Jurisprudence : Cass. civ. 2, 23-01-2003, n° 01-12.848, FS-P+B, Cassation.

Cass. civ. 2, 23-01-2003, n° 01-12.848, FS-P+B, Cassation.

A7304A4B

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CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 23 janvier 2003
Cassation
M. ANCEL, président
Pourvoi n° M 01-12.848
Arrêt n° 58 FS P+B
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par

1°/ M. Gérard Z,

2°/ Mme Annie Z,
demeurant Alix,
en cassation d'un arrêt rendu le 25 avril 2001 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre), au profit

1°/ de la société Lyon mag, société à responsabilité limitée, dont le siège est Lyon,

2°/ de M. Xavier X, demeurant Lyon,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 décembre 2002, où étaient présents M. W, président, M. V, conseiller rapporteur, MM. Dintilhac, de Givry, Mazars, Bizot, Gomez, conseillers, MM. Trassoudaine, Grignon Dumoulin, Parlos, conseillers référendaires, Mme U, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. V, conseiller, les observations de Me Hemery, avocat des époux Z, de la SCP Thomas-Raquin et Benabent, avocat de la société Lyon mag, les conclusions de M. T, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 et 1382 du Code civil ;
Attendu que les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d'une entreprise industrielle ou commerciale n'entrent pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, dès lors qu'elles ne concernent pas la personne physique ou morale ; que la critique gastronomique est libre et permet la libre appréciation de la qualité ou de la préparation des produits servis dans un restaurant ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, dans son numéro 71 daté de juin 1998, le magazine Lyon mag a publié, dans la rubrique Gastronomie, un article intitulé "La chronique de Xavier Bobenrieth", comportant le passage suivant
"Le Vieux Moulin 7,5/20
À Alix près de Lozanne, ce Vieux Moulin est charmant. C'est une belle bâtisse beaujolaise en pierres dorées située au bord d'une rivière où s'ébattent quelques canards sauvages... L'accueil est souriant et on s'installe sous les platanes de l'immense terrasse. Les prix semblent raisonnables et la carte des vins est honnête. C'est donc en confiance qu'on passe la commande, persuadé qu'ici, en pleine campagne, les produits sont du terroir. Hélas, dès la première assiette, la descente aux Enfers commence. La terrine est bien "maison" ; mais impossible d'en déterminer la composition exacte. C'est insipide et servi avec ces exécrables petits légumes vinaigrés, des "pickles". Ça continue avec des grenouilles congelées, puis une pintade rôtie trop sèche, accompagnée d'une sauce en boîte et d'un gratin dauphinois au goût assez bizarre. Bref, tout cela est immangeable ! Une petite trêve, quand même, avec un chariot de fromages plutôt sympathique. Mais ce n'est que pour mieux assener le coup final avec une Tarte Tatin... congelée !" ;
Qu'en raison de cette mise en cause, M. et Mme Z, exploitants de ce restaurant, ont, par acte d'huissier du 26 août 1998, assigné devant le tribunal de grande instance la SARL Lyon mag, éditrice du journal, et M. X, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, en réparation de leur préjudice ;
Attendu que pour rejeter cette demande sur le fondement des articles 29 et 65 de la loi du 29 juillet 1881, l'arrêt retient que l'action en réparation fondée sur l'article 1382 du Code civil n'est recevable qu'à la condition que les faits invoqués à l'appui de cette action soient distincts de ceux qui constituent les infractions prévues et réprimées par la loi du 29 juillet 1881 ; qu'aux termes de l'article 29 de cette loi, toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la réputation de la personne ou du corps auxquels le fait est imputé est une diffamation ; que, dès lors qu'elle ne concerne pas la personne physique ou morale, l'appréciation, même excessive, touchant les produits ou services d'une entreprise industrielle ou commerciale n'entre pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ; que les critiques portées en l'espèce par M. X sur le restaurant tenu par M. et Mme Z vont au-delà du simple dénigrement des produits ; qu'en effet, en relevant, d'une part, "en confiance on passe la commande persuadé qu'ici, en pleine campagne, les produits sont du terroir" et, d'autre part, "ça continue avec des grenouilles congelées, puis une pintade rôtie trop sèche, accompagnée d'une sauce en boîte... le coup final avec une Tarte Tatin... congelée", l'auteur de l'article laisse entendre que le restaurateur a délibérément cherché à tromper le client ; qu'il s'agit là d'une allégation diffamatoire de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération ; que de tels faits, prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881, ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les propos incriminés relevaient de la critique gastronomique, sans porter atteinte à la réputation des exploitants du restaurant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 avril 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Lyon mag et M. X aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives des époux Z et de la société Lyon mag ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille trois.

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