Jurisprudence : CJCE, 12-12-2002, aff. C-385/00, F. W. L. de Groot c/ Staatssecretaris van Financiën

CJCE, 12-12-2002, aff. C-385/00, F. W. L. de Groot c/ Staatssecretaris van Financiën

A3723A4N

Référence

CJCE, 12-12-2002, aff. C-385/00, F. W. L. de Groot c/ Staatssecretaris van Financiën. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1120746-cjce-12122002-aff-c38500-f-w-l-de-groot-c-staatssecretaris-van-financien
Copier

Abstract

Le principe de libre circulation des travailleurs s'oppose à une réglementation qui, tendant à éviter les doubles impositions, permet qu'un contribuable perde, pour le calcul de ses impôts sur le revenu dans l'État de résidence, une partie du bénéfice de la quotité du revenu exonérée d'impôt et de ses avantages fiscaux personnels, en raison du fait qu'il a également perçu, pendant l'année considérée, des rémunérations dans un autre État membre qui y ont été imposées sans que soit prise en compte sa situation personnelle et familiale.


c/
Staatssecretaris van Financiën



ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)


12 décembre 2002 (1)


"Libre circulation des travailleurs - Convention fiscale - Réglementation néerlandaise de prévention de la double imposition"


Dans l'affaire C-385/00,


ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre


F. W. L. de Groot


et


Staatssecretaris van Financiën,


une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) et 7 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2),


LA COUR (cinquième chambre),


composée de M. M. Wathelet (rapporteur), président de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, D. A. O. Edward, P. Jann et A. Rosas, juges,


avocat général: M. P. Léger,


greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur,


considérant les observations écrites présentées:


- pour le gouvernement néerlandais, par M. V. J. M. Koningsberger, en qualité d'agent,


- pour le gouvernement belge, par Mme C. Pochet, en qualité d'agent,


- pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing et Mme B. Muttelsee-Schön, en qualité d'agents,


- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme H. Michard et M. H. M. H. Speyart, en qualité d'agents,


vu le rapport d'audience,


ayant entendu les observations orales de M. de Groot, représenté par Me R. van der Jagt, advocaat, du gouvernement néerlandais, représenté par Mme H. G. Sevenster, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par Mme H. Michard et M. H. M. H. Speyart, à l'audience du 18 avril 2002,


ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 juin 2002,


rend le présent


Arrêt


1.


Par ordonnance du 18 octobre 2000, parvenue à la Cour le 20 octobre suivant, le Hoge Raad der Nederlanden a posé, en application de l'article 234 CE, deux questionspréjudicielles relatives à l'interprétation des articles 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) et 7 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2).


2.


Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant M. de Groot, ressortissant néerlandais qui a exercé une activité professionnelle dans différents États membres, au Staatssecretaris van Financiën à propos du calcul des impôts sur le revenu auxquels il a été assujetti dans son État de résidence au titre de l'année 1994.


Le cadre juridique


La réglementation communautaire


3.


Aux termes de l'article 48, paragraphes 1 et 2, du traité, "[l]a libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté [...]" et "[e]lle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail".


4.


L'article 7, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1612/68 dispose:


"1. Le travailleur ressortissant d'un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes les conditions d'emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s'il est tombé en chômage.


2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux."


Les autres dispositions de droit applicables au litige au principal


Le droit conventionnel


5.


Le royaume des Pays-Bas a conclu respectivement avec la République fédérale d'Allemagne, la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord des conventions bilatérales tendant à éviter les doubles impositions (ci-après les "conventions bilatérales"), selon un modèle de convention établi par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).


6.


Ces conventions sont les suivantes:


- la convention entre le royaume des Pays-Bas et la République fédérale d'Allemagne tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts surle revenu et sur la fortune ainsi que de divers autres impôts et réglant d'autres questions en matière fiscale, signée à La Haye le 16 juin 1959 (Tractatenblad 1959, 85), telle que modifiée ultérieurement (Tractatenblad 1960, 107; 1980, 61 et 200; 1991, 95; 1992, 14, et 1994, 81) (ci-après la "convention avec l'Allemagne");


- la convention entre le royaume des Pays-Bas et la République française tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Paris le 16 mars 1973 (Tractatenblad 1973, 83), telle que modifiée ultérieurement (Tractatenblad 1974, 41) (ci-après la "convention avec la France"), et


- la convention entre le royaume des Pays-Bas et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et de gains en capital, signée à La Haye le 17 novembre 1980 (Tractatenblad 1980, 205), telle que modifiée ultérieurement (Tractatenblad 1981, 54 et 108; 1983, 128; 1989, 128, et 1991, 12 à 14) (ci-après la "convention avec le Royaume-Uni").


