Jurisprudence : Cass. soc., Conclusions, 23-10-2024, n° 23-17.460

Cass. soc., Conclusions, 23-10-2024, n° 23-17.460

A98896BU

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2024:SO01098

Identifiant Legifrance : JURITEXT000050442928

Référence

Cass. soc., Conclusions, 23-10-2024, n° 23-17.460. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/112300749-cass-soc-conclusions-23102024-n-2317460
Copier

Abstract

Il résulte des articles L. 2222-4, L. 2222-5 et L. 2222-6 du code du travail qu'un accord collectif à durée déterminée peut prévoir qu'il sera reconduit par tacite reconduction, sauf dénonciation de l'accord produisant ses effets au terme de celui-ci, sous la condition de respecter le délai de préavis fixé par l'accord avant l'expiration du terme. Selon l'article 641, alinéa 2, du code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. Selon l'article 642 du même code, tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. Selon l'article 668 du code de procédure civile, la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition, et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre. Se trouve légalement justifié le jugement qui constate qu'un accord est entré en vigueur le 7 juin 2019 et qu'il a été dénoncé par lettre du 3 mars 2023, ce dont il résulte que l'accord, dont la dénonciation a été adressée dans le respect du délai conventionnel de préavis de trois mois avant l'expiration du terme, a cessé de produire ses effets le 7 juin 2023

AVIS DE Mme LAULOM, AVOCATE GÉNÉRALE

Arrêt n° 1098 du 23 octobre 2024 (B) – Chambre sociale Pourvoi n° 23-17.460⚖️ Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Rouen du 9 juin 2023 M. [U] [T] C/ la société Loheac _________________

1. Rappel des faits et de la procédure : Le 22 février 2019, l'UES Loheac a signé, avec les organisations syndicales CFDT et FO, un accord sur la mise en place du comité social et économique. Selon l'article 10.2 de cet accord : “Le présent accord est conclu pour une durée déterminée de quatre ans et entrera en vigueur le jour de la proclamation définitive des résultats des élections au CSE de 2019. Il cessera de produire tout effet au terme des mandats, et au plus tard en juin 2023 et sera reconduit par tacite reconduction si l'accord n'est pas révisé ou dénoncé”. L'accord est entré en vigueur le 7 juin 2019. Par courrier en date du 3 mars 2023, reçu le 7 mars par l'organisation syndicale, l'UES Loheac a dénoncé l'accord de mise en place du CSE de 2019. Le 6 mars 2023, la direction a adressé au personnel une note indiquant que la date prévue pour le premier tour de scrutin des élections des membres du CSE de l'UES Loheac était fixée au 2 juin 2023.

1

Par requête du 4 avril 2023, le syndicat CFDT et un salarié ont saisi le tribunal judiciaire de Rouen. Ils lui demandent notamment de juger que l'accord a été renouvelé par tacite reconduction pour la période du 7 juin 2023 au 6 juin 2027, compte tenu de la dénonciation tardive de l'accord, le 7 mars 2023. Par jugement du 9 juin 2023, le tribunal judiciaire de Rouen a retenu que l'accord est un accord à durée déterminée et, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 2261-19 du code du travail🏛, seul un accord à durée indéterminée peut être dénoncé par les parties, l'accord à durée déterminée pouvant seulement faire l'objet d'une révision. “Dans la mesure où la procédure de dénonciation n'est pas applicable, les modalités de renouvellement de l'accord, prévues à l'article 10.2 et 10.3 de l'accord, sont de manière subséquente entachées d'irrégularité”. Il en résulte que l'accord entré en vigueur le 7 juin 2019 a cessé de produire ses effets au terme du délai de 4 ans, le 7 juin 2023, au regard des dispositions de l'article 641 du code de procédure civile🏛. Le moyen soutient qu'un accord collectif de travail conclu pour une durée déterminée peut fixer les modalités de sa tacite reconduction sauf dénonciation et fixer les modalités de cette dénonciation et il reproche également au jugement de ne pas avoir respecté la computation des délais prévus par l'article 641 du code de procédure civile.

