Jurisprudence : CA Versailles, 12e, 2, 30-03-2000, n° 98/08348

CA Versailles, 12e, 2, 30-03-2000, n° 98/08348

A3957ATQ

Référence

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COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
POURVOI ) 0 c)u,, t I
E.D.
rt2èTrie chambre_section 2
F.A./D.R.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS






LE TRENTE MARS DEUX MILLE
La cour d'appel de VERSAILLES, 12ème chambre section 2 a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique La cause ayant été débattue à l'audience publique
Le DIX SEPT FÉVRIER DEUX MILLE
DEVANT Monsieur ..., Président
chargé du rapport, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile,
assisté de Mme M. ..., greffier,
ARRÊT N° 'fl DU 30 MARS 2000
R.G. N° 98/08348 AFFAIRE
- M. Jean-Pierre Z
CI
- M. Abdelaziz Y
Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle-ci étant composée de
Monsieur ..., Président, Madame ..., Conseiller Monsieur ..., Conseiller
et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi,
DANS L'AFFAIRE

ENTRE
- Monsieur Jean-Pierre Z demeurant SAINT GRATIEN
APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE, 2ème chambre, en date du 18 Septembre 1998.
Expédition exécutoire CONCLUANT par la SCP LAMBERT/DEBRAY/CHEMIN, Avoués près la
Copie conforme Cour d'Appel de VERSAILLES
délivrées le 3 AVR. 200 PLAIDANT par Maître ... substituant Maître POFI-MARIANI, à Avocat au Barreau de PARIS SCP LAMBERT/DEBRAY/CHEMIN
SCP KEIME/GUTTIN
`D V''-
L3H(2.0c0
~p\Ç Ni
ET
- Monsieur Abdelaziz Y demeurant ENGHIEN.
INTIMÉ & APPELANT INCIDEMMENT
CONCLUANT par la SCP KEIME/GUTTIN, Avoués près la Cour d'Appel de
VERSAILLES
AYANT POUR AVOCAT Maître ..., du Barreau de PONTOISE

FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte sous seing privé en date du 06 septembre 1997, Monsieur Z a consenti à la société SAN PAOLO, représentée par son gérant Monsieur Y, un bail portant sur des locaux à usage commercial dépendant d'un immeuble situé à EAUBONNE (95).
Suivant acte en date du 18 novembre 1997, Monsieur Z a fait délivrer à la SARL SAN PAOLO un cômmandement, visant la clause résolutoire, de payer un arriéré de loyers et de charges, afférent aux mois d'octobre et de novembre 1997, d'un montant total en principal de 9.058 francs.
La société locataire n'ayant pas satisfait dans le délai imparti à ce commandement, le bailleur a fait procéder, le 20 novembre 1997, à une saisie conservatoire et, à la suite de cette saisie, la société SAN PAOLO s'est acquittée le 20 décembre 1997 de l'arriéré, tout en sollicitant une modification du bail initial.
Le 27 décembre 1997, un nouveau bail afférent aux locaux susvisés a été conclu, aux mêmes conditions et dates d'effet que le précédant, mais entre Monsieur Z et Monsieur Y, agissant en son nom personnel.
Suivant acte en date du 13 mars 1998, Monsieur Z a introduit une action en référé à l'encontre de Monsieur Y et de la société SAN PAOLO pour voir constater l'acquisition de la clause résolutoire, suite au commandement du 18 novembre 1997 auquel il n'a pas été satisfait dans le délai imparti.
Cette instance a été radiée le l'avril 1997, compte-tenu du fait que, par acte du 04 mars 1997, Monsieur Y avait introduit à l'encontre de Monsieur Z une action au fond tendant principalement à obtenir la mise en conformité des locaux loués, la suspension des loyers et le paiement de la somme de 200.000 francs à titre de dommages et intérêts.
Sur cette assignation au fond, Monsieur Z a formé une demande reconventionnelle pour obtenir le rejet des prétentions adverses, la condamnation de Monsieur Y au paiement des arriérés de loyers, l'expulsion de l'intéressé, la fixation d'une indemnité d'occupation et des dommages et intérêts.

Par jugement en date du 18 septembre 1998 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE a statué dans les termes ci-après
- "ordonne la mise en conformité du local sis au à EAUBONNE (95) au regard des prescriptions sanitaires départementales, et ce, conformément au règlement de copropriété de l'immeuble ;
- dit que Monsieur Abdelaziz Y est dispensé du paiement de ses loyers jusqu'à ce que soit constatée la possibilité pour le preneur d'utiliser les lieux loués conformément aux stipulations du bail ;
- condamne Monsieur Jean-Pierre Z à payer à Monsieur Abdelaziz Y ia somme de 50.000 francs à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement jusqu'au parfait règlement ;
- condamne Monsieur Jean-Pierre Z à payer à Monsieur Abdelaziz Y la somme de 5.000 francs par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- déboute Monsieur Jean-Pierre Z de sa réclamation au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
- ordonne l'exécution provisoire du jugement ;
- condamne Monsieur Jean-Pierre Z aux dépens ;
- déboute Monsieur Abdelaziz TRABELSl du surplus de ses réclamations ;
Appelant de cette décision, Monsieur Z fait grief au premier juge d'avoir mal apprécié les éléments de la cause et les règles de droit qui leur sont applicables.
Il soutient tout d'abord que l'action engagée à son encontre par Monsieur Y est irrecevable dès lors que, d'une part, Monsieur Y a obtenu une dispense de paiement du premier loyer et un avantage financier sur les suivants à charge pour lui d'effectuer toutes les démarches nécessaires à l'exploitation de son commerce et que, d'autre part, des commerces identiques étaient déjà exploités dans les locaux en litige et ce sans la moindre opposition de la copropriété ou de l'autorité administrative, ce qui montre que les locaux étaient conformes à leur destination.
Subsidiairement, et pour le cas où l'exception d'irrecevabilité susévoquée serait écartée, il fait valoir que Monsieur Y ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que les locaux donnés à bail ne seraient pas conformes à l'utilisation convenue. A cet égard, il expose que l'autorisation du syndic de la copropriété n'était nullement nécessaire à l'exploitation d'un commerce de restaurant envisagé et que Monsieur Y ne se serait vu opposer aucune interdiction d'exploiter par l'autorité administrative. Il en veut pour preuve encore le fait que des commerces de nature identique ont pu être exploités précédemment malgré l'absence d'un système d'évacuation (V.M.C.) indépendant. Il estime, dans ces conditions, que c'est à tort que le Tribunal a retenu un défaut de conformité des locaux loués et il sollicite le rejet des prétentions adverses. Reprenant sa demande reconventionnelle initiale et se prévalant de la mauvaise foi du locataire


qui n'avait selon lui, ni la volonté ni les moyens financiers, d'exploiter, il sollicite "l'acquisition de la clause résolutoire" insérée au bail pour défaut de paiement des loyers et en raison d'autres manquements tels que la justification d'une assurance contre les risques locatifs. Il sollicite également l'expulsion de Monsieur Y des locaux loués, sa condamnation au paiement de la somme de 176.634,90 francs représentant l'arriéré locatif arrêté au mois de février 2000, la fixation d'une indemnité d'occupation mensuelle à hauteur de 6.050 francs par mois. Il réclame enfin à Monsieur Y la somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts complémentaires ainsi qu'une indemnité de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Monsieur Y réfute point par point l'argumentation adverse et conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, sauf à voir porter à 100.000 francs les dommages et intérêts qui lui ont été alloués pour l'impossibilité d'exploiter.
Il réclame également une indemnité complémentaire de 10.000 francs en couverture des frais qu'il a été contraint d'exposer devant la Cour.

MOTIFS DE LA DÉCISION
* Sur la prétendue irrecevabilité des demandes formées par Monsieur Y
Considérant que le bailleur est tenu, en vertu de l'obligation de délivrance qui lui incombe, de mettre à la disposition du preneur des locaux conformes à l'usage prévu par la convention ; que cette obligation est de l'essence même du contrat de bail ; que toute stipulation contraire serait dépourvue d'effet ;
considérant que Monsieur Z soutient que Monsieur Y aurait bénéficié d'une remise du premier terme de loyer et d'une réduction des loyers suivants, à la condition que le locataire effectue lui même toutes les démarches nécessaires à l'ouverture et à l'exploitation du restaurant de cuisine italienne prévu à la destination contractuelle ; qu'il en tire pour conséquence que Monsieur Y est irrecevable à se plaindre d'un défaut de conformité des locaux ;
mais considérant que cet accord verbal, dont Monsieur Y ne nie pas la réalité, ne saurait pour autant dispenser le bailleur de son obligation de délivrance conforme à la destination contractuelle ; qu'en effet, et même si le preneur s'est engagé à faire toutes les démarches nécessaires à l'ouverture et à l'exploitation du restaurant, encore faut-il que ces demandes puissent aboutir, sans quoi la convention liant les parties serait privée de cause ; que le bailleur ne peut donc se prétendre exonéré de son obligation de délivrance en vertu de l'accord verbal intervenu dont il méconnaît la portée et, pour ce faire, invoquer la jurisprudence applicable à l'obligation de délivrance de la chose en bon état de réparations qui n'est pas de l'essence même du contrat, contrairement à l'obligation de délivrer une chose conforme à sa destination contractuelle, et que les parties peuvent, de convention expresse, écarter ; que le premier moyen d'irrecevabilité invoqué sera rejeté ;
considérant que, de même, le bailleur ne peut se prévaloir utilement, pour voir déclarer irrecevables les prétentions de Monsieur Y, du fait que un locataire précédent aurait exercé une activité de traiteur dans les lieux loués de 1992 à 1995 sans opposition de la copropriété ou de l'autorité administrative et que, pendant les deux années suivantes, un autre locataire aurait exploité, dans les mêmes conditions, un commerce de crêperie ; qu'en effet, outre que ces deux activités ne relèvent pas d'une activité de restauration proprement dite, cet état de fait ne saurait pour autant exonérer le bailleur de son obligation de délivrance conforme à la destination contractuelle envisagée dans le bail en litige ;
* Sur la prétendue absence de non conformité
Considérant que Monsieur Z soutient ensuite que Monsieur Y ne démontrerait pas que les locaux loués ne seraient pas conformes à l'utilisation convenue ; qu'à cet égard, il fait tout d'abord valoir que l'autorisation du Syndic de la Copropriété n'avait pas à être sollicitée pour exercer une activité de restauration ;
considérant que, si effectivement l'ouverture d'un commerce de restauration n'est pas soumise à autorisation de la copropriété, il n'en reste pas moins que le règlement de copropriété prévoit que (chapitre II - article II paragraphe A)
"Les activités professionnelles ne pourront être exercées dans les locaux à usage d'habitation que dans le cadre des dispositions du présent règlement et sous réserve du respect du caractère et de la destination de l'immeuble"
(Que) les propriétaires intéressées doivent obtenir au préalable les autorisations administratives nécessaires et seront seuls responsables de l'utilisation par eux faite de leurs locaux vis à vis des administrations ainsi que des conséquences de tous ordres pouvant en résulter vis à vis des autres copropriétaires..."
qu'il ne saurait être, dans ces conditions, reproché à Monsieur Y d'avoir, par lettre du 23 octobre 1997, interrogé le syndic de la copropriété, le Cabinet FONCIA LACOMBE, sur le point de savoir si l'ouverture d'un restaurant italien était compatible avec la réglementation édictée par la copropriété, norme supérieure s'imposant tant au bailleur qu'au preneur, laquelle fait de surcroît référence expresse à l'obligation d'obtenir au préalable les autorisations administratives nécessaires ;
or considérant que le Cabinet FONCIA LACOMBE, après des études techniques, a mis en garde Monsieur Y sur la non conformité des locaux pour le commerce envisagé, notamment en raison de l'absence d'extracteur de fumée, et d'un conduit V.M.C. indépendant ; que cette non conformité des locaux ne peut être contestée dans la mesure où l'autorité administrative (cf. courrier du 22 avril 1998 du maire d'EAUBONNE) rappelle que "l'extracteur de fumée doit être indépendant du conduit d'évacuation de l'immeuble..." ; qu'il suit de là que la non conformité des locaux alléguée par le locataire à la destination contractuelle est suffisamment établie en l'espèce, étant observé que le fait que la réalisation de ces travaux ait été autorisée ultérieurement par l'autorité administrative ne dispense pas le bailleur, débiteur de l'obligation de délivrance, de les exécuter afin de rendre le local compatible avec sa destination contractuelle, exécution qui n'est à ce jour nullement justifiée ; que dans ces conditions c'est à bon droit que le premier juge a tiré toutes conséquences des constatations qui précèdent en retenant que Monsieur Y s'est trouvé, en raison des manquements du bailleur à ses obligations contractuelles, dans l'impossibilité d'exploiter un commerce de restauration italienne et que cette situation était de nature à exonérer le locataire du paiement des loyers jusqu'à la mise en conformité des locaux ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef, étant observé que le bailleur ne peut utilement, eu égard à cette situation, se prévaloir du commandement délivré à la SARL SAN PAOLO et non opposable en tant que tel à Monsieur Y pris à titre personnel, ou imputer à ce dernier un manquement à ses obligations de locataire, notamment pour non paiement des loyers ;
considérant que, pour ce qui le concerne, Monsieur Y dispensé en l'état de toute charge locative, ne justifie pas que la somme de 50.000 francs qui lui a été alloué à titre de dommages et intérêts serait insuffisante à réparer le préjudice par lui subi pour l'absence de mise en conformité des locaux ; que l'appel incident qu'il forme de ce chef sera rejeté et le jugement déféré encore confirmé sur ce point ;
considérant en revanche qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Y les frais qu'il a été contraint d'exposer devant la Cour ; que Monsieur Z sera condamné à lui payer une indemnité complémentaire de 8.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée au même titre par le premier juge ;
considérant enfin que Monsieur Z, qui succombe, supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
- DIT recevable l'appel principal interjeté par Monsieur Z ainsi que l'appel incident formé par Monsieur Y ;
- MAIS DÉCLARE ces appels mal fondés ;
- CONFIRME en conséquence en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Y ajoutant,
- CONDAMNE Monsieur Z à payer à Monsieur Y une indemnité complémentaire de 8.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée au même titre par le premier juge ;
- CONDAMNE également Monsieur Z aux entiers dépens et AUTORISE la SCP d'Avoués KEIME & GUTTIN à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
ARRÊT PRONONCÉ PAR MONSIEUR ..., PRÉSIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRÊT
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. T. ... F.
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