COUR D'APPEL E.D
VERSAILLES DE COP IE Extrait de la Gour des d'Appel minutes de de Versailles Greffe
JLG
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Arrêt n° A30 Le ONZE MARS MIL NEUF CENT QUATRE
T1.08:1999" VINGT DIX NEUF
la Cour d'Appel de VERSAILLES, (12me-Chambre, Tère Section , R.G. n°9998/96
a rendu l'arrêt REPUTE CONTRADICTOIRE suivant,
AFFAIRE prononcé en AUDIENCE PUBLIQUE
Sté A Aa
C/ la cause ayant été débattue en AUDIENCE PUBLIQUE
Sté AMCA Chimie
Maître AYACHE le SEPT JANVIER MIL NEUF CENT QUATRE VINGT
DIX NEUF devant :
Monsieur GALLET, Président
Appel d'une ordonnance Monsieur BOILEVIN, Conseiller
de référé rendue le Monsieur RAFFEJEAUD, Conseiller
16.10.1996 par le TC
VERSAILLES assistés de Madame LE GRAND, Greffier
et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la Loi Le président ayant avisé les avocats des parties que l'arrêt serait rendu le 11.02.1999 prorogé au 04.03.1999 et au 11.03.1999
DANS L'AFFAIRE ENTRE
Copie certifiée
conforme
Expédition LA SOCIETE SABIC FRANCE (SA)
exécutoire ayant son siège 20 place de Seine, Tour Neptune,
délivrée le,: 92400 COURBEVOIE
15 MAR. 1999 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
a domiciliés en cette qualité audit siège
- SCP Jullien Lecharny APPELANTE AU PRINCIPAL ET INTIMEE INCIDENTE
Rol
- Maître BINOCHE - CONCLUANT par Maître BINOCHE, avoué près la Cour d'Appel de
l7/05/89 aux PLAIDANT par Maître GRAVEREAUX, avocat au Barreau de PARIS
ET
LA SOCIETE AMCA CHIMIE ET PLASTIQUES HOLDING ci-après dénommée "ACP HOLDING" (SA)
ayant son siège 20 place de Seine, Tour Neptune,
92400 COURBEVOIE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
INTIMEE AU PRINCIPAL ET APPELANTE INCIDENTE
CONCLUANT par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES
PLAIDANT par Maître HADENGUE, avocat au Barreau de VERSAILLES
MAITRE AYACHE
ès qualités de représentant des créanciers et de liquidateur de, la société AMCA Chimie et Plastiques Holding
demeurant … … … … … … MANDE
ASSIGNE EN INTERVENTION FORCEE
La cour se trouve saisie de l'appel interjeté par la société SABIC
FRANCE à l'encontre de l’ordonnance de référé rendue le 16 octobre 1996
par le président du tribunal de commerce de VERSAILLES qui, statuant sur
la demande de la société AMCA CHIMIE ET PLASTIQUES HOLDING
tendant à voir ordonner une expertise portant sur des opérations de gestion
de la société défenderesse, sur le fondement de l’article 226 de la loi du 24
juillet 1966, s’est déclaré compétent, et a fait droit à la demande en
commettant un expert avec mission d'examiner certaines opérations définies
dans le dispositif de la décision.
Pour statuer ainsi, le président du tribunal de commerce a considéré
qu’il convenait de se placer au jour de la délivrance de l’assignation pour
apprécier si le demandeur avait qualité pour exercer son action, et que, à cette date, la société AMCA CHIMIE ET PLASTIQUES HOLDING
remplissait les conditions posées par le texte, quant à l'importance de sa
participation au capital social. Sur le fond, il a considéré que la société
demanderesse fournissait des indications et présomptions suffisantes sur
plusieurs opérations de gestion pour qu’il puisse les considérer comme
suspectes ou contraires aux intérêts de la société.
Par conclusions signifiées le 18 avril 1997, la société SABIC
FRANCE, appelante, invoque l'irrecevabilité de la demande présentée par
ta société AMCA CHIMIE ET PLASTIQUES HOLDING en faisant valoir que
celle-ci ne remplissait plus les conditions légales quant à la détention du
pourcentage minimum du capital social puisqu'elle ne détenait plus que
3,71 % du capital après une augmentation dudit. capital intervenue le 16
juillet 1996, la circonstance que cette situation soit postérieure à
l’assignation étant sans incidence sur l’irrecevabilité qui en découle. À titre
subsidiaire, elle soutient que les conditions légales, d’interprétation
restrictive, n’étaient pas réunies dès lors que les opérations de gestion
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incriminées n’étaient pas déterminées et n'étaient, en tout cas, pas
affectées d’une présomption d'irrégularité. Elle développe, pour chacun des
postes retenus dans l'ordonnance entreprise, l’absence de motif à ordonner
une mesure d'expertise. Elle demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance de Mr le Président du Tribunal de Commerce
de VERSAILLES en date du 16.10.1996 en sa totalité,
- constater que la société ACP Holding ne détenant pas au moins
1/10 du capital social de la société SABIC FRANCE au jour où
l'ordonnance en date du 16.10.1996 a été rendue, la société ACP Holding
était irrecevable en sa demande de désignation d'un expert ;
En conséquence, infirmer l'ordonnance de Mr le Président du Tribunal de
Commerce de VERSAILLES en date du 16.10.1996, en ce qu'il a déclaré
l'action de la société ACP Holding recevable ; ‘
- dire et juger que la société ACP Holding ne détenant à ce jour plus
aucune action dans le capital social de la société SABIC FRANCE, il y a
lieu, en tout état de cause, de rapporter la nomination de l'expert ;
Subsidiairement,
Vu l'article 226, alinéa 1er de la loi n°66-537 du 24 juillet 1966 sur les
sociétés commerciales,
- constater que la demande d'expertise de gestion de la société ACP
Holding ne se rapporte à aucune "opération de gestion”,
- constater que la demande d'expertise de gestion de la société ACP
Holding ne se rapporte à aucune “opération de gestion déterminée”,
- constater que la demande d'expertise de gestion de la société ACP
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Holding ne se rapporte à aucune "opération de gestion déterminée affectée
d'une présomption d'irrégualrité" ;
- constater que la demande de la société ACP Holding a notamment
pour but de remettre en cause la gestion en général de la société SABIC
FRANCE ;
- - constater que la société ACP Holding a toujours été directement et
étroitement liée à la gestion quotidienne de la société SABIC FRANCE et
avait les moyens d'obtenir directement tous les renseignements sans
recourir à expertise ;
En conséquence, infirmer l'ordonnance de Mr le Président du Tribunal de
Commerce de Versailles en date du 16.10.1996, en ce qu'il a ordonné une
expertise de gestion ;
Plus subsidiairement,
- constater qu'il n'y a lieu à expertise, les griefs formés par la société
ACP Holding n'étant à l'évidence pas fondés,
En conséquence, infirmer l'ordonnance de Mr le Président du Tribunal de
Commerce de Versailles en date du 16.10.1996, en ce qu'il a ordonné une
expertise de gestion ;
En tout état de cause,
- condamner la société ACP Holding à payer à la société SABIC
FRANCE la somme de 500.000 F de dommages-intérêts pour procédure
abusive et vexatoire,
- condamner la société ACP Holding à payer à la société SABIC
FRANCE la somme de 120.000 F en vertu de l'article 700 du code de
procédure civile pour l'avoir contraint à exposer des frais irrépétibles pour
la défense légitime de ses droits ;
- condamner ACP Holding en tous les dépens, dont recouvrement
par Maître BINOCHE, avoué, par application de l'article 699 du code de
procédure civile.
Par conclusions signifiées le 15 avril 1998, la société AMCA CHIMIE
ET PLASTIQUES HOLDING expose que l’expert a déposé son rapport, et
qu’elle ne détient plus d'actions de la société SABIC FRANCE, seul son
ancien président directeur général restant propriétaire d’une seule action.
Elle conteste l’exception d’irrecevabilité en faisant valoir qu’il convient de se
situer à la date de l'introduction de l'instance. Elle ajoute que les conditions
de fond étaient réunies pour obtenir la mesure sollicitée. Elle critique la
décision entreprise en ce qu’elle a mis les frais d'expertise à sa charge
alors qu’il convenait de les faire supporter par la société SABIC FRANCE.
Elle demande à la cour de :
- déclarer mal fondé l'appel interjeté par SABIC FRANCE à l'encontre
de l'ordonnance du 16.10.1996,
- confirmer en conséquence l'ordonnance sus-énoncée sauf en ce
qu'elle a mis à la charge de la société ACP Holding les frais d'expertise,
- condamner la société SABIC FRANCE à payer la somme de 50.000
F au titre de l'article 700 du N.C.P.C.,
- la condamner aux entiers dépens de première.instance y compris
les frais d'expertise pour un montant de 130.000 F et les frais d'appel dont
le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP JULLIEN
LECHARNY ROL, société fitulaire d'un office d'avoués, conformément aux
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dispositions de l'article 699 du N.C.P.C.