2. Discussion : La loi n°2016-1088 du 8 août 2016🏛 a entendu dynamiser la négociation collective et favoriser l'adaptation des accords collectifs. Parmi les mesures adoptées à cette fin, la loi a privilégié la conclusion des accords et conventions collectifs à durée déterminée. Alors qu'auparavant, à défaut de clause spécifique, la convention collective était réputée conclue pour une durée indéterminée désormais, selon l'article L. 2222-4 du code du travail🏛, “à défaut de stipulation de la convention ou de l'accord sur sa durée, celle-ci est fixée à cinq ans”. Alors qu'avant la loi de 2016, il était prévu que sauf stipulations contraires, la convention ou l'accord collectif déterminée arrivant à expiration continuait à produire ses effets comme une convention ou un accord à durée déterminée, désormais “lorsque la convention ou l'accord arrive à expiration, la convention ou l'accord cesse de produire ses effets”. Cette disposition est supplétive et les parties peuvent librement décider de la durée de la convention (supérieure ou inférieure à 5 ans) ou décider de conclure une convention ou un accord à durée indéterminée. La différence essentielle entre les deux types de convention est que la convention à durée indéterminée peut être dénoncée à tout moment, sous réserve de respecter un préavis, alors que la convention à durée déterminée peut seulement être révisée mais non dénoncée avant l'arrivée de son terme1. A l'arrivée du terme, elle cesse de produire ses effets. En revanche, lorsque la convention ou l'accord sont à durée indéterminée, le législateur a précisé les effets de la dénonciation (article L. 2261-9 du code du travail🏛).

1

G. Dumortier, G. Loiseau, P. Lokiec, L. Pécaut Rivolier, Droit de la négociation collective, Dalloz action, 2ème éd. 2024/2025, §411.12 et suivants. Voir également, S. Nadal, Rép. Trav. Conventions et accords collectifs de travail, mis à jour 2021, n°181. A. Mazeaud, “Dynamique des conventions et accords collectifs à durée déterminée”, Dr. Soc. 2016, p. 508. J. Barthélémy, “Durée des accords d'entreprise”, Les Cahiers du DRH, 2017, 243.

2

Qu'ils soient à durée déterminée ou indéterminée, la convention ou l'accord doivent en principe prévoir les formes selon lesquelles, et le délai au terme duquel, ils pourront être renouvelés ou révisés (article L. 2222-5 du code du travail🏛) Si donc la rupture unilatérale anticipée d'une convention collective à durée déterminée n'est pas possible, l'accord ou la convention peuvent être assortis d'une clause de reconduction ou d'une clause de renouvellement tacite. Dans cette dernière hypothèse, cette clause oblige la partie souhaitant empêcher la poursuite des effets du texte conventionnel à prendre une initiative. Il devra alors dénoncer la convention en respectant le délai de préavis fixé afin qu'à son échéance la convention ne soit pas renouvelée. L'accord collectif ici en cause comprenait une telle clause. Contrairement à ce qu'a soutenu le tribunal judiciaire, un accord collectif à durée déterminée peut prévoir qu'il sera reconduit par tacite reconduction, sauf dénonciation de l'accord produisant ses effets au terme de celui-ci, sous la condition de respecter un délai de préavis. Or, en l'espèce, contrairement à ce qui était soutenu, ce délai de préavis a bien été respecté. Il ressort, en effet, de l'article 641, alinéa 2 du code de procédure civile, que “lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. A défaut d'un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois”. En l'espèce, l'accord a été conclu pour une durée de 4 ans et il est entré en vigueur le 7 juin 2019. C'est donc le 7 juin 2023 que l'accord cessait de produire ses effets et non le 6 juin comme il était soutenu. En vertu de l'article 668 du code de procédure civile🏛, “sous réserve de l'article 647-1, la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre”. Le tribunal a constaté que le courrier de dénonciation est daté du 3 mars et qu'il a été reçu le 7 mars. La dénonciation est donc bien intervenue avant l'expiration du terme. Je rejoins donc la proposition du rapporteur de rejeter le moyen par substitution au motif critiqué d'un motif de pur droit relevé d'office, tiré de ce qu'un accord collectif à durée déterminée peut prévoir qu'il sera reconduit par tacite reconduction, sauf dénonciation de l'accord produisant ses effets au terme de celui-ci, sous la condition de respecter un délai de préavis avant l'expiration du terme et de ce que, selon l'article 668 du code de procédure civile, la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition, et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre. AVIS DE REJET

3

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus