Jurisprudence : CA Paris, 1ère, C, 03-11-1998, n° 1996/85632

CA Paris, 1ère, C, 03-11-1998, n° 1996/85632

A5961DHA

Référence

CA Paris, 1ère, C, 03-11-1998, n° 1996/85632. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1123546-ca-paris-1ere-c-03111998-n-199685632
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COUR D'APPEL DE PARIS

1ère chambre, section C

ARRET DU 3 NOVEMBRE 1998

Numéro d’inscription au répertoire général : 1996/85632

Pas de jonction

Décision dont appel : Sentence Arbitrale rendue le 28 août 1996

par Monsieur Aa A, désigné par les parties.

Date ordonnance de clôture : 10 Septembre 1998

Nature de la décision : contradictoire

Décision : CONFIRMATION


APPELANTE AU PRINCIPAL - INTIMEE INCIDEMMENT :

La Société Civile Professionnelle KEVORKIAN IET PARTNERS ayant son siège 46 avenue d'Iéna à Paris 16ème.

représentée par la SCP VERDUN-GASTOU, avoué

assistée de Maître GINESTIE, avocat

INTIMEE :

La Société Civile Professionnelle d’AVOCATS ORLANDO ASSOCIES ayant son siège 63 rue de la Boëtie à Paris 8ème.

représentée par la SCP BERNABE-RICARD, avoué

assistée de Maître SALAMA, avocat

INTIME AU PRINCIPAL - APPELANT INCIDEMMENT :

Monsieur B Ab Ac

demeurant … … … … … … …,

représenté par la SCP FANET, avoué

assisté de Maître TARRIDE, avocat




COMPOSITION DE LA COUR

lors des débats et du délibéré

Président Madame COLLOMP

Conseiller : Madame GARBAN

Conseiller Monsieur HASCHER

MINISTERE PUBLIC

Monsieur LAUTRU, Avocat Général qui a été entendu en ses explications

R

lors des débats et du prononcé de Parrêt

Madame Ad

DEBATS : A l'audience publique du 6 octobre 1998

T : Prononcé publiquement par Madame COLLOMP, Président qui a signé Ja minute de l’atrêt avec Madame VERNON, Greffier

Aram 7 C et X Ae qui exerçaient respectivement leur profession d'avocat au sein de la SCP KEVORKIAN & PARTNERS et de la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés ont envisagé en 1991 le rapprochement des deux cabinets

Dans cette perspective, la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés s’est installée dans les locaux de la SCP KEVORKIAN & PARTNERS, avenue d’Iéna à Paris, en février 1993

Toutefois ce partenariat ne s’est jamais autrement concrétisé ; X B a quitté la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés en janvier 1994 tout en continuant d’occuper pendant quelques mois les bureaux de l’avenue d’Jéna ; le 28 septembre 1994, Aram Af C a signifié à X Ae qu’il entendait mettre fin À leurs relations professionnelles ;

Ne parvenant pas à régler amiablement les conséquences financières de cette séparation, Aram Af C a saisi le Bâtonnier de l’ Ordre des Avocats à la Cour de Paris d’une demande d'arbitrage ;

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C’est dans ces conditions qu’une sentence a été rendue Je 28 août 1996 qui a notamment :

- Reçu X B en sa demande d’irrecevabilité ;

- rejeté celle-ci ;

- constaté l’existence au cours des années "1994 et 1995", d’une société créée de fait, ayant pour objet l'exercice en commun de Ja profession d’Avocats entre la SCP KEVORKIAN & PARTNERS et la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés ;

- constaté que la répartition des parts au sein de la dite société est de 60% pour la SCP KEVORKIAN & PARTNERS et 40% pour la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés :

- constaté qu'entre le ler janvier et le 15 octobre 1994, X B a été simple occupant et utilisateur de services à l’adresse de la dite société créée de fait :

- constaté l’inopposabilité à la SCP KEVORKIAN & PARTNERS de la transaction, en date du t4 avril 1995, conclue entre X Ae tant en son nom personnel qu’au nom la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés d’une part, et X B d'autre part ;

- ordonné une expertise comptable pour dresser les comptes entre les parties sur les bases ainsi définies et selon des modalités précisées ;

- dit qu’en cas de condamnation de X B au terme de la procédure, tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’associé de la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés, X Ae et/ou la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés devront se substituer à lui pour effectuer les règlements qui pourraient être ainsi ordonnés ;

La SCP KEVORKIAN & PARTNERS a interjeté appel de cette sentence;

Elle fait d’abord valoir que le compromis d'arbitrage est nui pour vice du consentement, X Ae et X B lui ayant dissimulé avoir uni, dans le cadre de la procédure d'arbitrage, leurs intérêts respectifs de défendeurs aux termes d’une transaction conclue entre eux le 14 avril 1995 ;

Elle soutient que si cette situation lui avait été révélée, elle n’aurait jamais compromis avec deux parties ainsi juridiquement liées et estime avoir été victime de manoeuvres constitutives d’un dol ;

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Elle indique toutefois "ne pas solliciter l’annulation de la sentence sauf si cette annulation apparaissait au cours des débats techniquement utile” et se borner à en demander la réformation ;

De ce deuxième chef, elle soutient que l'arbitre a dénaturé les accords des parties :

1* En considérant à tort que la société avait été constituée entre les seules SCP alors qu’elle l'avait été entre Aram Af C, X Ae et X B, personnes physiques dès lors que :

- ies apports en industrie ne peuvent pas émaner des personnes morales mais seulement de leurs membres respectifs qui sont ainsi personnellement engagés;

- la présence de X B avait été essentielle dans l’esprit de toutes les parties et déterminante ;

- il résuîte de l’application combinée des articles 1873, 1871-1 et 1843-2 du code civil que l’apport en industrie donne à son auteur la qualité d’associé ;

- X Ae et X B avaient eux-mêmes reconnu dans leurs mémoires à l'arbitre que la société avait été créée de fait entre eux et Aram Af C ;

- X B n’avait jamais cessé de se comporter comme un associé de celle-ci et d’en revendiquer la qualité ;

2° En retenant l’existence d’une véritable société d’exercice créée de fait entre les SCP alors qu’ayant seulement convenu du partage des Charges professionnelles sans mise en commun des recettes, les partenaires n’avaient pu constituer qu’une simple société de moyens ayant pour but de faciliter P’exercice de l’activité de chacun sans partage des bénéfices et de la clientèle mais avec contribution aux frais communs et utilisation collective des locaux, du matériel et des juristes, chaque cabinet conservant sa personnalité juridique, sa propre clientèle, son personnel et ses collaborateurs qu’il rémunérait;

3' En estimant que la clé de répartition des charges fixée par la convention du 28 mai 1994 à 40/60 constituait la règle de contribution pour toute la durée de la société alors qu’il ne s'agissait que d’un arrêté de comptes faisant application pour l’année considérée, du principe, rappelé par X Ae dans une correspondance du 29 décembre 1993, d’un partage des charges en fonction du chiffre d’affaires généré ;

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Elle demande donc au principal d’infirmer la sentence, de constater l’existence d’une société de moyens créée de fait non pas entre les SCP mais entre Aram Af C, X Ae et X B, de dire que la volonté des parties a été de répartir les charges en fonction des recettes générées par chacun des partenaires et de condamner la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés à lui payer d’ores et déjà, sur le fondement de notes établies à sa demande par Monsieur Ag Y, la somme de 2.626.841 Francs TTC en ordonnant une mesure d'instruction pour faire les comptes définitifs des années 1993 et 1994 ;

À titre subsidiaire et s’il était jugé que X B s’est retiré de la société de moyens créée de fait en janvier 1994, elle demande, outre la condamnation déjà sollicitée, d’inviter l'expert à reconstituer les recettes de la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés pour l’année 1994 sans tenir compte de celles de X B pour procéder ensuite à la répartition des charges selon les règles arrêtées par la correspondance du 29 décembre 1993 et d'évaluer l’indemnité due par ce dernier pour l’occupation des locaux et l’utilisation du matériel en tenant corapte des engagements souscrits par lui ;

A titre enfin très subsidiaire, elle soutient qu’en tout état de cause, et si la société devait être qualifiée de société d’exercice, le retrait de X B dont la présence avait été déterminante, y à mis fin ; il en déduit qu’il n’y a pas lieu à répartition des charges pour l’année 1994 en l’absence d’associés et demande alors outre la condamnation de la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés au paiement de la somme de 2.626.841 Francs déjà mentionnée, d'une part de limiter la mission de l’expert aux seuls comptes de l’année 1993, d’autre part de condamner X B à lui payer la somme de 60.000 Francs par mois que celui-ci s'était engagé à régler forfaitairement outre les débours facturables et la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés à lui payer aussi une indemnité d’occupation et d'utilisation du matériel à déterminer par l’expert, jusqu'au 19 décembre 1994;

D) sollicite enfin en toute hypothèse la condamnation de X B et de la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés à fui payer une somme de 100.000 Francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile;

La SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés conclut au contraire à la confirmation de la sentence ; elle demande de lui donner acte de ce qu’elle entend se prévaloir des dispositions de l’article 954 dernier alinéa du nouveau code de procédure civile, d’ordonner l’exécution de la sentence du chef de la

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mission d’expertise et réclame l'allocation d’une somme de 50.000 Francs au titre de l’article 700 précité ;

Elle conteste en premier lieu l’existence d’une collusion entre elle et Jean- Louis COCUSSE, fait valoir ensuite que la thèse développée par la SCP KEVORKIAN & PARTNERS selon laquelle il n'aurait existé qu'une simple société de moyens entre les personnes physiques concernées, est contredite par les termes de l’accord conclu le 28 mai 1994 et la volonté qu’y expriment les SCP de partager les profits et non pas seulement répartir les charges ;

X B fait lui aussi observer que la Cour n’est en l’état saisie d’aucun moyen de nullité de la transaction ou de la sentence et demande de confirmer la sentence en ce qu’elle à retenu l’existence d’une société créée de fait entre les SCP KEVORKIAN & PARTNERS et ORLANDO, COCUSSE et Associés ;

Par voie d'appel incident, il sollicite toutefois de la réformer en ce qui concerne le taux de répartition des parts ; il relève en effet :

- que les accords du 29 décembre 1993 et du 28 mai 1994, qui n'ont jamais été portés à sa connaissance lui sont inopposables ;

- que ces accords intervenus à la seule initiative de X Ae alors que lui-même était cogérant et porteur de parts de la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés, sont irréguliers et ne peuvent l’engager ;

- qu’en l’absence de convention régulière, et le montant des apports de chacun n’étant pas déterminable, l'arbitre aurait dû faire application des dispositions de l’article 1871-1 du code civil et admettre que les associés avaient entendu implicitement opté pour un partage par parts égales ;

II demande en conséquence d’émender sur ce point la mission de l’expert, de renvoyer les parties devant l’arbitre après dépôt du rapport, de lui donner acte de ce qu'il maintient sa demande reconventionnelle à l’encontre de la SCP KEVORKIAN & PARTNERS et de condamner celle-ci à lui payer une somme de 50.000 Francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile;

Sur ce la Cour :

Sur l’appel principal :

Considérant qu’en l'état des écritures de la SCP KEVORKIAN & PARTNERS, la Cour n’est saisie d'aucune demande en nullité de la sentence; que les moyens développés de part et d’autre, sur cette question n’ont donc pas lieu d’être examinés ;

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Considérant sur la demande de réformation, que l’appelante fait grief à f’arbitre d’une part d’avoir décidé à tort que la société avait été créée de fait entre les SCP pour l'exercice en commun de la profession avec la volonté de partager entre elles les bénéfices comme les pertes alors qu’il s’était agi seulement d’une société de moyens constituée entre les trois personnes physiques concernées, d’autre part d’avoir étendu à l’année 1994, les règles de répartition résultant de l’accord intervenu le 28 mai 1994 ;

Sur la nature de la société :

Considérant qu’il est constant qu’aucune société n'ayant été régulièrement constituée entre les partenaires, il ne peut y avoir eu en l'espèce qu’une société créée de fait ainsi que l’a retenu l’arbitre ;

Considérant que la société de moyens a pour objet exclusif de faciliter aux personnes physiques ou aux sociétés d'exercice pratiquant des professions libérales, l'exercice de leurs activités respectives qui demeurent indépendantes; que de ce fait elle emporte seulement contribution aux frais communs sans partage des bénéfices ;

Considérant que la société d'exercice, quelle qu’en soit la forme, suppose quant à elle que soient réunis les éléments constitutifs du contrat de société précisés à l’article 1832 du code civil ; qu’elle implique notamment pour être reconnue, la recherche commune d'un bénéfice ou d’une économie et d’une participation convenue aux résultats positifs ainsi que la volonté pour tous de participer à l’activité commune ;

Considérant que les parties n’ayant par définition élaboré aucun écrit, il appartient au juge de rechercher la commune intention des parties à partir notamment de leurs comportements respectifs ;

Considérant qu’en l’espèce, il résulte de l’ensemble des pièces produites (projet de protocole établi à en tête des SCP, projet de statuts d'une nouvelle SCP à constituer entre Aram Af C, X Ae et X B, courrier de Aram Af C à sa banque du 9 mars 1993) qu’indépendamment de sa structure juridique qui n’en était pas arrêtée, c’est bien une fusion des cabinets qui avait été envisagée par les futurs partenaires avec collaboration à plein temps des associés à l’activité collective et mise en commun des recettes et dépenses, ainsi que !e confirment d’ailleurs les termes mêmes de la demande d'arbitrage de la SCP KEVORKIAN & PARTNERS où il est rappelé que l’intention commune des parties avait été de “procéder à la fusion des deux cabinets” ou de rechercher une autre structure compatible avec les règles du Barreau ;

Considérant que cette "fusion" juridique ne s’est finalement pas réalisée ;

Qu'il est constant toutefois que les deux SCP se sont regroupées dans les mêmes locaux ; que la comptabilité et la gestion de production et de

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! facturation de la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés ont été Ï immédiatement transférées sur le système informatique de la SCP KEVORKIAN & PARTNERS (rapport Y) et que Madame Ah ! Z qui supervisait l’ensemble des comptes en 1993 a pu indiquer, ‘ selon ce que rapporte l'arbitre : "les deux partenaires étaient déjà en ; association de fait lors de mes premières interventions" ;

! Considérant qu’il apparaît ainsi que les deux SCP ont, dès le début de l’année ! 1993, mis en commun l’ensemble de leurs moyens d’exercice, leurs : personnels et leurs collaborateurs ;

Considérant que Monsieur Ag Y, chargé par la SCP KEVORKIAN & PARTNERS de préparer l’arrêté de comptes après la rupture, a confirmé lui aussi que les deux SCP avaient, à la même époque réuni "économiquement les activités de leurs cabinets respectifs” ; qu’il a rappelé que si la fusion qui devait se réaliser dans le courant ou au plus tard à la fin de l’année 1993, n’avait finalement pas eu lieu, le projet avait néanmoins été appliqué concrètement, dès avant tout établissement d’un document écrit ;

Considérant encore :

- que lorsqu’il s’est agi, à la fin de l’année 1993, de faire les comptes de l’année écoulée, X Ae a pu, sans susciter aucune i ( protestation, faire état dans un courrier du 29 décembre 1993, de la nécessité de "répartir les profits entre KP et OCAÀ conformément aux critères qui régissent notre association et qui sont le nombre d’heures encaissées par ! chacun des associés et l’origination encaissée par chacun des associés" ;

- qu’aux termes de l’accord du 28 mai 1994, qui est intervenu non pas entre les personnes physiques mais entre "Aram Af C pour la SCP ' C & AG et X Ae pour la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés”, les intéressés ont convenu "d’arrêter les comptes de l'exercice 1993 de leur activité en commun" en tenant compte des "recettes totales engagées au titre de l’année 1993 encaissées au 31 mars : 1994" et des "dépenses totales engagées au titre de 1993", précisant même que i “ce résultat positif est considéré comme une avance par chaque cabinet au

! - que dans sa correspondance du 28 septembre 1994 adressée à X ; Ae pour lui signifier qu’il entendait mettre fin à leurs relations contractuelles, Aram Af C rappelle lui-même que sa décision est | motivée par le comportement de son partenaire qu’il estime "incompatible | avec les relations de confiance qui doivent exister entre associés” ;

| Considérant que l’ensemble de ces éléments démontre que contrairement à ce j que soutient la SCP KEVORKIAN & PARTNERS, ce sont bien les deux SCP | qui ont été associées de la société créée de fait et non les personnes physiques i qu’elles comportaient, et qu'ayant l’une et l’autre effectué des apports (apports

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de l’industrie de leurs membres respectifs, apports en nature des biens nécessaires à la pratique professionnelle), et eu aussi la volonté de collaborer à une activité commune en participant aux "résultats" de l’exploitation, elles n’ont pas seulement constitué une société de moyens ce qu’au demeurant elles n’auraient pas pu faire en tant que personnes morales, mais bien une véritable société d'exercice de la profession d'avocat ;

Qu'’à cet égard, la sentence déférée doit donc être confirmée ;

Sur les conséquences du retrait de X B :

Considérant que la société a été créée de fait entre les deux SCP et non entre les personnes physiques qui les constituaient ; que le retrait de l’une de celle- ci n’a donc pas pu affecter son existence et qu'aucune pièce ne démontre au demeurant, que la présence de X B dans la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés eût été déterminante de l’engagement de la SCP KEVORKIAN & PARTNERS, alors qu’il résulte de l’ensemble des écritures produites que les premiers rapprochements ont été menés à l'initiative de Aram Af C et de X Ae qui se conmmaissaient pour avoir déjà travaillé plusieurs années dans la même structure;

Considérant toutefois qu’il est constant qu’après son retrait de la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés le 31 décembre 1993, X B n’a quitté Jes locaux communs que le 15 octobre 1994;

Que la question peut donc se poser de savoir s’il s’est comporté, pendant cette période intermédiaire comme un associé de la société créée de fait ainsi que le soutient la SCP KEVORKIAN & PARTNERS;

Mais considérant qu’il résulte des propres écritures de la SCP KEVORKIAN & PARTNERS que X B s’est alors borné à utiliser les services communs en s’engageant à régler un forfait mensuel de 60.000 Francs HT ce qui est exclusif de "l’affectio societatis” indispensable à la qualité d’associé ;

Que la sentence doit donc aussi être confirmée en ce qu’elle a constaté que la société créée de fait avait perduré entre les deux SCP, malgré le retrait de X B et qu'entre le 1er et le 15 octobre 1994, ce dernier n'avait pas eu d'autre qualité que celle de simple occupant et d'utilisateur de services ;

Considérant par ailleurs que l’expert a déjà reçu mission "de faire ressortir les créances et les dettes de X B envers la société créée de fait pour la période comprise entre le ler janvier et le 15 octobre 1994", ce qui à l'évidence implique tout à la fois, la reconstitution, si nécessaire, des comptes de la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés en tenant compte du retrait de X B de la dite SCP et la recherche et l’examen

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des engagements pouvant avoir été souscrits, par ce dernier, à l’égard de la société créée de fait ; qu’il n’y a donc pas lieu de la modifier ;

Sur la répartition des parts :

Considérant que de ce chef, la SCP KEVORKIAN & PARTNERS soutient que l'accord intervenu le 28 mai 1994 ne constituait qu’une application plus générale des règles de répartition rappelées par X Ae dans sa correspondance du 29 décembre 1993 ; qu’elle en déduit que la proportion 40/60 retenue pour l’année 1993 en fonction des résultats de celle-ci n’a pas à s'appliquer en 1994 où il convient de partager les charges en fonction du chiffre d’affaires de chacun des associés ;

Mais considérant qu’après avoir procédé à l’arrêté de comptes de l’exercice 1993 en répartissant le résultat à proportion de 40% pour la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés et de 60% pour la SCP KEVORKIAN & PARTNERS, Aram Af C et X Ae agissant chacun pour le compte de leurs SCP respectives, ont clairement convenu le 28 mai 1994 dans un document qu’ils ont signé que "les recettes encaissées depuis le ler avril 1994 sont à allouer à AJK 60% et OCA 40%, et toute dépense commune non révélée à ce jour ou provisionnée excessivement sera supportée dans la même proportion" ;

Considérant que l'arbitre a donc pu à bon droit déduire des termes généraux de cette convention qu’elle fixait les règles de fonctionnement de la société créée de fait pour l’exercice à venir et donc aussi pour 1994 ;

Que de chef, la sentence doit donc aussi être confirmée ;

Et considérant que les "rapports" de Monsieur Ag Y établis "sans contrôle de type comptable” de l’aveu même de l’intéressé ne sont pas contradictoires ; qu’ils sont à l'évidence insuffisants à justifier une condamnation de la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés ou de Jean- Louis COCUSSE, fût-ce à titre provisionnel, ainsi que le sollicite la SCP KEVORKIAN & PARTNERS ;

Qu'il découle de tout ce qui précède que l'appel principal est mal fondé ;

Sur Pappel incident :


Considérant que X B soutient de son côté que X Ae ne pouvait pas engager seul la SCP ORLANDO, COCUSSE et Associés alors que lui-même en était co-gérant et porteur de parts ; qu’il en déduit que les accords des 29 décembre 1993 et 28 mai 1994, souscrits au nom de ia SCP par X Ae agissant seul, ne lui sont pas opposables et qu’à son égard et en l’absence de convention sur la répartition des parts, l'arbitre aurait dû faire application des règles supplétives du code civil ;

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Mais considérant qu’à l’égard des tiers, chaque co-gérant détient séparément les pouvoirs nécessaires pour engager la SCP dans la limite de son objet ; que l’appel incident est donc également mal fondé ;

Considérant que les autres dispositions de la sentence ne sont pas remises en cause devant la Cour et doivent aussi être confirmées, sauf à rectifier l’erreur purement matérielle figurant dans le troisième paragraphe du dispositif de la sentence dans les termes du dispositif du présent arrêt ;

Considérant qu’il n'apparaît pas opportun de faire application en la cause, de l’article 568 du nouveau code de procédure civile en évoquant ; que les parties doivent au contraire être renvoyées À choisir leur expert ou à ressaisir l'arbitre selon la procédure décrite par la sentence ;

Considérant que la SCP KEVORKIAN & PARTNERS qui supportera les dépens d'appel doit aussi être condamnée à payer à la SCP ORLANDO Conseil et ASSOCIES d’une part et à X B d’autre part, une somme de 30.000 Francs pour chacun d’eux sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile au bénéfice duquel elle-même ne peut prétendre ;


PAR CES MOTIFS

Ordonne la rectification de l’erreur matérielle figurant dans le dispositif de la sentence déférée et dit que la mention "Constate l’existence, au cours des années 1995 et 1994, d'une société créée de fait, ayant pour objet l’exercice en commun de la profession d’Avocat….”" sera remplacée par là suivante "Constate l’existence, au cours des années 1993 et 1994, d’une société créée de fait..." ;

Confirme en toutes ses dispositions la sentence ainsi rectifiée ;

Y ajoutant :

Dit n’y avoir lieu d'évoquer et renvoie les parties devant l'arbitre pour la mise en oeuvre de l’expertise ; .

Condamne ia SCP KEVORKIAN & PARTNERS à payer à la SCP ORLANDO Conseil et ASSOCIES, d’une part et à X B d’autre part, une somme de 30.000 Francs à chacun sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Déboute la SCP KEVORKIAN & PARTNERS de la demande qu’elle formule sur le même fondement ;

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La condamne aux dépens d'appel ;

Accorde à la SCP BERNABE RICARD et à la SCP Jean et AH AI le droit prévu à l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

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