7.


En vertu de l'article 15, paragraphe 1, de la convention avec le Royaume-Uni, la rémunération obtenue par un résident des Pays-Bas au titre d'un contrat de travail est imposée au Royaume-Uni lorsque l'activité concernée est exercée dans cet État membre.


8.


L'article 22, paragraphe 2, sous b), de la même convention impose notamment au royaume des Pays-Bas d'exonérer, pour éviter la double imposition, les éléments du revenu qui peuvent être imposés au Royaume-Uni, en accordant une réduction de l'impôt néerlandais calculée conformément aux dispositions de la législation nationale relative à la prévention de la double imposition.


9.


De la même manière, les conventions avec l'Allemagne et la France prévoient, respectivement en leurs articles 10 et 15, que les revenus non acquis dans l'État de résidence sont imposés à la source dans l'État d'emploi. Par conséquent, les revenus acquis et déjà imposés en Allemagne et en France sont exonérés de l'impôt sur le revenu aux Pays-Bas afin d'éviter la double imposition.


10.


En outre, dans les conventions avec l'Allemagne (article 20, paragraphe 3) et la France (article 24, partie A, point 2), la réduction visant à éviter la double imposition des revenus perçus par un résident néerlandais au titre de contrats de travail exécutés dans ces États membres est effectuée selon des modalités qui, quant au résultat, correspondent à celles prévues dans la convention avec le Royaume-Uni.


11.


Contrairement à la convention avec le Royaume-Uni, qui fait explicitement référence aux règles unilatérales néerlandaises de prévention de la double imposition et renvoie expressément à la législation nationale pour calculer la réduction de l'impôt, les conventions avec l'Allemagne et la France ne comprennent pas un tel renvoi etprévoient directement l'application de la fraction de proportionnalité pour calculer la réduction de l'impôt aux Pays-Bas. Cette fraction, qui sera exposée en détail au point 18 du présent arrêt, est égale au quotient dont le numérateur est le revenu brut étranger et le dénominateur, le revenu brut mondial.


12.


En outre, il convient de préciser que, dans ses relations bilatérales avec la République fédérale d'Allemagne (article 20, paragraphe 3, de la convention avec l'Allemagne), la République française (article 24, partie A, point 1, de la convention avec la France) ou le Royaume-Uni [article 22, paragraphe 2, sous a) et b), de la convention avec le Royaume-Uni], le royaume des Pays-Bas applique la méthode d'exonération (ou d'exemption) avec réserve de progressivité, qui est exposée à l'article 23 A, paragraphes 1 et 3, du modèle de convention de l'OCDE.


13.


Ainsi, lorsque les contribuables néerlandais résidant aux Pays-Bas perçoivent des revenus dans un ou plusieurs de ces autres États membres, le royaume des Pays-Bas s'abstient de prélever l'impôt sur les revenus qui ont été imposés dans ce ou ces autres États membres, mais il conserve le droit de tenir compte de ces revenus exemptés pour fixer le taux de cet impôt en appliquant la clause de progressivité.


Le droit national


14.


Aux Pays-Bas, l'imposition directe des personnes physiques était régie à la date des faits au principal par la Wet op de inkomstenbelasting (loi relative à l'impôt sur le revenu), du 16 décembre 1964 (Staatsblad 1964, n° 519, ci-après la "loi relative à l'impôt sur le revenu"), telle que modifiée en dernier lieu par la loi du 24 décembre 1993 (Staatsblad 1993, n° 760), ainsi que par la Wet op de loonbelasting (loi relative à l'impôt sur les traitements, salaires et pensions), du 18 décembre 1964 (Staatsblad 1964, n° 521).


15.


Par ailleurs, les règles nationales de prévention de la double imposition figuraient à l'époque des faits au principal dans le Besluit voorkoming dubbele belasting 1989 (arrêté relatif aux règles de prévention de la double imposition), du 21 décembre 1989 (Staatsblad 1989, n° 594), entré en vigueur le 1er janvier 1990, dans sa rédaction résultant de l'arrêté royal du 23 décembre 1994 (Staatsblad 1994, n° 964, ci-après l'"arrêté de 1989"), entré en vigueur le 1er janvier 1995.


Règles et modalités de prévention de la double imposition


16.


L'article 2, paragraphe 2, point b, de l'arrêté de 1989 dispose que le revenu brut obtenu à l'étranger se compose de la somme totale des revenus bruts perçus par le contribuable à l'étranger, à savoir


"les rémunérations qui ne sont pas à considérer comme un bénéfice tiré d'une entreprise étrangère, [...] provenant:


1. du travail, pour autant que ces rémunérations sont perçues en raison de l'activité qui est ou a été exercée dans le cadre d'un contrat de travail sur le territoire d'un autre État".


17.


À la date des faits au principal, l'article 3 de l'arrêté de 1989 disposait:


"1. L'exonération est appliquée en accordant une réduction du montant de l'impôt sur le revenu qui serait dû [selon la loi relative à l'impôt sur le revenu] en l'absence d'application [d'une convention visant à éviter la double imposition] et à concurrence de ce montant. Cette réduction est égale au montant qui se situe, par rapport à l'impôt qui serait dû [selon la loi relative à l'impôt sur le revenu], dans la même proportion que le revenu brut étranger par rapport au revenu brut, compte tenu des réductions et majorations prévues au Chapitre II, sections 5A, 5B, 5C et 7, de cette loi et déduction faite des pertes à compenser en vertu du Chapitre IV de cette loi [...]".


18.


Il en ressort que, pour calculer la réduction du montant de l'impôt sur le revenu effectuée afin d'éviter la double imposition, l'impôt sur le revenu global est multiplié par la "fraction de proportionnalité". Cette fraction comporte, au numérateur, le revenu brut étranger et, au dénominateur, le revenu brut mondial.


19.


Il y a lieu de préciser que l'arrêté de 1989 contient, en principe, les règles qui sont appliquées par les autorités fiscales du royaume des Pays-Bas en l'absence de convention bilatérale. Toutefois, les règles qu'il édicte trouvent application dans l'affaire au principal dans la mesure où, d'une part, la convention avec le Royaume-Uni dispose que l'exonération accordée par lesdites autorités pour éviter la double imposition doit être calculée conformément aux dispositions de la législation néerlandaise visant à éviter la double imposition, à savoir l'arrêté de 1989 qui prévoit la fraction de proportionnalité, et où, d'autre part, les conventions avec l'Allemagne et la France prévoient également l'application de la fraction de proportionnalité dans les relations bilatérales avec le royaume des Pays-Bas.


Calcul de l'impôt


20.


Dans le cas d'un contribuable résidant aux Pays-Bas, l'impôt dû en vertu de la loi relative à l'impôt sur le revenu est calculé comme suit.


21.


Lorsque, comme M. de Groot, le contribuable résident perçoit des revenus pour partie aux Pays-Bas et pour partie dans un autre État membre, l'impôt est d'abord calculé, selon le barème progressif de droit commun, sur la base des revenus d'ensemble, lesquels incluent les revenus exemptés de source étrangère, dont sont déduites, d'une part, les sommes versées au titre des obligations alimentaires et, d'autre part, la quotité desdits revenus exonérée d'impôt à laquelle la situation personnelle et familiale du contribuable lui donne droit.


22.


De ce montant théorique est soustrait le montant de l'exonération à accorder au titre des revenus perçus et imposés dans les différents États d'emploi.


23.


Pour calculer l'exonération à laquelle peut prétendre le contribuable concerné, l'impôt sur le revenu global est multiplié par la fraction de proportionnalité.


24.


Les sommes versées par le contribuable au titre de ses obligations alimentaires de même que la quotité du revenu exonérée d'impôt, qui sont prises en compte pour le calcul de l'impôt sur le revenu global, ne sont pas déduites du revenu brut mondial figurant au dénominateur de la fraction de proportionnalité.


25.


Aux termes de l'exposé des motifs de l'arrêté du 7 novembre 1991, modifiant l'arrêté de 1989:


"Cette formule a été choisie pour tenir compte de certains abattements qui, de l'avis du législateur néerlandais, influent certes sur la capacité contributive, mais ne sont pas attribuables à certaines sources de revenus situées soit aux Pays-Bas, soit à l'étranger. Comme ces abattements ne sont pas liés à des sources précises, on peut considérer que ces dépenses doivent être couvertes par l'ensemble du revenu. En prenant dans la fraction de proportionnalité le revenu brut comme dénominateur et en multipliant par cette fraction le montant total de l'impôt dû en l'absence d'application du présent arrêté, on fait en sorte que ces dépenses pèsent proportionnellement sur la partie étrangère et sur la partie imposable aux Pays-Bas du revenu (ce qu'il est convenu d'appeler la répartition)."

Agir sur cette sélection :

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.