmes années.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 16 février 1998 est réformé en tant qu'il rejette les conclusions de M. PEYROT relatives aux impositions des années 1987 et 1988.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. PEYROT et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré à l'issue de l'audience du 26 septembre 2002, où siégeaient :
M. DARRIEUTORT, président de chambre,
M. GUERRIVE, président assesseur,
M. CHAVANT, premier conseiller,
assistés de M. BOISSON, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 10 octobre 2002.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Jean-Pierre DARRIEUTORT Jacques CHAVANT
Le greffier,
Signé
Alain BOISSON
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,