Par conclusions signifiées le 15 juin 1998, la société SABIC FRANCE
soutient que la qualité pour agir est une condition autonome, dont le
demandeur à l'expertise de minorité doit justifier au moment de
l'introduction de l'instance et qu'il doit conserver au moment où le juge doit
statuer et pendant l’exécution de l’ordonnance. Elle ajoute que le droit d’agir
s'éteint lorsque le demandeur perd la qualité qui lui a conféré le droit d'agir.
Par acte d’huissier en date du 18 septembre 1998, la société SABIC
FRANCE a assigné Maître AYACHE, es-qualités de représentant des
créanciers et de liquidateur de la société AMCA CHIMIE ET PLASTIQUES
HOLDING. Celui-ci n’a pas repris l’instance ni constitué avoué.
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la
mise en état en date du 17 novembre 1998, et l'affaire a été évoquée à
l’audience du 7 janvier 1999.
SUR CE, LA COUR
Considérant que l’article 226 de la loi du 24 juillet 1966 dispose que
“un ou plusieurs actionnaires représentant au moins le dixième du capital
social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque
forme que ce soit, demander en justice la désignation d'un ou plusieurs
experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de
gestion” ;
que, s’il est exact que ce texte réserve l'action à un ou plusieurs
actionnaires détenant au moins 10 % du capital social, il faut et il suffit que
cette condition soit remplie au moment de l'introduction de la demande en
justice ; qu’en effet, outre la lettre même du texte, la nature de cette action
qui correspond à l’exercice d’un droit à la protection et à l'information
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reconnu au titre et dans le cadre du contrôle de la gestion sociale et
dépassant l'intérêt particulier de celui qui agit, comme lillustre le droit à agir
donné au Ministère public et au comité d'entreprise, commande cette
interprétation ; qu’ainsi, les aléas de la répartition du capital social,
postérieurs à l'assignation, dont, au demeurant, on peut craindre qu'ils
puissent être inspirés par la volonté des actionnaires majoritaires de faire
échec à la demande, sont sans incidence sur la recevabilité et la validité de
l'instance régulièrement introduite, non plus que sur l’exécution de la
mesure d'expertise ordonnée ;
qu’en l'espèce, il est constant et non contesté que {a société AMCA
CHIMIE ET PLASTIQUES HOLDING détenait 13 % du capital social de la
société SABIC FRANCE au moment de l’assignation en référé délivrée, à
sa requête, le 30 avril 1996 ;
qu'il s'ensuit que, même si la part du capital social détenue par la
société demanderesse a été ultérieurement ramenée à 3,71 % par suite
d’une augmentation de capital réalisée le 16 juillet 1996 et se trouve
maintenant limitée à une seule action par suite de la vente forcée de 2.599
de ses 2.600 actions, il y a lieu de rejeter l'exception d’irrecevabilité
soulevée, à ce titre, par la société SABIC FRANCE ;
Considérant que l’acte introductif d'instance énonce précisément les
opérations de gestion sur lesquelles la société AMCA CHIMIE ET
PLASTIQUES HOLDING a demandé une expertise, à savoir le taux de
rémunération de la vente des produits du Groupe SABIC par la société
SABIC FRANCE, les conditions de facturation de ces mêmes produits au
regard des engagements pris lors de la prise de contrôle du Groupe SABIC,
l'absence de rémunération des charges administratives induites pour la
société SABIC FRANCE, la gestion de fait du Groupe SABIC, et les
conséquences sur les actionnaires minoritaires ;
que, par l'ordonnance entreprise, le président du tribunal de commerce a pertinemment limité la mesure d'expertise aux trois premiers
points ainsi qu’à la détermination des éventuels préjudices subis par la
société A.C.P. HOLDING ;
que, contrairement à ce que soutient la société appelante, les trois
points retenus concernent effectivement des opérations déterminées de
gestion et non pas les conditions générales de gestion de la société SABIC
FRANCE ;
que, s'agissant du taux de rémunération de la vente des produits du
Groupe SABIC par la société SABIC FRANCE, ce point concerne le
pourcentage des commissions perçues par la seconde, pour lequel, d’une
part, les comptes-rendus du conseil d'administration mentionnent que “la
rétribution de SABIC FRANCE ne serait pas en ligne avec les règles du marché” et serait inférieure à ce qui se pratique habituellement, et d’autre
part, la procédure d'alerte a fait apparaître que “la marge brute pour
l’activité SABIC est trop faible par rapport à la marge brute de l'activité non
SABIC et en comparaison avec les taux de commissions pratiquées en
Europe en matière de commercialisation et de distribution de produits
chimiques et pétrochimiques” ;
que, s'agissant des conditions de facturations des mêmes produits
au regard des engagements pris lors de la prise de contrôle du Groupe
SABIC, ce point concerne notamment, selon les mentions du procès-verbal
du conseil d'administration du 21 mars 1996, l’absence de facturation des
plastiques livrés en FRANCE et le défaut de vente de méthanol, pour
lesquels l'actionnaire minoritaire déplore, sans être contredite, des manque
à gagner pour la société SABIC FRANCE ;
que, s'agissant de l'absence de rémunération des charges
administratives, ce point concerne les surcoûts induits pour la société
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SABIC FRANCE qui ne font l'objet d'aucun dédommagement, alors qu’il est
fait état, dans le compte-rendu du conseil d'administration du 6 octobre 1995 d’une augmentation des coûts administratifs qui représentent
désormais 46 % des coûts globaux de la société SABIC FRANCE au lieu
des 20 à 30 % pour les années précédentes ;
qu’ainsi, la demande d’expertise a un objet précis et déterminé, et
porte exclusivement sur trois aspects des relations entre la société SABIC
FRANCE et le Groupe SABIC, pour lesquels les décisions apparaissent
favoriser excessivement le second au détriment de la première au point
d'entraîner des déséquilibres financiers et une perte de substance
importante et de menacer l’existence même de l’entreprise, ainsi que l’a mis
en évidence la procédure d’alerte déclenchée par le commissaire aux
comptes ;
que la nature et les résultats dommageables de ces décisions, qui
relèvent des organes de direction, démontrent qu'elles revêtent un caractère
pour le moins contestable, voire suspect, et contraire à l'intérêt social ;
que la société SABIC FRANCE ne peut utilement soutenir que la
société A.C.P. HOLDING était étroitement associée à la gestion et pouvait
se procurertous les renseignements qu’elle souhaitait, notamment en raison
du fait que les actionnaires de celle-ci était les salariés de celle-là et que
le président de la seconde était administrateur délégué avec pouvoirs de
direction générale au sein de la première, dès lors que, d’une part, ces
affirmations ne sont pas étayées par des éléments d'appréciation probants
quant à la participation prétendument étroite à la gestion, et, d'autre part,
l'expertise de gestion, dont le prononcé n’implique pas l'épuisement de tous
les autres moyens d’information légaux ou statutaires, n’a aucun caractère
subsidiaire et vise, en tout cas, à une information complète, objective et
mieux éclairée ;
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qu’il convient, en conséquence, de confirmerl’ordonnance entreprise;
Considérant que les développements qui précèdent conduisent à
faire supporter la charge de la mesure d’expertise par la société SABIC
FRANCE ; qu’ils privent également de fondement la demande de
dommages et intérêts pour procédure abusive, formée par celle-ci ;
“ Considérant que l'équité commande que la société A.C.P. HOLDING
n’ait pas à assumer l'intégralité des frais irrépétibles qu’elle a exposés, et
que la cour est en mesure d'évaluer à 30.000,00 frs ;
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
- déclare recevables l’appel principal formé par la société SABIC
FRANCE, et l’appel incident formé par la société AMCA CHIMIE ET
PLASTIQUES HOLDING, à l'encontre de l’ordonnance de référé rendue, le
16 octobre 1996, par le président du tribunal de commerce de
VERSAILLES,
- confirme l’ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a mis la
mesure d'expertise à la charge de la société A.C.P. HOLDING,
- condamne la société SABIC FRANCE à payer à la société AMCA
CHIMIE ET PLASTIQUES HOLDING, représentée par son mandataire
liquidateur, la somme de 30.000,00 frs (trente mille francs) en application
de l'article 700 du NCPC,
- condamne la société SABIC FRANCE aux entiers dépens, y
compris les frais d'expertise, qui, en ce qui concerne les dépens d'appel,
pourront être recouvrés par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL,
11
conformément à l’article 699 du NCPC,
- déboute les parties de leurs autres conclusions contraires ou plus
amples.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :
LE GREFFIER PRESIDENT
M. LE GRAND ; -L GALLET
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